Par Brian Tierney, Cornell University

Ce texte a été publié dans le Northwestern University Journal of International Human Rights, Vol. 2, April 2004 sous le titre : « The Idea of Natural Rights-Origins and Persistence » (voir). La traduction que nous proposons ici est de Maxime Shelledy (Centre VALE, Université Paris 4).

1. A l’heure où s’ouvre un siècle nouveau, le statut actuel des droits de l’homme reste assez précaire et leur avenir dans le monde est imprévisible (1). A côté des problèmes évidents de leur application concrète en de nombreuses régions du globe, subsistent également de réels doutes quant à la reconnaissance par tous les peuples de l’universalité de l’idéal occidental des droits de l’homme. Samuel Huntington, dans son Choc des Civilisations, présente notre culture moderne des droits comme une spécificité occidentale, sans résonance aucune pour le reste de l’humanité (2). Une autre étude contemporaine porte ce titre peu prometteur : Les Droits de l’Homme : une construction occidentale à l’application limitée (3). A l’extrême opposé, un rapport de l’UNESCO de 1947 fait observer, à propos de l’idée des droits de l’homme, que « ses débuts, tant à l’Ouest qu’à l’Est, coïncident avec les débuts de la philosophie » (4). Dans le même esprit, Nikolas Gvosdev analyse la politique de tolérance religieuse menée par certains empereurs chinois et mongols (y compris Gengis Khan), comme une anticipation de la pratique moderne des droits de l’homme (5). Cependant, il serait erroné de voir une préoccupation pour les droits chaque fois que l’on rencontre des politiques, qui, pour moralement sympathiques qu’on puisse les trouver, reposaient en fait sur de tout autres fondements. Gengis Khan était loin d’être un champion des droits de l’homme avant l’heure. Notre concept moderne n’a pas existé de tout temps, ni en tous lieux ; il a, en fait, son histoire particulière, que nous tâcherons d’explorer et qui, à ses débuts, était bel et bien une histoire occidentale.

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