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Bonnet de 
la liberté

Révolution Française

De peuple à prolétaire(s) : Antoine Vidal, porte-parole des ouvriers dans L’Echo de la Fabrique en 1831-1832   Mots

par Jacques Guilhaumou, UMR "Triangle", ENS-LSH Lyon

L’ Écho de la Fabrique, premier journal ouvrier publié par les canuts lyonnais, est disponible sur le Web, avec la possibilité d'en explorer le vocabulaire de manière systématique, à l'initiative d'une équipe de chercheurs lyonnais de l'ENS-LSH dirigée par Ludovic Frobert, et en collaboration avec Mark Olsen et l'ARTLF de l'Université de Chicago. Il s'agit présentement de faire une analyse, sur la base de contextes, de concordances et de cooccurrences, du trajet discursif parcouru en 1832-1833 par son premier rédacteur, Antoine Vidal. Ce trajet thématique nous mène du désignant peuple, hérité de la Révolution française, au désignant prolétaire(s) en passant par travailleur(s), industriels, classe ouvrière, classe prolétaire, etc. Antoine Vidal apparaît ainsi, à travers une telle matérialité linguistique et son fonctionnement propre, comme l’un des premiers porte-parole de la classe ouvrière dans la manière même dont il configure une parole autonome, et permet ainsi d’en mesurer les effets pratiques en terme d’émancipation.

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Directoire, triumvirat et despote   Mots

Les débats bachelotiques autour de la “gouvernance” des hôpitaux sont au moins d’un grand intérêt sémantique ; trois mots y reviennent comme une litanie : directoire, triumvirat et despote. Notons d’abord que Sarkozy a parlé de “despote absolu”, et qu’il aurait pu faire l’économie de l’adjectif (en ces temps d’économies budgétaires) car le despotisme implique l’absoluité.

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« Contre-révolution », « guerre civile », « lutte entre deux classes » : Montlosier (1755-1838), penseur du conflit politique moderne   Mots

Par Marie-France Piguet, Centre Alexandre Koyré, CNRS

Resté célèbre pour sa lutte contre l’influence politique des Jésuites et du courant ultramontain, suite à la publication en 1826 de son Mémoire à consulter, le comte de Montlosier s’est fait connaître au début du 19ème siècle en renouant avec les problématiques du 18ème siècle qui ont traité de l’histoire de la monarchie et en les renouvelant. Il a fourni des arguments historiques aux polémiques politiques de la Restauration et exprimé très tôt dans le siècle qu’un conflit interne à une nation pouvait être à la source de transformations et de bouleversements politiques durant les « temps modernes ». Dans ce contexte, il a joué un rôle pionnier dans l’émergence de la notion de lutte de classes, donnant même dès 1821 une des premières attestations connues de l’expression sous une forme non encore lexicalisée, « une lutte entre deux classes ». Pendant la Révolution, il a siégé à l’Assemblée constituante comme député de la noblesse d’Auvergne, avant d’émigrer à la fin de son mandat en septembre 1791. Il a traité de la guerre civile pour en déplorer l’absence au cours de la période révolutionnaire, et soutenu cette position originale à plusieurs reprises, principalement dans des brochures de circonstance, puis plus ponctuellement dans ses ouvrages postérieurs. Cette étude cherche à explorer les relations entre « guerre civile » et « lutte entre les classes » chez cet auteur.

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Percevoir et traduire la violence verbale du peuple. De l’Ancien régime au XIXème siècle   Mots

par Jacques Guilhaumou, UMR Triangle, Université de Lyon, CNRS/ENS-LSH

Face à l’archive, l’historien est d’emblée confronté à une langue sous l’emprise d’autorités détentrices de moyens répressifs et judiciaires lorsqu’il s’agit de contrôler les attitudes populaires, et tout particulièrement la violence verbale du peuple. Pour autant, il ne renonce pas à y recherche l’expression d’un singularité, au-delà de la simple mention de propos violents. Ainsi l’historienne Arlette Farge (1992) excelle dans l’art de rendre intelligible les paroles populaires, de leur donner une légitimité propre. Sous sa plume, la production politique de la parole populaire entre, avec le 18ème siècle, dans l’ordre de la vraisemblance en dépit de son désordre apparent. D’ailleurs, notre présente étude se veut un hommage au travail de cette historienne, étendu à la question de la violence féminine (Dauphin, Farge, 1997).

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Marat et la dictature : évidences lexicométriques, précisions philologiques, conceptualisation   Mots

Par Cesare Vetter, Université de Trieste

Je propose ici une relecture critique provisoire d'un ancien essai que j'ai écrit sur Marat (1). Relecture critique provisoire, parce que je suis encore occupé à croiser les évidences lexicométriques qui ressortent du corpus digitalisé des Oeuvres politiques, les vérifications sur les éditions sur papier déjà existantes les plus significatives et les rapprochements sur la Collection avec des corrections manuscrites de Marat, retrouvée par Charlotte Goëtz et Jacques De Cock en Ecosse à la bibliothèque des comtes de Rosebery et achetée par la suite par la Bibliothèque Nationale de Paris (indiquée désormais comme Collection corrigée) (2). Un travail long et difficile, mais point inutile, comme je crois qu'il en ressortira des exemples sur lesquels je m'arrêterai dans cette étude.

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Parlez-vous sans-culotte ? Le parler-peuple sous la Révolution   Mots

par Jacques Guilhaumou, Triangle, ENS-LSL Lyon

A propos de Michel Biard, Parlez-vous sans-culotte ? Dictionnaire du Père Duchesne (1790-1794), Paris, Tallandier, 2009, 575 p.

Michel Biard, historien de la Révolution française, nous propose un Dictionnaire historique, autrement dit contextualisé des expressions populaires que l’on pouvait lire dans le journal le Père Duchesne d’Hébert. L’originalité de ce travail précis et minutieux consiste à centrer notre attention sur un corpus, le Père Duchesne d’Hébert, qui occupe une grande place dans les travaux des historiens de la Révolution française, d’Albert Mathiez à Albert Soboul. Par ailleurs, c’est « l’écho sonore des sans-culottes » qui se fait entendre, – à l’égal de la voix du « peuple des groupes » disséminé dans les rues –, ce qui introduit une résonance avec les slogans des manifestations actuelles contestant la politique gouvernementale. Alors qu’un ministre de l’éducation se permet de dire devant des manifestants : « C’est encore ce peuple braillard et gavé de tout », de manière méprisante, et aussi quelque peu ordurière, le Père Duchesne est là pour attester qu’un tel « jean-foutre » se heurte à un « peuple débadaudé » et prompt à répondre à un tel mépris.

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Le Dictionnaire national et anecdotique (1790) de Pierre-Nicolas Chantreau   Mots

Edition critique présentée et annotée par Agnès Steuckardt, Université de Provence

Editions Lambert-Lucas, Limoges, 2009, 220 pages.

chantreau

Pierre-Nicolas Chantreau part enseigner le français à Avila, en 1767, l’année où les jésuites sont expulsés d’Espagne : il a vingt-six ans. Il revient à Paris quinze ans après, auteur d’un Arte de hablar bien francés, qui deviendra en Espagne la grammaire française de référence. En 1789, le professeur de grammaire court les assemblées, dévore les « papiers-nouvelles », et publie, début 1790, le premier dictionnaire de la Révolution française. Par ordre alphabétique, c’est le bouleversement d’un univers mental que décrit Chantreau. Il faut apprendre des mots dont on n’avait guère l’usage sous l’Ancien Régime, comme élire, district, motion, scrutin. Même les mots courants réservent des surprises : dans le Nouveau Régime, journal, lanterne ou maire ne désignent plus les mêmes référents. Et puis, il y a l’enfer du dictionnaire. Dans l’« Appendice contenant les mots qui vont cesser d’être en usage » sont relégués les noms de pratiques abolies par la Révolution : champart, gabelle, lettres de cachet, servage et bien d’autres. Conscient de l’inscription de la langue dans son temps, Chantreau s’orientera par la suite vers l’histoire.

On trouvera dans l’annotation de ce texte, réédité deux cents ans après la mort, en 1808, du citoyen Chantreau, professeur d’histoire à Saint Cyr, les informations historiques et linguistiques nécessaires pour y lire le basculement d’une société et de sa langue. La présentation de l’ouvrage éclaire les enjeux culturels de ce dictionnaire. « L’auteur n’est point un triste lexicographe », écrit un de ses premiers lecteurs, Camille Desmoulins : « Il a choisi ce cadre heureux pour égayer ses lecteurs, & se jouer avec eux des ridicules du jour ». Dans la bataille du rire qui se livre pendant les premiers mois de la Révolution, Chantreau refuse de laisser le champ aux écrits aristocrates : maniant persiflage et autodérision, il revendique pour le discours patriote un trait que l’on croyait, en 1790, caractéristique du génie national : la gaieté française.

Ci-après la conclusion de cette édition de textes

Voir aussi le commentaire de Raveline, et la réponse de l'auteure

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Termes de grammaire en révolution   Mots

Dans La Feuille villageoise du 13 octobre 1791 (1), les rédacteurs font mention d’une lettre qu’ils reçoivent d’un maître d’école d’un petit village où il est précisé qu’il lit régulièrement ce journal, mais éprouve quelques difficultés à expliquer certains mots que ses interlocuteurs villageois « n’entendent pas », et que lui-même connaît mal. Il en dresse la liste qu’il adjoint à sa lettre. Les rédacteurs de La Feuille villageoise publient alors à la suite de sa lettre une « liste de mots » en trois rubriques, Termes de grammaire, Termes de Physique, Termes de législation. Nous publions le contenu de la première rubrique qui marque bien la tendance à considérer les effets positifs d’une grammaire générale basée sur l’analyse et l’analogie, - les deux premiers termes présentement définis -, dans l’établissement de la nouvelle langue des droits en tant que langue bien faite au sens condillacien (2).

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Récit d'un événement : De la "marche civique" à "l'émeute"du 5 Vendémiaire an III à Marseille.   Mots

par Jacques Guilhaumou, UMR "Triangle", ENS/LSH Lyon

Nous proposons présentement l'analyse discursive d'un événement qualifié de façon restrictive d'émeute par les historiens, et qui prend l'allure, au regard des archives disponibles, d'une marche civique : le rassemblement jacobin du 5 vendémiaire an III (26 septembre 1794) à Marseille. Dans le but de complexifier l'abord de cet événement, nous nous efforçons d'abord de décrire comment de simples spectateurs d'une "farandole" peuvent adhérer à un mouvement basé sur les principes républicains au point d'en devenir les protagonistes. Puis nous centrons notre attention sur la stratégie discursive des représentants en mission, qui tend à nier les médiations attestées, décrites par ailleurs dans les sources, avec l'objectif d'instaurer la mise en scène d'une loi révoquée depuis 1793, la loi martiale. Ainsi les ressources réflexives de cet événement discursif s'avèrent plus riches que le simple qualificatif d'émeute le laisse penser, en particulier à travers les témoignages que nous reproduisons par ailleurs, et bien sûr les justifications des citoyens arrêtés à l'issue de cette "émeute".

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La « Tricoteuse » : formation d’un mythe contre-révolutionnaire   Mots

Par Dominique Godineau, CERHIO UMR 6258 Université de Rennes II

"Tricoteuses : C'est ainsi qu'on appela les femmes d'origine populaire qui suivaient en tricotant les séances de là Convention et apostrophaient les députés depuis les tribunes. Elles se trouvaient aussi sur le chemin menant à l'échafaud et participaient aux "messes rouges", trempant leurs mouchoirs dans le sang des victimes. La plus célèbre des tricoteuses est Aspasie Carlemigelli qui foula aux pieds le cadavre du député Féraud, massacré le 20 mai 1795..." (1).

"Tricoteuses : Durant la Terreur, elles s'installent, quelques unes sans doute avec leur tricot, au pied de la guillotine pour voir tomber les têtes. D'où la légende des Tricoteuses de Robespierre » (2).

"la tricoteuse" : "image fantasmatique de la femme sur laquelle la Révolution évacuait une partie de la sauvagerie dont elle se savait porteuse"..."celle qui au pied de l'échafaud se délecte avec une complète insensibilité au sanglant spectacle qui lui est offert" (3).

« Tricoteuses : terme désignant les femmes qui s’assemblent devant la guillotine ou suivent la charrette /des condamnés/ en tricotant » (4).

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Dictature : les vicissitudes d'un mot. France et Italie (XVIII et XIX siècles)   Mots

Par Cesare Vetter, Université de Trieste

Version longue en italien

Dans le lexique contemporain les mots dictateur / dictature et leurs dérivés adjectifs et adverbiaux ont une connotation négative. Dans tous les registres et dans beaucoup de langues. Dans le langage commun parlé, dans la communication politique, culturelle, télévisée et journalistique (mais souvent aussi dans la production historiographique) dictature et ses dérivés sont utilisés comme des synonymes de despotisme et tyrannie, pour supprimer toute légitimité aux personnes, aux événements, aux propositions. Ils évoquent des réactions de refus, ils véhiculent le dégoût.

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Marseille - Paris, la formation et la propagation d'un mot d'ordre: "du pain et du fer" (1792-1793)   Mots

Par Jacques Guilhaumou, UMR "Triangle", CNRS/ENS-LSH Lyon.

Pendant longtemps, les historiens de la Révolution française ont conçu de manière unilatérale les rapports entre Paris et la province au niveau de la circulation des hommes, des idées et des mots d'ordre. Le couplet sur le centralisme idéologique des Parisiens, en particulier pendant la période jacobine, se retrouvait très souvent sous leur plume. La communication politique était ainsi réduite à son expression la plus simple : Paris impose sans partage ses idées aux provinciaux. Les travaux effectués autour de Michel Vovelle, à partir d'une source sérielle, les Archives parlementaires, ont décloisonné l'interprétation traditionnelle des liens entre Paris et la province, et ont permis à cet historien d’en proposer une nouvelle synthèse (1). L'étude de la réception, par l'entremise des adresses, des initiatives parisiennes met alors en évidence l'importance de la marge stratégique dont disposent les patriotes de toute la France sur le terrain idéologique. Puis, les travaux en de domaine se sont diversifiés, à l’exemple du numéro spécial des Annales Historiques de la Révolution française N°330 (2002).

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Les mots de Marat   Mots

par Agnès Steuckardt, Université de Provence

La Révolution française, en ouvrant l’espace politique à l’ensemble des locuteurs français, a changé leurs pratiques discursives et, conjointement, leur langue même, et plus particulièrement son lexique. Le débat politique public et la presse d’opinion ont, au cours de la période révolutionnaire, élaboré leurs usages linguistiques. Quelle part Marat a-t-il prise à cette révolution linguistique ? La lecture de L’Ami du peuple, assistée par les moyens que fournit le traitement automatique du vocabulaire (1), permet de suivre au jour le jour les mutations qui s’accomplissent dans et par ce discours, et qui construisent, pendant la période 1789-1792, une première manière de la langue politique en français. On dégagera dans un premier temps les conditions qui président à la production du discours de Marat, pour en venir ensuite à sa contribution au renouvellement du lexique politique.

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Le discours du représentant en mission Maignet en l’an II.   Mots

Un parcours communicationnel (3)

par Jacques Guihaumou, UMR Triangle, ENS-LSH Lyon

Une fois installé à Marseille, le Montagnard Maignet, proche de Robespierre, se consacre à l'établissement du gouvernement révolutionnaire dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, tout en opérant une entreprise de "régénération" en direction des citoyens provençaux, et plus spécifiquement des Marseillais. Certes sa politique trouve sa principale légitimité dans la mise en oeuvre de son Instruction sur le gouvernement révolutionnaire, présentée par ailleurs, à l'exemple de la multiplication des comités révolutionnaires. Mais il nous importe surtout de préciser les caractéristiques discursives d'un parcours communicationnel propice à l'action gouvernementale, sur la base de l'usage de diverses notions employées par ce représentant en mission, et tout particulièrement les notions d'énergie, d'activité, d'unité d'action, de mouvement, de machine politique, de mesures, d'objets, de choses, de personnes et enfin d'hommes. Nous abordons ainsi le volet proprement discursif de la politique de Maignet, parallèlement à la présentation de l'ensemble de sa politique de suspicion et de régénération, au sein d'une autre étude, en collaboration avec Martine Lapied, sur le présent site.

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Analyse d’énoncés : Marat est mort (13 juillet 1793) /Marat n'est pas mort (l6 juillet 1793)   Mots

par Jacques Guilhaumou, UMR Triangle, ENS-LSH Lyon

Notre analyse de l'événement « Mort de Marat », présentée de manière succincte sur le présent site a été effectuée dans une période, les années 1980, marquée par un élargissement de notre domaine d'investigation d’historien du discours (1). A ses débuts, l'analyse de discours s'intéressait presque exclusivement à des discours doctrinaux, donc fortement argumentés. Ses interrogations du côté de l'histoire s'étendent désormais aux réalisations discursives du savoir social les plus diverses, donc à la totalité des énoncés historiquement attestés. Soucieux de promouvoir une histoire sociale des textes, l'historien du discours n’a donc cessé de complexifier sa démarche. Le temps de la simple confrontation entre des analyses paraphrastiques en corpus et des jugements de savoir extratextuels – ce qu’on appelle les conditions de production - est bien révolu. Il s'agit désormais d'articuler la description textuelle d'un événement à un ou plusieurs moments de corpus (2).

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