Définir le civisme.

Au début de la Révolution française, les Dictionnaires créditent le mot civisme du titre de néologisme, même si nous savons aujourd'hui que ses premiers emplois sont attestés dans les années 1770 (2). Le ton généralement emprunté pour définir ce « mot nouveau » est plutôt ironique, voire même dépréciatif. Gallois dans son Extrait d'un Dictionnaire inutile (1790) remarque que « le substantif de civique manquait à notre langue pauvre et timide ... Civisme est bien plus énergique, plus ronflant ». Quant au Dictionnaire raisonné de plusieurs mots qui sont dans la bouche de tout le monde (1790), il ajoute que « Civisme est un mot imaginé pour désigner une nouvelle vertu, apparemment inconnue aux anciens ». Cependant il serait particulièrement hâtif d'en conclure que l'usage du mot civisme pendant la Révolution française procède d'emblée d'une morale politique dévaluée par les événements. Il s'agirait alors d'une de ses petites vertus politiques que l'individualisme contemporain ne classe plus parmi les « grandes vertus » (3). De fait, la référence au civisme occupe une place centrale dans la radicalité fondatrice de 1789. Il importe donc de prendre en compte la doctrine de Sieyès qui en théorise les caractéristiques majeures (4).

Dès ses manuscrits de jeunesse, Sieyès s'efforce de circonscrire le champ sémantique de civil en y associant successivement ce qui concerne la civilité (On parle alors d'un "homme civil"), ce qui concerne l'état de citoyen, et, de manière encore plus général en relation avec l'adjectif civique, tout ce qui concerne le droit de cité. Mais c'est dans Qu'est-ce que le Tiers-Etat ?, véritable traité de la nouvelle théorie politique, que Sieyès précise l'importance du civisme à partir de l'expression « égalité de civisme ». A « l'égalité d'influence » que veut imposer « l'ordre privilégié » par le recours au vote par ordres, se mettant par la même hors de l'ordre commun, de la loi commune, bref du civisme, il oppose « l'égalité de civisme » concrétisée par la métaphore du cercle de la loi: « Je me figure la loi au centre d'un globe immense; tous les citoyens, sans exception, sont à la même distance sur la circonférence et n'y occupent que des places égales; tous dépendent également de la Loi, tous lui offrent leur liberté et leur propriété à protéger; et c'est ce que j'appelle les droits communs de Citoyens, par où ils se ressemblent tous » (5).

Les droits communs des Citoyens forgent alors le « caractère de citoyen » qui « imprime au citoyen la qualité représentable »: tel est le civisme inaugural et radical de la Révolution française. Cependant « l'égalité de civisme » (ou « égalité des droits civils »), si elle constitue l'universalité des citoyens, ne peut se confondre, selon Sieyès, avec « l'égalité des droits politiques » spécifique du nécessaire établissement de la représentation politique. Les droits politiques par lesquels « la société se forme et se maintient » sont exercés par les seuls « citoyens actifs », à la fois électeurs et éligibles. Ainsi, précise Sieyès, « Les femmes sont partout, bien ou mal, éloignées de ces sortes de procuration » (6). La majeure part des citoyens dispose donc uniquement de « droits passifs », droits civils qui garantissent seulement leur appartenance à la sphère de la citoyenneté. Sieyès considère ainsi « que les femmes, du moins dans l'état actuel, les enfants, les étrangers, ceux encore qui ne contribueraient en rien à soutenir l'établissement public, ne doivent point influer activement sur la chose publique » (7).

Cette distinction majeure, dans le libéralisme politique de Sieyès, entre droits politiques et droits civils renvoie à la prééminence de la relation entre la Nation, détentrice du pouvoir constituant, et la Constitution de l'état civil proprement dit, espace de la citoyenneté par excellence. Certes le civisme est au fondement égalitaire de la loi, par son caractère commun, mais il n'a pas immédiatement valeur normative pour les législateurs. L'action civique ne peut se confondre avec l'art éminemment social de constituer et garantir la volonté politique de la Nation; elle est certes présente dans le « service de la loi », c'est-à-dire au sein du pouvoir exécutif, mais, plus fondamentalement, elle permet « d'achever l'art de la volonté sociale » en instaurant une norme exécutrice, garante du maintien des libertés individuelles (8).

Au début de la Révolution française, la quête de « l'égalité de civisme » s'actualise avant tout au sein de l'Assemblée Nationale. Mais, Il convient donc, après avoir montré en quoi le libéralisme politique de Sieyès, en écho à la position de la majorité des députés de l’Assemblée nationale, tend à définir restrictivement la pratique du civisme, de montrer l'ampleur réel des rituels civiques initiés par un espace d’assemblée foncièrement interlocutif. De fait, le civisme « officiel » outrepasse bien vite ses limites. Ainsi, d'un rituel à l'autre, nous allons progressivement entrer dans un espace public de réciprocité/solidarité, véritable espace de discussion critique. Ce basculement progressif du discours d'assemblée vers le discours républicain en acte (9) nous incite, par la suite, à élargir notre investigation du civisme révolutionnaire à des pratiques démocratiques constituées, et à leur fondement philosophique, autour d’écrits et paroles citoyens prononcés hors de l'Assemblée nationale, là où femmes et hommes se côtoient dans une même « cérémonie civique » de l'égalité.

Des rituels civiques au sein de l'Assemblée nationale.

Dès 1789, une « grammaire de l'activité et de la discussion parlementaires » (10) se met en place entre normes et rituels à travers le dispositif théâtral de l'hémicycle : distanciation entre l'orateur et les auditeurs, focalisation de l'espace sur le lieu de parole, figuration permanente de la souveraineté du peuple dans la parole du législateur, etc. Le choix de l'hémicycle, et non du cercle complet, rappelle en permanence aux législateurs qu'ils n'énoncent pas la loi dans un espace clos. L'extérieur est toujours présent, certes analogiquement (le représentant parle au nom de la Nation, du peuple), mais aussi concrètement par l'intervention régulière d'un orateur non élu, qu'il s'agisse, « vu d'en haut » et de manière peu fréquente mais hautement symbolique, du « roi-citoyen », ou, « vu d'en bas » et de manière plus régulière, des diverses députations qui transmettent adresses et pétitions. Ainsi s'instaure, au sein même de l'Assemblée, un rituel civique exprimant la permanence de la citoyenneté et l'impossible clôture de la parole légicentrée sur elle-même.

Face au « roi-citoyen », la rareté des contacts, au titre du rituel de l'entrée royale, n'enlève rien à leur importance, surtout si l'on tient compte de leur évolution (11). A l'encontre du rituel absolutiste du lit de justice, l'idéal de la position « constitutionnellement debout, puis assise » où le « roi-citoyen » prononce sa profession de foi au milieu de la « nation assemblée » (« Le roi est entré dans la salle, on s'est levé; le roi s'est assis et a parlé, les députés se sont assis et couverts » précise une brochure de 1791) s'avère guère ritualisable durablement du fait des luttes symboliques qui s'instaurent autour de ces entrées royales. D'une entrée à l'autre (15 juillet 1789, 4 février 1790, 19 avril 1791, 14 septembre 1791), les députés finissent par imposer un rituel républicain, qui préfigure l'exclusion du roi de l'espace de la citoyenneté.

Au contraire, le rituel civique de la demande citoyenne s'inscrit progressivement et durablement au centre du dispositif interlocutif d'assemblée. De fait, en instaurant le principe de publicité des séances de l'Assemblée nationale, les députés confèrent aux manifestations civiques qu'ils acceptent en leur sein une fonction de régénération permanente de la citoyenneté par l'exercice quasi-quotidien du jugement critique de tout citoyen, expression de l'opinion publique, sur les décisions législatives. Certes ce rituel d'interlocution a évolué (12). Au départ, l'Assemblée constituante le limite à l'expression de « la fonction citoyenne élémentaire »: une députation est admise selon un ordre du jour fixé à l'avance, généralement dans une séance du soir, et son porte-parole intervient dans le silence le plus complet (du moins en théorie). Une telle « parole autorisée » s'avère rapidement inadéquate aux événements. Ainsi, au moment des journées d'octobre 1789, lorsque le vainqueur de la Bastille Stanislas Maillard intervient à l'Assemblée au nom des femmes parisiennes présentes à ses côtés, pour demander du pain, le refus des députés de valider une telle « irruption anarchique » de la demande populaire est significatif de leur incapacité à concrétiser l'universalité de la qualité de citoyen, en particulier au contact des femmes.

Cependant l'intervention de plus en plus fréquente des sociétés patriotiques et des municipalités met rapidement en évidence les limites d'une réglementation autoritaire de la parole citoyenne, qui implosera avec la montée du mouvement républicain au cours de la période de l'Assemblée législative. A ce titre, les exclus de la représentation politique, en particulier les femmes, ne répugnent pas à se faire entendre des députés au nom de l'égalité de civisme. Par exemple, le 29 mars 1790, une adresse de femmes bretonnes souligne l'importance de leur participation au « serment civique » en faveur de la Constitution et en conclut que « les mères de famille peuvent et doivent être citoyennes ». Qui plus est, ces citoyennes précisent qu'elle sont plus aptes que les hommes à inculquer les « devoirs civiques » dans la mesure où elles sont, par le biais de la maternité, les « premières institutrices des citoyens » (13).

Ce n'est donc pas un hasard si les « dons civiques », pratique civique universelle par excellence, rythment le civisme d'assemblée pour atteindre leur apogée en l'an II grâce à l'engagement civique des femmes patriotes. Ainsi se dégage progressivement une des dimensions les plus novatrices du critère méthodologique du civisme: en mettant l'accent sur la prééminence temporaire et localisée de la citoyenne sur le citoyen, il nous incite à explorer au plus près les enjeux de la citoyenneté féminine désormais affirmée dans un espace démocratique de rituels et de paroles citoyennes. Il convient alors de ne pas ignorer les manifestations pionnières de l’offrande patriotique en 1789. Christine Fauré en a analysé l’événement déclencheur, l’apparition des femmes artistes à l’Assemblée Nationale le 7 septembre 1789 ; habillées de robes blanches et venant offrir leurs bijoux à la patrie (14). Il s’en suit en effet un déferlement de dons patriotiques sous toutes les formes possibles qui prend l’espace national comme référence, donc se situe à la portée de tous les femmes et hommes. Les notions d’honneur et de vertu se trouvent au centre de la dimension discursive de telles manifestations de civisme. Reste que les réactions des Constituants et des journalistes demeurent réservées face à la multiplication des délégations féminines, comme si il convenait de s’en tenir au simple fait de la preuve ainsi faite du caractère civilisé de la nation française sans aller vers un partage de la vie publique entre citoyennes et citoyens.

Avec l’amplification de la pratique civique du don, tous participent, hommes, femmes, enfants, pauvres, etc. Ainsi, Catherine Duprat a souligné l'importance de cette pratique universalisante en l'an II (15). Dons de bijoux, de linges, d'argenterie, et autres valeurs, voire même de services gratuits sont perçus dans leur fonction d'intégration à la citoyenneté: « Les témoignages contemporains évoquent les dons patriotiques en termes de profusion et d'universalité des gestes, de sacrifices librement consentis, bref d'expression symbolique de l'unité nationale » (16). Les députés se font tout particulièrement l'écho d'une telle opinion publique en soulignant que ces offrandes permettent enfin aux femmes de « prendre leur place et d'arriver à leur véritable destinée dans les révolutions » (Barère). Les femmes républicaines, ici comme ailleurs, nous le verrons, contribuent donc de manière décisive à la conservation et la reproduction de l'espace public de réciprocité, irréductible à l'espace parlementaire et expression « directe » de la souveraineté du peuple, donnant par là même toute son ampleur au civisme révolutionnaire.

En affirmant que « les droits de l'homme sont aussi les nôtres », les femmes patriotes rappellent à leurs contemporains le caractère universel des droits de l'homme et du citoyen, et par là même le caractère contradictoire de leur exclusion des droits politiques. Il leur faudra cependant prouver plus, en s'imposant un temps dans les pratiques politiques elles-mêmes par leur positionnement spécifique au sein de l'univers démocratique des porte-parole. Cependant il importe d’abord, avant d’aborder les pratiques ambulatoires du civisme révolutionnaire, d’en examiner les bases philosophiques telles qu’elles sont exposées par les penseurs républicains qui tendent ainsi à redéfinir, au cours des années 1790-1792, le « système de la liberté »

Les fondements philosophiques du civisme révolutionnaire.

L’interrogation proprement philosophique sur le civisme nous renvoie d’abord à la relation entre liberté politique et liberté métaphysique. Au niveau phénoménologique, il est question du droit naturel, déclaré et réalisé dès 1789, comme horizon régulateur de toute action émancipatrice du citoyen, c’est-à-dire en tant que réalité déterminante dans l’ordre des possibles (17). C’est ainsi que la liberté politique traduit la puissance souveraine de la masse des citoyens par la recherche d’une unité des droits de l’individu dans un savoir et un agir politiques. Cependant, appréhendée de manière isolée, la liberté politique risque de n’instaurer qu’un pouvoir politique dominateur au détriment de la relation authentique de réciprocité entre individus. C’est pourquoi elle est indissociable, du point de vue de la liberté métaphysique, de l’égalité, expression « naturelle » de la relation de réciprocité entre moi et autrui.

A ce titre, nous mettons d’abord l’accent, en deçà de l’ontologie du droit naturel, sur l’essence même de la liberté présente dans l’être métaphysique du citoyen agissant, le rapport à l’autre dans son expression même. Il est ainsi d’abord question, par analogie avec la formule de Locke, du fait « d’avoir le droit au nom d’homme » (18), au droit au nom d’homme libre, de citoyen qui instaure la primauté métaphysique de l’expression immanente de l’individu libre sur la réalisation de ses droits. L’expression langagière de la citoyenneté légitime, au plan sémiotique, les thématisations politiques situées à l’horizon du droit naturel déclaré. C’est ainsi que le républicain Lavicomterie, après avoir affirmé que « l’homme est libre dans son essence », au centre de son ouvrage Du peuple et des rois (1791), ajoute, dans un second ouvrage écrit dans la même période, Les Droits du Peuple sur l’Assemblée Nationale, qu’ « Il ne reste à tout homme qui s’est montré citoyen que de l’être sans cesse ». Il marque ainsi avec précision le poids permanent, immanent, immédiat et non subordonnée de l’être métaphysique de l’homme, de sa réalité expressive d’homme libre sur la réalisation des possibles ouverts par la proclamation des droits du citoyen à l’horizon de l’action révolutionnaire.



Au fondement du civisme, la métaphysique politique ancre donc sa réflexion dans l’existence sensible d’êtres libres qui décident eux-mêmes de la loi de la liberté selon le principe que chaque individu défend et limite sa liberté par l’impossibilité et la possibilité de la liberté de l’autre. Elle repose ainsi sur la qualité d’homme libre en tant qu’il est un être voulant et agissant par la manière dont il juge de ce qui est juste et injuste avant même de fixer les choses dans l’ordre de l’impossible ou l’ordre du possible. Du besoin de liberté, il s’agit alors de déduire un traité des vertus civiques, de la civilité. Continuons donc à prendre comme corpus de référence les penseurs républicains des années 1790-1792 (19).

L’ouvrage de François Robert, Le Républicanisme adapté à la France (1790), commence par préciser que « la liberté exilée de la terre retrouve un asile ». A ce titre, sa réinscription dans le monde procède d’une idée et d’un principe. L’idée de liberté s’appréhende dans toute son étendue à partir de l’énoncé suivant: « Le peuple (la nation, la masse des individus, la généralité du peuple français) veut être libre/ne veut pas être dominé » L’idée de liberté se traduit alors dans le caractère majeur d’une nation libre, « l’amour de la liberté ». Nous y reviendrons avec Lequinio. Cependant, l’homme en société, aussi libre soit-il, ne peut y exercer la totalité de ses facultés acquises dans la liberté naturelle. Dans une « société libre », il doit agir de concert avec tous les autres citoyens sur la base de la loi qu’il est fait, donc auquel il est soumis volontairement. La liberté équivaut donc en second lieu à un principe énoncé de la manière suivante: « La liberté consiste dans l’exercice du droit de faire la loi/ dans la soumission à la loi ». Ainsi le républicanisme associe étroitement la liberté civile à un Etat libre, là où « tous les citoyens concourent personnellement et individuellement à la confection de la loi ».



A ce titre, François Robert dénonce à plusieurs reprises la contradiction majeure de l’Assemblée Nationale, pourtant dépositaire du pouvoir de faire la loi, lorsqu’elle « déclare un Etat libre et monarchique ». Le législateur, en tant que représentant de la volonté du peuple, est un homme qui peut se dire libre. Mais comment peut-il alors « dire qu’on est libre sans être libre » dans la mesure où il promeut la qualité de roi au détriment de la qualité d’homme libre ? Il est de l’ordre de l’impossible de l’appeler le roi sa majesté et par là même de conserver la dénomination de sujets tout en énonçant qu’on veut être libre. En effet, le droit de veto accordé au roi limite, dans chaque citoyen, le droit de choisir librement, donc est destructrice de l’idée même de liberté, étant entendu que « si la liberté est gênée sur un point, on est esclave » (page 43).

Il revient alors à « l’écrivain patriote », à défaut du législateur, de « parler au peuple son langage », en exerçant « le droit naturel de parler ». Il s’agit alors non seulement d’inscrire l’idée de liberté dans l’ordre du possible, c’est-à-dire à l’horizon des droits imprescriptibles de l’homme, mais aussi, et en conséquence, d’ « effacer de la langue le mot roi ». L’idée de liberté est de l’ordre du possible, elle est une, si la langue du peuple énonce l’impossibilité du mot roi. Elle s’inscrit alors dans le principe de la loi pour tous. Considérant que « Toute législation qui ne repose point sur des bases philosophiques, sur la liberté naturelle et les droits imprescriptibles de l’homme n’est que le produit de l’erreur », Jean-Marie Lequinio s’autorise d’une même métaphysique politique pour combattre principalement, dans son ouvrage majeur sur Les préjugés détruits (1792), l’ignorance et l’irréflexion nées des préjugés.

Si la liberté est bien une qualité naturelle de l’homme, civilement traduite par la loi, il n’est est rien de la pensée: « L’homme n’est pas né pour penser, mais pour sentir », dans la mesure où « C’est un état contre-nature que celui de l’homme qui pense ». Ce dont l’homme dispose en son coeur dès sa naissance, c’est avant tout « le principe des vertus », l’amour des autres dont découle d’autres qualités morales telles que le sentiment du bien, le sentiment de l’égalité, le bon sens, etc. C’est donc au sein d’une « société libre » en développement que l’homme pense dans la mesure où « les hommes ont appris à penser et à réfléchir à force de soins et de travaux ». Malheureusement, les hommes sont plutôt ignorants, hypocrites, dédaigneux, etc. par « imposition naturelle ». « Il est si commode de n’avoir point à penser que la plupart des hommes aiment mieux être tranquilles et obéir servilement », précise Lequinio tout en déplorant que « l’état habituel des peuples est le despotisme ». « L’homme vertueux » reste largement inconnu faute d’une « espèce raisonnante et libre d’homme pensant ». Il convient donc, avec « ceux qui ont la faculté de réfléchir et l’habitude des communications sociales », d’élaborer un traité de la civilité.

Le premier élément de ce traité est la volonté d’en finir avec « la ligne de démarcation entre eux et nous », c’est-à-dire entre les classes et groupes dispendiés et les hommes instruits des villes. Eux désignent ici, d’un chapitre à l’autre, les domestiques, la classe nourricière des laboureurs, les femmes, les bâtards et les esclaves, dont l’existence dépendante est la négation même de l’égalité morale et politique. Attardons-nous un moment sur le cas des femmes. Au mieux, elles jouissent d’une « teinte de liberté » dans quelques pays européens, et tout particulièrement la France avec l’adoption toute récente de la loi sur le divorce. Appartenant au « sexe faible », si elle se laisse aller à leurs passions, elle tombe sous « l’esclavage du sexe injuste », sexe masculin qui les maintient perpétuellement asservie en les empêchant d’accéder à une éducation philosophique. De même que Sieyès, Lequinio préconise donc de donner aux femmes les moyens de « se gouverner elle-même », donc d’avoir une place à part entière dans l’économie de la société civile, sans en dire plus sur son rôle dans la société politique.

Reste à définir, dans ce qui s'avère un véritable traité de civilité, les attitudes de l’homme, et en premier au regard de la mort (20) , que ce soit sous l’angle de la religion, de la peine de mort, du deuil, de la guerre etc. Ici Lequinio récuse d’emblée l’idée d’un au-delà, la croyance en une autre vie. Dans tous les cas de figure évoqués, il met en garde contre le fait d’êtres « dupes des formes », en particulier dans les serments, la politique et la rhétorique, au détriment des vertus inscrites dans le coeur de chaque individu. En fin compte, à l’encontre des récits historiques des temps révolus, « c’est surtout dans les grands événements politiques qu’il serait important de connaître les détails » (p. 266). Mais Lequinio considère qu’il s’avère presque impossible d’aborder les détails des « événements de la révolution nouvelle des Français » sans être dupe d’ « objets politiques si souvent mal fondés » dans la mesure où la perception de ces détails est faussée par le langage que chacun se tient en politique: « l’aristocrate, c’est l’homme qui pense autrement que moi » (p. 232). La politique apparaît en fin de compte comme un « art de la tromperie » et n’a donc pas sa place dans un traité de civilité. La scène politique lui apparaît ainsi dominée par « l’imphilosophisme d’une multitude d’hommes sur les front desquels se peignent l’insouciance et l’irréflexion » (p. 296) à l’image de l’homme bavard, « prenant sans cesse la parole » qui nous fait entrer dans les arcanes de « l’intrigue oratoire ».

Une politique de la vérité relève donc plutôt de la figure de l’Antipolitique, expression reprise au Jacobins aixois réunis au sein du club des Antipolitiques. Elle se retrouve dans les discours et les actes des patriotes ambulants. Elle est faite à l’image de l’homme qui pense et dirige le peuple par la réflexion sur la base de son amour de la vertu, et de surcroît parle comme il pense, c’est-à-dire peint les sentiments vertueux avec des expressions non équivoques, propageant par là même des vérités utiles sous la forme d’instructions publiques (21). Nous entrons ainsi avec les porte-parole, dans l’univers de l’ambulance sous l'égide de la volonté du peuple,

Les porte-parole, figures majeures du civisme (22).

La formation progressive, hors de l'Assemblée nationale, d'un espace public de réciprocité, dont les expérimentations politiques sont inscrites à l'horizon de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ouvre un espace infini à des formes discontinues, disséminées de prise de parole, et favorise ainsi l'émergence de la parole des citoyennes et des citoyens. Plus précisément, un tel espace démocratique vivifie en permanence la discussion critique, instaure une communication et une action réciproques, surtout à Paris (23). Nous pouvons ainsi parcourir un espace public autonome avec ses pouvoirs intermédiaires, véritables centres d'opinion et d'action (communes, sections, sociétés patriotiques, congrès, etc.). Il s'agit bien de prendre en compte un « pouvoir engendré communicativement », selon la formule d'Habermas, et autoinstitué sur la base de procédures égalitaires de formation de l'opinion et de la volonté, par contraste avec le « pouvoir appliqué administrativement » (24). Il importe donc de dissocier ce pouvoir, souvent méconnu par l'historiographie, des divers centres hégémoniques « classiques », essentiellement l'Assemblée nationale et le Club des jacobins.

La conquête et la permanence du civisme sont attestées dans cette espace démocratique par la présence des diverses figures du porte-parole. Précisons d'abord que la légitimité de leurs prises de parole repose sur un acte de langage de nature démocratique, l'acte de faire parler la loi. Cet acte foncièrement langagier est issu du droit subjectif, de la capacité juridique de tout citoyen à faire la loi au nom de la raison constituante, c'est-à-dire sous l'égide de la souveraineté du peuple. Il s'appuie sur trois principes: 1) la proposition de droit, définissant la liberté de chacun par la possibilité de la liberté de l'autre 2) la prononciation de droit, ouvrant la possibilité de voter, déléguer, nommer et sanctionner; 3) la réciprocité du droit, mettant l'accent sur ce que les droits attachés à la personne, en particulier le droit à l'existence, impliquent de réciprocité (25). Il articule donc, selon des proportions variables, droits-libertés, droits-participations et droits-créances.

Cependant les figures de porte-parole varient selon les lieux et les trajets parcourus. L'écrivain patriote, qui tout à la fois « dit la vérité » et « se fonde sur les principes de la science morale et politique » (Sieyès), accompagne de sa parole magistrale l'Assemblée nationale dès 1789. Démultipliée par sa fonction tribunitienne de journaliste patriote, sa parole l'identifie à la Nation: il « parle au peuple son langage » (Robert), sans pour autant en faire un médiateur efficace dans les relations quotidiennes entre le peuple et les autorités constituées. C'est pourquoi, au-delà des écrivains devenus célèbres (Marat, Fréron, Desmoulins, Brissot, etc.), il n'est pas indifférent de marquer la présence du « génie naturelle » de l'autre sexe sur ce même terrain. Si « un écrivain fameux pourrait mettre plus de valeur, plus d'énergie dans ses aperçus », « il ne saurait y mettre plus de conséquence, plus de zèle et plus d'amour que moi » précise Olympe de Gouges dans l'une de ses nombreuses brochures qu'elle adresse au peuple en usant de ce que son époque considère comme l'intuition politique de son sexe (26).

Multipliant les « réflexions patriotiques », Olympe de Gouges insiste sur l'influence de la parole des femmes là où le jugement des hommes semble détenir le monopole de l'énergie politique. Elle peut ainsi inscrire à l'article X de sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne l'énoncé suivant: « La femme a le droit de monter sur l'échafaud, elle doit avoir également le droit de monter à la Tribune ». Il importe aussi de mentionner l'activité publique de Louise de Keralio, la principale écrivaine démocrate des années 1790-1791, devenue Louise Robert au cours de la Révolution française. Rédactrice du Journal d'État et du Citoyen, puis du Mercure National, avec François Robert et Antoine Tournon, elle définit avec beaucoup de précision, et à propos de la formation des sociétés fraternelles, le caractère essentiellement délibérant de l'acte de faire parler la loi : « Chaque homme étant partie intégrante du souverain, ne pouvant remplir le devoir d'être soumis à la loi, qu'autant qu'il use du droit de la faire ou de la consentir, toute société d'hommes devait être, de droit, société délibérante sur la nature et les effets de la loi » (Mercure National du 23 avril 1790). Qui plus est, elle précise, dans un dialogue fictif entre un frère et une soeur qu' « une république n'existe pas sans la réunion des citoyens, sans une communication continuelle d'idées et principes ». Notons, tout au long de ce dialogue sur les principes du républicanisme, l'ascendant de la soeur sur son frère, par son souci de définir les principes et de dénoncer les entraves à leur application. Face aux illusions de son frère, elle incarne l'énergie du patriotisme : « Tu as raison, nous ferons de toi un patriote, voilà les vrais principes » (Mercure National du 7 janvier 1791), dit-elle en fin de dialogue ! Il convient donc de prendre au sérieux la prise de parole publique des femmes, comme le propose Christine Fauré dans sa présentation du numéro spécial, sous ce titre, des Annales Historiques de la Révolution française (N°344, avril/juin 2006). Nous y retrouvons, sous la plume d'Annie Geffroy, Louise de Keralio, mais saisie à travers le portrait paradoxal d'une adepte du républicanisme sexiste, qui propose un strict partage entre les sexes au regard de la différenciation instituée par le pouvoir masculin entre les tâches civiques et les tâches politiques.

Auprès de Louise de Keralio, nous trouvons Antoine Tournon, à la fois journaliste et grammairien patriote, auteur en l'an II d'une Grammaire des Sans-culottes où la qualité citoyenne est perceptible dans les exemples donnés à l'appui de la définition des éléments de la syntaxe. Ainsi de la Préposition, exemplifiée par le lien posé entre citoyenneté et patriotisme dans les termes suivants: « Un citoyen travaille, il a un but: sa patrie; il faut un signe qui réunisse ses deux idées, ce signe est pour : il travaille pour sa patrie ». Mais le modèle des grammairiens patriotes demeure François Urbain Domergue, rédacteur du Journal de la langue française et créateur de la Société délibérante des amateurs de la langue française où « tous sont égaux en droit: l'homme, la femme, l'académicien, le simple littérateur, l'habitant de la capitale, celui des départements, le correspondant français, le correspondant étranger » lorsqu'il s'agit d'élever la langue à la hauteur de la Constitution (27).

L'année 1792 constitue le temps fort de la parole citoyenne dans le trajet vers l'instauration de la radicalité républicaine. Il est vrai que la présence affirmée des patriotes jacobins au sein du mouvement démocratique dynamise le champ politique. A l'incitation du comité de correspondance de la société des Jacobins de Paris, les sociétés patriotiques affiliées se multiplient en Province. Déjà dominant au sein de ce comité, les jacobins de tendance rolandine se regroupent également autour du « ministre patriote » Roland qui crée un Bureau d'esprit public chargé, plus particulièrement, de superviser l'activité des « missionnaires patriotes » envoyés dans les départements. Madame Roland, d’un « radicalisme spontané » selon Mona Ozouf (28), joue certes un rôle important auprès de son mari, elle tient sa plume. Mais, convaincu que les femmes ne doivent pas paraître sur la scène politique elle inscrit cette activité dans le partage entre l'action civique et la décision politique, ainsi qu’elle l’écrit dans ses Mémoires: « Les femmes doivent inspirer le bien et nourrir, enflammer tous les sentiments utiles à la patrie, mais non paraître concourir à l'oeuvre politique ».

Le 27 février 1792, les Jacobins de Paris envoient aux sociétés affiliées une circulaire qui précise le rôle décisif que doivent jouer les « missionnaires patriotes » dans la diffusion de la parole civique. Il s'agit ainsi, avec ces « apôtres de la paix » aptes à constituer « l'alliance morale de tout le peuple français », de faire « pénétrer l'opinion » conforme à la Constitution jusque dans les campagnes les plus reculées. Ainsi s'instaure, à l'initiative des « missionnaires patriotes » et en appui sur des manifestations exemplaires de la citoyenneté féminin un véritable civisme « ambulant ». De fait, les « missionnaires patriotes », souvent des commissaires de telle ou telle société patriotique, sillonnent pendant plusieurs semaines les routes, interviennent dans les villages, bourgs et villes tout au long de ce qu'il est convenu d'appeler des « missions civiques ». Leur mandat est de faire respecter les lois, en particulier sur le recouvrement des impôts et le désarmement des suspects, de garantir la sûreté des personnes et des propriétés, de régénérer ou créer des sociétés patriotiques, d'endiguer le « fanatisme » des prêtres réfractaires en faisant appliquer la Constitution civile du clergé. Bref, répétant sans cesse « l'union fait la force », il donne force à la loi. L'acte de faire parler la loi, de dire le droit, complément civique indispensable à l'exécution de la loi que les législateurs ne font qu'énoncer, est au centre de leur activité ambulatoire.

Leurs travaux civiques sont d'une grand diversité: discours de morale civique, baptêmes civiques, serments civiques, fêtes civiques, etc. Ils s'efforcent alors de « plaider avec les armes de l'éloquence la cause de l'humanité ». Ainsi le marseillais Jacques Monbrion précise au cours de sa mission dans l'ouest de la Provence en mars 1792, que « Secourir l'humanité gémissante, et en défendre les droits sacrés avec un courage intrépide, tels sont les vertus que les amis de la liberté, de la Constitution doivent sans cesse pratiquer » (29).

Qui plus est, en intervenant pour « dissiper les nuages d'incivisme », les « missionnaires patriotes » règlent les litiges au nom de l'égalité, rectifient les torts de la société d'Ancien Régine, en obligeant « l'aristocratie des riches » à abandonner une partie de ses privilèges. Ils fondent une politique véritablement républicaine (30). S'appuyant sur « l'enthousiasme de la liberté », non seulement ils favorisent la présence des femmes dans les travaux civiques, mais ils soulignent, en rendant compte de leurs missions civiques, leur participation spécifique à la défense de la patrie en danger. Ainsi Monbrion écrit-il, toujours à l’occasion de sa mission, que « Ces braves citoyennes disaient que dans le temps que nos maris s'occuperont à labourer la terre, il faut que nous soyons armées de leurs fusils, pour veiller au salut de la chose publique, et que les traîtres à la patrie nous trouvent toujours debout ».

Une telle volonté féminine d'incarner le « peuple debout » se retrouve dans la célèbre pétition des 300 parisiennes, du 6 mars 1792, où leur porte-parole auprès de l'Assemblée législative, Pauline Léon, après avoir affirmée que « nous sommes citoyennes » parce que « nous sommes le souverain », s'exclame: « ce sont des armes qu'il nous faut ! ». Il faut également rappeler ici l'action de Théroigne de Méricourt auprès des députés à l'Assemblée nationale en faveur de la formation de légions d'Amazones, certes sans grand succès.

Conclusion: le peuple, garant du vivre civilement.

Il apparaît donc qu’une des conditions essentielles du maintien de la liberté civile consiste dans le maintien de conflits, en particulier de conflits armés, qui suscitent la mise en avant de la figure du « guerrier patriote ». Le lecteur qui ouvre en 1793 la nouvelle édition des oeuvres de Machiavel (31) trouve, dès le premier volume qui contient le premier livre des Discours politiques sur la première Décade de Tite-Live, la légitimation de la place centrale de la vertu en armes au sein de la vertu politique. Ainsi le chapitre IV s’intitule: « Que la mésintelligence entre le menu peuple et le Sénat Romain a rendu cette république puissante et libre ». Dans la république romaine, les lois en faveur de la liberté, base de l’acte civique, « naissent de la contrariété entre deux humeurs contraires sui sont le peuple et les grands ».

Il importe alors de ne pas rechercher la vertu politique active dans la manière dont les partis se comportent au sein d’une république, mais de partir de la question suivante: qui utilise les conflits pour ne plus être dominé, donc pour acquérir sa liberté ? Machiavel y répond en énonçant la suprématie du « vivre de façon populaire » au sein du « vivre civilement ». C’est ainsi qu’il écrit, dans le chapitre V des Discours où il s’interroge sur le fait de savoir « si la liberté est plus en sûreté entre les mains du peuple qu’en celles des Grands »: « Le peuple ne demande rien que de n’être pas tyrannisé, tout son but n’étant que la liberté ». Dans la lignée de Machiavel et de son humanisme civique (32), la civilité révolutionnaire s’inscrit principalement au sein d’une radicalité de l’existence du peuple. Lorsque le peuple fait acte de demande, comme en 1789 (33) , il ne peut être que le tout d’une société, ou rien s’il échoue dans sa demande. Il est soit le garant du fait que la liberté est une, soit il est sous le joug du tyran. A partir de la multiplicité des conflits, issus de la pluralité de ses droits non reconnus, le peuple ne peut être que lui-même, donc construit le tout (34).

Notes



1 Le présent article reprend, en l’amplifiant, tout particulièrement sur le plan philosophique, une étude publiée dans un numéro spécial (1996) de la revue Autrement sur le civisme. Nous renvoyons à la préface d’Hélène Bellanger, qui dirige cette publication, pour une vue d’ensemble sur la question du civisme. Une partie des questions et des situations abordées dans cet article se retrouve, sous un autre point de vue, dans notre article disponible sur le Web "Prises de parole démocratiques et pouvoirs démocratiques".

2 D'après Pierre Rétat, "Citoyen-sujet, civisme", in Handbuch politisch-sozialer Grundbegriffe in Frankreich (1680-1820), Heft 9, Oldenbourg Verlag, München, 1988.

3 Voir le Petit traité des grandes vertus d'André Comte-Sponville, P.U.F, 1995.

4 Des travaux récents et la publication partielle de manuscrits inédits ont fait significativement avancer notre connaissance de la théorie politique de Sieyès. Voir en particulier les ouvrages de Thomas Hafen, Staat, Gesellschaft und Bürger im Denken von Sieyes, Haupt, Bern, 1994 et de Pasquale Pasquino, Sieyès et l’invention de la Constitution en France, Paris, Odile Jacob, 1998, ainsi que le premier volume Des Manuscrits de Sieyès, C. Fauré éd., et avec la collaboration de Jacques Guilhaumou et Jacques Valier, Paris, Champion, 1999. Le second volume (2007) est en cours de publication.

5 Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? (1789), page 116, Paris, reprint Edhis, 1989, tome 1.

6 Id. page 26.

7 Préliminaire de la Constitution française, page 37, Paris, Reprint Edhis, tome 2.

8 L'ouvrage de Stefano Mannoni, Une et indivisible. Storia dell'accentramento amministrativo in Francia, Giuffre Editore Milano, 1994, précise l'importance de ce "pouvoir intermédiaire" au sein de la doctrine politico-constitutionnelle de Sieyès.

9 Cette distinction pragmatique est au centre de notre ouvrage sur L’avènement des porte-parole de la République (1789-1792), Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 1998.

10 Expression de Jean-Philippe Heurtin, dans son ouvrage L’espace public parlementaire. Essai sur les raisons du législateur, Paris, PUF, 1999.

11 Voir l'étude D'Antoine de Baecque, "De la dignité royale à la sévérité républicaine. Le rituel des venues de Louis XVI dans l'Assemblée nationale française (1789-1792)", in Révolution et République. L'exception française, Paris, Kimé, 1994.

12 Les travaux de Sophie Wahnich permettent de situer ce rituel dans une perspective chronologique. Voir en particulier son article « Fragments d'institutions républicaines. L'interlocution d'assemblée pendant la Révolution française », Politix, décembre 1992, et plus largement son étude sur le dispositif parlementaire de légitimation, à propos de la thématique de l’étranger, dans L’impossible citoyen. L’étranger dans le discours de la Révolution française, Paris, Albin Michel, 1997.

13 Voir le recueil de textes Les Femmes dans la Révolution française, Paris, Edhis, 1982. A propos de la place des citoyennes pendant la Révolution française, voire notre synthèse des travaux récents, avec Martine Lapied, sur le présent site.

14 Dans "Les gestes militants des citoyennes. L'offrande patriotique (septembre 1789)", in Citoyens et citoyenneté sous la Révolution française, sous la dir. de R. Monnier, Paris, Société des études robespierristes, 2006, p. 245-260.

15 Dans "Don et Citoyenneté en l'an II. Les vertus du peuple français", in Révolution et République, op. cit. .

16 Id. p. 265.

17 Voir sur ce point l’ouvrage fondamental de Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en Révolution (1789-1795), Paris, P.U.F, 1992, ainsi que notre article sur « les enjeux du débat autour de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », in Recherches sur la Révolution, A. de Baecque et M. Vovelle éds, Paris, La Découverte, 1991.

18 Essai philosophique concernant l’entendement humain, III, 3, 12, édition Coste, Paris, Vrin, 1998.

19 Sur le contexte du « corpus républicain » des années 1790-1792, et de son usage d’arguments comme démocratie, république, patrie, etc., voir l’ouvrage de Raymonde Monnier, Républicanisme, patriotisme et Révolution française, Paris, L’Harmattan, 2005, dont on peut lire un extrait sur le présent site.

20 Pour une approche plus ample de cette question de la mort, voir notre étude, « « La narration philosophique de la mort pendant la Révolution française » (sur Lequinio), in Les narrations de la mort, sous la dir. de Régis Bertrand et Jean-Noël Pelen, 2005, Publications de l’Université de Provence, p. 51-62.

21 Ces termes sont extraits des discours des « missionnaires patriotes » aixois et marseillais dont nous étudions les « missions civiques » dans notre ouvrage Marseille républiciaine (1791-1793), Presses de la Fondation de Science Po, 1992.

22 Pour une vue d’ensemble, voir notre ouvrage sur L’avènement des porte-parole de la République, op. cit..

23 D’après Raymonde Monnier, L'espace public démocratique. Étude sur l'opinion à Paris de la Révolution au Directoire, Paris, Kimé, 1994.

24 Voir l'article de Jürgen Habermas intitulé "La souveraineté populaire comme procédure. Un concept normatif d'espace public" traduit dans la revue Lignes N°7, 1989, et plus largement son livre récent, Faktizität und Geltung, Francfort sur le Main, Suhrkamp, 1992 (traduction française, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1887). Nous avons précisé, sur le présent site, les apports de l'analyse d'Habermas à la compréhension des événements de la Révolution française.

25 Voir sur ce point l'ouvrage de Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en Révolution (1789-1795), op. cit.

26 Ses Écrits politiques ont été publiés par les Editions côté-femmes (tome 1, 1993).

27 Sur Antoine Tournon, voire notre ouvrage sur La langue politique et la Révolution française, en particulier le chapitre IV, Paris, Méridiens-Klincksieck, 1989. Sur Urbain Domergue, voir le chapitre VIII de notre ouvrage sur L’avènement des porte-parole de la République, op. cit.

28 Les mots des femmes. Essai sur la singularité française, Paris, Fayard, 1995, p. 104.

29 Voir notre ouvrage sur Marseille républicaine (1790-1793), op. cit. , et plus particulièrement le passage sur la mission de Jacques Monbrion, p. 50 et svtes.

30 Nous retrouvons ici la définition de la politique proposée par Jacques Rancière dans La Mésentente. Politique et philosophie, Paris, Galilée, 1995. Dans cette perspective, la politique moderne, en tant qu'ensemble de dispositifs de subjectivation aptes à prendre en compte les litiges entre « riches » et « pauvres », « citoyens actifs » et « citoyens passifs », s'intéresse avant tout à la figure du tort, et à son règlement égalitaire. Voir aussi notre compte-rendu de son livre sur La haine de la démocratie sur le présent site.

31 Chez Volland, Imprimerie des Augustins, 1793.

32 Voir à ce sujet l’ouvrage classique de John Pocock, Le moment machiavelien, Paris, PUF, 1997.

33 Voir sur ce point le chapitre premier de notre ouvrage sur L’avènement des porte-parole de la République (1789-1792), op. cit.

34 « Le peuple s’approprie la qualité commune comme qualité propre. Ce qu’il apporte à la communauté, c’est proprement le litige (...) C’est au nom du tort qui lui est fait par les autres parties que le peuple s’identifie au tout de la communauté. Ce qui est sans part - les pauvres antiques, le tiers état ou le prolétariat moderne - ne peut en effet avoir d’autre part que le rien ou le tout », Jacques Rancière, La Mésentente, op. cit., p. 28.


Jacques Guilhaumou, "Le civisme à l'épreuve de la Révolution française", Révolution-Française.net, Notions, mis en ligne le 16 décembre 2006, http://revolution-francaise.net/2006/12/16/58-le-civisme-a-l-epreuve-de-la-revolution-francaise