Par Florence Gauthier, Université Paris VII Denis Diderot.

"Abusés par les mots, les hommes n'ont pas horreur des choses les plus infâmes décorées de beaux noms ; et ils ont horreur des choses les plus louables, décriées par des noms odieux. Aussi, l'artifice ordinaire des cabinets est-il d'égarer les peuples en pervertissant le sens des mots, et souvent des hommes de lettres avilis ont l'infamie de se charger de ce coupable emploi." Jean-Paul Marat, The Chains of Slavery, London, 1774, Les chaînes de l'esclavage, Paris, 1792, rééd., Bruxelles, Pôle Nord, 1995.

Avec quoi peut-on penser ? Sans doute avec des mots et des concepts. Les ministres, les députés et la presse en utilisent un qui me plonge régulièrement dans des abîmes de perplexité, c'est celui de centralisme jacobin ou jacobinisme centralisateur. L'abus qui en a été fait et qui se poursuit m'a incitée à le clarifier. Centralisme jacobin ou jacobinisme centralisateur, qu'est-ce que cela est sensé désigner ? Une politique de centralisation administrative. L'exemple qui vient illustrer ces termes est le plus souvent celui des préfets. Ce centralisme sans qualificatif est présenté comme une spécificité politique française, celle de la monarchie, mais aussi celle de la Révolution de 1789, et c'est là qu'il devient jacobin et, curieusement, le demeure ensuite, comme si la politique française était, ou fut longtemps, jacobine jusqu'au jour de renouveau où la décentralisation vint enfin. Mitterrand parlait de la décentralisation à laquelle il œuvra comme d'une révolution dans le sens où elle interrompit la tradition française de centralisation. On trouve encore le qualificatif jacobin jeté comme une insulte à quelques hommes politiques, comme Pasqua. Il se pourrait que le plus effrayant des deux soit Pasqua !

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