Par Jacques Guilhaumou, UMR "Triangle", ENS-LSH Lyon et Martine Lapied, UMR "Telemme", MMSH/Université de Provence

Les débats autour de la parité ont fourni l'occasion de réfléchir sur la participation des femmes à la vie politique en France et, en particulier, sur les raisons de la faiblesse de leur nombre dans les deux chambres législatives (1). Au delà des explications à dominante sociologique, cette faible représentation nous renvoie aux racines historiques d’un phénomène qui paraît plus durable en France que dans d’autres États européens, avec un ancrage spécifique dans la Révolution française (2). Dans un pays où les femmes n’obtiennent le droit de vote qu’en 1945, l’absence de tradition d’action politique pourrait bien sûr être mise en cause. De fait, pendant une période particulièrement longue, les possibilités d’expression des femmes dans le domaine politique étaient limitées et la norme sociale tendait à les exclure de l’espace public pour les cantonner dans la sphère privée. Sous l’Ancien Régime, la théorie politique exclut explicitement les femmes, et de ce point de vue, l’exclusion est plus marquée en France que dans la plupart des autres États européens à cause de la loi salique (3). La Révolution peut alors apparaître comme une occasion manquée pour l’accession des femmes aux droits politiques (4). En effet, leur cas se sépare de celui des hommes des catégories populaires puisqu’elles n’obtiennent à aucun moment le droit constitutionnel de s’exprimer par le suffrage, ni celui d’exercer des fonctions officielles de responsabilité mêmes locales et, le plus souvent, elles n’ont même pas voix délibérative dans les assemblées (5). Les refus vont de la privation du droit de vote à l’interdiction de défendre la Nation dans l’armée, le 30 avril 1793, et à la fermeture des clubs féminins, le 30 octobre 1793.

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