Présentation.

Le témoin oculaire occupe une position décisive, dans la mesure où il donne sa raison d’être à un événement « extraordinaire », tout en lui conférant une place dans la réalité (1). En effet, il fournit les ressources réflexives de l’événement en permettant aux juges, puis aux historiens d’en décrire le mouvement initial, d’en entamer la narration. L’acte de témoigner n’est donc pas simple passivité dans la mesure où le témoin certifie de ce qu’il a vu en le disant, donc intervient dans l’attestation de l’événement de manière fortement performative. Certes il est spectateur, mais sans être engagé comme protagoniste ou non selon les termes employés par les citoyens arrêtés dans leur justification. Il est d’abord celui qui déclare l’événement, ici en mentionnant d’emblée « un grand rassemblement », « un attroupement considérable », « une grande quantité de personnes », etc.

Les séquences présentées, dans leur répétition même d’un témoin à l’autre, permettent alors de suivre le déroulement certes dans une relative diversité de points de vue, mais surtout dans leur étirement maximal, une fois les attroupés installés face à la Maison Brutus où se trouvent les représentants en mission. Ainsi le témoin type nous dit qu’il vit arriver un attroupement considérable (séquence 1a), qu’il entendit que l’on criait (séquence 1b), qu’une première médiation (Il se détacha un homme…) tourne court (séquence 2), que les représentants parurent une première fois (séquence 3a), que le troupe survient une fois le Général présent (séquences 3b et 3c), qu’une seconde médiation (Il vit un nommé.. empêchant les attroupés d’entrer) échoue (séquence 4a), que les représentants en mission sortent deux fois non sans risque (séquences 4b et 4c), et qu’ils s’installent à la fenêtre pour haranguer la foule, là encore sans succès (séquence 5), enfin que la troupe intervient et disperse le rassemblement (séquence 6), alors que les représentants en mission s’adressent aux attroupés dans les termes d’une loi martiale alors révolue (séquence 7).

La liste des témoins montre une présence importante de femmes et des professions quelque peu supérieures à celles des "émeutiers" arrêtés, issus en part importante du "menu peuple". Elle est la suivante : les employés de la Maison Brutus (Pierre Bonnet, 30 ans ; Marie Morlan, 15 ans ; Estienne Isnard, 17 ans et Daniel Chezan) où se trouvent les représentants, un résidant à l’Hôtel Brutus (Joseph Risseli), des blanchisseuses ( Marie Jourdan, 40 ans ; Marie Tourette, Thérèse Giraud), un négociant (Pascal Ollivary, 30 ans), un libraire (Joseph Roustang), un ferblantier (Jean-Philippe Delaye), un tailleur d’habits (Antoine Sevestre, 43 ans), une tailleuse (Claire Chappe), une couturière (Anne Fayet), un cafetier et sa femme (Marc Antoine Bergamin et Marie Peyron), un fabricant de bas (Claude Puy) qui demeure sur la Canebière. De même que Pierre Chambon, Thomas Berjot et Giovanole Borie dont la profession n’est pas indiquée, la plupart des témoins résident rue Brutus. Nous les mentionnons sous forme abrégée. Ces témoignages sont consignés dans le dossier L 3041 des Archives départementales des Bouches-du-Rhône. Il faut y adjoindre le court témoignage du chroniqueur Lautard que nous avons cité dans l'analyse elle-même du 5 vendémiaire (Jacques Guilhaumou).





L'attroupement sur la Canebière…

- A dit que le cinquième vendémiaire il vit l'attroupement qui s'avança vers la rue Brutus, qu'il était composé d'hommes, de femmes et de militaires; il a vu que des militaires avaient des baudriers, mais il ignore s'ils avaient des armes. Ils marchaient de trois, quatre, cinq à la ligne, ils criaient vive la Montagne, vive la République et d'autres paroles en langue provençale que le déposant n'a pu comprendre attendu qu'il n'est que depuis deux ans à Marseille. Que cet attroupement entra dans la rue Brutus, mais qu'il n'a pas vu ce que s'est passé parce que les fenêtres de la maison ne donnent pas sur la rue. (C. P.)

… pendant que les représentants en mission dînent

- A dit que le cinq vendémiaire dernier vers les trois heures les Représentants du peuple Anguis et Serre s'étant rendu à l'un des salons Brutus où ils logent pour y dîner avec le Général Villemallet, le capitaine de poste et le secrétaire. (D. C.)



L'arrivée de l'attroupement en face de la maison Brutus

1a - a dit qu'elle a vu l'attroupement. Cet attroupement était considérable, partie des hommes qui le composaient portait des sabres et des pistolets. (M.T.)

1a - a dit qu'il a vu le cinq vendémiaire arriver à la rue Brutus un attroupement considérable composé d'hommes, de femmes et militaires dont une partie était armé de sabres. (A. S.)

1a - a dit que le cinq vendémiaire dernier dans le courant de l'après-midi, il vit un grand rassemblement dans la rue Brutus qui vint du côté du cours composé en grand nombre de femmes et d'hommes. (P.C.)

1a - a dit que le cinq vendémiaire dernier vers les deux à trois heures d'après-midi, il vit arriver un attroupement considérable en face de la maison Brutus qui faisait un bruit confus qu'ils poussaient. (P.O.)

1a - Il survint dans la rue un attroupement considérable composé d'hommes et de femmes. (D.C.)

1a - a dit que le cinq vendémiaire il vit arriver dans la rue Brutus un rassemblement de personnes qui se tenaient par les bras lequel se porte vers la maison Brutus où logent les représentants. (J. D.)

1a - a dit que le cinq vendémiaire vers les deux à trois heures après midi, il vit arriver un grand rassemblement du côté de la Canebière, le déposant était alors dans son magasin, il s'empressa à le fermer et monta au quatrième étage de la maison, se rendit à l'appartement de la citoyenne Tourret, et se mit à la fenêtre à diverses reprises et vit que le rassemblement était fort considérable et se dirigeait principalement vers la maison Brutus ou logent les représentants du peuple. (J. R.)

1a - a dit que le cinq vendémiaire vers les deux ou trois heures après midi, elle vit arriver à la rue Brutus, et en face la maison où logent les représentants un attroupement considérable composé d'hommes et d'un grand nombre de femmes, (T. J.)

1a - a dit que le cinquième vendémiaire prenant du café après son dîner, elle entendit un grand bruit dans la rue, ce qui l'engagea à se mettre à sa fenêtre, elle vit du côté de la place une grande quantité de personnes qui faisant un grand bruit. (M. P.)

1a - a dit que le jour du 5 vendémiaire vers les trois heures après-midi, il vit un attroupement considérable s'avançant vers la maison Brutus où logent les représentants (P. B.)

1a - Cet attroupement était composé d'hommes en habit d'uniforme armés de sabres, de femmes, d'hommes en habit de canonniers, (A.G.)

1a - Il vit qu'il y avait dans la rue un attroupement considérable, que les personnes qui le composaient paraissaient fort irritées. (J. R.)

1a - l'attroupement s'est porté sur la maison Brutus où logent les représentants. (G. B.)

1a - Le 5 vd vers les trois heures après-midi, la maison Brutus fut assaillie par un attroupement composé d'hommes et de femmes (M.M.)

1a - Qu'elle a vu arriver le cinq vendémiaire dernier un nombre considérable de personnes, composé d'hommes et de femmes, les hommes portant des sabres et des pistolets. (T.G.)

1a - Vers les trois heures après-midi, elle vit arriver à la maison Brutus un attroupement considérable composé d'hommes, de femmes et de jeunes gens. S'étant mise à la fenêtre de l'entresol de la dite maison, (M.J.)

1a- qu'elle a vu l'attroupement du cinq vendémiaire qui se porta sur la maison où logent les représentants du peuple. (A. F.)

1a - a dit que le cinq vendémiaire dernier ayant appris qu'un attroupement considérable avait assailli la maison Brutus où logent les représentants. Il se mit à la fenêtre de l'entresol. Il vit effectivement un attroupement considérable. (E.I.).



Les cris de l'attroupement

1b - Ces personnes criaient vive la montagne, vive la république. Il y en avait dans le nombre qui proféraient des jurements et des menaces contre les représentants en demandant les prisonniers. (A. S.)

1b - Cet attroupement criait nous les voulons aujourd'hui, ce soir à présent. Il a vu des armes que sur quelques gendarmes qui se trouvaient dans l'attroupement. (G. B.)

1b - et entendit que l'on criait diverses sottises contre les représentants. Quelques uns disaient qu'ils ne méritaient pas la place qu'ils occupaient et qu'ils voulaient leurs têtes. (M.J.)

1b - Il a seulement distingué ceux (de) vive la montagne, la plaine à la guillotine. (P.O.)

1b - Il entendit que l'on criait vive la Montagne, à bas les représentants, nous voulons les prisonniers. (J. R.)

1b - Il s'aperçut que ces personnes de ce rassemblement étaient beaucoup irritées, faisaient des menaces, poussaient des cris effroyables. Le déposant n'a pas pu le distinguer attendu l'éloignement où il se trouvait. Il vit cependant une femme de haute taille qui levait les mains sur sa tête et paraissait fort irritée (J.D.)

1b - ils criaient nous voulons les prisonniers, (A.G.)

1b - Les personnes de ce rassemblement criaient qu'elles voulaient les prisonniers et demandaient qu'on leur rendit. (P.C.)

1b - qui criaient vive la montagne, à bas les représentants. (M.M.).



Première intervention des représentants, du Général Villemallet et de la troupe

3a - D'environ une vingtaine qui étaient au-devant de la maison Brutus où logent les Représentants qui faisaient des violences contre la garde pour y entrer, peu de temps après toute la foule pénétra dans la rue et lorsque les représentants parurent, ils vomirent contre eux toutes sortes d'injures, s'écriaient même qu'ils voulaient leur tête. La déposante ajoute qu'elle se ferma alors dans son appartement. (M. P).

3a - Auparavant, il les avait vu à la fenêtre exhortant le peuple à se retirer, mais on ne répondit pas à leur exhortation que par des huées. (P.C).

3b - Le Général Villemallet voyant que les attroupés faisaient violence aux factionnaires qui étaient à la porte de la maison s'avance vers eux et leur ordonna au nom de la loi de se retirer. Cette injonction calma pour quelque instant les attroupés. (D. C).

3c - Peu de temps après, il vit arriver un détachement de volontaires que l'attroupement fit arrêter en criant vive la république. (J. Ri).

3c - La troupe étant survenu, il vit des femmes qui furent au devant de volontaires pour leur toucher la main, les embrasser et les engager par toutes sortes de caresses, elles leur offrirent même à boire. (J. R)

3c - la troupe étant survenue, l'attroupement fut au devant d'elle, les femmes embrassèrent les volontaires lesquels s'étant rentournés; les personnes de l'attroupement frappèrent des mains, crièrent que la troupe était pour eux. Lorsque les hussards arrivèrent, les personnes de l'attroupement leur firent les mêmes caresses et ceux-ci n'étaient alors qu'au nombre de sept ou huit se retirèrent encore. (T. G.)

3c - Il vit plusieurs gendarmes qui présentèrent à boire à la première compagnie des hussards qui arriva, (J.D.).



Les représentants dans la rue: la médiation malheureuse de Vincent

4a - Arrivé à la porte de la maison Brutus, l'attroupement voulait entrer, mais Vincent s'y opposa en leur disant qu'il fallait attendre la réponse des représentants. (T. G.)

4a - Il vit un nommé Antoine Vincent qui se mit sur la porte des représentants et empêchant les attroupés d'entrer dans la maison. (P. C).

4a - Elle a vu que cet attroupement faisait des violences pour pénétrer dans la maison Brutus, mais qu'un homme grand en faquine bleue s'y opposa vivement. (M.T.)

4a - Il y avait à la tête deux hommes, dont l'un grand en faquine bleue, et l'autre petit en veste. Lorsque ceux-ci furent arrivés à la porte de la maison Brutus, ils firent signe aux attroupés de ne pas s'avancer, mais ceux-ci s'avancèrent toujours en criant nous voulons les prisonniers, ils criaient vive la Montagne, vive les jacobins, nous voulons les prisonniers. Les attroupés était en partie armés de sabre, ils portaient des uniformes. (A. F.)

4b- se reprenant a dit que le nommé Vincent Courrier de Lyon était à la tête de l'attroupement et empêchait les attroupés de se porter à la maison Brutus où étaient les représentants. Les représentants ont descendu un instant après où Vincent était. Vincent s'est approché du grand et il lui a parlé pendant quelque temps sans se désemparer de lui. Les attroupés continuaient toujours de demander les prisonniers à grands cris et voyant qu'ils ne pouvaient les obtenir, ils voulaient pénétrer dans la maison, mais Vincent s'y opposa toujours en disant : sacré nom, vous n'y pénétrerez pas et je ferai un rempart de mon corps. (A. S.)

4b - et ils se revêtirent de leurs chapeaux de représentants et de leurs écharpes, se rendirent à la port de la maison et exhortèrent les attroupés à se dissiper, mais ceux-ci leur criaient de livrer les prisonniers qu'ils avaient fait arrêter dans la matinée. (E. I.)

4b - Les représentants du peuple parurent dans la rue de la maison Brutus et qu'il ne les aperçu que quand la troupe fut arrivée. (P.C.)

4b - Les représentants firent traduire l'homme qui était entré au premier étage de la maison. Ils se revêtirent de leurs chapeaux et de leurs écharpes, sortirent à la rue tous les deux suivis du Général Villemallet et autres officiers de la garnison. Là, ils exhortèrent les factieux à se retirer. Ceux-ci leur demandèrent à grands cris les prisonniers qu'ils avaient fait arrêter dans la nuit. Les représentants leur répondirent qu'ils sortiraient après leur jugement. (D.C.)

4b - Peu de temps après, ceux-ci parurent et demandèrent ce que l'on désirait, l'attroupement répondit, nous voulons nos frères. La déposante ignore ce que les représentants dirent en ce moment, mais elle entendit que l'attroupement criait: vive les jacobins, nous voulons nos frères. (T. G.)

4b- Quelque temps après, les représentants parurent à la rue, l'un d'eux tenait deux pistolets dans une seule main. (A. S.)

4b - S'étant mis à l'une des fenêtres de la maison, il vit les deux représentants du peuple qui étaient à la porte pour engager l'attroupement à se dissiper et que, dans ce même temps, un homme qui croit avoir été guillotiné par le jugement militaire porta la main sur le représentant du peuple Anguis, lui déchira le jabot. (P. B.)

4b- Le représentant Anguis sortit de la maison, se plaça sur le trottoir, parla aux attroupés pour les calmer. (P. O.)

4b - Parmi les attroupés, il y en avait qui voulaient se jeter sur le représentants, mais d'autre étant de l'attroupement les repoussaient. (P. O.)

4c - Peu de temps après elle vit sortir les deux représentants vers lesquels s'avancèrent deux hommes qui parlèrent aux représentants. Ceux-ci leur répondirent. La déposante ignore les discours qu'ils ont été tenus entre eux, mais en même temps il vit que le plus petit des deux hommes qui était en veste mis sa poitrine à découvert et y frappait dessus. Le représentant Anguis en faisait autant de son côté, quelque temps après les représentants rentrèrent dans leurs maisons. Les deux hommes qui jusqu'alors avaient empêché l'attroupement d'avancer se placèrent au bas de l'escalier de la porte de la maison Brutus, se tinrent par la main et s'opposèrent à ce que l'attroupement pénétra jusque dans la maison Brutus. Ils firent résistance environ une demie heure au moins et s'opposèrent avec la plus grande vivacité aux efforts de l'attroupement. L'un des attroupés tenta de monter par la fenêtre. Ils étaient déjà parvenus à celle de l'entresol lorsqu'on les tirât par les pieds pour les faire descendre. Cet homme avait les cheveux blancs, portait un chapeau rond et un pantalon. (T. J.)

4c - Les représentants sortirent par deux fois de la maison Brutus. Ils demandèrent aux personnes attroupées ce qu'elles voulaient, le grand découvrit sa poitrine, si voulait ma vie, prenait là. La déposante a vu quand on l'a pris au collet et déchira son jabot, qu'on lui mit le poing sous le menton en lui faisant des menaces et lui disant que s'il ne faisait pas sortir ses frères, il l'élèverait. Une personne qui demeurait alors dans la maison Brutus voyant le danger où se trouvait le représentant du peuple l'engagea de rentrer par deux fois. (T. G.)

4c- Quelque temps après les Représentants parurent à la porte demandèrent à l'attroupement ce qu'ils voulaient, nous voulons les prisonniers. Le bruit était si grand que la déposante n'a pu comprendre ce que le représentant leur a répliqué, mais elle a vu qu'il fut saisi au collet et qu'on lui déchira son jabot. Alors le représentant découvrit entièrement sa poitrine et dit aux attroupés que s'ils voulaient sa vie, ils pouvaient la lui ravir. Un citoyen qui logeait alors dans la maison Brutus s'avança du représentant et l'engagea à rentrer dans la maison. (A. F.).

N.B Pierre Bonnet, employé au service de la Maison Brutus précise bien, dans son témoignage, la transition de cette séquence à la suivante: "S'étant mis à une des fenêtres de la maison, il vit les deux représentants du peuple qui étaient à la porte pour engager l'attroupement à se dissiper et, que dans ce même temps, un homme qui crôit avoir été guillotiné par le jugement militaire /il s'agit peut-être de Marion ci-dessous/porta la main sur le représentant du peuple Auguis, lui déchira le jabot. Dans ce moment, l'attroupement était très considérable, les représentants du peuple étant rentrés dans la maison se présentèrent à la fenêtre pour faire de nouvelles exhortations aux attroupés mais alors, il s'éleva des huées générales qui empéchèrent de pouvoir distinguer ce que les représentants du peuple disaient; quelque temps après la troupe arriva...".



L'épisode Marion

2 - Au même moment, il se détacha un homme de cet attroupement lequel entra non seulement dans la maison Brutus, mais encore dans l'appartement où se trouvaient les représentants. Cet homme était armé de deux pistolets, et demanda aux représentants au nom du peuple souverain l'élargissement des prisonniers qu'ils avaient fait arrêtés dans la nuit auparavant. Le Représentant Anguis leur répondit que ces prisonniers avaient été arrêtés au nom de la loi et qu'il ne pouvait point les délivrer. Cet homme ayant porté la main sur ses pistolets, le représentant Anguis le saisit aussitôt et le désarma. Alors cet homme se débattit, fut vers la fenêtre de l'appartement et cria aux attroupés qui étaient dehors de venir à son secours, autrement il était pendu. (D. C.)

2 - Étant descendu, il vit un homme qui était dans le salon où dînaient les représentants du peuple, lequel s'était avancé vers la fenêtre de l'appartement et criait aux attroupés qui étaient dehors de s'avancer. Les représentants firent traduire cet homme au premier étage de la maison. (E. I.).

N.B. L'interrogatoire d'Henry Marion devant la commission militaire le 6 vendémiaire an III ( L 3131) permet d'identifier cet homme qui se dit portefaix, reconnaît détenir, pendant l'émeute, deux pistolets qu'il était allé prendre chez l'armurier le jour d'avant, puis amener avec lui pour à son travail avant de rejoindre l'attroupement, alors qu'il envisageait d'aller à la chasse. Cependant ce personnage ne cadre pas avec celui dénoncé dans le Procès-verbal (voir l'article). De toute façon, il est condamné à mort, puis exécuté par une commission militaire.



Les représentants à la fenêtre

5 - dans ce moment, l'attroupement était très considérable. Les représentants du peuple étaient rentrés dans la maison, se présentèrent à la fenêtre pour faire de nouvelles exhortations aux attroupés, mais alors il s'éleva des huées générales qui empêchèrent de pouvoir distinguer ce que les représentants du peuple disaient. (P. B.)

5 - De là ils montèrent au premier étage, se présentèrent à la fenêtre, exhortèrent de nouveau les factieux au nom de la loi à se retirer, mais ceux-ci leur répondirent par des cris vive la montagne. Les représentants crièrent vive la Convention. Alors ils furent hués et dirent qu'il ne fallait pas crier vive la Convention, mais vive la montagne. Ces attroupés ajoutèrent encore des sottises contre les représentants qu'ils proférèrent en idiome provençal disant qu'ils étaient des bougres et autres... (D. C.)

5- Des femmes menaçaient les représentants avec leurs mains et leur faisaient des signes d'après lesquels il résultait qu'ils iraient à la guillotine. (A.G.)

5 - J'ai vu les représentants à la fenêtre disant à plusieurs reprises aux attroupés au nom de la loi que tous les bons citoyens se retirent. Plusieurs, ou plutôt la majeure partie obéit à cet ordre. Le déposant ayant entendu dire de fermes les fenêtres, il ferma les siennes, il n'a plus rien vu, ni entendu, (A.S.)

5 - Le déposant a encore vu le représentant aux fenêtres de la maison qui haranguait les factieux à se retirer: il leur dit plusieurs fois: j'ordonne à tous, bons citoyens au nom de la loi de se retirer. Ceux qui ne se retireront pas seront réputés rebelles et hors la loi. (P. O.)

5 - Les représentants se mirent ensuite à la fenêtre et dirent à plusieurs reprises aux factieux que tout bon citoyen se retire (au nom de la loi). Mais malgré ces avertissements, ils restèrent toujours devant la porte de maison et continuaient de pousser des cris. (M. J.)

5 - Les représentants se mirent plusieurs fois à la fenêtre lorsque l'un d'eux s'y présentait, l'attroupement criait vive les Jacobins, vive la Montagne, vive les sociétés populaires. (T. J.)

5 - Quelque temps après, les représentants entrèrent dans la maison, montèrent à l'entresol et parlèrent de nouveau inutilement aux attroupés qui criaient vive la Convention, vive la montagne. (E. I.).






L'arrivée de la troupe en masse

6 - Quelque temps après le Général Villemallet étant survenu à la tête des hussards, il le plaça vers la maison où logent les représentants. Les attroupés lui demandèrent les prisonniers. Le Général leur répondit : comment vous demandez les prisonniers qui ne sont détenus que depuis ce matin, tandis que vous vous opposez à la sortie de ceux qui y sont depuis une année; ceux pour lesquels vous vous intéressez, on verra de les faire sortir. Alors l'un des attroupés dit comment nous rendras-tu celui qui s'est tué ce matin. (T. J.)

6 - La troupe étant ensuite survenue, les attroupés y furent au devant avec des démonstrations d'amitié, leur présentait des bouteilles pour boire. Cependant la troupe parvint à se placer sous les fenêtres de la maison Brutus, (P. O.)

6- Les hussards étant enfin arrivé (J.R.)

6 - La troupe étant ensuite arrivé, l'attroupement fut dissipé. (M. J.)

6 - La troupe étant survenue, l'attroupement fut dissipé. Il n' y eut que les plus obstinés qui restèrent, mais se trouvant entièrement enveloppés et voyant que les représentants avaient donné ordre de les saisir et même de les fusiller, ceux-ci prirent la fuite, se sauvèrent dans les maisons voisines. (A.F.)

6 - Les troupes étant enfin arrivées en nombre, elles entourèrent entièrement l'attroupement. (T. G.)

6 - Peu de temps après la troupe arriva, elle cerna les factieux de tous les côtés. (D. C.).



Dernières exhortations des représentants

7 - Alors les représentants dirent aux attroupés pendant dix fois au moins, au nom de la loi que tous les bons citoyens se retirent. La plus grande partie des attroupés se rendit à cette injonction, et comme tous ne se retirèrent pas, les représentants ordonnèrent à la troupe de saisir ceux qui étaient restés, ce qui fut exécuté dans le moment. Et plus n'a dit reconnaître personne dans cet attroupement qui était fort considérable.

7 - alors les représentants Anguis et Serre ordonnèrent encore aux attroupés de se retirer et comme personne ne se retirait, le représentant Anguis ordonne à la troupe de saisir et arrêter les dits attroupés, de procéder sur le champ à un conseil de guerre, de les fusiller. Cet ordre détermina une grande partie des attroupés à prendre la fuite. D'autres restèrent et furent arrêtés, ainsi que ceux qui se sauvèrent dans les cafés voisins. (P. O.)

7 - alors les représentants du peuple ordonnèrent au nom de la loi à plusieurs reprises à tout bon citoyen de se retirer. Cependant personne ne se retirait, alors les représentants du peuple leur ayant dit qu'ils étaient des rebelles, ils ordonnèrent aux troupes de faire feu sur eux. A cet ordre, tous prirent la fuite, et se sauvèrent dans les maisons voisines. Il y en eut même qui entrèrent dans la maison où loge la déposante dans le nombre duquel se trouvait Vincent et comme elle était enfermée dans sa chambre, ils lui demandèrent d'en ouvrir la porte et de leur sauver la vie. La troupe y étant survenue, la plupart furent saisis, elle a entendu dire que l'on avait laissé des armes dans sa maison et même des pistolets chargés. (T. G.)

7 - La troupe étant survenue, les représentants du peuple exhortèrent de nouveau au nom de la loi, et à plusieurs reprises les attroupés de se retirer. Plusieurs des attroupés se retirèrent, mais il en reste encore quelques uns qui furent saisis par la troupe. (P.C.)

7 - Les hussards étant ensuite arrivés, le représentant Anguis parut à la fenêtre de l'entresol de la maison Brutus ainsi que son collègue Serre exhortèrent l'un et l'autre le peuple au nom de la loi de se retirer. Plusieurs personnes profitèrent de l'avis, mais d'autres restèrent sur place et furent arrêtés par la troupe. (J. R.)

7 - Les représentants avaient déjà dit aux attroupés de se retirer au nom de la loi. La plus grande partie prirent le part de la fuite, ceux qui restèrent furent entièrement enveloppés par la troupe lorsque les représentants eurent ordonné de se retirer, ils se sauvèrent en partie dans les maisons voisines. (T.J.)

7 - Quelque temps après, la troupe arriva, elle cerna de tous les côtés les attroupés, ceux-ci se virent enveloppés et cherchèrent le salut dans la fuite. (P. B.).






Vu du café.... (Bergamin et sa femme)

- Son café se trouvant vis-à-vis l'entrée de la maison des représentants, fut aussitôt barré par les attroupés. Quelques uns d'eux au nombre d'environ douze entraient continuellement pour demander du vin et à boire. Le déposant observe que c'était toujours les mêmes personnes qui faisaient cette demande, qu'il n'a reconnu aucune d'elle. Des hommes et des femmes prirent même place dans le café pour y manger et boire. Alors le déposant se trouvait au fond de la boutique et n'a rien pu voir de ce qui se passait à la rue.Ceux qui étaient dans le café disaient entre eux, c'est aujourd'hui le plus beau jour de notre vie et il faut que nous mourrions ici. Il n'a pas vu des armes sur le plus grand nombre des attroupés. (M. B.)

- Lorsque la troupe fut arrivée pour faire dissiper l'attroupement, ceux-ci se portèrent en foule dans le café du déposant, grimpèrent sur les murailles du derrière et montèrent dans la maison, enfoncèrent la porte de la terrasse, furent sur les toits et se cachèrent en divers endroits. Il y en a eut qui se déguisèrent en garçon cafetier, ils faisaient semblant de travailler. La garde étant survenue pour faire la visite la maison, plusieurs des attroupés y furent trouvés cachés et notamment un gendarme qui avait quitté son habit, et était revêtu d'une veste du déposant, on y trouva deux pistolets chargées, et dans l'intérieur de la maison plusieurs armes /../ On se saisit de trente attroupés. (M. B.).



Vu d'une fenêtre

- a dit que le cinquième vendémiaire dernier ayant vu arriver dans la rue Brutus un grand nombre de personnes tant hommes que femmes qui faisaient un très grand bruit. Comme le mari de la déposante était absent; elle en était beaucoup en peine, ce qui la détermina à se mettre à la fenêtre pour voir si elle ne l'apercevait point. Et fort occupé de l'apercevoir, elle n'a rien vu, ni entendu de tout ce qui s'est passé dans la foule et se rappelle seulement que lorsque le représentant Serres cria aux attroupés au nom de la loi de se retirer qu'alors la plus grande partie se retira. La déposante ferma la fenêtre et n'a plus rien vu. (C. C.)



Notes

(1) Voir sur ce point Renaud Dulong, Le témoin oculaire. Les conditions sociales de l’attestation personnelle, Paris, EHESS, 1998.