Par Rachele Raus, Université de Turin

La France pays de mission ? (1943), livre d'Henri Godin et Yvan Daniel, deux aumôniers de la JOC, fonde l'action des chrétiens en milieu ouvrier. Dans cet ouvrage, la présence d’une sorte d’antirhétorique est étroitement liée à l’anti-intellectualisme qui les caractérise. Si le texte est foncièrement révolutionnaire, c’est aussi et surtout parce qu’il réélabore le langage ecclésiastique sur la base de principes nouveaux. On retrouve une réélaboration conceptuelle similaire chez Jacques Guilhaumou lorsqu’il décrit la langue politique du XVIIIe siècle en citant le cas de l’antirhétorique des jacobins révolutionnaires par rapport à la rhétorique des aristocrates et de la cour. Les fondements principaux de cette antirhétorique sont l’adéquation du mot à la chose et une catégorisation de l’agir.

Tout comme les Jacobins vis-à-vis de la rhétorique des aristocrates, Daniel et Godin perçoivent également la présence d’une barrière qui les éloigne à la fois des ouvriers et aussi de l’Eglise, et qui est surtout une barrière linguistique : pour pouvoir communiquer à nouveau avec les milieux populaires, il faut rendre aux mots leur sens d’origine, sur la base de l’Evangile et, en général, de l’étymologie des mots, et aussi les “réaliser” concrètement dans le réel. Tout cela, bien évidemment, les éloigne fortement de l’Eglise et les rapproche d’un anti-intellectualisme dangereux pour les institutions ecclésiastiques.

Lire un extrait du chapitre 4 (pages 107-116) en format PDF, rédigé par Rachele Raus, de l’ouvrage de Marta Magotti et Rachele Raus, Du mot à l’action. Histoire et analyse linguistique de La France, pays de mission ?, avec une préface de Jacques Guilhaumou et une postface d’Emile Poulat, Quaderni di Linguistica e Linguaggi specialistici dell’Università di Teramo, Roma, Aracne, 2008, 216 pages.