Du côté de la Révolution française (l’autre champ de recherche que j’ai ouvert concerne le Risorgimento italien) (2), nous réalisons en ce moment, au sein du Département d’études humanistiques de l’Université de Trieste, la digitalisation des écrits journalistiques de Babeuf (2 vol., Paris, 1966), du deuxième tome des Œuvres complètes de Jean Meslier (Paris 1974; les deux autres tomes sont interrogeables en ligne sur le site de l’Atilf) et du matériel publié par W. Markov et A. Soboul dans Die Sansculotten von Paris. Dokumente zur Geschichte der Volksbewegung. 1793-1794 (Berlin, 1957). La perspective future ambitionne l’acquisition, - si les financements et les forces le permettent -, des Œuvres de Desmoulins (10 vol., Paris, 1980), des Œuvres de Condorcet (12 vol., Paris, 1847-1849), du recueil de sources Aux origines de la République 1789-1792 (6 vol., Paris, 1991), de certains segments temporels du Moniteur et des Archives parlementaires. Le recours aux logiciels d’interrogation des textes correspondant à la bibliographie acquise, c’est-à-dire transformés de document sur papier en document électronique, nous a permis de produire un très grand nombre de résultats lexicologiques et lexicométriques (à savoir occurrences, cooccurrences, collocations, fréquences absolues et relatives, expressions de séquence, concordances, flux temporels, concordances de cooccurrences). Pour les considérations d’ordre technique liées aux aspects que je viens de considérer, je renvois à l’ Introduzione metodologica rédigée par Marco Marin dans la seconde partie du premier tome de La felicità ainsi qu’aux présentations du matériel lexicologique et lexicométrique proposé dans ce volume par Marco Marin et Elisabetta Gon. Je voudrais ici uniquement souligner que l’approche informatique (l’acquisition de documents en format électronique et l’application de logiciels d’interrogation des textes) constitue, à mon avis, la nouvelle frontière dans l’étude de l’histoire des idées (entendue dans un sens large et non restrictif) et sans doute dans l’activité historiographique tout court.

Le « tournant linguistique », thème que Jacques Guilhaumou (3) a plusieurs fois évoqué également à propos de la Révolution française, a produit et est en train de produire des résultats importants et appréciables. Cependant, il reste beaucoup à faire et – pour ce qui concerne la Révolution française – un notable bond de qualité ne sera possible qu’en acquérant de vastes corpora, en premier lieu Le Moniteur et les Archives parlementaires. C’est vraiment dommage que le corpus de textes révolutionnaires mis à disposition par l’Atilf (Frantext) soit, pour l’essentiel, encore très exigu et que le matériel digital offert par Gallica ne permette pas d’accomplir d’enquêtes lexicométriques. D’autres banques de données, comme Internet Archive, disposent de moteurs de recherche très primitifs, limités à la fonction cherche et trouve, qui en autre, vue la mauvaise qualité de la digitalisation, n’est pas tout à fait fiable. Encore, le format TXT (Full Text) – qui, une fois déchargé pourrait être traité avec des logiciels linguistiques propriétaires adéquats (Concordance, ...) – contient beaucoup d’imperfections et un tas de fautes qui le rend inutilisable. Les résultats ne se produisent même pas avec le déchargement du format PDF texte. En fait, la conversion du format PDF (déchargé) en TXT propose un matériel identique au TXT (Full Text) que l’on trouve en ligne. Évidemment les PDF, au lieu d’être l’objet d’une digitalisation autonome, ont été créés à partir des images acquises des documents sur papier. Par conséquent, les Œuvres de Condorcet par exemple, ne peuvent pas être traitées avec les méthodes et les instruments de la linguistique des corpora. De pareilles considérations pèsent sur les volumes du Moniteur mis en ligne par Internet Archive. Il faut donc se donner la perspective de parvenir à la réalisation d’une textothèque de la Révolution française la plus complète possible, que tout le monde puisse consulter et interroger avec des moteurs de recherche adéquats. Il s’agit d’un projet qui implique d’énormes investissements en organisation, coordination, travail, engagement financier et qui requiert des choix courageux (puisque non immédiatement exploitables sur le plan de la visibilité et des résultats) dans l’allocation des ressources. Les grandes institutions et les grandes structures ont bougé et sont en train de bouger avec lenteur, du fait de l’enlisement bureaucratique. Cependant, il faut dire que pour la Révolution française la situation est incontestablement de loin la meilleure par rapport au Risorgimento italien (les deux domaines de recherche que je fréquente avec le plus d’assiduité et que je connais le mieux : mais le discours pourrait tranquillement être étendu, en ce qui concerne l’Italie, au fascisme).

Les évidences lexicologiques et lexicométriques proposées par Marco Marin et Elisabetta Gon concernent les plus récentes et importantes discussions historiographiques sur la Révolution française. Elisabetta Gon a construit ces évidences sur le corpus mis à disposition par notre Département (5.572.407 tokens), alors que Marco Marin a travaillé sur le corpus des catéchismes révolutionnaires (985.256 tokens). Quant aux caractéristiques des corpora, aux logiciels linguistiques employés dans l’interrogation des textes digitalisés (Bruco, Concordance, Lexico 3, Treetagger) et aux techniques d’analyse du discours et de linguistique des corpora, je renvoie aux présentations du matériel linguistique. Je me limite ici à expliciter les critères de nature historiographique qui justifient le choix des mots que l’on a placés au centre de notre analyse lexicologique et lexicométrique.

2. Dictature et bonheur

Les concordances de la chaîne « dict* » renvoient aux recherches sur la notion de dictature que j’ai menées pendant ces années (4). Dans le troisième volume je compte pouvoir présenter un cadre complet des mots concernant ces problématiques dans le lexique de Marat (« dictateur », « dictature », « tribun », « triumvir(s) », « chef(s) », …).

Les concordances de la lexie «bonheur» intègrent les résultats de recherche déjà exposés dans le premier tome et renvoient à un mot-clé du lexique de la Révolution. Je reste convaincu – comme j’ai insisté à plusieurs reprises – que la nouvelle idée de bonheur élaborée dans l’an II (1793-1794) est l’un des legs les plus importants que la Révolution française consigne aux siècles XIX et XX ; aussi, il me semble que cet aspect, dans les récentes tentatives de dessiner une histoire de l’idée de bonheur (Fulvia de Luise et Giuseppe Farinetti, Darrin M. McMahon, Antonio Trampus, Georges Minois)(5), est bien resté dans l’ombre. La question du bonheur demeure au centre de la narration que la Révolution française produit sur elle-même dès ses débuts. La promesse et l’espérance de bonheur sont les ingrédients essentiels soit de sa capacité de rallumer les espérances millénaristes, soit de sa façon de se présenter et être vécue comme la «bonne nouvelle». Le mot bonheur est amplement présent – même si dans une mesure qui, dans l’état des études actuelles, n’est pas quantifiable avec précision – dans le lexique de la Révolution. Au «bonheur végétatif» (6) de celui qui se contente de toute façon de sa condition, la Révolution française oppose une idée émancipative de bonheur. À ce sujet la réponse de Condorcet (1789) aux objections des propriétaires d’esclaves est exemplaire : ils soutenaient qu’il était absurde de libérer les esclaves, vu que ceux-ci étaient tout-à-fait satisfaits de la vie qu’ils conduisaient : « il ne s'agit pas de savoir si les noirs sont heureux, mais s'ils jouissent des droits dont tous les hommes doivent jouir »(7).

Les caractéristiques et les contenus de ce bonheur tant évoqué changent selon les phases de la Révolution et les orientations idéales et politiques qui se disputent le champ. Pour certaines (Condorcet, les girondins, …), il s’agit de créer les conditions dans lesquelles chaque individu puisse chercher au mieux son propre bonheur, en développant ses talents et ses capacités. Celle-ci est la position qu’on pourrait appeler procédurale. D’autres (montagnards, jacobinisme robespierriste et sans-culottes) proposent une vision substantive du bonheur : la politique doit intervenir concrètement dans la construction du bonheur en rééduquant l’homme et en supprimant les inégalités sociales. Même les formules changent : « bonheur de tous », « bonheur commun », « bonheur commun de tous », « bonheur républicain », « bonheur du peuple », « bonheur de la nation », etc. Nous n’avons pas trouvé – mais je dis cela avec prudence, puisque seulement des corpora digitaux complets peuvent garantir des résultats définitifs – l’expression « le plus grand bonheur du plus grand nombre », c’est-à-dire l’équivalent français de la formule utilitariste « the Greatest Happiness of the Greatest Number »(8). Même si, sans le prendre à la lettre, la substance libérale de la formule benthamienne – qui circulait largement dans le XVIII siècle français et italien – retentit d’ailleurs dans beaucoup d’interventions, en particulier dans celles des girondins. Ainsi, par exemple, au cour de la discussion sur la constitution, le 8 mai 1793 Vergniaud affirme que « la constitution la plus parfaite sera celle qui fera jouir de la plus grande somme bonheur possible et le corps social et les individus qui le composent »(9).

La formule bonheur commun – saisie dans la Déclaration de 1793 et amplement utilisée pendant l’an II – traverse toute la Révolution. On la retrouve, par exemple, dans Mirabeau et Condorcet, avec des signifiés différents par rapport à ceux que le jacobinisme et la sanculotterie lui ont attribuée et encore plus radicalement différents par rapport à l’acception qu’elle assumera avec Babeuf. Le « bonheur commun » du courant babouviste-buonarrotien (« communauté des biens ») radicalise le « bonheur commun » de l’année II (« bonheur partagé »). Quoi qu'il en soit, relativement aux deux variantes, l’expression n’a rien à voir avec la notion de « bene comune » avec laquelle elle est parfois erronément traduite(10). Encore, elle n’a rien à voir avec le « common blessing » de Pope (qu’on a traduit en français avec « bonheur commun »)(11), le « common good » évoqué dans la constitution du Massachussetts du 1780 et avec le « commonwealth » du lexique politique britannique du XVIII siècle. Nous n’avons pas d’éléments pour thématiser le possible lien entre « bonheur commun » et « sens commun », notion - comme cela est déjà connu – au centre d’une récente et charmante étude de Sophia A. Rosenfeld (12). Chez Robespierre nous avons individué seulement 8 occurrences de « sens commun », toutes génériques et sans aucun lien avec « bonheur ». Pareillement, les autres occurrences et cooccurrences de « sens commun » qu’on a individuées dans les corpora à notre disposition, ne sont pas significatives et le même discours vaut pour la lexie « bon sens ».

Dans la dialectique entre champ d’expérience et horizon d’attente (13), l’an II représente relativement à l’idée de bonheur un tournant décisif. Le « bonheur commun » de l’an II renforce la valeur d’émancipation et le relevé quantitatif du bonheur révolutionnaire et laisse en héritage aux XIX et XX siècles une nouvelle idée de bonheur : un bonheur accessible à tous, connoté socialement en un sens égalitaire et engendré politiquement par la voie révolutionnaire. Tout cela constitue autant d’éléments – étroitement corrélés entre eux – qui constituent la nouveauté évoquée par Saint-Just dans sa célèbre phrase du 3 mars 1794 («Le bonheur est une idée neuve en Europe»). Le lien Révolution-égalité sociale-bonheur marque la ligne de partage entre le bonheur des anciens et celui des modernes. Le concept de bonheur s’enrichit d’une nouvelle conception (14). Une conception subversive, qui met en crise le « bonheur végétatif » des masses populaires d’ancien régime évoqué par Tocqueville, et qui balaye les supports théoriques à la résignation, aussi bien ceux traditionnels d’inspiration philosophique et religieuse que ceux mis en place au cours du siècle des lumières avec l’intrigante doctrine du «compenso» et de la «bilancia»(15). Les Auteurs de la Déclaration des droits et devoirs de l’homme et du citoyen du 1795, comme cela est déjà connu, renoncèrent à insérer le bonheur parmi les droits de l’homme, en s’appuyant sur la considération qu’il était impossible de se mettre d’accord sur le signifié précis du mot. Lors de la séance de la Convention du 16 messidor an III (4 juillet 1795) on rappela que « il y a deux mille ans que l’on comptait 288 espèces de bonheur »(16). Mais la véritable raison se trouve dans la puissante charge subversive contenue dans la promesse de bonheur. L’engagement – manifesté avec insistance dans plusieurs documents de l’an II (17) – à poursuivre la Révolution tant que sur la terre il restera un seul être pauvre et malheureux (dans la plupart des cas « malheureux » désigne soit l’homme qui n’est pas heureux, soit l’homme pauvre), configurait l’idée d’une révolution permanente, en net contraste avec les orientations de ceux qui (les feuillants et les girondins avant, les thermidoriens ensuite) étaient intéressés à clore la Révolution (18).

Dans ce deuxième tome, à l’identique du premier tome qui se rapportait aux dix premiers volumes des Œuvres de Robespierre, nous allons aussi présenter les concordances de « félicité », dans les plusieurs graphies par lesquelles la lexie se présente à l’intérieurs de nos corpora. Les concordances de « félicité » à ce point sont complètes. Dans le troisième volume nous publierons les concordances de « bonheur », qui encore manquent à l’appel. Elles sont nombreuses : 96 occurrences chez Saint-Just et 533 occurrences chez Marat. Pourtant, à la lumière des évidences lexicologiques et lexicométriques obtenues grâce à l’interrogation des textes par les logiciels linguistiques à notre disposition, je peux déjà signaler que dans nos corpora les termes « bonheur » et « félicité » sont synonymes et absolument interchangeables. Ce qui résulte – à l’intérieur de cette interchangeabilité – est la nette prévalence de « bonheur » sur « félicité »19. Chez Hébert le rapport est de 139 occurrences de «bonh(n)eur» (fréquence relative : 0,0254%) face aux 4 occurrences de « félicité(s) » (fréquence relative : 0,0007%). Dans le discours Du bonheur de Lequinio (4.618 tokens), on retrouve 28 occurrences de « bonheur » (FRN20 : 0,6063%) et 6 de « fé(e)licité » (FRN : 0,1299%). Chez Marat les occurrences de « bonheur » sont 533 (FRN : 0,0213%) et celles de « fé(e)licité » sont 81 (FRN : 0,0032%). Chez Robespierre on a repéré 501 occurrences de « bonheur » (FRN : 0,0232%) face aux 59 occurrences de « félicité » (FRN : 0,0027%). Dans les catéchismes enfin, les occurrences de « bonh(n)e(é)ur(s) » sont 938 (FRN : 0,0952%) et celles de « fé(e)l(l)icité(s) » sont 96 (FRN : 0,0097%)21.

La distinction entre « bonheur » (situation occasionnelle de bien-être dictée par des causes extérieures) et « félicité » (situation durable de bien-être concernant une dimension intérieure), suggérée par Gabriel Girard dans les Synonymes François du 1736 et reprise par beaucoup d’autres auteurs au XVIII siècle (22), dont Voltaire, qui la propose à nouveau avec une courbure ironique et plaisante dans l’entrée Félicité de l’Encyclopédie(23), ne semble pas avoir été entendue dans les corpora en notre disposition. Suite aux contrôles que j’ai fait sur papier et sur le matériel disponible en réseaux, il résulte que cette donnée semble être la même pour tout le lexique de la Révolution ; cependant, il est évident que, quant à cette question, des enquêtes supplémentaires sont nécessaires.

Une dernière considération. Le mainstream sur l’idée de bonheur dans la Révolution française – qui reprend un cliché élaboré lors de la période thermidorienne (24) – insiste sur la suprématie du bonheur public sur le bonheur privé. En particulier le bonheur des jacobins serait essentiellement « bonheur public ». Il s’agit d’une formulation que je ne partage pas. L’opposition entre bonheur public et bonheur privé ne recoupe pas la polysemie de l’expression « bonheur public » dans le lexique des révolutionnaires (25), mais surtout elle supprime ou banalement oublie la notion de bonheur individuel. La question mériterait un exposé spécifique. Je me limite donc à observer que – sur le plan analytique et au-delà des usages lexicaux et des superpositions que il est possible de relever au fur et à mesure dans les diverses sources – il serait opportun de maintenir bien distinguées non seulement les notions de bonheur public et bonheur privé mais aussi les notions de bonheur privé et bonheur individuel. Le bonheur individuel, évidemment toujours présent dans le bonheur privé, peux s’étendre soit dans la dimension privée (dans ses deux articulations fondamentales de vita activa et vita contemplativa) soit dans la dimension publique du rapport avec les autres et de la confrontation politique. La dimension publique de la confrontation politique a été longuement considérée le domaine d’excellence de la vita activa. Le bonheur de la tradition républicaine est aussi un bonheur individuel, qui s’épanouit dans le domaine public de la confrontation politique. Le bonheur évoqué dans le heureux essai de Hirschman (26) est un bonheur individuel, qui de manière cyclique s’adresse à la dimension privée (vita activa du citoyen consommateur) et à la dimension publique (vita activa du citoyen qui s’engage dans les affaires publiques). Dans le cas de la Révolution française, le rapport triadique entre bonheur individuel, bonheur privé et bonheur public (27) nécessite une attention accrue ; n’oublions pas – entre autres – que le jacobinisme n’annule l’individu ni dans la société ni dans l’état (28). À cet égard, le discours Du Bonheur du 20 brumaire an II (10 novembre 1793) est exemplaire (29). Le « bonheur public » invoqué par Lequinio signifie tout d’abord « le bonheur des autres », mais il configure aussi une idée relationnelle de bonheur dans laquelle l’individu se réalise à travers le travail, les affections familières et amicales, le soin envers les autres et l’engagement politique.

Le matériel que je vais présenter pourrait suggérer de précieux sujets de réflexion. En ce qui concerne les formules « bonheur public » et « félicité publique », nous disposons des données suivantes : chez Hébert la première apparaît trois fois (FRN par rapport à « bonheur » : 2,16% (30) ), la seconde apparaît deux fois (FRN par rapport à « félicité » : 50%); chez Lequinio on compte deux occurrences de « bonheur public » (FRN par rapport à « bonheur » : 7,14%) et une occurrence de « félicité publique » (FRN par rapport à « félicité » : 16,66%) ; chez Marat « bonheur public » se répète 27 fois (FRN par rapport à « bonheur » : 5,07%) et « félicité publique(s) (31) » 62 (FRN par rapport à « félicité » : 76,54%); chez Robespierre les occurrences de « bonheur public(s) » sont 51 (FRN par rapport à « bonheur » : 10,18%) et 14 sont les occurrences de « félicité publique(s) » (FRN par rapport à « félicité »: 23,73%); chez Saint-Just nous avons 6 occurrences de « bonheur public » (FRN par rapport à « bonheur » : 6,25%) et 2 de « félicité publique » (FRN par rapport à « félicité » : 16,66%); dans les catéchismes, enfin, « bonheur public » a une fréquence absolue de 23 (FRN par rapport à « bonheur » : 2,45%) et « fé(e)licité publique(s) » de 13 (FRN par rapport à « félicité » : 13,54%).

3. Liberté publique

La mise au point du signifié de la lexie « liberté publique » dans le lexique de la Révolution, est étroitement liée à la question du bonheur. Dans l’essai On Revolution (1963, 1965) Hannah Arendt – comme cela est déjà connu – lit le droit configuré dans la Déclaration d’Indépendance des États-Unis d'Amérique(4 juillet 1776) comme «pursuit of Happiness» principalement en termes de « public happiness » et suggère que ce que les américains du XVIII siècle appelaient « public happiness », dans la même période correspondait chez les français à l’expression « liberté publique » (« public freedom », « public liberty »)(32). Les concepts véhiculés par les deux expressions devraient être rapprochés et indiqueraient alors le bonheur éprouvé par le citoyen dans la participation active aux processus de décision politique : le seul vrai et authentique bonheur de l’homme, suivant l’interprétation proposée par Hannah Arendt, qui absolutise et radicalise certains éléments qu’on retrouve dans l’idée de bonheur de la tradition républicaine et chez Tocqueville. Selon Arendt, ce bonheur était une expérience (« experience ») en Amérique, un goût et une passion (« passion », « taste ») en France. La distinction que Robespierre effectue entre liberté civile (« civil liberty ») et liberté publique (« public liberty ») correspondrait «to the vague, conceptually ambiguous american use of the term happiness». La liberté civile chez Robespierre désignerait le domaine du « private welfare », alors que la liberté publique équivaut à un « well-being as well as being a participator in public affairs ». Par rapport à la notion de bonheur appartenant aux pères fondateurs américains (Jefferson en particulier) le discours reste ouvert : il pourra être l’objet d’une mise au point ultérieure, tout en assimilant les suggestions et sollicitations du paradigme républicain appliqué à la Révolution américaine ; on ne doit pas oublier pourtant que l’expression « pursuit of happiness » – comme Darrin M. McMahon l’a à juste titre mis en évidence – a été plusieurs fois utilisée par Locke dans An Essay concerning Humane Understanding (1689)(33). En revanche, jusqu’à présent j’ai trouvé – par le traditionnel classement papier et les enquêtes sur le matériel digital en ligne – des confirmations insuffisantes aux suggestions linguistiques de Arendt. Le matériel digitalisé dont nous disposons – comme l’on peut voir par les concordances ici présentées – n’offre aucune confirmation. Peut-être Hannah Arendt a superposé – sans l’appui de contrôles documentaires adéquats – au lexique des Lumières et de la Révolution le lexique de Tocqueville, qui dans l’Ancien régime et la révolution (1856 : livre III, ch. III) s’arrête analytiquement sur « l'idée et le goût de la liberté publique » dans la France du XVIII siècle et utilise indistinctement les expressions « liberté publique » et « liberté politique » pour indiquer la participation aux affaires publiques, participation que Tocqueville décrit selon les canons de la tradition républicaine :

Je me suis souvent demandé où est la source de cette passion de la liberté politique qui, dans tous les temps, a fait faire aux hommes les plus grandes choses que l’humanité ait accomplies, dans quels sentiments elle s’enracine et se nourrit (…) Ce qui, dans tous les temps, lui a attaché si fortement le cœur de certains hommes, ce sont ses attraits mêmes, son charme propre, indépendant de ses bienfaits; c’est le plaisir de pouvoir parler, agir, respirer sans contrainte, sous le seul gouvernement de Dieu et des lois. Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle-même est fait pour servir.

4. Républicanisme

La mise au point des signifiés de « liberté publique » a aussi un impact sur les récentes réflexions concernant les rapports entre républicanisme et Révolution française. Le républicanisme, en quelques décennies, a gagné une importance significative dans le débat intellectuel contemporain, en embrassant une pluralité de domaines disciplinaires : théorie politique, philosophie politique, historiographie, histoire de la pensée et des doctrines politiques, histoire de la pensée juridique, philosophie du droit (34). Au principe, on rencontre l’œuvre de John Pocock (1975)(35). En tant que paradigme historiographique, le républicanisme a renversé l’interprétation traditionnelle de la Révolution américaine (Révolution américaine = révolution libérale)(36) et il investit maintenant avec force la Révolution française en mettant en discussion – par des approches différentes et opposées – l’« exceptionnalisme » français (37). Les concordances de « liberté publique » – proposées dans la deuxième partie de ce volume – peuvent apporter une contribution utile aux débats en cours. Il en est de même pour les concordances des autres lexies complexes qui présentent le syntagme nominal « liberté ». Sur la notion de liberté – comme cela est déjà connu – les néo-républicains sont profondément divisés ; il pourrait se révéler un exercice intéressant et heuristiquement productif de vérifier laquelle des libertés (la liberté en tant que participation à la Pocock, la liberté comme absence de dépendance à la Skinner, la liberté comme non-domination à la Pettit) peut être effectivement identifiée dans le lexique de la Révolution. Et si et de quelle façon ces différentes articulations de la liberté républicaine croisent la conception libérale de la liberté conçue comme non-interférence. Les concordances que nous présentons sont évidemment une petite part d’une mosaïque qu’on devra construire avec beaucoup de travail et de patience. D’une part, je reste encore personnellement très lié à la distinction entre liberté positive et liberté négative dessinée par Berlin, d’autre part je crois qu’il n’est absolument pas possible de faire abstraction des sollicitations venant de la tradition républicaine et de la réflexion néo-républicaine.

Aux problématiques du républicanisme font référence de même les concordances des chaînes « *conom* » et « tax* ». Selon aucunes interprétations en effet, l’« économie politique populaire » configurerait une des modalités avec laquelle le républicanisme – par Robespierre, les montagnards et les sans-culottes – se présente sur la scène de la Révolution. La notion de « économie politique populaire » – comme cela est connu – a été au centre de récents et vifs débats historiographiques (38). Dans l’état actuel des études, il résulte que cette expression est un hapax ; pourtant cette donnée reste provisoire jusqu'à la création de corpora digitaux certes non exhaustifs mais de plus en plus amples et significatifs. Les concordances que nous présentons ici peuvent contribuer à mettre en lumière le champ sémantique de « économie » dans le lexique de Robespierre.

Les concordances de « ennemi(s) de l’humanité », « ennemi(s) du peuple », « hors (de) (-) la (-) loi », «droit(s) naturel(s) », « droit(s) de la nature », « nature humaine » se réfèrent aux problématiques du républicanisme mais aussi à celles de la terreur. En ce cas, les thèses historiographiques qu’il faut questionner sont celles présentées par Dan Edelstein (39). Dan Edelstein ainsi que Keith Baker, dont il est l’élève, utilise la notion de « républicanisme classique » se rapportant à la tradition explorée par Pocock et à Pocock même. Ils ne reprennent donc pas la distinction entre humanisme civique et républicanisme classique proposée par Rawls et acceptée par beaucoup d’autres (40). Pour Dan Edelstein – ainsi que pour Keith Baker – il y a un « républicanisme classique » et un « républicanisme moderne ». Après tout, celle-ci est la position d’une grande partie de l'historiographie anglo-saxonne. Les jacobins et les montagnards se relieraient au républicanisme classique, les girondins et Condorcet au républicanisme moderne. Pour Baker, les jacobins (Robespierre, Marat, Saint-Just) conduisent à la dégénération le républicanisme classique (41), alors que pour Edelstein les jacobins (qu’il ne sépare pas des montagnards) transforment le républicanisme classique dans un « républicanisme naturel », en faisant affluer dans le républicanisme classique des thématiques liées au droit naturel. Pour Dan Edelstein la Terreur naît de la confluence dans la politique jacobine entre trois courants culturels : le mythe de l’âge d’or, le républicanisme classique, les théories du droit naturel. La contamination de ces trois courants culturels convergeant dans la politique jacobine de l’an II, aurait transformé le républicanisme classique des jacobins en un « républicanisme naturel », axé sur la notion de « ennemi du genre humain » et sur la catégorie de « hors (de) la loi » (42). D’où le lien entre jacobinisme de l’an II et la Terreur. A mon avis, l’interprétation culturaliste de Dan Edelstein – qui a le mérite, entre autres, d’insister sur l’importance du décret du 19 mars 1793, déjà étudié en termes d’incidence statistique dans le travail de 1935 par Donald Greer (43) et ramené à l'attention des historiens par les travaux de Jean-Clément Martin sur la Vendée e la contre-révolution (44) – est si suggestive et intrigante qu’elle mériterait d’être vérifiée de façon organique et systématique. En outre, cette interprétation pourrait être intégrée avec profit les sollicitations présentées par David Bell sur les origines culturelles de la « guerre absolue » remontant au XVIII siècle (45). Le cadre que nous présentons ici est évidemment insuffisant pour parvenir à quelconque conclusion.

Dan Edelstein souligne avec insistance l’importance des mythes dans la structuration des cultures politiques et – dans son exposition des courants culturels qui conduisent à la Terreur – accorde un rôle central au mythe de l’âge d’or (46). Il y a un autre mythe, a mon avis, qui mériterait d’être vérifié : à savoir le mythe d’Armageddon. Dans ce mythe il existe un peuple (selon la tradition apocalyptique juive et paléochrétienne le peuple de Dieu) pur et non contaminé. Ce peuple est attaqué par des forces internes corrompues et corruptrices, soutenues par de puissantes forces externes, elles-mêmes corrompues et corruptrices. Un groupe restreint de vertueux sous la conduite d’un Sauveur réussira à conduire le peuple de Dieu à la victoire, battant et exterminant les ennemis internes et externes. Après le combat final (la bataille d’Armageddon dans l’Apocalypse de Saint Jean) le peuple de Dieu continuera à vivre heureux et non contaminé, dans une société parfaite et harmonieuse, libérée de toute impureté et corruption. Le mythe d’Armageddon a été mis en relation avec plusieurs moments historiques et plusieurs cultures politiques par beaucoup de studieux. Entre autres Norman Cohn, André Glucksmann, Paul Berman (47). Comme je l'ai déjà rappelé à plusieurs occasions, je pense que ce mythe pourrait aussi être pris en considération pour la Révolution française. L’affirmation de Robespierre (Sur les crimes des rois coalisés contre la France : 7 prairial an II, 26 mai 1794)(48) selon laquelle il existe deux peuples en France – l’un vertueux et l’autre corrompu et corrupteur, de mèche avec les étrangers corrompus et corrupteurs – tendrait à confirmer mon hypothèse. Je laisse le débat ouvert et , dans le troisième volume j’espère réussir à produire du matériel concernant ce thème.

5. Terreur

Les concordances de « terreur » nous amènent à une question clé des débats historiographiques sur la Révolution française, déjà abordée dans le premier tome, qui faisait référence précisément à Robespierre. Récemment, comme on sait, Jean-Clément Martin a avancé une thèse suggestive : la Terreur est une invention historiographique qui – sur la base de la construction mémorielle thermidorienne – a projeté dans une dimension de système et de paradigme un moment de l’histoire (l’an II) dans lequel le pouvoir a rendu visible par des discours explicites et des débats publics son consubstantiel rapport à la violence.(49) Que la Terreur n’a jamais été mise à l’ordre du jour officiellement – contrairement à ce qu’une vulgate historiographique répétitive et une culture livresque peu attentive à la documentation ont toujours affirmé – est une donnée avérée et acquise, que Jean-Clément Martin a bien fait de répéter et souligner (50). Dans quelle mesure le discours public de l’an II a utilisé le mot « terreur » avec une acception positive, celle-ci est une question ouverte et difficile à quantifier (51). Certainement il y a un écart entre la prudence des membres de la Convention et les exigences des groupes militants. Nous pourrons donner des réponses certaines que lorsque nous aurons à disposition des banques de données complètes ou au moins amples et significatives. Les concordances que nous présentons ici semblent suggérer que, au cours de l’an II, le mot continue à être utilisé avec prudence et avec des signifiés pas toujours univoques.

Également, les concordances de la chaîne « veng* » nous conduisent aux problématiques de la Terreur. Dans ce cas, l’intention est celle de tester les interprétations de Arno Mayer (52) qui, dans le cadre de la dialectique Révolution – contre-révolution, reconnaît dans la vengeance (53) l’élément explicatif da la Terreur. Dans le schéma de Mayer la vengeance – invariante anthropologique, indépendante des idéologies et des orientations politiques – est mise en marche par la Révolution qui, en touchant inévitablement des intérêts concrets et substantiels, entraîne des réactions âpres et des cycles de violence. La vengeance – dont Mayer souligne le potentiel euristique en tant que catégorie interprétative historiographique – apparaît lorsque la souveraineté et le système judiciaire se décomposent et laissent la place à des formes de violence pré-modernes. La vengeance par le bas éclate quand le système de souveraineté s’enfonce. La terreur de 1793-1794 – qui d’après Mayer est une terreur institutionnalisée – serait une tentative de réglementer en forme moderne la vengeance et la violence archaïque. Les concordances que nous présentons tentent de vérifier – dans le cadre, cela s’entend, d’un échantillon très restreint – dans quelle mesure ces dynamiques se reflètent sur le plan lexical. Nous avons inséré aussi « vindicte », qui malgré la différence de signifié par rapport à « vengeance » rentre dans les problématiques soulevées par Mayer. Dans le troisième volume nous présenterons les concordances de « violence », étroitement liée à la « vengeance » dans le schème explicatif de Mayer. Le rapport « violence » – « terreur » – qui se trouve traditionnellement au centre des débats historiographiques sur la Terreur – a été décliné d’une fois à l’autre dans des manières différentes (parmi les plus suggestives peut-être celle proposée par Georges Lefebvre dans la séquence peur – réaction défensive –volonté punitive)(54). Récemment il est revenu au premier plan dans les débats soulevés par les suggestions susmentionnées de Jean-Clément Martin et autres importants travaux, entre lesquels je me limite à signaler ceux de Sophie Wahnich (55) et de David Andress (56). Dans le troisième volume nous tenterons aussi de vérifier la consistance de la « bestialisation prégnante de l’ennemi » dans le discours public, indiquée par Pierre Serna comme élément prodromique des violences révolutionnaires (57). Nous essayerons en outre de tester sur le plan lexical quelques interprétations de la Terreur, qui, après les célébrations du bicentenaire (58) se sont proposées de dissocier le débat historiographique des sécheresses de l’opposition entre école classique (théorie des circonstances) et école révisionniste (filiation idéologique) : celle de Patrice Higonnet (59), par exemple, qui interprète la Terreur comme une conséquence de la schizophrénie du jacobinisme, incapable de recomposer et développer la dialectique entre deux de ses valeurs fondamentales, l’individu et la société (« private rights and public good ») et celle de Patrice Guennifey, qui applique à la Terreur la notion de « radicalisation cumulative du discours », mise en champ par Hans Mommsen dans l’analyse du national-socialisme (60).

6. Le sans-culottes

Le dernier groupe de concordances que nous allons présenter renvoie à une figure qui est redevenue centrale dans les études sur la Révolution : le sans-culotte. Après la riche moisson des années cinquante et soixante du XX siècle (Albert Soboul, Richard Cobb, Georges Rudé, Walter Markov, Kare Tonnesson, …) et les successives élaborations, opérées entre autres par Marcel Reinhard, Daniel Roche, Michael Sonenscher, Steve Kaplan, le chantier sur la sans-culotterie – comme on sait – a été rouvert par Haim Burstin (61). Récemment ont été publiés le travail documenté de Michael Sonenscher (62) et le beau dictionnaire de Michel Biard sur le lexique du Père Duchesne (63). Il manque toujours des études organiques et exhaustives sur l’usage de la lexie sans(-)culotte(s) dans le lexique de la Révolution. Les apports les plus importants restent les essais de Annie Geffroy (64) et le travail déjà cité de Sonenscher. L’enquête de ce dernier a déplacé les datations lexicographiques traditionnelles et a mis en évidence que le néologisme naît dans les salons du XVIII siècle en tant que « plaisanterie » au fin de pointer les hommes de lettres dépourvus de protection et – après un usage initial diffamatoire par les publicistes antirévolutionnaires – il s’affirme au fur et à mesure avec une connotation positive lors de la Révolution à partir de l’hiver 1791-1792. Au cours de l’an II, il devient un emblème républicain riche en suggestions et symbolismes. Même après ces précieuses mises au point, une grande question historiographique reste ouverte, elle concerne la consistance et les caractéristiques de ceux que le lexique de la Révolution définit comme sans-culottes. Quel est le référent concret qu’il y a derrière et au-delà du signifiant et du signifié ? « Sans-culotte » est-il essentiellement – comme Sonenscher le suggère – un stratagème linguistique imaginé par les girondins et ensuite saisi par les jacobins et les montagnards ? Est-il une catégorie de l’« esprit public », un idéal type, construit par les jacobins et les autres avant-gardes révolutionnaires en fonction des alliances à mettre en champ dans la lutte révolutionnaire, comme Burstin le suggère ? Les sans-culottes correspondent-ils à un groupe social effectif même si hétérogène, comme Soboul le suggérait ? Et quel est le périmètre de ce groupe social ? Les classes populaires urbaines dans leur ensemble ou bien le monde de l’artisanat (« échoppe ») et du petit commerce (« boutique ») ? Si les sans-culottes ne correspondent-ils pas à un groupe social réel, quoique différencié, le représentent-ils au moins de manière significative ? Et combien sont-ils les sans-culottes ? 100.000 à Paris, come le dit Marat (65) ? 16.000 à Paris et entre 12.000 et 15.000 à Marseille comme le dit Vovelle (66) ? Ou bien quelques milliers de militants (« sectionnaires », « clubistes » d’après le lexique de l’époque) armés et organisés à Paris et quelques centaines dans les autres grandes villes comme de récentes études le soutiennent (67) ? Les sans-culottes en chair et en os ont sûrement existé, dans le sens que des acteurs importants – et dans certains moments, décisifs – du processus révolutionnaire se sont définis sans-culottes. Il a existé aussi une grande idéologie et une pratique sans-culotte qui a conditionné fortement l’an II. Mais – comme le suggérait à l’époque, à mon avis justement, Claude Mazauric (68) – la combinaison parmi les traits sociaux, politiques et idéologiques qui caractérise la sans-culotterie parisienne semble un unicum, qui ne se reflète pas dans les autres réalités de la France. Les sans-culottes hors Paris peuvent être définis comme tels uniquement en décomposant et sélectionnant d’une fois à l’autre les traits connotatifs qui s’intègrent et se consolident dans l’expérience de la capitale. Parfois en sélectionnant et privilégiant les traits politiques et idéologiques, si on se réfère aux sans-culottes qui soutiennent Chalier à Lyon et Carrier à Nantes. Parfois en sélectionnant et privilégiant les traits sociaux, si on évoque les sans-culottes de Marseille présents – avec des lignes de fracture entre l’« échoppe » et la « boutique » – dans les formations opposées qui se disputent le pouvoir dans la ville. La réouverture du chantier concernant les sans-culottes pourra déranger beaucoup de certitudes et pourra mettre en discussion des narrations et des schémas interprétatifs consolidés. Il pourra peut-être confirmer la perspective indiquée par Jean-Clément Martin, qui suggère de lire la Révolution – au moins jusqu’en 1794 – comme un ensemble de dynamiques caractérisées par des rivalités permanentes entre des groupes et des courants rivales à la recherche de légitimité politique (69). Nous nous limitons ici à documenter l’usage du terme dans les corpora digitalisés dont nous disposons. Les évidences qui en résultent tendent à confirmer la polysémie du désignant « sans-culotte » dans le lexique de la Révolution. En particulier l’écartement entre l’usage politique et l’usage social de ce syntagme en résulte confirmé, en devenant dans l’année II un mot clé. Un écartement que le travail de Soboul du 1958 (70) encore aujourd’hui fondamental, mais aussi le récent travail de Vovelle sur les sans-culottes marseillais (71) n’ont pas réussi à résoudre sur le plan de la conceptualisation et du lexique historiographique, en générant bien d’ambiguïtés.

7. Considérations finales : lexique historique et lexique historiographique

L’interrogation du matériel linguistique à la lumière des débats historiographiques est le trait connotatif de ce tome. J’ai longuement discuté avec mes collaborateurs sur cette approche, qui peut se prêter à plusieurs objections. La plus importante est que les hommes font leur histoire mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font (72) et donc que le lexique des protagonistes n’est pas décisif pour tester les interprétations historiographiques. Que le lexique des protagonistes n’est pas décisif pour vérifier le bien-fondé d’une interprétation historiographique, celle-ci est une vérité à peu près évidente, que je partage totalement. « Absolutisme » n’apparaît dans le lexique politique jusqu’à la fin du XVIII siècle : il est néanmoins une catégorie historiographique valide pour indiquer l’organisation du pouvoir dans les Etats monarchiques européens du XVI au XVIII siècle. En ce qui concerne les problématiques abordées dans ce volume, nous pouvons légitimement accréditer à la Révolution française la naissance du militant – figure clé dans la lutte politique du XIX et XX siècles – même si dans le lexique français de l’époque et jusqu’en 1830, le terme « militant » n’apparaît jamais comme substantif pour désigner le militant révolutionnaire. Il est légitime d’accréditer à Marat la théorisation de la violence révolutionnaire – élément capital de plusieurs approches politiques du XIX et du XX siècles – même si la lexie « violence révolutionnaire » n’apparaît jamais dans ses écrits. De la même manière il est légitime d’individuer les prodromes de la « dictature révolutionnaire » dans des auteurs et des courants de pensée qui n’utilisent pas cette expression. Il en est de même pour l’« économie politique populaire ». Même s’il agissait d’un hapax dans tout le lexique de la Révolution – et à l’état actuel des études c’est comme ça – les caractéristiques évoquées dans son usage historiographique pourraient effectivement correspondre à la vision de société et à la substance du projet politique de quelques protagonistes des événements révolutionnaires. Enfin, pour en conclure sur ce point : l’usage historiographique de mots et d’expressions qui ne recourent pas dans le lexique historique est légitime et peut être heuristiquement valide. La règle vaut également en sens inverse : certains mots peuvent avoir été utilisés avec fréquence par les protagonistes des événements historiques (« circonstances » par exemple dans le cas de la Terreur) et ne pas correspondre à la substance des événements concernés. Interpréter l’histoire par les mots des protagonistes de l’histoire peut emmener à de graves déformations de jugement. En ce qui concerne la Révolution française, la question – comme on le sait – a été posée fermement par François Furet et est à la base des contestations soulevées par l’école révisionniste envers l’école classique. Furet visait surtout l’articulation continuité-rupture(73) et le rapport circonstances-terreur (74). Mais le discours peut être facilement étendu. Je me limiterai ici à signaler l’usage aveugle de « despotisme », « fédéralisme », « contre-révolution », « contre-révolutionnaire(s) » dans le lexique des révolutionnaires. Le métier de l’historien est complexe. Chaque interprétation historiographique doit se mesurer non seulement avec les intentions conscientes et les fins professés mais aussi avec les forces en présence, les pulsions inconscientes et les conditionnements de toute sorte qui poussent les hommes à l’action. Le devoir de l’historien est celui de décrire ce qu’il s’est passé, le contexte dans lequel cela est arrivé, ce qu’on a dit, ce qu’on a fait et ce qu’on a perçu. Dans la dialectique entre réalité et intentions, ce sont aussi et peut-être surtout, les résultats des actions promues par les acteurs de l’histoire qu’on devrait saisir, en faisant miroiter les contrastes éventuels entre l’éthique de la responsabilité et l’éthique des fins. De plus, l’influence de ce qui a été dit ou de ce qui a été fait passe également par le perçu et s’étend au-delà des limites temporels dans lesquels cela a été dit ou fait, pour se prolonger dans des cultures politiques et des courants de pensée qui à leur fois produiront plus tard d’autres actions et d’autres comportements. La notion controversée de cause en histoire embrasse ce qui a été dit, ce qui a été fait et ce qui a été perçu (75). Par le lexique un fait devient événement (76) : le lexique des protagonistes, le lexique de la construction mémorielle, le lexique de l’interprétation. Dans ce cadre, l’historien doit réussir à trouver un équilibre parmi le lexique de l’histoire vécue, le lexique de l’histoire rappelée et le lexique de l’histoire racontée ou thématisée. Le lexique de l’histoire vécue apporte un matériel basé sur des indices concernant les tensions entre espace de l’expérience et horizon de l’attente d’une époque donnée. Il doit être convenablement intégré avec les autres tesselles pour parvenir à une conceptualisation le plus possible accomplie et complète, qui puisse assembler d'une manière optimale schémas interprétatifs et érudition factuelle. Mais aussi le lexique de l’historien reflétera inévitablement – comme le lexique de l’histoire vécue et le lexique de l’histoire rappelée – la tension entre l’horizon d’expérience et horizon d’attente. C’est avec cet esprit et avec la conscience de ces limites que je présente le volume au jugement du lecteur.

NOTES

(1) Le document, acquis par les Archives nationales, est maintenant en ligne : Lettre inédite de Robespierre à un destinataire inconnu sur le bonheur et la vertu, non datée (1792): 683AP/1/dossier 2, URL : http://www.culture.gouv.fr/documentation/archim/ROB/ROB-accueil.htm. À mon avis, plus que d’une lettre il s’agit d’une ébauche d’essai et le destinataire n’est pas un destinataire réel mais un interlocuteur imaginaire : peut-être Rousseau. C’est seulement une hypothèse et à propos de cette question un supplément d’enquête sera nécessaire.

(2) Cf. C. Vetter, A. Stefanel, Giuseppe Mazzini, Felicità, reincarnazionismo e sacralizzazione della politica, dans « Contemporanea », a. XIV, n° 1, janvier 2011, p. 5-32.

(3) J. Guilhaumou, À propos de l’analyse de discours: les historiens et le « tournant linguistique », dans « Langage et société », n° 65, septembre 1993, p. 5-38. Cf. aussi Idem, Discours et événement. L’histoire langagière des concepts (2006), Paris, 2008, p. 43-86.

(4) Cf. en particulier C. Vetter, Il dispotismo della libertà. Dittatura e rivoluzione dall’Illuminismo al 1848, Milano, 1993 ; Idem, Dittatura e rivoluzione nel Risorgimento italiano, Trieste, 2003 ; Idem, Dictature: les vicissitudes d'un mot. France et Italie (XVIII et XIX siècles), sur Révolution Française.net, Mots, mis en ligne le 1er mars 2008, URL : http://revolution-francaise.net/2008/03/01/212-dictature-vicissitudes-mot-france-italie-xviii-xix-siecles ; Idem, Marat et la dictature: évidences lexicométriques, précisions philologiques, conceptualisation, sur Révolution-française.net, Mots, mis en ligne le 1er avril 2009, URL: http://revolution-francaise.net/2009/04/01/305-marat-dictature-evidences-lexicometriques-philologiques-conceptualisation.

(5) F. de Luise, G. Farinetti, Storia della felicità. Gli antichi e i moderni, Torino, 2006, p. 489 sq. ; D. M. McMahon, Happiness. A History, New York, 2006, p. 253-267 ; A. Trampus, Il diritto alla felicità. Storia di un’idea, Roma-Bari, 2008, p. 203-210 ; G. Minois, L’ âge d’or. Histoire de la poursuite du bonheur, Paris, 2009, p. 346 -360. La Révolution française est totalement absente dans le volume sous la direction de Alexander Schnell : AA. VV., Le bonheur, sous la direction de A. Schnell, Paris, 2006.

(6) A. de Tocqueville, Mémoire sur le paupérisme, dans Mémoires de la Société Académique de Cherbourg, Cherbourg, 1835, p. 293-344, URL : http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexis/memoire_pauperisme_1/memoire_pauperisme_1_texte.html

(7) M.-J.-A.-N. Condorcet, Sur l’admission des députés des planteurs de Saint-Domingue, dans l’Assemblée Nationale (1789), in Œuvres de Condorcet, publiées par A. Condorcet O’ Connor et M. F. Arago, 12 voll., Paris, 1847–1849, t. IX, Paris, 1847, p. 477-485, à p. 484, URL : http://archive.org/stream/oeuvresdecondorc09cond#page/477/mode/1up/search/planteurs.

(8) Pour une mise au point sur les vicissitudes de cette formule, utilisée pour la première fois par le philosophe écossai Francis Hutcheson (1725), cf. R. Shackleton, The Greatest Happiness of the Greatest Number: the History of Bentham’s phrase, dans « Studies on Voltaire », vol. XC, 1972, p. 1461-1482 ; G. Francioni, note 27, dans P. Verri, Meditazioni sulla felicità (1763), a cura di G. Francioni, Como-Pavia, 1996, p. 82-83.

(9) Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XVI, Paris, 1860, p. 345.

(10) Gastone Manacorda – par exemple – traduit l’article 1 de la Déclaration du 1793 comme suit (« Le but de la société est le bonheur commun ») : « Lo scopo della società è il bene comune » (F. Buonarroti, Cospirazione per l’eguaglianza detta di Babeuf, Introduction et traduction de G. Manacorda, Torino, 1971, p. 275). Cf. L. Canfora, Saggio introduttivo, dans G. Minois, La ricerca della felicità. Dall’età dell’oro ai giorni nostri (2009), Bari, 2010, p. 7-21, note 5, p. 20.

(11) Dans la traduction française (Essai sur l’homme, Paris, 1761, p.59) l’idée que partout dans l’univers, et donc dans tous les hommes aussi, il y a le même degré de bonheur est exprimée avec la formule « bonheur commun » ( dans le texte originel en anglais : « common blessing » ) : « Le Ciel, qui a soufflé dans tous les membres de l'Univers une âme commune, leur a aussi donné un bonheur commun ».

(12) S. Rosenfeld, Common Sense. A political history, Cambridge (Mass.)-London, 2011. Pour une approche linguistique cf. G.-A. Sarfati, Analyse du discours et sens commun: institutions de sens, communauté de sens, doxa, idéologie, dans J. Guilhaumou, Ph. Schepens (sous la direction de), Matériaux philosophiques pour l’analyse du discours, Toulouse, 2011, p. 139-173.

(13) En ce qui concerne les catégories de « champ d’expérience » (« Erfahrungsraum ») et d' « horizon d’attente » (« Erwartungshorizont ») cf. R. Koselleck, Futuro passato. Per una semantica dei tempi storici (1979), Bologna, 2007, p. 300-322. Cf. encore P. Ricoeur, Temps et récit, tome 3: Le temps raconté, Paris, 1985, p. 374-390.

(14) En ce qui concerne la distinction entre concept et conception cf. J. Rawls, Una teoria della giustizia (1971), Milano, 2002, p. 23. Comme cela est connu, la distinction a été contestée par Quentin Skinner : Q. Skinner, Un troisième concept de liberté au-delà d'Isaiah Berlin et du libéralisme anglais, dans « Actuel Marx », 2002/2, n° 32, p. 15-49, note 125, p. 42, URL: http://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2002-2-page-15.htm.

(15) Cfr. C. Rosso, Moralisti del « bonheur » (1954), Pisa, 1977, p. 59 sq., 87 sq. ; Idem,Illuminismo, felicità, dolore, Napoli, 1971, p. 61 e sq.

(16) Réimpression de l’ancien Moniteur, t. XXV, Paris, 1862, p. 150.

(17) Cf., par exemple, Instruction. Adressée aux Autorités Constituées des Départemens de Rhône et de Loire, par la Commission Temporaire (établie à Ville Affranchie (Lyon)), 26 brumaire an II (16 novembre 1793), dans W. Markov, A. Soboul, Die Sansculotten von Paris. Dokumente zur Geschichte der Volksbewegung. 1793-1794, Berlin, 1957, p. 218-236, à la p. 220: « Tout est permis pour ceux qui agissent dans la sens de la révolution …. Tant qu’il y aura un être malheureux sur la terre, il y aura encore des pas à faire dans la carrière de la liberté ». « Le but de la Révolution est le Bonheur du Peuple » on lit cela en-tête du document, fréquemment cité, mais diversement interprété. Albert Soboul le définit comme le manifeste des sans-culottes, Françoise Brunel comme le manifeste de la partie de la Montagne la plus sensible aux « droits sociaux ». Donald Sutherland souligne que ses signataires sont des militants radicaux d’origine sociale principalement non populaire et Hannah Arendt considère le papier en tant que test décisif pour tester les différences entre Révolution française et Révolution américaine . Cf. A. Soboul, Storia della rivoluzione francese (1983), Milano, 2001, p. 121 ; D. M. G. Sutherland, Rivoluzione e controrivoluzione. La Francia dal 1789 al 1815 (1985), Bologna, 2000, p. 211 sq., 243 sq. ; F. Brunel, Thermidor. La chute de Robespierre, Bruxelles, 1989, p. 12-13; H. Arendt, On Revolution (1963, 1965), New York-London, 2006, p. 82. Sur la Commission temporaire est encore fondamental R. Cobb, La Commission temporaire de Commune-Affranchie (brumaire-germinal an II). Étude sur le personnel d’une institution révolutionnaire (« Cahiers d'histoire », 1957, tome 2, p. 23-57), dans Terreur et Subsistances 1793-1795, Paris, 1965, p. 55-94.

(18) « Clore » avec le signifié de mettre fin, arrêter, fixer une limite. Dans le lexique de la Révolution « clore la révolution », « terminer la révolution » signifie celà mais aussi tenir jusqu' au bout toutes les promesses et donc continuer et radicaliser ultérieurement la Révolution. Il manque encore une étude exhaustive sur les différents signifiés des expressions « clore la révolution » et « terminer la révolution ». Pour une première orientation cf. B. Baczko, Termidoriani, dans F. Furet, M. Ozouf, Dizionario critico della rivoluzione francese (1988, 1992), 2 voll., Milano, 1994, vol. I, p. 475-489, p. 484 - 485.

(19) Ces données ont été élaborées par Marco Marin et Elisabetta Gon.

(20) Dans le volume cette sigle indique l’indice de fréquence relative normalisée. La fréquence relative normalisée est calculée en divisant le nombre des occurrences d’une lexie pour le total des mots présents dans le texte. Enfin on multiplie cette dernière donnée pour cent pour l’exprimer en termes de pourcentage.

(21) Les discordances éventuelles entre les données produites dans le premier tome et celui-ci s'expliquent par les mises en œuvre des corpora informatiques. À partir du 2005 jusqu’aujourd’hui en fait, nous avons travaillé sur l’élimination des notes rédactionnelles présentes dans les éditions sur papier, base des corpora sur lesquels nous travaillons.

(22) La distinction est reprise aussi par Jean-François Féraud dans Dictionaire critique de la langue française (Marseille, 1787-88), URL : http://portail.atilf.fr/cgibin/getobject_?p.0:576./var/artfla/dicos/feraud/IMAGE/; http://portail.atilf.fr/cgi-bin/dico1look.pl?strippedhw=bonheur.

(23) Voltaire, Félicité, dans Encyclopédie, tome VI, Paris, 1756, p. 465-466. Cf. L. Canfora, Saggio introduttivo, cit., p. 19. La distinction entre « bonheur » et « félicité » est proposée par Gabriel Girard dans les Synonymes François, que Voltaire cite de manière explicite : G. Girard, Boneur (sic!), Félicité, Béatitude, dans Synonymes François, Paris, 1736, p. 72-73. L’œuvre fut publiée trois fois par l’auteur encore vivant et successivement – après sa mort – elle connut plusieurs éditions avec des titres différents et avec des ajouts et intégrations par d’autres auteurs. Voltaire reprend aussi la distinction entre « bonheur » et « félicité » – sans pour autant citer dans ce cas Gabriel Girard – aussi dans l’entrée Heureux, heureuse, heureusement publiée dans le VIII tome de l’ Encyclopédie (Paris, 1765, p. 194-195). Sois l’entrée Félicité que l’entrée Heureux seront proposées à nouveau dans l’édition posthume du Dictionnaire philosophique (1785). Diderot aussi fait référence à la distinction par Gabriel Girard dans l’entrée Béatitude, bonheur, félicité, dans l’Encyclopédie, tome II, Paris, 1752, p. 169. Les entrées ci-dessus par Diderot et Voltaire peuvent être consultées dans l’édition en ligne de l’ Encyclopédie, URL : http://portail.atilf.fr/encyclopedie/. La première édition des Synonymes François aussi peut être consultée en ligne, URL : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57126368.r=.langFR.

(24) Cf. E. B Courtois, Rapport fait au nom de la commission chargée de l'examen des papiers trouvés chez Robespierre et ses complices (séance du 16 Nivôse, An III), Paris,1795, p. 5: « On avait oublié que le bonheur public ne se compose que des élémens du bonheur individuel , et l'on tuait le bonheur individuel pour créer le bonheur public ; c'est-à-dire , que pour rendre les hommes heureux en général, on les accoutumait en particulier à être malheureux; comme pour leur apprendre à devenir libres collectivement, séparément on les ployait à l'esclavage ».

(25) L’expression « bonheur public », élément constant dans le lexique du pouvoir et dans le lexique des critiques et des compétiteurs pour le pouvoir, a eu et continue à avoir de plusieurs et distincts signifiés. Dans le XVIII siècle français et dans le lexique de la Révolution elle est utilisée dans plusieurs acceptions : la somme des bonheurs individuels, le degré de prospérité d’un état, les possibilités que l’état offre à ses membres pour réaliser et augmenter son propre bonheur individuel, le bonheur des autres, le bien public, le bonheur que l’individu éprouve dans l’exercice de la « sociabilité », la « bienfaisance » et la « bienveillance ». Les expressions les plus utilisées sont : « bonheur public », « bonheur général », « bonheur collectif », « bonheur social », « félicité publique », « félicité générale », « félicité sociale ». Pour la déclinaison de la «pubblica felicità» dans le XVIII siècle italien cf. L. Bruni, L’economia, la felicità e gli altri. Un’indagine su beni e benessere, Roma, 2004, p. 84-90.

(26) A. O. Hirschman, Shifting Involvements. Private Interest and Public Action, Princeton, 1982.

(27) Les trois dimensions sont bien soulignées linguistiquement par Jacques Necker, qui discerne le « bonheur individuel », le « bonheur domestique » et le « bonheur social ». Cf. Cours de morale religieuse, 3 vol., Paris, 1800, vol. II, p. 72. Dans Cours le « bonheur social » est parfois définit « bonheur public » et « bonheur commun ». Le « bonheur individuel » est définit aussi « bonheur particulier », URL : http://books.google.it/books?id=x4QfAAAAYAAJ&printsec=frontcover&dq=bibliogroup:%22Cours+de+morale+religieuse%22&source=bl&ots=0VWZsDkllG&sig=KI6lmwh2n9z2C0vDFN268vvMJvQ&hl=it#v=onepage&q&f=false.

(28) Cf. C. Vetter, La fragile e dolente felicità di Robespierre, dans « Filosofia Politica», a. XXVI, n° 3, décembre 2012, p. 419-437. Sur la notion de « individu » dans le jacobinisme le débat reste ouvert. Pour une première orientation – même bibliographique – cf. Jaume, Le discours jacobin et la démocratie, Paris, 1989, p. 151 sq. ; P. Higonnet, Goodness beyond Virtue. Jacobins during the French Revolution, Cambridge (Mass.), 1998, p. 3, 68-69, 325-327 ; J. Guilhaumou, Jacobinisme et marxisme. Le libéralisme politique en débat, sur Révolution française.net, Notions, mis en ligne le 1er octobre 2006, modifié le 28 mars 2008, URL : http://revolution-francaise.net/2006/10/01/68-jacobinisme-et-marxisme-le-liberalisme-politique-en-debat.

(29) Cf. dans ce volume le chapitre 27.

(30) La fréquence relative d’une lexie complexe dans le volume indique le pourcentage des occurrences de la lexie en question rapportées aux occurrences de la lexie simple de base.

(31) Nous avons pris en considération aussi les occurrences dans lesquelles « bonheur » et « félicité » sont combinés avec l’adjectif « publics/publiques ».

(32) H. Arendt, On Revolution, cit., p. 110.

(33) D. M. McMahon, Happiness, cit., ad nomen.

(34) Pour une première orientation sur le républicanisme cf. M. Geuna, La tradizione repubblicana e i suoi interpreti: famiglie teoriche e discontinuità concettuali, in « Filosofia politica », XII, 1998, n° 1, p. 101-132; Idem, Alla ricerca della libertà repubblicana, Prefazione a Philip Pettit, Il repubblicanesimo. Una teoria della libertà e del governo, Milano, Feltrinelli, 2000, p. V-XXVII.

(35) J. G. A. Pocock, The Machiavellian Moment. Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Princeton, 1975.

(36) Pour une bonne reconstruction du débat historiographique sur la Révolution américaine cf. G. Morgan, The Debate on the American Revolution'', Manchester-New York, 2007.

(37) Pour une première orientation cf. Y. Bosc, Révolution française: refonder les problématiques du républicanisme, dans Révolution Française.net, avril 2012, URL : http://revolution-francaise.net/2012/04/24/485-revolution-francaise-refonder-les-problematiques-du-republicanisme.

(38) L’expression « économie politique populaire » est utilisée par Robespierre dans son Discours sur la Constitution du 10 mai 1793. Elle figure dans l’édition originale conservée auprès de la Bibliothèque Nationale de Paris et dans l’anthologie de J. Poperen (3 voll., Paris, 1957). A cause d’une erreur typographique, elle est absente dans le tome IX des Œuvres, qui, à la place de « économie politique populaire », propose « économie populaire » (Séance du 10 mai 1793, Discours de Maximilien Robespierre. Sur la Constitution, dans Œuvres, 11 voll., Paris, 2000-2007, t. IX, p. 494-510, p. 507). L’erreur – reproduite dans plusieurs anthologies– a été signalée par Florence Gauthier : F. Gauthier, De Mably à Robespierre. De la critique de l’économie à la critique du politique. 1775-1793, dans Aa. Vv., La guerre du blé au XVIIIe siècle. La critique populaire contre le libéralisme économique au XVIIIe siècle, Montreuil, 1988, p. 111-144, note 4, p. 112; Idem, Le droit naturel en révolution, dans Aa. Vv., Permanences de la Révolution, Montreuil, 1989, p. 31-51, note 7, p. 51; Idem, Triomphe et mort du droit naturel en Révolution 1789-1795-1802, Paris, 1992, note 51, p. 93; Idem, Robespierre critique de l’économie politique tyrannique et théoricien de l’économie politique populaire, dans Aa. Vv., De la Nation artésienne, cit., p. 235-243, note 1, p. 235. Pour l’usage de la notion de « économie politique populaire » dans les récents débats historiographiques cf. Révolution française.net. Cf. en particulier : Florence Gauthier, Très brève histoire de la Révolution française, révolution des droits de l'homme et du citoyen, dans Révolution Française.net, Synthèses, mis en ligne le 2 décembre 2005, URL : http://revolution-francaise.net/2005/12/02/10-tres-breve-histoire-de-la-revolution-francaise-revolution-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen. Pour un jugement critique, qui conteste la légitimité historiographique et la validité heuristique de la formule « économie politique populaire » cf. D. Margairaz, Ph. Minard, Marché des subsistances et économie morale: ce que « taxer » veut dire, dans «AHRF», n° 352, avril-juin 2008, p. 53-99, aux p. 76-78.

(39) D. Edelstein, The Terror of Natural Right. Republicanism, the Cult of Nature and the French Revolution, Chicago-London, 2009.

(40) J. Rawls, Political Liberalism, New York, 1993, p. 205-206. John Rawls saisit et systématise la distinction entre « civic humanism » et « classical republicanism », évoquée antérieurement par Quentin Skinner.

(41) K. M. Baker, Transformations of Classical Republicanism in Eighteenth Century France, dans « The Journal of Modern History », vol. 73, n° 1, march 2001, p. 32-53.

(42) Pour une lecture différente de la catégorie de « hors de la loi » cf. E. de Mari, La mise hors de la loi sous la Révolution française (19 mars 1793-9 Thermidor an II ), thèse de droit sous la direction de J.-P. Royer, 2 voll., Université de Montpellier, 1991 ; A. Simonin, Le déshonneur dans la république. Une histoire de l’indignité. 1791-1958, Paris, 2008, p. 315 sq.

(43) D. Greer, The Incidence of the Terror during the French Revolution. A Statistical Interpretation (1935), Harvard, 1966, p. 14, 71- 85. Sur le décret du 19 mars 1793 cf. aussi les travaux déjà cités par Eric de Mari et Anne Simonin.

(44) J.-C. Martin, Blancs et Bleus dans la Vendée déchirée, Paris, 1986, p. 47 ; Idem, La Vendée et la France, Paris, 1987, p. 31, 194, 206 sq. ; Idem, Contre-Révolution, Révolution et Nation en France. 1798-1799, Paris, 1998, p. 170-171 ; Idem, La Vendée et la Révolution, Paris, 2007, p. 26.

(45) D. Bell, Les origines culturelles de la guerre absolue. 1750-1815, dans Aa. Vv., La Révolution à l’œuvre. Perspectives actuelles dans l’histoire de la Révolution française, sous la direction de J.-C. Martin, Rennes, 2005, p. 229 -239 ; Idem, The First Total War. Napoleon’s Europe and the Birth of Warfare as We Know It, Boston-New York, 2007.

(46) D. Edelstein, The Terror of Natural Right, cit., p. 6, 11-14, 45 sq., 82-86, 87 sq., 231 sq., passim.

(47) N. Cohn, I fanatici dell’Apocalisse (1957), Torino, 2000 ; A. Glucksmann, L’undicesimo comandamento (1992), Milano, 1992 ; P. Berman, Terrore e liberalismo (2003), Torino, 2004, en particulier p. 55 sq.

(48) M. Robespierre, Sur les crimes des rois coalisés contre la France, 7 prairial an II, in Œuvres, cit., t. X, p. 473-478, aux p. 476-477.

(49) J.-C. Martin, La Terreur. Part maudite de la Révolution, Paris, 2010. Cf., en particulier, ivi, p. 88. Cf. encore J.-C. Martin, Violence/s et R/révolution, les raisons d’un malentendu, dans M. Biard.( sous la direction de), La Révolution française. Une histoire toujours vivante, Paris, 2010, p. 169-181, aux p. 174-177. Le thème de la « publicité » est seulement frôlé par J.-C. Martin, Massacres, tueries, exécutions et meurtres de masse pendant la Révolution, quelles grilles d’analyse?, dans « La Révolution française. Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française », 2011 (3), Les massacres aux temps des Révolutions, mis en ligne le 15 février 2011, URL : http://lrf.revues.org/index201.

(50) J.-C. Martin, La Terreur. Part maudite de la Révolution, cit., p. 56-58, 104. Cf. J.-C. Martin, Violence et révolution. Essai sur la naissance d’un mythe national, Paris, 2006, p. 186-193 ; Idem, Violences et justice, dans M. Biard (sous la direction de), Les politiques de la Terreur. 1793-1794 (Actes du colloque international de Rouen: 11-13 janvier 2007), Paris-Rennes, 2008, p. 129-140, aux p. 132-133, 137 ; Idem, La machine à fantasmes. Relire l’histoire de la Révolution française, Paris, 2012, p. 86. ; Idem, Nouvelle histoire de la Révolution française, Paris, 2012, p. 395. Sur Violence et Révolution par Jean-Clément Martin cf. le forum par H-France avec les intervention de Lynn Hunt, David Andress, Sophie Wahnich, D. M. G. Sutherland et une réponse de Martin : H-France Forum, Volume 2, Issue 2 (Spring 2007), URL : http://www.h-france.net/forum/h-franceforumvol2.html.

(51) Sur les parcours de l’expression « la terreur à l’ordre du jour » dans le discours public de la Révolution cf. Guilhaumou, La terreur à l'ordre du jour : un parcours en révolution (1793-1794), dans Révolution Française.net, Mots, mis en ligne le 6 janvier 2007, URL : http://revolution-francaise.net/2007/01/06/94-la-terreur-a-lordre-du-jour-un-parcours-en-revolution-juillet-1793-mars-1794.

(52) A. J. Mayer, The Furies : Violence and Terror in the French and Russian Revolutions, Princeton, 2000. Pour les débats soulevés par le livre de Mayer cf. en particulier « French Historical Studies », 24, n° 4, 2001.

(53) Pour une première orientation bibliographique sur la notion de « vengeance » (R. Verdier, J.-P. Poly, G. Courtois) cf. ivi, notes au chapitre V.

(54) Cfr. G. Lefebvre, Les foules révolutionnaires (1932,1934), dans La grande peur de 1789 (1932), Paris, 1988, p. 241-264, aux p. 257-258 ; Idem, La Révolution française (1930,1951), Paris, 1989, p. 118. Pour un élargissement de l'analyse des mécanismes de la peur ( en particulier la peur du complot ) des masses populaires aux élites cf. T. Tackett, When the King took Flight, Harvard, 2003 ; Idem, La Révolution et la violence, dan J.-C. Martin (sous la direction de), La Révolution à l’œuvre. Perspectives actuelles dans l’histoire de la Révolution française, cit., p. 207-216. En ce qui concerne le rôle de la peur dans les comportements du « personnel révolutionnaire » cf. B. Baczko, Les peurs de la Terreur, dans Berchtold, M. Porret (sous la direction de), La peur au XVIII siècle. Discours, représentations, pratiques, Genève, 1994, p. 69-86.

(55) S. Wahnich, La liberté ou la mort. Essai sur la terreur et le terrorisme, Paris, 2003 ; Idem, La longue patience du peuple. 1792. Naissance de la République, Paris, 2008 ; Idem, Peuple et violence dans l’histoire de la révolution française, URL : http://revolution-francaise.net/2009/06/02/326-peuple-et-violence-dans-lhistoire-de-la-revolution-francaise ; Idem, Des mécanismes de dépacification du jeu politique. Pourquoi la Révolution française n’a pas été de velours ?, URL : http://revolution-francaise.net/2011/06/06/439-des-mecanismes-de-depacification-du-jeu-politique.

(56) D. Andress, The Terror. Civil War in the French Revolution, London, 2005. En ce qui concerne les débats soulevés par le livre de David Andress cf. La Terreur. Dossiers, textes réunis par Y. Bosc et J. Guilhaumou, sur Révolution Française.net, mis en ligne le 11 janvier 2007, dernière mise à jour le 11 février 2009, URL : http://revolution-francaise.net/2007/01/11/99-la-terreur.

(57) P. Serna, Pour un épilogue: Le massacre au XVIIIe siècle ou comment écrire une histoire de l’in-humain des Lumières aux Révolutions, puis à la conquête de l’Algérie, dans « La Révolution française. Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française », 2011 (3), Les massacres aux temps des Révolutions, mis en ligne le 14 janvier 2011, URL: http://lrf.revues.org/248.

(58) Pour une bonne mise au point sur quelques travaux publiés entre 1992 et 2002, cf. A. de Baecque, Apprivoiser une histoire déchaînée: dix ans de travaux historiques sur la Terreur, dans « Annales. Histoire, Sciences Sociales », a. 57, n.°4, 2002, p. 851-865, URL : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_2002_num_57_4_280083.

(59) P. Higonnet, Goodness beyond Virtue, cit. Cf. en particulier p. 3, 68-69, 325-327.

(60) P. Guennifey, La politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire. 1789- 1794, Paris, 2000. Pour la référence à Hans Mommsen cf. ivi, p. 230, note 4.

(61) H. Burstin, I sanculotti: un dossier da riaprire, in « Passato e presente », 1986, n° 10, p. 23-52 ; Idem, La politica alla prova. Appunti sulla rivoluzione francese, Milano, 1989, p. 139-180 ; Idem, L'invention du sans-culotte. Regards sur Paris révolutionnaire, Paris, 2005.

(62) M. Sonenscher, Sans-Culottes: An Eighteenth-Century Emblem in the French Revolution, Princeton (New Jersey), 2008. Sur le travail de Sonenscher cf. le forum de H-France avec les intervention par Th. Kaiser, J. Hardman, Ch. Walton, J. K. Wright et la réponse de Sonenscher : H-France Forum, Volume 4, Issue 2 (Spring 2009), URL : http://www.h-france.net/forum/h-franceforumvol4.html.

(63) M. Biard, Parlez-vous sans-culotte? Dictionnaire du Père Duchesne. 1790-1794, Paris, 2009.

(64) Cf. A. Geffroy : Sans-culotte(s) (novembre 1790-juin 1792), dans Équipe « 18ème et Révolution », Dictionnaire des usages socio-politiques (1770-1815), fasc. 1: Désignants socio-politiques, Paris, 1985, p. 159-186 ; Idem, Désignation, dénégation: la légende des sans-culottes (1780-1980), dans CH. Croisille, J. Ehrard, M.-C. Chemin (sous la direction de), La légende de la Révolution. Actes du colloque international de Clermont-Ferrand (juin 1986), Clermont-Ferrand,, 1988, p. 581-592.

(65) J.-P. Marat, Publiciste de la République française, n° 181, 29 avril 1793, dans Œuvres politiques, 10 voll., Bruxelles, 1989-1993, t. IX, p. 6212-6217.

(66) M. Vovelle, La Révolution française. 1789-1799 (1992), Paris, 1998, p. 143-145 ; Idem, Les sans-culottes marseillais. Le mouvement sectionnaire du jacobinisme au fédéralisme. 1791-1793, Aix-en-Provence, 2009, p. 12. Vovelle, à la suite de Soboul, affirme que les sans-culottes parisiens constituent du 8 au 9% de la population mâle adulte. En 1792 à Paris les mâles d’un âge supérieur à 21 ans sont à peu près 162.000.

(67) J. - C. Martin, La Révolution française, 1789-1799. Une histoire socio-politique, Paris, 2004, p. 218.

(68) C. Mazauric, Sans-culottes/Sans-culotterie/Sans-culottisme, dans A. Soboul, Dictionnaire historique de la révolution française, Paris, 1989, p. 957-964, p. 959.

(69) Cfr. H-France Forum, Volume 2, Issue 2 (Spring 2007), URL : http://www.h-france.net/forum/h-franceforumvol2.html.

(70) A. Soboul, Les sans-culottes parisiens en l'an II. Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire (2 juin 1793 – 9 thermidor an II), Paris, 1958.

(71) M. Vovelle, Les sans-culottes marseillais, cit.

(72) Cfr. R. Aron (1965), Leçons sur l’histoire (1972-1973, 1973-1974), Paris, 2007, p. 511 : « Les hommes font leur histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font ». je me limite ici à signaler qu’une mise au point sur la fortune de cette formule serait nécessaire ; elle et fréquemment citée et couramment attribuée à Marx. Furet aussi la ramène à Marx : Furet, Penser la Révolution française (1978), Paris, 1983, p. 38, 220. En vérité, le passage de Marx évoqué de manière implicite ou explicite, exprime un concept différent, c’est-à-dire l’idée que les hommes font l’histoire mais sont conditionnés par les circonstances qu’il trouvent devant eux. Cfr. K. Marx, Il 18 brumaio di Luigi Bonaparte (1852): « Gli uomini fanno la propria storia, ma non la fanno in modo arbitrario, in circostanze scelte da loro stessi, bensì nelle circostanze che essi trovano immediatamente davanti a sé, determinate dai fatti e dalla tradizione » : http://www.marxists.org/italiano/marx-engels/1852/brumaio/cap1.htm.

(73) Cf. en particulier F. Furet, Le catéchisme révolutionnaire, dans « Annales. Économies. Sociétés. Civilisations », a. 26, n° 2, 1971, p. 255-289, p. 257. L’essai est proposé à nouveau – avec quelques ajouts – dans Penser la Révolution française, cit., p. 113-172 (cf. p. 117).

(74) Cf. en particulier F. Furet, La Révolution française est terminée (1978), dans Penser la Révolution française, cit., p. 13-109, aux p. 88-101.

(75) Cf. G. Lefebvre, Les foules révolutionnaires, cit., p. 245-246, 257; Idem, La révolution française, cit., p. 117.

(76) Sur la dialectique fait-événement Cf. J.-C. Martin, Pour une typologie des «événements», dans La Vendée et la Révolution, cit., p. 19-39.