Par Antoni Domenech, Université de Barcelone

La vulgarisation de la pensée politique et de son histoire, au XXe siècle, est parvenue à imposer à travers d’amples circuits, y compris universitaires, l’idée que la démocratie est un phénomène fondamentalement moderne. Cette idée s’est imposée à l’aide de deux arguments, mais historiquement, elle est irrecevable. Le premier argument introduit une sorte de « liberté des Anciens » - ces inutiles amants de la vertu dévoués à la vie publique, qui sacrifiaient par abnégation leurs affaires privées – opposée plus ou moins strictement, selon la version canonique du thermidorien Benjamin Constant (1), à la « liberté des modernes », ces gens plus occupés à résoudre leurs problèmes personnels que préoccupés par les questions de la vie politique publique. Le second argument veut que les démocraties de l’Antiquité et, en particulier, l’athénienne n’aient pas été des démocraties au sens « moderne » du terme, et suppose qu’il s’agissait de régimes politiques dans lesquels d’étroites minorités de libres et riches oisifs totalement déchargés des tâches matérielles, pouvaient se permettre de délibérer politiquement, tandis qu’une immense masse d’esclaves s’affairait sans relâche à la production.

Lire la suite