Fraternité et Révolution française : parent pauvre ou mot dans la bouche de tout le monde ?

Par Cesare Vetter et Elisabetta Gon, Université de Trieste

A la fin du texte, les auteurs proposent les concordances complètes des mots qui font partie de la famille lexicale de « fraternité» chez Hébert, Marat, Saint-Just et Robespierre.

La « fraternité » recouvre-t-elle un rôle de « parent pauvre » dans le lexique de la Révolution, comme l'affirme Mona Ozouf (1) et comme l'a unanimement et longtemps soutenu l'historiographie révolutionnaire ? À la lumière de nouveaux potentiels de recherche provenant de la numérisation des sources et du déploiement des instruments de la linguistique computationnelle, la réponse doit être reconsidérée : en partie oui, en partie non (2). Le nombre d'occurrences est modeste, non seulement par rapport aux deux autres mots de la devise républicaine (« liberté, égalité, fraternité») (3), mais aussi par rapport à la plupart des mots à forte teneur sociopolitique de la période révolutionnaire. Modeste mais non négligeable (4). Les études sur les corpora numérisés de la période révolutionnaire dont les chercheurs disposent, nous disent que « fraternité » n'est pas parmi les « mots qui sont dans la bouche de tout le monde» (5), cependant sa présence est significative tant en termes de fréquence absolue que de fréquence relative dans le discours public de la Révolution. Les évidences lexicométriques dont nous disposons en ce moment sont provisoires et pourraient changer suite à l'acquisition de nouveaux corpora numérisés. Elles semblent toutefois indiquer plutôt qu’un parent pauvre, un parent modeste, mais digne.

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