Le vote des femmes pendant la Revolution française
Par Dominique Godineau, CERHIO UMR 6258 Université de Rennes II
On sait que la Révolution française refusa les droits politiques aux femmes. Pourquoi la démocratie naissante exclut elle ainsi les femmes ? Question fondamentale (et immense !)... mais qui n'est pas celle qui nous préoccupera directement ici (1). Il me semble en effet intéressant, dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur l'articulation entre femmes et démocratie en France, d'examiner plus en détail le suffrage féminin pendant la Révolution. Intéressant parce que, sans posséder le droit, des femmes ont pourtant voté pendant la Révolution. Gestes souvent oubliés qui méritent attention : quels sens donner à ces votes ? Ne redéfiniraient ils pas un rapport autre à la citoyenneté ? Et c'est là le second intérêt de l'étude : le droit de vote est, de nos jours, considéré comme le droit politique par excellence, le référent de la citoyenneté, mais en était il de même à une date où la démocratie était en train de se construire, à une date où les notions, les définitions étaient par conséquent moins figées ? Autrement dit, examiner la lutte des femmes pour leur reconnaissance politique, pour leur inclusion dans la démocratie naissante, à travers la seule réclamation du droit de suffrage, n'est ce pas faire fausse route, ou tout au moins amputer notre compréhension du passé ?
Je voudrais ici tenter d'apporter des éléments de réponse à ces questions en présentant différents aspects du vote féminin et de sa réclamation pendant la Révolution. Mais, avant de commencer, il est nécessaire pour mon propos de souligner que l'on peut aborder la question du suffrage sous plusieurs angles. Le vote peut d'abord être considéré comme un moyen d'expression
destiné à faire entendre sa voix, et donc exister dans l'espace public, s'y inscrire. Il est aussi un pouvoir décisionnel
permettant de participer au choix de la politique de son pays en élisant ses représentants, ou en répondant à des référendums : en émettant son vœu, selon l'étymologie même du mot. Enfin il peut être appréhendé comme un droit
: attribut de la citoyenneté, symbole de la souveraineté, il marque I'appartenance au peuple souverain.
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