République monarchique ou démocratique ? Etudes
lundi 3 juillet 2017La querelle des titres et la construction d’un cérémonial républicain aux États-Unis en 1789-1791
par Marc Belissa, CHISCO, Université Paris Nanterre
En avril 1789, le Premier Congrès de la jeune République fédérale américaine se réunissait à New York. Alors que le processus de ratification de la nouvelle constitution par les treize états n’était pas encore totalement achevé (la Caroline du Nord et le Rhode Island ne la ratifient qu’en mai 1790), il revenait au Premier Congrès de mettre en place les nouvelles institutions dont l’élaboration n’avait pas été réalisée sans obstacles. Dans le débat qui avait suivi la Convention de Philadelphie de 1787 dans laquelle le projet de constitution fédérale avait été rédigé (1), les oppositions avaient été nombreuses tant sur la nature même du gouvernement fédéral que sur ses composantes (2). Celle qui apparaissait peut-être la plus dangereuse aux opposants antifédéralistes et même à certains des partisans du gouvernement fédéral était la fonction présidentielle. Quand on avait proposé à Philadelphie le principe d’un exécutif personnel, un grand silence s’était fait, tant l’idée d’un Président chef de l’exécutif faisait penser à une monarchie déguisée. Les débats autour de la nature du pouvoir présidentiel et surtout sur ses limites nécessaires avaient été particulièrement vifs. Dans les journaux antifédéralistes, l’accusation de monarchisme était partout même si la peur d’une monarchie à l’anglaise était tempérée par la certitude que George Washington — dont tout le monde savait qu’il serait élu Président — n’aspirait pas à devenir roi (3).
La constitution avait défini le nouveau pouvoir, il restait peut-être le plus difficile : lui donner une existence réelle en construisant une pratique politique effective. Tous les acteurs politiques partageaient la conviction que les premiers mois du gouvernement fédéral seraient un test de la viabilité des nouvelles institutions et que toutes les décisions qui seraient prises par le Congrès et le Président sur leur fonctionnement pourraient fonder des précédents aux conséquences importantes. George Washington écrivait ainsi le 9 janvier 1790 à l’historienne anglaise Catherine Macaulay Graham : "In our progress towards political happiness my station is new, and, if I may use the expression, I walk on untrodden ground. There is scarcely an action, the motive to which may not be subject to a double interpretation. There is scarcely any part of my conduct, which may not hereafter be drawn into precedent. Under such a view of the duties inherent to my arduous office, I could not but feel a diffidence in myself on the one hand, and an anxiety for the community, that every new arrangement should be made in the best possible manner, on the other (4)." La correspondance de James Madison ou de Thomas Jefferson reflétait le même sentiment. Le premier écrivait au second le 30 juin 1789 « we are in a wilderness without a single footstep to guide us (5).» Les principaux dirigeants américains avant la sensation de marcher sur des œufs, d’être observé de tous sans véritable mode d’emploi pour fonder un gouvernement qui n’avait pas de précédent. Le sort de la république — et le leur propre — était en jeu et ils devaient agir sans certitude et sans autre guide que leur raison et ce qu’ils appelaient l’expérience des peuples républicains.
Les enjeux de la création du gouvernement fédéral et la question de la nature de la République américaine
Sans revenir par le menu sur les causes de ce que les historiens américains appellent la crise de la confédération de 1783 à 1787 (6), rappelons rapidement les principales causes politiques et sociales de la création du gouvernement fédéral. Associés dans le cadre des Articles de confédérations — qui déléguaient en théorie au Congrès continental l’administration des relations internationales, des postes, et du commerce extérieur — les états restaient en réalité totalement souverains en ce qui concernait leurs relations réciproques et leurs politiques économiques et sociales intérieures. Dès la fin de la guerre d’Indépendance sanctionnée par le traité de Paris de 1783, de nombreux commentateurs américains et européens considéraient que l’union entre les états forgée pendant le conflit avec l’Angleterre risquait d’exploser, notamment en raison de l’impossibilité d’imposer une politique extérieure et commerciale commune. Les états pratiquaient une sorte de dumping visant à attirer le commerce extérieur dans leurs ports au détriment de leurs voisins, des conflits parfois violents les opposaient également sur leurs frontières respectives (7). Les "territoires" non encore érigés en états et dépendants du commerce avec l’Espagne (par la voie du Mississippi) ou avec le Canada anglais, étaient travaillés par des tendances centrifuges qui risquaient de les attirer dans l’orbite des puissances européennes rivales. D’une manière générale, les élites américaines considéraient que l’union était trop faible et qu’il fallait la renforcer pour créer une véritable politique "nationale", notamment face à l’Angleterre et à l’Espagne (8).
Par ailleurs, la Révolution et les années qui suivirent le traité de Paris avaient provoqué une crise économique, sociale et politique d’ampleur. Le commerce était languissant, tiraillé qu’il était entre des logiques différentes selon les états. La pénurie de numéraire et de crédit couplée avec l’inflation des différents papiers-monnaies créés pour combler les besoins de la guerre et du fonctionnement des états avaient poussé certains d’entre eux à voter des lois favorisant les débiteurs au détriment des créanciers. Dans certains états, des majorités législatives "populaires" s’étaient constituées pour imposer le cours forcé du papier-monnaie ou pour refuser le remboursement de certaines dettes (notamment celles dues aux créanciers anglais et loyalistes en vertu du traité de Paris). Pour une bonne partie de l’élite américaine, la "démocratie" et ses "excès" menaçaient donc non seulement l’union mais aussi les intérêts de la "minorité" aisée des créditeurs. Un certain nombre de commentateurs et d’acteurs politiques considéraient que la montée des gouvernements "populaires" d’états devait être contrée par la construction d’une entité nationale capable de réglementer la diplomatie, le commerce, la monnaie et le crédit. Les historiens américains les appellent souvent les "nationalistes". Ils souhaitaient un gouvernement fédéral ou national fort, capable d’imposer aux états des politiques moins "populaires". Même si le poids des "nationalistes" ne doit pas être surestimé dans l’opinion américaine (les partisans d’un gouvernement vraiment "national" et non fédéral n’étaient qu’une poignée), il est certain que leur action dans le cadre de la Convention de Philadelphie a été importante dans l’adoption du projet de constitution et dans le processus de ratification de celui-ci à partir de 1787. Tous les fédéralistes de 1787-1789 n'étaient pas forcément en phase avec les "nationalistes" comme Robert Morris, Alexander Hamilton ou John Jay. James Madison ou Thomas Jefferson par exemple souhaitaient eux aussi un gouvernement fédéral mais qui ne fasse pas disparaître la souveraineté réservée des états. Leur conception du gouvernement fédéral tirait davantage dans le sens d’un gouvernement-arbitre dont les pouvoirs seraient circonscrits afin d’assurer le futur de l’union et non dans le sens d’un gouvernement "national" se substituant aux gouvernements d’états.
Le mouvement appelé alors "anti-fédéraliste" par les fédéralistes était lui aussi très hétérogène (9). Le point commun aux opposants à la ratification du projet de constitution était leur inquiétude à l’égard d’un gouvernement fédéral puissant susceptible de réduire la souveraineté des états. Ils refusaient l’idée de la construction d’un gouvernement "national" qui risquait de devenir une puissance oppressive à l’image de celles de l’Europe. Ils étaient particulièrement opposés à l’institution de la Présidence dans laquelle ils voyaient une monarchie déguisée et une imitation du modèle anglais de l’exécutif personnel. Un certain nombre de partisans du gouvernement fédéral les rejoignaient d’ailleurs dans cette appréhension. Enfin, nombre d’entre eux s’inquiétait de l’absence d’une déclaration des droits dans le projet de constitution.
Une fois le projet de constitution ratifié par onze états sur treize, les oppositions entre anciens fédéralistes et antifédéralistes ne disparurent pas. Nombre d’anciens antifédéralistes restèrent méfiants tout en acceptant le verdict du vote des conventions de ratification. Jouant le rôle d’une "opposition" sans le nom, un petit groupe de députés au Congrès élu considérait que le nouveau gouvernement devait faire ses preuves et que leur devoir était de le surveiller pour éviter toute dérive vers un gouvernement trop "national" et tout renforcement des pouvoirs de l’exécutif susceptible de se transformer en "monarchie" sans le nom. La plupart des délégués ne craignaient pas, à court terme, une mise en place formelle d'une monarchie avec Washington pour roi élu mais ils considéraient qu’un processus de "monarchisation" sans le nom de roi pouvait se mettre progressivement en place si l’on n’y prenait pas garde. D’où une vigilance de nombre d’acteurs politiques dès les premiers mois de la mise en place du nouveau gouvernement à l’égard de tout ce qui pouvait rappeler la culture politique monarchiste européenne ou tout emprunt aux formes anglaises de gouvernement. Or les partisans du nouveau gouvernement et particulièrement les "nationalistes" comme Hamilton ou Jay, mais aussi des fédéralistes de premier plan comme John Adams, le vice-Président élu et président du Sénat, cherchaient à consolider la fonction présidentielle en lui donnant une position particulière dans le processus de construction du nouveau gouvernement. Le pouvoir exécutif était pour eux la clé de voûte et la plus importante composante du gouvernement fédéral "national". C’était d’abord par l’action du pouvoir exécutif et par la mise en avant de la personnalité consensuelle et héroïque de Washington que l’on pouvait créer réellement un centre d’impulsion en faveur du gouvernement fédéral à l’échelle des Etats-Unis, impulsion nécessaire pour surmonter les tendances centrifuges, "sectionnelles" et "populaires" incarnées dans les états particuliers et dans leurs législatures. Entourer Washington et la fonction présidentielle d’une forme particulière de faste et de respect était donc un enjeu fondamental dans la perspective de la construction d’un véritable gouvernement à l’échelle fédérale. C’est la raison pour laquelle les questions de l’étiquette et du cérémonial républicain à construire dans le cadre du nouveau gouvernement étaient capitales pour ses partisans. Mais la fonction présidentielle était une nouveauté. Il fallait donc résoudre cette question en s’appuyant sur les formes déjà existantes et respectées, c’est-à-dire sur les usages britanniques monarchiques. Comment emprunter aux formes monarchiques anglaises sans dénaturer trop ouvertement la forme républicaine de gouvernement ? Telle était l’équation à résoudre pour les partisans d’un exécutif "national".
Entre 1789 et 1791, un débat autour des questions cérémonielles et de la nécessité de titres honorifiques pour les membres du gouvernement se déploya parmi les acteurs politiques mais aussi dans la presse et en particulier dans le petit nombre de journaux que l’on pourrait qualifier "d’opposition" ou du moins critiques à l’égard de l’action du gouvernement fédéral. Ces journaux "d’opposition" seront un peu plus tard à partir de la fin de 1792 le noyau autour desquels se construiront les premières structures informelles du "parti" Républicain-démocrate opposé aux Fédéralistes. Ce qui était en jeu était bien la nature du gouvernement fédéral américain et par extension de la République des Etats-Unis. Le gouvernement fédéral serait-il "national", centralisateur et virtuellement "monarchique" ? La République américaine serait-elle démocratique et populaire ou bien déférente, "aristocratique" et monarchique ?
Je traiterai ici seulement trois aspects de ce débat qui en comporte de nombreux autres. J’aborderai tout d’abord ce que j’appelle la "querelle des titres" qui oppose partisans et contempteurs de l’utilité des titres honorifiques en République et en particulier pour la fonction présidentielle, puis j’évoquerai la question de la culture politique festive qui se met en place de manière spontanée ou non autour de Washington dans les années 1789-1791 et enfin je présenterai la question de la définition de l’étiquette attachée à la fonction présidentielle. J’ai choisi la date de 1791 pour terminus de cette présentation pour plusieurs raisons. La première est que la question des titres est alors définitivement réglée et que la plupart des éléments du système festif et cérémoniel entourant la personne du Président sont fixés pour un temps au moins. La seconde est qu’à cette date ce que l’on appelle improprement les "partis" fédéraliste et républicain-démocrate ne sont pas encore cristallisés. À partir de 1792, un nouveau chapitre de l’ère fédérale s’ouvre dans lequel les affrontements "partisans" reconfigurent la question de l’étiquette et du cérémonial. C’est à partir de cette date que les critiques républicaines à l’encontre des formes "monarchiques" du cérémonial entourant Washington vont contribuer à remettre en cause son image jusque-là consensuelle.
Plusieurs historiens américains ont travaillé ces problématiques ces dernières décennies en s’inspirant souvent des travaux de l’historiographie européenne sur les cultures politiques. Parmi ces spécialistes américains, on peut notamment citer David Waldstreicher et Simon P. Newman qui se sont intéressés en 1997 à la culture festive dans son rapport à la construction de la "nation" américaine pendant la jeune République, Joanne B. Freeman qui a travaillé sur la culture de l’honneur et les structures politiques dans la même période, Sandra Moats qui a étudié la mise en place d’un cérémonial présidentiel (10). Je les ai utilisés dans cette présentation, de même que les œuvres des principaux acteurs politiques du temps, ainsi qu’un corpus de journaux d’opposition.
La querelle des titres
Élu le 4 février 1789, George Washington n’arriva à New York — où le Congrès avait ouvert ses travaux début avril — que le 20 de ce dernier mois. Dans la Constitution, rien n’avait été prévu en ce qui concernait la forme que devait prendre l’inauguration du nouveau gouvernement, la prestation du serment du Président ou le cérémonial qui devait être observé dans les occasions où celui-ci se rendrait au Sénat. De même, la question de l’étiquette concernant la forme des relations entre Chambre des Représentants, Sénat et Présidence n’avait pas été abordée. Cette absence d’étiquette posait problème à ceux qui comme John Adams — le vice-Président et donc président du Sénat selon la constitution — voulaient entourer le pouvoir exécutif et le Sénat d’une certaine pompe pour renforcer leur prestige par rapport à la Chambre des Représentants. Pour Adams — que certains historiens ont vu, sans doute un peu schématiquement, comme un "républicain classique" (11) — les trois branches du gouvernement américain renvoyaient aux trois éléments types du gouvernement mixte idéal issu de la tradition romaine et polybienne : le Sénat à l’élément aristocratique, la Chambre des Représentants à l’élément démocratique et la Présidence à l’élément monarchique. Bien entendu, l’aristocratie "naturelle" américaine ne serait pas à proprement parler une "noblesse" à l’européenne et Washington ne serait pas vraiment un "roi", mais il était nécessaire de reconnaître une supériorité de prestige au Sénat et au Président pour équilibrer les institutions et tempérer l’élément démocratique représenté par l’autre Chambre du Congrès. Adams considérait plus généralement que les passions humaines dominantes étant l’ambition et la soif de distinctions et de prestige social, un bon gouvernement devait leur permettre de s’exprimer dans un cadre défini. Comme il était impossible d’abolir les aristocraties "naturelles" qui renaissaient toujours du jeu des passions et de l’inégalité des fortunes, il était nécessaire de leur donner des moyens constitutionnels et légaux d’exprimer leurs ambitions sans pour autant dégénérer en guerre civile du few contre le many, ou inversement. La question des titres était donc pour Adams, tout à fait centrale dans sa conception de la société et du gouvernement. Le Président étant la clé de voûte de l’édifice politique et social, il devait jouir d’une position éminente de quasi-roi républicain. C’est la raison pour laquelle dès le 23 avril, il proposa de mettre à l’ordre du jour du Sénat la question suivante : "What style or title it will be proper to annex to the Offices of President and Of Vice President of the United States — if any other than those given in the Constitution ?". Le Sénat puis la Chambre des Représentants désignèrent deux comités pour aborder le problème.
Si les débats de la Chambre des Représentants étaient publics, ceux du Sénat restaient — au grand dam des républicains les plus marqués — secrets (on ne connaissait que l’ordre du jour approximatif en fonction de ce que les sénateurs faisaient "fuiter"). La presse ne mentionne donc les positions en présence au Sénat qu’en regard des réponses apportées par les représentants et donc avec un certain décalage dans le temps. Mais un document bien connu des historiens américains permet de combler les vides. Il s’agit du journal personnel du sénateur William Maclay de la Pennsylvanie (12). Maclay était un républicain convaincu et soupçonneux. Son journal abonde en remarques inquiètes à l’égard de tout ce qui pouvait passer pour un processus d’aristocratisation ou de monarchisation des institutions, pouvant à terme mettre en péril les mœurs républicaines des Américains. Maclay craignait en particulier la construction d’un "Court party" à l’image de l’Angleterre. Les orateurs un peu trop doués qui jouaient aux "chefs de parti", les événements mondains et politiques autour de Washington, la propension à occuper une position éminente de celui-ci, le luxe des vêtements ou des attelages, les cérémonies publiques sentant la monarchie, le secret des débats du Sénat, étaient autant de sujets d’appréhension qui menaçaient selon lui l’avenir de la République et du républicanisme en Amérique (13). Les premiers mois de fonctionnement du gouvernement lui donnèrent amplement de quoi s’alarmer.
Dès l’arrivée de Washington à New York le 20 avril, Maclay commença à consigner les remarques négatives sur la pompe qui entourait le Président et à s’inquiéter des débats sur la forme de sa prestation de serment. Il intervint le 24 avril pour tenter de faire avorter le débat sur la proposition de Adams visant à discuter de la question des titres du Président et du vice-Président. Le lendemain, alors que John Adams demandait au Sénat s’il devait recevoir Washington en tant que Président du Sénat ou en tant que vice-Président, Maclay intervint de nouveau contre l’idée d’introduire des distinctions par des titres spécifiques. Un sénateur se demanda quelle attitude ses collègues devaient respecter en présence du Président. Devaient-ils se lever et écouter son discours debout, chapeau à la main comme dans la Chambre des Communes, ou assis comme dans la Chambre des Lords en Angleterre ? Finalement, lors de la réception de Washington au Sénat le 30 avril, on reçut le Président debout et non assis. Adams, semble-t-il paniqué par la circonstance, trébucha sur son discours et fit piètre figure selon Maclay. Le Sénat nomma une commission pour rédiger une réponse au discours du Président. Le lendemain, le rapport de la commission posa un nouveau problème cérémoniel : comment devait-on répondre au discours du Président ? La formule "His Gracious Speech" empruntée aux usages anglais proposée par Adams suscita des critiques dont celle de Maclay qui rappela que « there had been a revolution in the sentiments of the people respecting government, equally as great as that which happened in the government itself. That even the modes of (monarchical government) were now abhorred. The ennemies of the constitution had objected to it the facility there would be of transition from it to a kingly government, and all the trappings and splendor of royalty. That if such a thing as this appeared on our minutes, they would not fail to represent it as the first step to the ladder in the ascent of royalty (14). » Adams fit alors une sortie qui choqua une partie du Sénat quand il fit une longue apologie du gouvernement anglais sous lequel les Américains avaient vécu si "longtemps" et si "heureusement" avant la Révolution. Finalement, le Sénat adopta la formule "excellent speech" bien plus neutre. La forme de la réception du secrétaire de la Chambre des Représentants souleva également des discussions. Devait-il être admis sans plus de cérémonies dans la pièce où siégeait le Sénat ou bien devait-il effectuer sa communication sur le pas de la porte à un sergent en uniforme, manifestant ainsi l’éminence supposée du Sénat par rapport à la Chambre des Représentants ? Le Sénat avait d’abord tranché en faveur de la réception sur le pas de la porte le 23 avril, mais devant le net refus de la Chambre des représentants d’accepter ce cérémonial, on revint sur la décision. Pour Maclay, ces débats sentaient le soufre. Ne voulait-on pas importer en Amérique les "fooleries fopperies fineries and pomp of Royal etiquette" de l’Europe ? Si l’on ne mettait pas le holà à ces cérémonies, la corruption de la tyrannie pouvait fort bien s’introduire dans les institutions américaines et pervertir leur caractère républicain. On connaît l’aporie traditionnelle de la pensée républicaine : comment faire une république sans changer les mœurs héritées des vieilles monarchies ? Pour Maclay et nombre de commentateurs, la question de ce que nous appellerions la "culture politique cérémonielle" et de son influence sur les mœurs était donc centrale. D’autant que celui qui semblait en pointe dans cette tendance à la monarchisation du cérémonial et à la constitution d’une sorte de Court party n’était autre que le vice-Président lui-même qui semblait jouir du soutien d’une partie des sénateurs. Au risque de sa marginalisation dans le Sénat (15), Maclay décida de ne rien laisser passer et d’intervenir à chaque tentative d’introduction d’un élément monarchique dans le cérémonial, ce qu’il fit le 1er mai dans une nouvelle passe d’armes avec Adams.
Le débat sur les titres commença réellement le 5 mai quand le comité de la Chambre des Représentants rejeta sans beaucoup de discussion la proposition initiale du Sénat en précisant qu’il ne convenait pas d’adjoindre un titre autre que celui donné par la Constitution au Président. Mais les partisans des titres dans le Sénat relancèrent la discussion qui dura du 8 au 14 mai. Le sénateur Henry Lee de Virginie affirma que le monde entier "civilisé ou sauvage" avait besoin de titres pour entourer les fonctions de gouvernement de prestige et que certaines constitutions d’état accordaient déjà des titres comme "Excellency" pour les gouverneurs ou "Honorable" pour les représentants. Oliver Ellsworth du Connecticut ajouta que le titre de Président était insuffisant, car rien ne distinguerait alors Washington d’un simple président de club de cricket. Maclay prit la parole pour rappeler que l’esprit de la Constitution était opposé au fait d’octroyer des titres splendides quels qu’ils soient (16). Il s’était déjà opposé la veille — mais sans succès — à une phrase du projet de réponse à l’adresse du Président qui contenait l’expression "dignity and splendor of the government". Les partisans des titres proposèrent néanmoins différentes options : "His Excellency", "His Highness" ou "His Higness elective". Un titre était, selon eux, de toute manière nécessaire pour ajouter à la dignité de la fonction présidentielle en Amérique même, mais surtout à l’égard des puissances étrangères qui se moqueraient d’un simple Président. Maclay répondit que la dignité personnelle de Washington était suffisante et que l’on n’avait nul besoin de singer les titres des ducs et des princes européens pour conférer à la Présidence le prestige dont elle avait besoin dans les négociations extérieures. La majesté du Peuple américain qui élisait le Président était de toute manière bien au-dessus de celle des rois de la vieille Europe. La discussion tourna court et l’on désigna un nouveau comité chargé de présenter une proposition pour le lendemain 9 mai. C’est ce nouveau comité qui proposa la formule étonnante : "His Highness the President of the United States of America and Protector of the Rights of the Same". Cette formulation relança l’opposition des républicains les plus inquiets et de Maclay en particulier. C’est le moment que choisit John Adams pour intervenir avec flamme en faveur des titres.
Le président du Sénat avait été parmi les acteurs les plus importants de la Révolution mais on savait que son républicanisme se teintait de goût pour l’idée "d’aristocratie naturelle" et pour le modèle anglais de gouvernement. Dans son dos, on se moquait depuis un certain temps de sa "vanité", de son appétence pour les cérémonies, les attelages, les vêtements de luxe, etc. peu compatibles d’ailleurs avec son apparence physique (on l’appela "His Rotundity" ou "His Higness of the Senate" pour le moquer). Il avait — en privé et en public à Boston — plusieurs fois évoqué le manque de prestige de la fonction présidentielle et avait déclaré qu’un simple Président serait "méprisé" par tous. Pour Adams, l’adjonction d’un titre à celui de Président était indispensable pour renforcer le prestige du récipiendaire du pouvoir exécutif. Plus généralement, Adams considérait qu’il fallait créer une forme de distance entre le peuple et ses représentants quels qu’ils soient et entre le premier magistrat et les autres représentants du peuple. Lui-même était particulièrement attentif — certains disaient maniaque — à l’égard de sa position de vice-Président en présence de Washington. On l’avait vu lors du débat sur la prestation de serment du Président quand il demanda, paniqué, au Sénat de préciser quelle devait être son attitude en présence du grand homme.
Son long discours destiné à rallier la majorité du Sénat sur la proposition du comité produisit l’effet inverse, comme le nota le fédéraliste Fisher Ames qui lui reprocha d’avoir été par trop "undisguised" (17). Le Sénat ajourna la question en la renvoyant à un troisième comité qui serait commun aux deux chambres. Le 11 mai, la Chambre des représentants discuta de la nécessité de créer un tel comité. Là, les partisans des titres étaient beaucoup moins actifs. John Page de Virginie élargit le débat et proposa que l’on supprime l’usage du terme "honorable gentleman", car il n’ajoutait rien à l’honneur et à la dignité des représentants. Deux autres députés — Parker et Tucker — rejetèrent fermement tous les titres, car ils risquaient d’ouvrir la porte au retour de la monarchie. Le second affirma également que George Washington ne désirait d’ailleurs aucun titre. Les titres amèneraient les équipages luxueux, l’étiquette, les parades et toute la quincaillerie monarchique, par laquelle la liberté serait menacée. Les Américains, cherchant à imiter servilement les usages des rois de l’Europe, cesseraient d’être des hommes libres (18). James Madison, qui était alors la figure la plus importante de la Chambre, prononça ensuite un discours rejetant catégoriquement l’idée de titres comme absolument incompatible avec le républicanisme et l’esprit de la constitution. Pour Madison, les titres n’étaient pas dangereux en eux-mêmes en Amérique, car ils n’étaient que des expressions superficielles qui ne menaçaient pas la Constitution, mais admettre l’existence de titres prestigieux dans la République revenait à permettre à moyen terme les intrigues pour accompagner ces titres de pouvoirs bien réels et par conséquent dangereux. Madison rappelait que les titres ne donnaient aucune dignité à ceux qui les portaient en Europe ou en Asie ; en Amérique ils seraient au mieux ridicules. Les titres n’étaient pas "reconcilable with the nature of our Government or the genius of the people", car "instead of increasing, they diminish the true dignity and importance of a republic". La véritable dignité du gouvernement républicain résidait dans sa simplicité, sa frugalité et son rejet de l’ostentation : "The more truly honorable shall we be, by showing a total neglect and disregard to things of this nature ; the more simple, the more republican we are in our manners, the more rational dignity we shall acquire" (19). Le discours de Madison, un des rédacteurs de la Constitution, porta un coup sévère aux partisans des titres dans le Sénat et à Adams en particulier. Le 14 mai, Le Sénat réaffirma l’utilité des titres mais se rangea finalement à la position de la Chambre des Représentants : le Président n’aurait pas d’autre titre que celui donné par la Constitution.
Le débat avait creusé une brèche non seulement entre partisans des titres et leurs opposants, mais aussi entre Sénat et Chambre des Représentants. Il avait également montré que si le Sénat avait la main sur les questions cérémonielles, la décision ultime restait à la Chambre des représentants. L’élément démocratique avait pris le pas sur ceux qui voulaient faire du Sénat un contrepoids aristocratique et surtout avait imposé des formes républicaines simples et austères "à la romaine", tournant le dos à l’imitation des puissances de l’Europe. Le Président resterait un magistrat républicain investi du pouvoir exécutif et non un roi électif en devenir. On peut également noter que Washington lui-même resta très prudemment en dehors de ces débats. En privé, il confia d’ailleurs à ses correspondants son malaise à l’égard de la proposition de John Adams et le fait qu’il n’avait jamais rien demandé ni souhaité de la sorte (20), ce qui ne l’empêchait pas de considérer lui aussi que le Premier magistrat des Etats-Unis devait être investi d’une autorité le distinguant de tous. Incarnation du gentleman colonial, Washington était attaché aux formes de la déférence qui séparait les élites du peuple et n’avait rien d’un "démocrate". Sa conception de la société n’était rien moins qu’égalitaire.
Deux conceptions différentes de la république s’étaient opposées dans ce débat. Une république en quelque sorte "traditionnelle" sur le schéma du gouvernement mixte anglais avec une composante aristocratique et monarchiste et une république pensée en opposition à la monarchie, comme celle que Paine avait défendue dans son Common Sense en 1776. Comme l’avait dit Maclay, la révolution n’avait pas seulement modifié le gouvernement mais aussi les sentiments du peuple à l’égard de la nature du gouvernement, la monarchie s’opposait désormais à la république et tout ce qui rappelait la première était odieux aux Américains. Selon Maclay, la révolution républicaine était en quelque sorte inachevée, car les mœurs et les habitudes aristocratiques et monarchiques n’avaient pas été déracinées et elles risquaient de repousser si l’on n’y prenait pas garde.
La presse se fit l’écho de ces débats, en particulier la presse d’opposition. Une lettre du 13 mai publiée dans le New York Journal de Thomas Greenleaf fit l’éloge du discours de Madison et de la Chambre des Représentants qui avaient montré leur common sense et leur indépendance à l’égard des usages monarchiques de l’Europe (21). C’était, selon son rédacteur, la preuve des progrès de la raison et du républicanisme en Amérique. L’auteur ajoutait qu’il fallait aller plus loin dans l’abolition des formes monarchiques ou aristocratiques qui défiguraient encore les législatures et les tribunaux. Il proposait de supprimer les termes de "Most Honorable" utilisé pour les membres du Sénat, d'"Honorable" ou du "Worshipful" que l’on trouvait encore dans les états. Dans la New York Gazette, un "citoyen des Etats-Unis" prévenait ses concitoyens qu’en tant que républicains "we should be careful not to introduce any distinctions, which might lead the people to suppose that there was a design to establish an aristocracy"(22). Une autre lettre, publiée dans le numéro du 18 juin du New York Journal mit en garde les Américains en leur présentant l’expérience de la corruption des républicains qui avaient donné des titres à leurs gouvernants, "they no more are free, but bond-men to despots and hirelings to masters." Les titres conduisaient à une forme de "lordly insolence, which, if sanctionned by the laws of a country will terminate in despotism" (23).
Pour bon nombre d’Américains en effet, les formes politiques et judiciaires américaines restent à réformer dans le sens de la républicanisation du langage politique, encore trop marqué par le passé anglais et la corruption. En janvier 1790, l’Independent Chronicle de Boston publia deux articles pour encourager la législature du Massachussetts à abolir au plus vite tous les titres accordés aux représentants de cet état afin de ne pas donner d’argument à ceux qui en voulaient pour le Président (24). Dans le Freeman’s Journal de Francis Bailey publié à Philadelphie, un article du 23 février 1791 préconisait même l’abolition de l’usage du terme gentleman devenu une insulte pour les vrais patriotes. Les titres en république étaient inutiles et dangereux et le peuple américain serait bien plus heureux "if that foppery of monarchies were as far off this country as the unsuccessful bayonets of George the Third". L’auteur qui signait du nom de "A Warm Republican" ajoutait : "Let those old rags from Britannia’s mantle, be returned to the patched lords who are fools enough to be happy bearing them and be America peopled with free and equal men ! Amen !" (25).
Dans un long article du 21 janvier 1790 intitulé "The Examiner", le rédacteur se fit l’apologiste d’un "equal government" fondé sur l’égalité et la simplicité républicaines (26). L’exemple antique était mobilisé : les cités-États grecques ne connaissaient aucun titre, et, à Rome sous la République, on ne distinguait ni excellences ni majestés mais seulement des sénateurs et des consuls. Un autre article du 3 février 1791 ajoutait que ce n’était qu’influencé par les mœurs despotiques de l’Asie que les Romains en créèrent pour enchaîner et asservir les peuples (27). Après les titres, vint l’usage de la proskynèse devant les tyrans et la création d’une race d’esclaves soumis. Des titres en Amérique auraient pour but de marquer la domination des représentants du peuple sur le peuple lui-même. C’est pourquoi il serait dangereux de donner du "Lordship" ou du "Most honorable" aux Sénateurs ou du "Highness" au Président. Les pouvoirs constitutionnels du Président sont, certes, importants mais il doit les remettre au bout de quatre ans et redeviendra un citoyen comme les autres à la fin de son mandat. Il est donc périlleux de lui conférer un titre qui rappellerait les rois de France et leur pouvoir absolu. Personne d’autre que le peuple ne peut être le "Protecteur des libertés" des Américains. S’ils remettaient ce pouvoir à une personne, il mettrait en place un gouvernement monarchique, celui-là même contre lequel ils ont combattu pour obtenir leur liberté (28). Ceux qui veulent introduire dans la république américaine "all the pomp and pageantry of courts and the catalog of nauseous titles" ne sont que des "would-be noblemen" qui veulent porter la marque du despotisme (29). Les journaux fédéralistes qui défendent l’utilité politique des titres ne sont que des flatteurs sycophantes ignorants de l’histoire des peuples.
En effet, les journaux fédéralistes entrèrent dans le débat sur les titres contraints par la levée de boucliers contre la proposition du Sénat. Ils défendaient l’idée que les fonctions étant honorables, il fallait les distinguer par un titre spécifique. Un article publié en réponse à ceux de l’Independent Chronicle de janvier ajouta qu’il fallait penser une échelle des titres entre le Président "His Federal Majesty" ou "His Federal Highness" et les fonctions législatives, exécutives et judiciaires fédérales et celles des états (30). L’abolition des privilèges et de la noblesse en France servit d’exemple aux républicains marqués. Dans un poème publié par le New York Journal le 5 octobre 1790, l’auteur se réjouissait de l’extinction de tous les titres de duc, de marquis et d’abbés et prédisait un avenir pour l’Europe et l’Amérique, débarrassé des chaînes honorifiques dans lequel la valeur des Tim et des Thomas serait fondée sur le "common stock of merit" (31).
John Adams devint une cible privilégiée de la presse d’opposition et les rumeurs sur sa folie des grandeurs et sa manie monarchique se répandirent, notamment en Virginie. Encore à Paris, Thomas Jefferson écrivit à Madison le 9 août que le titre proposé par le vice-Président était la chose la plus superlativement ridicule qu’il ait jamais entendue et que son ami était parfois un peu fou. Il ajoutait que si celui-ci avait pu être présent à Paris lors des événements récents, sa fibre aristocratique l’aurait fait envoyer à l’asile (32) … On écrivit d’Adams qu’il ne se déplaçait qu’en carrosse à six chevaux décoré d’un blason. Dans une lettre privée du 26 juillet, Washington fut obligé d’intervenir pour faire savoir qu’il s’agissait là d’une rumeur infondée bien qu’il reconnût que Adams était "high toned" (33). Selon David Stuart, un des correspondants de Washington, le débat sur les titres avait causé un grand ferment et une certaine inquiétude dans le public et John Adams et Henry Lee étaient devenus très impopulaires, dans une partie des états tout au moins.
On voit à travers ce débat que les inquiétudes des antifédéralistes à l’égard du nouveau gouvernement étaient loin d’être dissipées et qu’elles étaient passées chez une partie des fédéralistes de 1787. Chez les républicains les plus marqués, l’idée qu’un parti "monarchiste" et/ou "aristocratique" était à l’œuvre en Amérique pour faire rétrograder la Révolution et favoriser une forme de construction monarchique sans roi se cristallisa dès la fin de 1789 et en 1790. Un article publié dans l’Independent Chronicle de Boston à la fin de 1790 utilise l’expression de parti monarchiste pour caractériser ceux que l’on n’appelle pas encore les "fédéralistes" par opposition aux "républicains-démocrates". Pour l’auteur, il est évident qu’il existe "a party in the United States who have attempted to intrude the title of HIS HIGHNESS on the President. The same men are for establishing the office of Senate for life ; and in fact for introducing a mixed monarchy to the United States. They affect to believe, that those great distinction of stile, title and estate, are all necessary to compelling the people to a proper submission." Ces hommes ont augmenté leurs propres salaires et émoluments à une hauteur jamais vue et cherchent à établir un gouvernement fondé sur des principes opposés à ceux de la Révolution (34).
Les inquiétudes des opposants aux titres étaient renforcées par le système festif et cérémoniel qui se construisit dès 1789 autour de la figure du Président.
Un système festif monarchico-républicain
En accord avec la Constitution fédérale récemment ratifiée, les élections au premier Congrès avaient eu lieu à l’automne 1788. Les grands électeurs furent désignés le 7 janvier 1789 et l’élection du Président se tint le 4 février. Bien connu dans toutes les colonies anglaises pour son rôle militaire dans la guerre de Sept Ans, figure centrale de la guerre d’Indépendance, qualifié de "Père de la patrie" pendant celle-ci, de "nouveau Cincinnatus" après sa conclusion, Président de la Convention de Philadelphie et partisan d’un gouvernement fédéral "national", George Washington était pour tous rien moins que l’incarnation de la "nation américaine". L’élection était jouée d’avance. George Washington obtint 69 voix — c’est-à-dire l’unanimité — et John Adams 34 pour la vice-Présidence (pour une dizaine de candidats à cette dernière fonction). Âgé de 57 ans, on pouvait supposer que Washington serait réélu jusqu’à sa mort ouvrant ainsi la perspective de la transformation de la République américaine en une sorte de monarchie élective à vie, ce dont s’inquiétaient les antifédéralistes mais aussi certains partisans du gouvernement fédéral (35).
Soucieux de respecter strictement les formes, Washington resta silencieux dans sa résidence de Mount Vernon en attendant la notification officielle des résultats par le Congrès, le vice-Président Adams fit de même dans son domaine de Braintree. Les délégués arrivant au compte-gouttes à New York, le quorum pour l’ouverture réelle des travaux de la Chambre des représentants et du Sénat ne fut atteint que le 1er avril pour la première et le 6 avril pour le second. C’est donc seulement à cette date que furent proclamés les résultats de l’élection présidentielle. Une délégation des deux chambres fut désignée pour les transmettre aux intéressés. Adams apprit la nouvelle le 12 et Washington deux jours plus tard. Le Congrès mit également sur pied deux comités pour organiser les cérémonies de l’inauguration, celui du Sénat ayant la haute main sur cette affaire. Le 15 avril, on proposa un plan et on nomma trois sénateurs et cinq représentants pour accueillir Washington à son arrivée dans le New Jersey, pour l’escorter jusqu’à Manhattan et pour préparer son lieu de résidence.
Washington concevait son rôle de Président non comme une dignité honorifique mais comme un élément essentiel du gouvernement fédéral. Il était décidé à exercer pleinement sa fonction dans le respect de la Constitution. Très conscient de sa stature continentale et internationale, il incarnait une forme d’autorité à la fois républicaine et personnelle. Extrêmement soucieux de sa réputation (en anglais de son character), il prêtait une attention extrême aux détails et aux formes des cérémonies auxquelles il participait. Tout y était calculé : ses vêtements, son épée au côté, ses postures, son emploi du temps et ses discours concis en réponse aux éloges dithyrambiques qui lui étaient prodigués. Washington était non un homme mais un personnage, il était la personnification du gentleman colonial et du magistrat républicain dévoué à la chose publique mais dont l’austérité était tempérée par la politesse censée être propre à l’aristocratie britannique. Militaire sans doute assez ordinaire, c’était son rôle politique et même moral dans et après la guerre d’Indépendance qui lui avait donné sa stature inégalée en Amérique. D’une certaine manière, il était déjà un "roi" dans sa capacité d’incarnation politique mais il refusa toujours de le devenir réellement, étant attaché à ce qu’il considérait comme la forme républicaine de gouvernement. Avec Washington, les partisans du gouvernement fédéral jouissaient d’un atout maître dont ils usèrent constamment pour renforcer le prestige et la légitimité des nouvelles institutions et pour soutenir l’idée de gouvernement "national" supérieur aux gouvernements d’états. Pendant les deux mandats de Washington entre 1789 et 1796, ils édifièrent un véritable système festif et cérémoniel autour de sa personne pour renforcer la fonction présidentielle et le pouvoir exécutif et incarner l’idée de "nation américaine". Une forme de culte national entoura Washington, un culte à l’origine de mythes fondateurs encore extrêmement prégnants dans l’Amérique actuelle. Le système festif entourant la personne de Washington se mit ne place dès son voyage inaugural.
Washington se hâta lentement et sa route de Mount Vernon jusqu’à New York (en passant par le Maryland, la Pennsylvanie et le New Jersey) lui prit une semaine et fut parsemée d’escales. À chaque station de son parcours, le Président élu fut fêté par les autorités et les habitants selon un cérémonial semi-spontané et répétitif largement inspiré de la symbolique monarchique anglaise : les discours des autorités faisaient l’éloge du héros américain et du "Père du peuple" selon des formes utilisées pour les rois d’Angleterre, les adresses de groupes de citoyens faisaient de même, les toasts s’enthousiasmaient pour l’avenir du gouvernement fédéral sous sa direction, des processions et des défilés de vétérans accompagnés de treize coups de canon puis des dîners publics complétaient le dispositif. Les discours des autorités insistaient sur la stature du héros militaire mais aussi et surtout sur le sens du sacrifice personnel de Washington. Celui-ci répondait invariablement qu’il aurait préféré la retraite de Cincinnatus mais qu’il se dévouait parce que le peuple américain l’avait appelé. Son sens du devoir, du service de la nation et du sacrifice de ses intérêts personnels étaient mis en avant. Sur le pont sur la Schuykill près de Philadelphie, le peintre Charles Wilson Peale avait aménagé un mécanisme placé sous une arche qui plaçait une couronne de laurier au-dessus de la tête de Washington à son passage. Le Président écarta la couronne de laurier qui rappelait peut-être trop César et les tentations monarchiques, mais embrassa la fille de Peale. Près de Trenton, dans le New Jersey, où Washington avait combattu, un pont fut décoré de motifs floraux et d’arcs de triomphe avec treize piliers, portant des dates symboliques de l’Indépendance américaine. Au passage du Président, un chœur de jeunes femmes vêtues de blanc lui lança des pétales de fleurs en chantant une ode intitulée "Welcome mighty chief !" et affirmant que "The defender of the mothers will be the protector of their daughters". En approchant de New York, les emprunts monarchiques se firent de plus en plus présents. Washington, accompagné de la délégation du Congrès venue l’accueillir, prit place sur une barge décorée propulsée par treize rangées de rameurs, accompagnée de nombreuses embarcations, à l’image du cérémonial des entrées royales à Londres. On chanta une chanson sur l’air de "God save the King" mais avec des paroles légèrement "républicanisées" ("God save George Washington. Long live George Washington") Le gouverneur de New York, George Clinton, accueillit le Président et lui proposa de prendre place dans un carrosse pour parcourir les 800 mètres qui les séparaient de son lieu de résidence, mais Washington préféra marquer sa "simplicité républicaine" en marchant sous les acclamations de la foule new-yorkaise, tandis que les cloches sonnaient, que les rues avaient été pavoisées et les drapeaux amenés sur tous les édifices publics. Jouant son rôle de parfait gentleman, Washington ôtait son chapeau pour saluer les dames qui le saluaient de leurs mouchoirs et qui lui envoyaient des brassées de fleurs, il s’inclinait devant les hommes de qualité. Habilement, Washington marquait ainsi sa distance avec un cérémonial trop monarchique et mettait en valeur le lien public symbolique entre le peuple d’où il tirait sa légitimité et la fonction présidentielle.
Le 30 avril, à midi, se produisit la prestation de serment qui avait été préparée par les comités du Congrès. Au son de treize coups de canons et des cloches, Washington fut escorté par un imposant défilé jusqu’au balcon du Federal Hall. Accompagné du Sénat et des délégations étrangères, il prêta serment, devant le Chancellier de l’état de New York, de respecter la Constitution au vu de tous. Son serment fut suivi de la formule "Long live Washington, President of the United States", fort monarchique et peu adaptée à un Président élu pour quatre ans. Washington prit ensuite la parole pour un discours très concis dans lequel il renonçait à toute compensation financière ou salaire pendant son mandat. La soirée se termina par un banquet et un feu d’artifice. Le sénateur Maclay nota sarcastiquement dans son journal que l’on avait beaucoup sacrifié à la "déesse étiquette".
Toute la presse rendit compte du voyage et de la prestation de serment et en fit des événements de premier plan à l’image des tours royaux des monarques européens (36). Ce premier voyage en tant que Président élu mélangeait éléments monarchiques et républicains, comme si, en l’absence d’un cérémonial spécifique à la république, il était nécessaire de faire de nombreux emprunts aux traditions monarchiques. Certes, Washington et toutes les autorités qui prononcèrent des discours insistaient sur le fait que c’était l’élection et le suffrage qui fondaient la légitimité des nouvelles institutions, mais cette légitimité semblait insuffisante à produire un lien politique affectif à l’échelle nationale entre gouvernants et gouvernés en l’absence d’un cérémonial traditionnel. La plupart des commentateurs n’étaient pas particulièrement gênés par ces emprunts tant qu’ils avaient pour but d’établir et de renforcer le gouvernement fédéral. Quelques journaux remarquèrent néanmoins qu’il aurait été préférable d’éviter les manifestations exagérées d’enthousiasme pour un homme, aussi exceptionnel soit-il. Ils notèrent d’ailleurs le calme "républicain" de Washington même devant les éloges les plus outranciers.
Pendant son voyage et la prestation de serment, Washington avait joué un rôle essentiellement passif, acceptant les hommages et jouant le rôle du Cincinnatus américain ou du monarque républicain. Il s’était contenté de travailler sa mise (son épée rappelait son passé et sa fonction de commandant en chef), son habit (à la fois luxueux et austère mais surtout fabriqué à Hartford dans le Connecticut), sa dignité et sa politesse. Le fédéraliste Fisher Ames qui assista à la prestation de serment insiste sur le fait que toute la personne de Washington était une allégorie de la vertu grave et modeste du magistrat mêlée à une dignité cérémonielle sans pareille. Une fois Président en exercice, il fallait pour Washington (et pour ses conseillers) prendre désormais l’initiative du cérémonial et tenter de fixer en quelque sorte la qualité et la quantité de pratiques monarchiques qu’il était possible d’intégrer dans un cérémonial "national".
Lors de la première session du premier Congrès, Washington et ses conseillers les plus proches décidèrent de renouveler l’expérience du voyage inaugural du Président lors des prochaines vacances du Congrès. Les pratiques semi-spontanées et empruntées aux formes monarchiques du voyage inaugural servirent de base à l’organisation des tours de Washington. Le but de ces voyages était évidemment de donner à voir le nouveau gouvernement fédéral à travers la personne de Washington et de créer un lien politique et affectif "national" entre le peuple et le monarque républicain, et de resserrer les liens entre les élites des différents états et le gouvernement fédéral. Le culte de Washington, déjà établi spontanément, était conçu comme un outil de renforcement de l’idée de "nation" américaine contre celle de la souveraineté des états. Comme l’écrit David Waldstreicher, "Washington united leaders and followers in spectacular exchanges of sentiment that confirmed his own stature while ratifying the judgment of all those who applauded his unparalleled virtues" (37).
Washington fit trois voyages entre octobre 1789 et 1791, d’abord en Nouvelle-Angleterre (en évitant le Rhode Island qui n’avait pas encore rejoint l’Union), puis au Rhode Island en août 1790 et enfin dans le Sud en juin 1791 (quand la Caroline du Nord eut également ratifié la Constitution). Pour éviter le reproche de favoritisme, il évita les états qu’il avait déjà traversés lors de son voyage inaugural (New Jersey et Delaware) ou passa rapidement par ceux qui ne pouvaient pas être évités (le Maryland et la Virginie). Lors de ces voyages, les autorités locales étaient averties. Elles nommaient des comités pour organiser les festivités pour l’accueillir. Il s’agissait de rivaliser aves celles du voyage inaugural et surtout d’assurer la participation de la population. Les formes retenues étaient souvent les mêmes, et généralement inspirées des précédents monarchiques, comme l’avaient été les festivités du tour inaugural.
Je ne vais évidemment pas raconter tous ces déplacements par le menu. Je me contenterai de prendre l’exemple du voyage d’août 1790 dans le Rhode Island (38). Le Président, entouré d’un cortège important, prit place sur un navire qui l’amena à Newport où une première étape festive l’attendait. À son entrée dans le port, des pièces de canon firent feu pour saluer le navire présidentiel, puis une procession comportant les membres du clergé local et un grand renfort de peuple escorta le Président et sa suite jusqu’à son logement. Là ils furent accueillis par les autorités, notamment judiciaires et les "plus respectables des habitants". Le Président fit ensuite une promenade à travers la ville avec ceux-ci, suivis par la procession. À quatre heures de l’après-midi, on revint chercher Washington pour le conduire à l’hôtel de ville où on lui présenta les gentlemen locaux. S’ensuivit un grand dîner comptant plus de quatre-vingts convives. Comme c’était l’usage aux Etats-Unis, le dîner fut suivi de toasts qui étaient autant de "mots d’ordre" politiques mettant en valeur le Président et le gouvernement fédéral. Après dîner, le Président fit une nouvelle courte promenade avec sa suite et les officiels avant d’aller se coucher. Le lendemain, nouvelle journée de célébration avec présentation d’adresses au Président de la part du clergé et de la ville de Newport avant de repartir en procession vers les quais et embarquement à destination de la seconde étape, la ville de Providence, salué par treize salves d’artillerie. À l’arrivée, sept heures plus tard, même procession — mais plus solennelle note le député de la Caroline du Sud Smith — avec de la musique et des compagnies de milice et dirigée par le gouverneur du Rhode Island et un député de cet état et suivie par la population en liesse (39). Les rues étaient pavoisées, les fenêtres illuminées et fleuries. Arrivé devant la taverne qui l’accueillait, le Président s’arrêta pour passer en revue les troupes qui participaient à la procession. Après le thé, un dîner de famille puis un compliment lu par les étudiants de la ville et une procession de nuit jusqu’au college qui était illuminé complétèrent la journée. Comme à Newport, le lendemain, nouvelle promenade (un peu retardée à cause de la pluie et du vent) dans la ville, visite d’un navire, arrêt pour porter des toasts de vin et de punch chez les principaux gentlemen puis retour à son logis pour un court repos avant une nouvelle séquence de réception et lecture d’adresses au Président de la part de la branche locale de la société des Cincinnati(40), des collèges du Rhode Island, de la ville de Providence. Enfin un dernier dîner, cette fois avec plus de deux cents invités, inévitablement suivi de sa kyrielle de toasts politiques, mit fin à la journée. Les autres voyages de Washington comprenaient les mêmes éléments avec parfois un bal, des odes et des oratorios chantés à la gloire de Washington (à Boston), des arcs de triomphe, des illuminations et des feux d’artifice. À Harvard et à Boston, on demanda au Président de poser pour un peintre local afin de conserver un souvenir exact de son portrait héroïque.
Les foules d’hommes, de femmes et d’enfants qui participaient aux festivités du culte présidentiel étaient conviées à célébrer le héros américain, "père de la patrie", incarnation de la "nation", au-dessus des divisions et des rivalités socio-politiques à l’intérieur des états et entre eux. Les élites locales qui servaient de relais entre le gouvernement fédéral et celui des états étaient de facto intégrées à l’action du gouvernement fédéral et bénéficiaient du prestige de celui-ci par leur participation à l’organisation du culte national et à l’échange sentimental qui en était la raison d’être.
L’insistance des compte rendu de ces festivités dans la presse sur le visage calme et serein de Washington et sur l’impression provoquée par sa présence réelle n’est pas sans rappeler les témoignages sur les entrées royales dans la France de l’Ancien régime. Son visage était censé exprimer son character de héros national. Sa stature était censée renvoyer à sa fonction patriotique. On songe évidemment ici à l’importance accordée au corps réel du roi de France dans ses déplacements. Le culte de Washington jouait donc aussi le rôle d’une célébration monarchique de remplacement. Les contemporains en étaient fort conscients et Washington lui-même se laissait "adorer" tout en rappelant qu’il ne représentait que le gouvernement fédéral.
Dans l’Amérique coloniale, les événements festifs liés à la monarchie anglaise concernaient surtout l’étroite couche de la population qui était intégrée aux institutions britanniques (41). On célébrait les victoires et l’on respectait des jours de jeûne (fast days) lors des défaites. On suivait également l'agenda dynastique en fêtant l'anniversaire du roi, les naissances et les deuils de sa famille mais la population n’était pas particulièrement conviée à se joindre aux réjouissances. Avec la fin de la guerre d’Indépendance, on avait célébré ici ou là de manière spontanée l’anniversaire de Washington (le 22 février) dans certains états, à l’image de ce qui se faisait pour le roi d’Angleterre dans l’Amérique coloniale. Mais l’anniversaire du Président n’était pas encore au moment de sa prise de fonction une date centrale dans les fêtes à l’échelle des états. Le 22 février cohabitait avec l’anniversaire de l’alliance franco-américaine et surtout avec le 4 juillet, date de l’indépendance. Les Fédéralistes au pouvoir décidèrent de faire de l’anniversaire du Président une date cérémonielle privilégiée pour provoquer l’union des esprits autour de la Constitution. Dès 1790, les cérémonies pour l’anniversaire de Washington se répandirent dans tous les états sous des formes similaires. La journée du 22 février s’ouvrait par des salves d’artillerie et de sonneries de cloches, puis des parades civiques accompagnées de groupes de la milice défilaient et se réunissaient sur une place. Des réunions publiques ou semi-privées se tenaient dans les auberges où l’on buvait à la santé du Président en prononçant des toasts à la gloire du gouvernement. Là aussi la ressemblance avec les formes utilisées dans les anniversaires des rois d’Angleterre était flagrante et n’échappait pas aux contemporains dont certains commençaient à voir d’un mauvais œil ce que nous appellerions une forte "personnification" du gouvernement républicain. Les critiques restèrent mesurées jusqu’en 1792 mais après cette date, les anniversaires du Président devinrent une commémoration de plus en plus fédéraliste alors que les républicains-démocrates préféraient célébrer le 4 juillet et réprouvaient les extravagances du culte d’un homme. La répartition des fêtes en l’honneur de l’anniversaire du Président établie par Simon Newman est d’ailleurs éloquente : ce fut dans les localités où les fédéralistes dominaient qu’eurent lieu ces fêtes (42).
Une "cour" républicaine ?
Comme on l’a vu plus haut, dès son élection, Washington était fort préoccupé par son rôle et par la nécessité d’incarner la nation et l’autorité suprême dans le nouveau gouvernement. Il l’écrit sous différentes formes à plusieurs de ses correspondants, comme dans une lettre à Edward Rutledge le 5 mai 1789 dans laquelle il exprime son anxiété à l’idée de ne pas être à la hauteur des attentes du public qui l’inonde d’éloges "extravagants" (43). La fonction présidentielle était nouvelle et sujette à de nombreuses critiques de la part des républicains marqués. Il fallait donc agir avec prudence, en empruntant ce qui pouvait l’être aux usages des cours de l’Europe mais en restant dans le cadre constitutionnel et en s’assurant du soutien des principales figures politiques du gouvernement. Washington devait, comme les souverains de l’Europe, apparaître comme l’incarnation de la nation, mais il devait également symboliser la souveraineté du peuple. En bref, il devait apparaître comme un roi mais comme un roi républicain.
En mai 1789, Washington envoya à John Adams (44), à Alexander Hamilton, le secrétaire au Trésor, à James Madison, leader de la Chambre des représentants, à Robert Livingston, chancelier de l’état de New York qui lui avait fait prêter le serment d’inauguration et à John Jay (qui allait devenir Chief Justice quelques mois plus tard (45) ) une longue lettre dans laquelle il leur demandait conseil sur les formes cérémonielles qu’il convenait d’adopter dans sa conduite ordinaire. La liste des neuf questions posées par le Président reflétait ses hésitations mais également sa volonté de construire un système cérémoniel cohérent plaçant le Président dans une position éminente sans pour autant donner l’impression de vouloir constituer une sorte de "cour" à l’européenne. George Washington entendait se placer dans une position qui lui permettrait de rester au contact des sources d’information potentielles venant des hommes politiques du pays et d’influencer les leaders dans le Congrès en les associant à sa sociabilité tout en gardant une certaine forme de distance et de hauteur à l’égard des convenances ordinaires de manière à pouvoir exercer ses fonctions sans être obligé de passer son temps à recevoir et à rendre des visites. Il fallait trouver une ligne de conduite "equally distant from an association with all kinds of company on the one hand, and from a total seclusion from society on the other". Il ajoutait :
"Many things, which appear of little importance in themselves and at the beginning, may have great and durable consequences from their having been established at the commencement of a new general government. It will be much easier to commence the administration upon a well-adjusted system, built on tenable grounds, than to correct errors, or alter inconveniences, after they shall have been confirmed by habit. The President, in all matters of business and etiquette, can have no object but to demean himself in his public character in such a manner as to maintain the dignity of his office, without subjecting himself to the imputation of superciliousness or unnecessary reserve."
Washington avançait quelques propositions qu’ils soumettaient à ses correspondants : fallait-il que le Président reçoive des visites de courtoisie une fois par semaine ? Davantage ? Sous quelle forme ? Le Président pouvait-il recevoir tous les matins à heures fixes toute personne demandant une audience ? Devait-il recevoir à sa table entre six et dix personnages publics ou des membres du Congrès par rotation afin de renforcer les liens du pouvoir exécutif avec le législatif ? Était-il convenable que le Président organise quatre grandes fêtes annuelles à des dates symboliques (il proposait la déclaration d’Indépendance, la conclusion de l’alliance franco-américaine, la signature de la paix avec l’Angleterre et la mise en place du gouvernement fédéral) ? Le Président pouvait-il rendre des visites informelles à ses connaissances et ses amis ou à toute personne susceptible de l’informer et de le conseiller sans contrainte ? Était-il souhaitable de faire des tournées dans les Etats de l’Union dans les périodes de vacance du Congrès "in order to become better acquainted with their principal characters and internal circumstances" (on a vu que cette dernière question avait été réglée positivement) ? Enfin, il demandait que l’on augmente les moyens qui lui étaient attribués pour tenir son agenda cérémoniel.
En partisans décidés d’une étiquette présidentielle spécifique, Hamilton, Livingston et Adams répondirent que l’important était que l’étiquette devait avoir pour but de fonder et de renforcer la dignité de la fonction présidentielle, même au risque de susciter des critiques momentanées mais qu’il fallait jouer de prudence "to avoid extensive disgust or discontent". Hamilton écrivait que les esprits étaient déjà préparés pour "a pretty high tone in the demeanor of the Executive" mais que "the notions of equality are yet … too general and too strong to admit of such a distance being placed between the President and other branches of the government" (46). Le Secrétaire au Trésor proposait que le Président tienne une levee — terme calqué sur celui de "lever du roi" — une fois par semaine à heure fixe. Pendant cette courte réception formelle, le Président converserait avec des invités qui auraient été au préalable sélectionnés et introduits par un chambellan. Le Président ne devait en aucun cas rendre de visites privées. En ce qui concerne les fêtes annuelles, ne devaient y participer que les membres du gouvernement, du Congrès, ainsi que les diplomates et les étrangers de qualité. Hamilton encourageait le Président à recevoir des membres du Sénat plutôt que des membres de la Chambre des Représentants lors de dîners plus restreints. S’appuyant sur les usages des cours de l’Europe, il conseillait également de permettre l’accès des ambassadeurs à ces dîners. Adams insistait dans sa réponse sur le fait qu’il fallait que le système de la cour républicaine se mette en place sans communication formelle à la presse. Il rejetait l’idée de fêtes annuelles mais approuvait celle de levees et surtout celle de la création d’offices spécifiques de chambellans et d’adjoints pour gérer les invitations. Adams mettait l’accent sur la nécessité de faire preuve de splendeur et de majesté dans les apparitions publiques du Président, ce qui impliquait une forte augmentation des fonds destinés à soutenir la pompe présidentielle : "Neither dignity nor authority can be supported in human minds, collected into nations or any great numbers, without a splendor and majesty in some degree proportioned to them. The sending and receiving ambassadors, is one of the most splendid and important prerogatives of sovereigns, absolute or limited ; and this, in our constitution, is wholly in the President. If the state and pomp essential to this great department are not, in a good degree, preserved, it will be in vain for America to hope for consideration with foreign powers" (47). Les trois hommes souhaitaient que le Président soit relativement peu accessible — en tout cas moins accessible que ne l’aurait voulu Washington lui-même — et qu’il fasse un abondant usage des coutumes des cours européennes. Livingston recommandait même une forme plus accentuée de séclusion puisqu’il considérait qu’une distance extrême devait être observée entre le Président et le public et qu’il devait bannir toute sorte de participation à des événements mondains, chez lui ou à l’extérieur (48). Le Président ne devait recevoir que ses conseillers proches pour constituer une sorte de cour très réduite. Seul opposant aux titres, Madison ne semble pas avoir répondu à l’invitation présidentielle.
Armé de ces conseils et les faisant connaître pour éviter d’apparaître comme à l’origine du système cérémoniel, Washington mit en place une étiquette rodée dont on informa le public par des annonces dans les journaux. Le Président recevrait lors de levees hebdomadaires le mardi entre trois et quatre heures de l’après-midi. On pourrait également lui rendre visite deux matins par semaine pendant quelques heures pour lui présenter ses hommages ou pour discuter des affaires publiques. On précisa que le Président ne rendrait aucune visite ni n’accepterait aucune invitation à des festivités privées. Le Président donnerait également des dîners le jeudi à partir de quatre heures de l’après-midi jusqu’à neuf heures au plus tard qui seraient ouverts à quelques membres du Cabinet et du Congrès ainsi qu’à quelques officiers locaux (de New York, puis de Philadelphie après le déménagement du gouvernement en 1790), mais ce serait sa femme Martha qui serait alors l’hôtesse et non le Président qui ne serait pas tenu d’assister à la totalité du dîner et de l’après-dîner. Par ailleurs, Martha Washington — dont on se demanda brièvement si elle serait appelée Marquise ou Lady Washington avant d’adopter le très neutre Ms (49) — aurait son "jour" (le vendredi) pour recevoir sans formalité autre que l’habit de circonstance pour les hommes politiques et pour leurs épouses. L’atmosphère devait y être moins formelle que pour les levees. On y servirait du thé, du café des gâteaux et des glaces. Une fête sur invitation serait organisée pour le 4 juillet. Pour garder une forme de simplicité républicaine et rendre visible le Président aux citoyens ordinaires, Washington se réservait des moments pour de courtes promenades à pied dans les rues de la capitale. Le carrosse du Président serait tiré par six chevaux, mais on n’abuserait pas de ce moyen de transport. Les vêtements du Président seraient luxueux mais de préférence fabriqués en Amérique.
Les levees se déroulaient de manière immuable. Washington recevait debout devant la cheminée d’une salle à manger d’où toutes les chaises avaient été enlevées de manière à ce que personne ne puisse s’asseoir en présence du Président. Habillé de velours noir, le chapeau à la main orné d’une cocarde noire et l’épée au côté, Washington inclinait brièvement la tête (pour éviter la poignée de main trop familière) devant chaque visiteur qui lui était présenté puis conversait quelques minutes avec quelques-uns des invités qui se tenaient en arc de cercle avant de se retirer au bout d’une heure précisément.
Dès leur mise en place, les levees suscitèrent des critiques de la part des républicains comme Maclay qui y voyait une "feature of Royalty" totalement anti-républicaine et qui déplorait que le Président soit ainsi isolé du commun des mortels dans une "splendeur" et une "majesté" fort peu compatibles avec l’esprit de la Révolution. Le parfum aristocratique du système cérémoniel apparaissait à beaucoup comme un exemple déplorable de brèche portée à l’esprit d’égalité qui devait guider le gouvernement républicain. Maclay écrivait qu’avec ces levees la gloire monarchiste gagnait du terrain, mais que le respect entourant Washington empêchait qu’on les critique trop violemment ou trop ouvertement. Pour beaucoup, le culte de Washington était un paravent utilisé par les "nationalistes" pour faire passer leurs projets anticonstitutionnels de gouvernement national et splendide. Les critiques étaient suffisamment nombreuses pour que Washington se défende de vouloir imposer un style aristocratique à la fonction présidentielle auprès de ses correspondants comme David Stuart (50).
Conclusion
Le débat sur les titres, l’étiquette et le système festif présidentiel ne s’arrête pas en 1791 mais il change de tonalité à partir de 1792 et la cristallisation progressive des "partis" fédéraliste et républicain-démocrate qui en font un enjeu fondamental dans le combat politique partisan. L’utilisation de formes monarchiques dans l’élaboration de la culture politique américaine était évidente pour tous mais leur utilité ou leur dangerosité divisaient les commentateurs.
Ses partisans considéraient que la société américaine et la culture politique de la déférence envers les élites avaient été ébranlées par la Révolution. Il s’agissait de reconstruire une autorité nationale incarnée dans le Président Washington, chef du pouvoir exécutif et "père de la nation" afin de réduire le poids de l’élément démocratique dans le gouvernement et celui du "populaire" dans les états. La splendeur et la majesté du gouvernement fédéral devaient servir d’arme contre les intérêts particuliers et permettre de rassembler autour des institutions fédérales l’opinion des bons Américains et en premier lieu des élites inquiètes de l’avenir de la République. En reprenant des formes britanniques qui avaient fait leurs preuves, on voulut asseoir l’autorité sur la force de l’habitude et sur la prégnance des mœurs monarchiques. Washington lui-même considérait qu’un système cérémoniel était indispensable au succès du gouvernement fédéral et il avait bien conscience de l’importance de son character dans le processus de construction d’une culture politique nationale nouvelle empruntant des éléments à celle de l’Angleterre. Il y voyait un moyen de raffermir la Constitution et de structurer l’esprit "national" par l’exemple du Premier magistrat de la République. Habilement, il ne donna jamais l’impression d’être à l’initiative, mais se plaça de manière à ce que les hommages populaires spontanés et les propositions de ses partisans lui offrent les solutions allant dans son sens, sans pour autant empiéter sur les prérogatives constitutionnelles du Sénat et de la Chambre des Réprésentants.
Ses opposants considéraient au contraire que la républicanisation de la société et du gouvernement était incomplète. Trop de préjugés aristocratiques et antidémocratiques faisaient obstacle à la société plus frugale et plus égalitaire qu’ils défendaient. Selon eux, le danger de monarchisation du gouvernement fédéral dénoncé par les antifédéralistes en 1787-1789 se renforçait à mesure que les principes de la Révolution, la liberté, l’égalité et le républicanisme, perdaient de leur influence du fait de l’accentuation des inégalités sociales provoquées par le développement du commerce et les encouragements au trafic atlantique avec l'Angleterre, par celui de la spéculation permise par le système fisco-financier mis en place par Hamilton dès la fin de 1789 et par l’enrichissement des gentlemen aux dépens du "peuple", mais aussi du fait que le gouvernement fédéral aux mains des partisans des titres encourageait des comportements anti-républicains. Pour ceux qui se voyaient comme des républicains avancés, la politique menée par le gouvernement fédéral formait une sorte de "système" anglais de gouvernement reposant sur la prééminence de l'exécutif, la constitution d'une couche aristocratique et corrompue de spéculateurs et de profiteurs liés au système financier fédéral, la création de taxes destinées à l'entretien luxueux des hommes du gouvernement, et une politique commerciale favorisant le trafic avec l'Angleterre aux dépens du commerce et des manufactures domestiques. Ne manquait finalement qu'un roi (électif ou non) pour couronner — si je puis dire — l'ensemble. Pour les républicains, le débat sur les titres était donc directement lié à un projet économique et social qui visait à faire rétrograder ou à dénaturer la Révolution vers une monarchie et une société inégalitaire "à l'anglaise". La Chambre des Représentants, dans laquelle James Madison joua un rôle décisif, s’opposa victorieusement non seulement à la création de titres prestigieux pour le Président et le vice-Président mais aussi à toutes les tentatives venues du Sénat d’élaborer un système de formes cérémonielles faisant de ce dernier une sorte de Chambre des Lords sans noblesse. La Chambre des représentants, élément censé être le plus "démocratique" du gouvernement fédéral, eut la décision finale et empêcha pour un temps que ne se développent des éléments d’une culture politique républicaine ouvertement aristocratique. Les luttes politiques des années 1792-1799 allaient considérablement diviser la société et contribuer à la construction de cultures politiques rivales.
Si la personne de Washington resta épargnée par les critiques jusqu’en 1793, les attaques contre les levees, les titres et les formes monarchiques de ses anniversaires ne cessèrent de se renforcer. Lors de l’inauguration de son deuxième mandat en 1793, le cérémonial fut réduit à sa plus simple expression. Sous le mandat de son successeur John Adams, entre 1796 et 1799, les critiques touchèrent autant la personne du Président — dont on a vu qu’il était déjà stigmatisé comme "monarchiste" dès 1789 — que les cérémonies elles-mêmes. Le parti républicain-démocrate construira progressivement un autre système cérémoniel épuré de toute forme monarchique en mettant en valeur un culte de la déclaration d’Indépendance et de ses principes de droit naturel mais aussi des célébrations reliant révolutions américaine et française (prise de la Bastille, chute de la monarchie, anniversaire de Valmy et de la Première république). Élu en 1800, Jefferson prendra bien soin de bannir totalement toute forme de cérémonie ou de forme monarchique pour inaugurer une nouvelle conception, très épurée, de la fonction présidentielle.
Notes
(1) Sur la Convention de Philadelphie et ses débats, la bibliographie est gigantesque, citons simplement le classique de Gordon Wood, La création de la République américaine, 1776-1787 (1969), trad. française, Paris, Belin, 1991 et l'ouvrage de Jack Rakove, Original Meanings : Politics and Ideas in the Making of the Constitution, New-York, Knopf, 1996.
(2) Sur les critiques des antifédéralistes, voir John P. Kaminski et Richard Leffler (eds.), Federalists and Antifederalists : The Debate over the Ratification of the Constitution, Madison, Madison House, 1998 (2e ed.).
(3) Jean-Marie Rallet, George Washington. L'homme qui ne voulait pas être roi, Paris, Ellipses, 2015.
(4) George Washington, The Writings of George Washington, ed. Worthington Chauncey Ford (Federal Edition), New York, 1891, vol. 11, p. 460.
(5) James Madison, lettre du 30 juin 1789 de Madison à Jefferson. http://founders.archives.gov/documents/Jefferson/01-15-02-0221.
(6) Pour une présentation rapide des Articles de Confédération, voir Jack Rakove, "The Articles of Confederation" dans Jack P. Greeen (ed.), The Blackwell Companion to the American Revolution, 2000, p. 281-286.
(7) Edward Countryman, "Confederation : State Governments and their Problems", Peter S. Onuf, "The West : territory, states and Confederation", Robert A. Becker "Currency, Taxation and Finance, 1775-1787" dans Idem, p. 362-397.
(8) Frederik W. Marks, Independance on Trial, Foreign Affairs and the Making of the Constitution, Wilmington, 1984.
(9) Herbert Storing, What the antifederalists were for ?, Chicago, University Press, 1981, Saul Cornell, The Other Founders. Anti-Federalism and the Dissenting Tradition in America, 1788-1828, University of North Carolina Press, 1999.
(10) David Waldstreicher, In the Midst of perpetual fetes. The making of American nationalism, 1776-1820, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1997. Simon P. Newman, Parades and Politics of the Street. Festive Culture in the Early American Republic, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1997. Joanne B. Freeman, Affairs of Honor. National Politics in the New Republic, New Haven and London, Yale University Press, 2001. Sandra Moats, Celebrating the Republic : Presidential Ceremony and Popular Sovereignty, from Washington to Monroe, Northern Illinois University Press, 2010.
(11) Richard A. Ryerson, "John Adams, Republican Monarchist : An Inquiry into the origins of His Constitutional Thought" dans Eliga H. Gould et Peter S. Onuf (eds), Empire and Nation. The American Revolution in the Atlantic World, Baltimore, John Hopkins University Press, 2005, p. 72-92. Daniel O'Neill, "John Adams versus Mary Wollstonecraft on the French Revolution and Democracy", Journal of the History of Ideas, vol. 68, n° 3, juillet 2007, p. 451-476.
(12) Kenneth R. Bowling and Helen E. Veit, (eds), The diary of William Maclay and other notes on Senate debates, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1988.
(13) Joanne Freeman, p. 11.
(14) Simon Newman, cité p. 53.
(15) En effet, il ne fut pas réélu et était assez isolé.
(16) No Title of Nobility shall be granted by the United States: And no Person holding any Office of Profit or Trust under them, shall, without the Consent of the Congress, accept of any present, Emolument, Office, or Title, of any kind whatever, from any King, Prince, or foreign State (article 1, section 9).
(17) Lettres des 14 et 27 mai 1789 de Fisher Ames à George Richard Minot dans Works of Fisher Ames, Boston, 1854, vol. 1, p. 36-38, p. 44-46.
(18) Chambre des Représentants, séance du 11 mai 1789, Thomas Greenleaf’s New York Journal du 14 mai 1789, p. 2.
(19) Discours du 11 mai 1789. James Madison, The Writings of James Madison, comprising his Public Papers and his Private Correspondence, including his numerous letters and documents now for the first time printed, ed. Gaillard Hunt (New York : G.P. Putnam’s Sons, 1900). Vol. 5., p. 222-223, http://oll.libertyfund.org/title/1937.
(20) George Washington, To David Stuart (26 juillet 1789) dans The Writings of George Washington, p. 405-414
(21) Greenleaf’s New York Journal, 21 mai 1789, p. 3, "Philadelphia, may 13".
(22) New York Gazette, 12 mai 1789, cité par Sandra Moats, p. 33.
(23) Greenleaf’s New York Journal, 18 juin 1789, p. 3.
(24) Independent Chronicle (Boston), 14 janvier 1790, p. 3, "Of Titles".
(25) Francis Bailey's Freeman's Journal (Philadelphie), 23 février 1791, p. 6.
(26) Independent Chronicle (Boston), 21 janvier 1790, p. 1, "The Examiner n° 1".
(27) Greenleaf’s New York Journal, 3 février 1791, p. 3.
(28) Independent Chronicle (Boston), 21 janvier 1791, p. 1.
(29) Greenleaf’s New York Journal, 3 février 1791, p. 3.
(30) Independent Chronicle (Boston), 18 février 1791, p. 4, "A Correspondant".
(31) Greenleaf’s New York Journal, 5 octobre 1790, p. 3, "Poet’s corner".
(32) Thomas Jefferson, To Madison (29 juillet 1789) dans The Works of Thomas Jefferson, ed. by Paul Leicester Ford (Federal Edition), New York, 1904-1905, tome 5, p. 485.
(33) George Washington , To David Stuart (26 juillet 1789) dans The Writings of George Washington, vol. 11, p. 405-414.
(34) Independent Chronicle (Boston), 30 décembre 1790, p. 1., "Miscellany".
(35) Louise B. Dunbar, A Study of 'Monarchical' Tendencies in the United States, from 1776 to 1801, University of Illinois, Urbana, 1922, chap. VI, p. 99-126.
(36) Voir notamment Jean Boutier, Alain Dewerpe et Daniel Nordman, Un tour royal : le voyage de Charles IX (1564-1566), Paris, Aubier, 1984, Michèle Fogel, Les cérémonies de l'information dans la France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1989.
(37) David Waldstreicher, p. 118.
(38) The Writings of George Washington, p. 481-490. Récit du Représentant Smith de la Caroline du Sud.
(39) Greenleaf’s New York Journal, 27 août 1790, p. 2.
(40) La Société des Cincinnati est créée en 1783 par Henry Knox, le baron Von Steuben et Washington. Elle était censée être une Société regroupant les officiers s'étant illustrés pendant la guerre d'Indépendance. Son règlement initial prévoyait une forme de succession héréditaire de ses membres. Une branche française coexistait avec treize branches américaines pour les treize colonies impliquées dans la guerre. Y voyant une manière de créer une aristocratie américaine et/ou une société d'influence, de nombreux commentateurs américains et étrangers (par exemple Mirabeau en 1784) critiquèrent vivement l'existence de la Société comme incompatible avec le républicanisme. La Société joue un rôle important dans le système festif américain au début des années 1790 et ses membres étaient des soutiens fervents d'un gouvernement fédéral fort.
(41) Simon P. Newman, p. 11-33.
(42) Simon P. Newman, p. 61.
(43) The Writings of George Washington, lettre du 5 mai 1789, tome 11, p. 388-389.
(44) Lettre du 10 mai 1789, http://founders.archives.gov/documents/Washington/05-02-02-0182.
(45) Le Chief Justice est le plus haut magistrat fédéral et le Président de la Cour Suprême.
(46) Alexander Hamilton to Washington (5 mai 1789), dans The Works of Alexander Hamilton, ed. Henry Cabot Lodge (Federal Edition, New York, G.P. Putnam’s Sons, 1904, 12 vols., vol. VIII, p. 60. http://oll.libertyfund.org/EBooks/Hamilton_0249.08.pdf.
(47) The Works of John Adams, Boston, 1851, vol. 8, p. 489-493.
(48) Sandra Moats, p. 41.
(49) Idem, p. 42.
(50) To David Stuart (26 juillet 1789), The Writings of George Washington, vol. 11, p. 405-414.