Le féminisme et la subjectivité révolutionnaire : expérimentations et résistances Recensions
Par Jacques Guilhaumou, UMR Triangle, ENS/Université de Lyon
A propos du livre de Eliane Viennot, Et la modernité fut masculine. La France, les femmes et le pouvoir 1789-1804, Paris, Perrin, 2016, 409 pages.
Avec l’avènement de la démocratie moderne, les citoyennes doivent expérimenter elles-mêmes les nouvelles potentialités politiques, les concrétiser dans toutes sortes de formes d’expérimentations et de résistances au pouvoir masculin, avec le soutien de quelques rares hommes dont le témoignage est d’autant plus précieux. Avancées et reculs dans le champ des rapports entre les sexes marquent alors les divers moments de la Révolution française, obligeant le chercheur soucieux de les retracer avec minutie de se situer au plus près des événements. C’est ce que nous propose Eliane Viennot, professeure de littérature française de la Renaissance à l'Université Jean Monnet (Saint-Etienne), dans la suite de sa passionnante enquête entamée au cours les années 1990 sur La France, les femmes et le pouvoir, dont l’objectif est de circonscrire la place du féminisme dans l’exception politique française. Cette somme historique sur l’histoire du féminisme vient en effet de s’enrichir d’un troisième volume relatif à la période révolutionnaire, après ceux sur L’invention de la loi salique, Ve-XVIe siècle (2006), et Les résistances de la société, XVIIe-XVIIIe (2008). Face à une Révolution française qui se veut l’ouverture des possibles par l’invention de la démocratie politique, il est légitime de s’interroger sur ce qu’il en est, au sein des événements révolutionnaires, du rééquilibrage des rapports de force entre les sexes, et de la résistance des hommes à ce mouvement d’émancipation.