Par Nathalie Alzas, docteur en histoire

A la fin octobre 2018, un mouvement social, dit des « gilets jaunes », apparait et, pendant de nombreuses semaines, les médias, les hommes politiques, les sociologues, se penchent sur un phénomène inattendu, qui parait insaisissable, tant il différerait des mobilisations sociales habituelles. Pourtant, des discours sur l’événement reprennent des stéréotypes classiques. Tandis que le ministre de l’Intérieur évoque, selon une reductio ad hitlerum bien rodée, la menace d’une « peste brune », propagée par des « factieux », d’autres semblent s’effrayer devant les risques d’une « insurrection », voire d’une « révolution ». Le retour en force de références liées à la décennie 1789-1799 ne manque pas, en effet, d’interroger, comme si la France, depuis plus de deux siècles, sacrifiait au même jeu de rôle, entre ceux qui s’emparent, à nouveau, de slogans ou d’images issus de la Révolution et ceux qui paraissent frissonner à l’évocation d’une nouvelle Terreur… Il n’est pas de notre propos ici d’étudier un mouvement dont seul le temps dira s’il est un événement important ou pas dans l’histoire contemporaine du pays. Nous ne nous prononcerons pas non plus un jugement sur l’épineuse question du classement politique des intervenants principaux. Certes, un observateur attentif peut discerner, selon les lieux et les slogans tenus des engagements plutôt à l’extrême gauche ou droite, mais il semblerait que la majorité des manifestants soit un mélange composite de petites classes moyennes précarisées, avec, pour certains, une première entrée dans l’action politique. Ce mouvement parait surtout inédit par le lieu où il s’inscrit, un nulle part symbolique jusqu’alors de la France provinciale, périurbaine et rurale, le rond-point.

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