Extrait de l’introduction de l’ouvrage collectif, Histoire et subjectivation, sous la direction d’Augustin Giovannoni et Jacques Guilhaumou, avec des textes de Hourya Benthouami, Augustin Giovannoni, Sophie Guérard de Latour, Jacques Guilhaumou, Laurence Kaufmann, Jérôme Maucourant, Enmmanuel Renault, Krysztof Skuka, Olivier Voirol, de Paris, Kimé, 2008.
La notion de subjectivation semble être, à première vue, particulièrement vulnérable à la critique en raison de son manque apparent de clarté et de distinction, voire de sa surdétermination. Mais du fait des acquis des sciences sociales, des théories de l’action ainsi que de la philosophie du langage et de l’esprit, c’est désormais l’une des plus bouleversées et il n’est plus possible, aujourd’hui, de penser la question dans les termes des vieux dualismes : l’explication causale ou l’intelligibilité rationnelle, le sujet ou l’individu, l’histoire individuelle ou l’histoire collective. Il n'est donc pas étonnant que cette notion épouse les enjeux épistémologiques et méthodologiques abordés par les historiens, les philosophes et les sociologues contemporains.
On notera d’abord la promotion progressive de ces nouveaux « objets » dont les recherches actuelles font grand cas et qui renouvellent profondément les rapports entre macro- ou microhistoire. Les concepts de singularité, de témoignage interne, d’individuation, de récit de soi, de reconnaissance, de visibilité élargissent la sphère de l’enquête historique et définissent de nouveaux lieux d’intelligibilité, par exemple au sein des espaces de marginalité et de subalternité, grâce à la médiation de la figure du porte-parole. Qui plus est, au titre d’une approche généalogique de la relation de l’individu à la société, l’histoire des savoirs et des concepts accorde à ces objets une part de plus en plus importante dans ses descriptions discursives.
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