Dans la baignoire, l’homme est nu comme au jour de sa naissance
Né d’une femme, mort par une femme

Le drame est là, vivant dans toute sa lamentable horreur
mais, par un tour de force étrange, l’œuvre n’a rien d’ignoble, ni de trivial
La Mort vient de baiser Marat de ses lèvres amoureuses
et il repose dans le calme de la métamorphose

Il y a dans cette œuvre quelque chose de tendre et de poignant à la fois
Dans l’air froid de cette chambre, sur ces murs froids,
autour de cette froide et funèbre baignoire,
« une âme voltige ». Le poète ne s’y trompe pas

Dans cette pietà profane, l’homme est vaincu
Terrassé par ses ennemis, la maladie, la mort
Mais au-dessus de cette tête qui retombe silencieusement,
s’ouvre une immensité : l’an 2 de l’aurore de la liberté

Pourtant, l’homme est vaincu dans toute sa détresse
Un billot de bois, d’un bois noueux et sec,
une planche, un drap, une baignoire,
un encrier, deux feuillets de papier qui disent le malheur et l’indigence,
mais dont l’un cache la trahison et le sang

Les mêmes termes expriment l’espoir et la défaite
Ainsi la Révolution apprend-elle à ses enfants à se méfier des mots

Charlotte Goëtz