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Bonnet de 
la liberté

Révolution Française

Les serments politiques et religieux pendant la Révolution française   Notions

Marc Deleplace, Centre d’histoire du XIXe siècle (Paris-Sorbonne)

Le serment prêté par les membres d’une autorité constituée était bien connu de la monarchie française. Mais parce que manifestation d’allégeance à la personne du roi, il s’est trouvé fortement mis en cause, à la fin de l’Ancien régime, dans une perspective inspirée par les théories du droit naturel.
C’est pourtant par un serment (jeu de Paume, 20 juin 1789) que s’ouvre la Révolution. Cependant, cet acte inaugural en renouvelle profondément la nature. De manifestation d’allégeance à l’autorité publique, le serment devient acte collectif d’engagement réciproque entre jureurs égaux en droits. Le serment entre alors rapidement dans la geste révolutionnaire, sous deux formes complémentaires. D’une part, alors que le serment du 20 juin devait garantir la réalisation d’un mandat collectif précis, donner une constitution au royaume, le serment devient manifestation permanente, plus ou moins spontanée, d’adhésion aux principes de la Révolution, déclarés dès août 1789, et d’unité nationale, dans une dynamique où prestations nationales et locales se répondent constamment, à l’instar des serments des fédérations culminant dans la cérémonie parisienne du 14 juillet 1790. De l’autre, la Révolution invente une nouvelle forme de serment, éludant partiellement le caractère religieux originel de ce type d’engagement, bien qu’il s’applique en premier lieu aux membres du clergé, avec l’imposition du serment lié à la constitution civile du clergé (12 juillet 1790) puis avec le premier serment civique, prêté solennellement par le roi le 23 janvier 1791.

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La Révolution française invente-t-elle l'Etat-nation ?   Notions

La naissance du concept d'État-nation est souvent associée à la Révolution française dans l'historiographie révolutionnaire "classique". Cette association n'est pourtant pas une évidence. Comme l'avait déjà remarqué Jean-Yves Guiomar en 1974 dans son ouvrage L'idéologie nationale. Nation, représentation, propriété (nouvelle édition en 2009 aux Perséides) ou François Brunel dans son Thermidor publié à Bruxelles en 1988, la Révolution française est caractérisée par l'association nation-patrie plutôt que par celle de l'État et de la nation.
Dans le cadre des Rencontre d'histoire de Genevilliers organisées par l'Université populaire du 92 dont le thème était en novembre 2015 "Nation(s), Mondialisation(s) : toute une histoire", Marc Belissa (Université Paris Ouest Nanterre - CHISCO) aborde la question de ce lien présumé entre État et nation dans la période révolutionnaire. Quel "État" la Révolution française crée-t-elle ? Peut-on parler d'un programme visant à construire un État-nation chez les révolutionnaires ? Pensent-ils seulement la souveraineté dans le cadre étroit de la nation ou bien défendent-ils une conception universaliste de la patrie et des droits réciproques entre les nations ?

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Démocratie bourgeoise : note sur la genèse d’un oxymore et sur l’origine d’un cadeau   Notions

Par Antoni Domenech, Université de Barcelone

La vulgarisation de la pensée politique et de son histoire, au XXe siècle, est parvenue à imposer à travers d’amples circuits, y compris universitaires, l’idée que la démocratie est un phénomène fondamentalement moderne. Cette idée s’est imposée à l’aide de deux arguments, mais historiquement, elle est irrecevable. Le premier argument introduit une sorte de « liberté des Anciens » - ces inutiles amants de la vertu dévoués à la vie publique, qui sacrifiaient par abnégation leurs affaires privées – opposée plus ou moins strictement, selon la version canonique du thermidorien Benjamin Constant (1), à la « liberté des modernes », ces gens plus occupés à résoudre leurs problèmes personnels que préoccupés par les questions de la vie politique publique. Le second argument veut que les démocraties de l’Antiquité et, en particulier, l’athénienne n’aient pas été des démocraties au sens « moderne » du terme, et suppose qu’il s’agissait de régimes politiques dans lesquels d’étroites minorités de libres et riches oisifs totalement déchargés des tâches matérielles, pouvaient se permettre de délibérer politiquement, tandis qu’une immense masse d’esclaves s’affairait sans relâche à la production.

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Transition/transitions : du politique au littéraire (XVIe siècle - XIXe siècle)   Notions

par Jacques Guilhaumou, UMR Triangle, ENS/Université de Lyon

Maurice Godelier, en introduction de l'ouvrage qu'il a dirigé sur Transitions et subordination au capitalisme (1), précise qu'il faut entendre par « période de transition » une phase particulière de l'évolution d'une société. Plus précisément il considère le « moment de transition » dans l'histoire de l'humanité comme une phase structurelle où s'intriquent des rapports sociaux anciens et des rapports nouveaux sous l'impulsion des changements économiques et sociaux. Les anciens rapports sociaux atteignent alors leurs limites et laissent place aux nouveaux rapports sans pour autant disparaître, du seul fait de leur marginalisation. Une transition vers la modernité ne suppose donc pas nécessairement une rupture, et par là même l'extinction des anciens rapports sociaux : elle ne coïncide pas nécessairement avec un événement violent, principalement une révolution, même si c'est souvent le cas.

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Populisme : le peuple en accusation   Notions

Par Benoît Schneckenburger, Université Paris 8

C’est devenu un lieu commun du commentaire des politologues : dès qu’un mouvement ou un porte parole déroge au consensus, on le qualifie de populiste. Mais les mots traduisent autant l’intention de celui qui les prononce qu’ils sont le signe de ce qu’ils sont censés décrire. Marx appelle cela l’idéologie. Du côté des choses, « populisme » ne renvoie à aucune réalité uniforme : parti du peuple américain au XIXe siècle qui voulait défendre les intérêts des petits paysans ; courant russe de socialisme ; expériences très diverses de gouvernements et de mouvements sociaux en Amérique latine ; mode référendaire en Suisse ; en France Le Pen, Tapie, Mélenchon, tous dans le même sac. Du côté de l’intention, on remarque un très net infléchissement entre l’usage péjoratif qui en est fait et son sens littéral, donné par le Larousse : « attitude politique consistant à se réclamer du peuple, de ses aspirations profondes, de sa défense contre les divers torts qui lui sont faits. »

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Sur le principe de fraternité   Notions

Par Yannick Bosc, GRHIS-Université de Rouen

En 1848, sous la seconde république, Liberté, Egalité, Fraternité devient la devise officielle de la république. Mais c'est pendant la Révolution française qu'elle prend corps. Sous la première république, les en-têtes des documents officiels n'ont pas de formule fixée : le plus souvent on trouve Liberté-Egalité de part et d'autre de la feuille, mais on rencontre également la formule inversée Egalité-Liberté, d'autres triptyques comme Liberté-Egalité-Justice, ou encore d'autres formules, par exemple Unité, Indivisibilité de la République. On notera que dans les courriers officiels la fraternité est distinguée dans la formule de politesse salut et fraternité. Cependant, si elle n'est pas la devise unique d'une période qui n'en connaît guère, la formule Liberté, Egalité, Fraternité est bien née pendant la révolution française, dans cet ordre – la liberté et la fraternité encadrant l'égalité – et a bien été proposée comme devise, mais pour les gardes nationales et non pas de la république – et ce près de deux ans avant la proclamation de cette dernière.

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Souveraineté populaire : de quoi parle-t-on ?   Notions

Par Florence Gauthier, ICT-Université Paris 7-Denis Diderot

Ce qui concerne tout le monde doit être approuvé par tous.

En France aujourd’hui, du fait de notre constitution politique, nous sommes soumis à un despotisme que le président de la République est en train de transformer en tyrannie, en restant sourd aux cris du peuple comme à ses manifestations diverses de résistance, manifestations qui montent en puissance depuis maintenant trois mois. Ces tendances despotiques et tyranniques sont relayées et renforcées par le système européen, qui opère par diktats pour imposer la « globalisation », qui n’est autre que la soumission volontaire à l’impérialisme des multinationales, façonnées sur le modèle des Etats-Unis. Le système européen qui sert de relais à cette « mondialisation », refuse lui aussi d’entendre le Non ! des peuples, qui se sont exprimés contre le projet de constitution. Résultat, ce système est en état de violation de la souveraineté populaire et donc en état d’illégitimité et d’illégalité depuis 2005. La crise financière, économique, sociale est utilisée comme prétexte pour mettre la politique au service des banques et accélérer, ce qu’en France, notre chef de gouvernement appelle les « réformes pour lesquelles j’ai été élu », réformes qui ne sont autres que la continuation de l’entreprise de démolition, qui a débuté il y a plus de 30 ans, des protections sociales mises en place à partir de 1946, sous les formes principales d’une désindustrialisation du pays et de la casse des services publics. Les coups portés, que l’on peut mesurer à la montée spectaculaire de la misère, de la pauvreté, du chômage, et la perspective de leur accroissement quasi quotidien, ont fait réapparaître à grande échelle peur et démoralisation, qui nourrissent ce que La Boëtie a appelé la Servitude volontaire, texte qu’il a écrit contre les tyrannies de son époque (1).

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Le civisme à l'épreuve de la Révolution française   Notions

par Jacques Guilhaumou, UMR Triangle, ENS-LSH Lyon

Confrontée au « nouvel ordre de choses » qui renvoie à la toute puissance d’une nation française une et indivisible, la génération des hommes de la Révolution française invente à sa manière le civisme en le définissant. Mais elle est tout autant prise dans ses limites, en particulier du fait des exclusions partielles instaurées par le nouvel ordre politique au sein d'une part importante de la population, les citoyennes en premier lieu. S’il convient donc de préciser le contexte philosophique du civisme révolutionnaire, il importe tout autant d’insérer une telle élucidation théorique dans un trajet discursif où l’acte de civisme relève de diverses conventions, pratiques et rituels aux effets diversifiés, voire contradictoires (1).

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Jacobinisme et marxisme. Le libéralisme politique en débat.   Notions

par Jacques Guilhaumou, CNRS/UMR Triangle, ENS-LSH Lyon

La tradition marxiste, du Jeune Marx à Gramsci, s’est constamment interrogée sur le sens intégral, donc positif, de la notion de jacobinisme, tant sur le plan historique que conceptuel (Guilhaumou, 1985). Les historiens actuels se sont plutôt intéressés à « la fortune et l’infortune » du mot de jacobin auquel s’attache une forte connotation négative ou positive (Ozouf, 1984). Le lexicologue précise pour sa part que l’entrée en politique de jacobin en 1790 se fait dans le cadre d’une association polémique, au sein la presse de droite, qui permet de stigmatiser le club des Jacobins comme extrémiste (Geffroy, 1997). Ainsi le terme de jacobinisme est présent en 1791 dans un quotidien royaliste à succès, le Journal de la Cour et de la Ville. Peu enclins à user abondamment d’un terme de la réaction antirévolutionnaire, les historiens progressistes de la Révolution française, de Jean Jaurès à Albert Soboul, ont, dans le même temps pris leur distance avec le qualificatif d’historien marxiste. Dans son dernier entretien, Albert Soboul (1987) précise: « Je ne pense pas qu’il y ait une histoire marxiste et une histoire qui ne le soit pas ». Il y a l’Histoire tout court ». Sans doute, l’Histoire tout court est marxiste à ses yeux lorsqu’il précise : « Je proteste contre le discrédit auquel on a voué le marxisme à l’heure actuelle et qui, à mon avis, ne s’adresse qu’à un marxisme fermé, dogmatique et sectaire ». Cependant il n’en reste pas moins que les historiens progressistes de la Révolution française refusent d’opposer la méthode marxiste à la méthode de l’historien. Ils considèrent le marxisme seulement comme une méthode critique de recherche et de réflexion, positionnée en complément de la méthode de l’historien.

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Critique du concept de "révolution bourgeoise" appliqué aux Révolutions des droits de l'homme et du citoyen du XVIIIe siècle   Notions

Par Florence Gauthier, Université Paris VII Denis Diderot.

La tradition marxiste voit dans les révolutions de la liberté et de l’égalité, qui précédèrent ce que l’on a appelé “la révolution prolétarienne” inaugurée par la Révolution russe, des “révolutions bourgeoises”. On sait que Marx a laissé des éléments d’analyse, qui présentent des moments différents et même contradictoires de sa réflexion, correspondant à l’évolution de ses connaissances et de sa compréhension de la Révolution française. Le schéma interprétatif, dont il sera question ici, a été produit par la tradition marxiste et est, lui-même, une interprétation des analyses laissées par Marx. Toutefois, mon propos n'est pas de reconstituer comment un tel schéma interprétatif a été produit, bien que ce travail reste à faire, il est même urgent, mais, plus précisément de chercher à savoir si ce schéma interprétatif correspond à la réalité historique. Pour situer le problème, je me limiterai à l’exemple de ce que l’on appelle “la Révolution française”. Et je voudrais commencer en rappelant rapidement les souffrances que quelques grands historiens marxistes se sont infligés pour faire cadrer les résultats de leur recherche avec le schéma interprétatif de la “révolution bourgeoise”.

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Centralisme ''jacobin'', vraiment ?   Notions

Par Florence Gauthier, Université Paris VII Denis Diderot.

"Abusés par les mots, les hommes n'ont pas horreur des choses les plus infâmes décorées de beaux noms ; et ils ont horreur des choses les plus louables, décriées par des noms odieux. Aussi, l'artifice ordinaire des cabinets est-il d'égarer les peuples en pervertissant le sens des mots, et souvent des hommes de lettres avilis ont l'infamie de se charger de ce coupable emploi." Jean-Paul Marat, The Chains of Slavery, London, 1774, Les chaînes de l'esclavage, Paris, 1792, rééd., Bruxelles, Pôle Nord, 1995.

Avec quoi peut-on penser ? Sans doute avec des mots et des concepts. Les ministres, les députés et la presse en utilisent un qui me plonge régulièrement dans des abîmes de perplexité, c'est celui de centralisme jacobin ou jacobinisme centralisateur. L'abus qui en a été fait et qui se poursuit m'a incitée à le clarifier. Centralisme jacobin ou jacobinisme centralisateur, qu'est-ce que cela est sensé désigner ? Une politique de centralisation administrative. L'exemple qui vient illustrer ces termes est le plus souvent celui des préfets. Ce centralisme sans qualificatif est présenté comme une spécificité politique française, celle de la monarchie, mais aussi celle de la Révolution de 1789, et c'est là qu'il devient jacobin et, curieusement, le demeure ensuite, comme si la politique française était, ou fut longtemps, jacobine jusqu'au jour de renouveau où la décentralisation vint enfin. Mitterrand parlait de la décentralisation à laquelle il œuvra comme d'une révolution dans le sens où elle interrompit la tradition française de centralisation. On trouve encore le qualificatif jacobin jeté comme une insulte à quelques hommes politiques, comme Pasqua. Il se pourrait que le plus effrayant des deux soit Pasqua !

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