L'apport de l'historiographie

Un tel décalage entre la lecture marxiste de la Révolution française et l’attitude proprement historienne explique le caractère souvent vague et général des références aux textes marxistes dans l’historiographie de la Révolution française au nom du refus de ce qu’Albert Soboul appelle le marxisme littéral, donc au titre du caractère jugé fragmentaire des analyses de Marx relatives à la Révolution française. L’oeuvre de Marx, auteur qui n’est pas considéré par les historiens professionnels comme un historien de la Révolution française, voire comme historien tout court, n’est donc abordée que sous l’angle méthodologique. Paradoxalement, ce sont les coups de boutoir de l’historiographie « révisionniste » (Furet, 1978), dans le contexte de l’effondrement du communisme réel, donc du renoncement de la connexion entre jacobinisme et bolchevisme, qui ont favorisé le retour aux textes de Marx sur la Révolution française (Furet, 1986).

Pour notre part, nous avons cheminé en parallèle (1989b) dans un tel mouvement de redécouverte de ces textes sur la base de notre itinéraire propre d’historien du discours et du refus conjoint de la démarche historiographique, appréciant ainsi, certes avec des réserves, le travail critique de François Furet à l’égard de l’historiographie progressiste de la Révolution française (Guilhaumou, 1996, 1998c). Désormais, il n’est plus vraiment question d’un corps de concepts « marxistes » (mode de production, lutte des classes, révolution bourgeoise, etc.), issus du matérialisme historique et applicables de façon mécanique à la réalité de la Révolution française. Ce sont les catégories explicatives elles-mêmes de l’histoire de la Révolution française, telles qu’elles sont élaborées réflexivement par les penseurs contemporains de l’événement révolutionnaire, tant allemands que français, puis traduites dans les premiers textes de Marx, qui sont prises en compte au sein de la lecture marxienne du jacobinisme.

François Furet s’en tient principalement à la part la plus critique de l’analyse de la Révolution française chez le jeune Marx, c’est-à-dire à tout ce qui concerne le jacobinisme comme « illusion du politique ». Il souligne ainsi le caractère autoréférentiel et abstrait du discours jacobin, sa déconnexion par rapport à la société civile dans sa tendance à l’hypertrophie du politique. Un tel registre de l’illusion a été amplifié par des philosophes au point que l’un d’entre eux affirment: « Pour Marx, les Jacobins sont des terroristes dans l’illusion » (Lazarus, 1996) ! Dans cette perspective critique, le jacobinisme est rapporté plus raisonnablement à un groupe social, la bourgeoisie, véritable « idéaliste politique » (Marx), et à des notions (liberté, égalité, nation, etc.) qui sont autant d’idéalités politiques, d’êtres imaginaires de discours pris dans la dramaturgie de l’illusion de la démocratie antique. Mona Ozouf (1989) et Lucien Jaume (1989) définissent alors, dans la voie ouverte par François Furet, le discours jacobin comme « un discours imaginaire de la Révolution sur elle-même », sans lui dénier pour autant son caractère démocratique. Selon Lucien Jaume, l’art politique jacobin retravaille en permanence les catégories héritées de 1789, principalement celles d’individu, de citoyen, de souveraineté et de représentation, associant des « éléments archaïques » hérités de la monarchie et des « traits novateurs » à valeur émancipatrice.

De notre côté, plus sensible à l’ancrage référentiel des notions-concepts dans la matérialité du discours, nous avons essentiellement mis l’accent sur la reprise marxiste des catégories explicatives « positives » mises en oeuvre par les acteurs du jacobinisme historique de 1792-1794, et leur réorganisation sur la base de la distinction conjoncture/organicité selon les couples, mouvement populaire/mouvement révolutionnaire, Terreur/révolution à l'état permanente, porte-parole/langue populaire (Guilhaumou, 1989a et b). De fait, Marx ne se contente pas de réinscrire cette série d'expressions révolutionnaires dans son propos analytique, il les traduit, et leur donne par là même statut de concept. Il s'efforce ainsi de faire la synthèse de la totalité des prédicats qui détermine chacune de ces catégories, au titre en amont de la présupposition de l'existence des individus singuliers, et en aval de la surdétermination du tout de la nation. C'est dire aussi que le point de vue singulier des acteurs révolutionnaires exprime toujours quelque chose de l'ensemble, de la masse en mouvement, du fait du caractère non séparée de leur activité, de leur force singulière, par rapport au concepts qui en exprime la valeur organique. Certes la mise en relation de ces catégories réflexives de la pratique révolutionnaire avec les travaux renouvelés sur la matière historique même du mouvement jacobin depuis le bicentenaire de la Révolution française n'y suffit pas pour appréhender dans toute son ampleur le concept de jacobinisme. Mais elle en renouvelle l'ancrage historiographique.

La tentative de Michel Vovelle (1998) de comprendre le jacobinisme dans une perspective large, c’est-à-dire en décrivant l’intégralité du trajet qui nous mène du jacobinisme historique au jacobinisme transhistorique en passant par les jacobinismes européens contemporains de la Révolution française, apparaît comme l’ultime tentative de l’historiographie progressiste pour conserver au concept de jacobinisme une signification générale et une valeur doctrinale dans son rapport nécessaire à des pratiques historiquement datées. Nous pouvons apprécier la portée de cette quête finale d’histoire totale dans deux études monographiques inscrites explicitement dans la lignée des réflexions de Michel Vovelle.

De son côté, Christine Peyrard (1996) appréhende les activités des Jacobins de l’Ouest comme un « tout différencié », une « oeuvre de composition » qui se construit dès l’entrée en politique des années 1789-1790, puis se clôt par le phénomène original de l’ambulance des jacobins du Directoire. Ainsi se précise, dans les termes de la méthode historique, ce qu’il en est de l’unité de la culture jacobine. L’approche de Martine Lapied (1996) nous entraîne dans le Sud de la France, plus particulièrement au sein du Comtat. Il s’agit alors d’étudier la mise en mouvement des acteurs du politique, leurs options collectives tout au long d’un processus global de radicalisation. Pour sa part, évitant de prendre au mot le qualificatif d’ « aristocrates » adressé aux modérés, Martine Lapied montre l’inscription plurielle des attitudes collectives dans un même républicanisme. La différenciation entre jacobins modérés et jacobins radicaux, souvent face à face sans médiation centriste, se fait plus sur la capacité à faire prévaloir un point de vue, c’est-à-dire à construire une imposition hégémonique, que sur des options antagonistes. Ainsi, cette analyse historique met en évidence le processus qui génère des situations conflictuelles où les modérés, patriotes authentiques, voire jacobins, éprouvent des difficultés insurmontables dans leur effort d’affirmer leurs positions au milieu des antagonismes dans lesquels ils sont impliqués

Au-delà de ces récentes avancées historiographiques, le concept de jacobinisme est désormais associé par les historiens de façon extensive non seulement au rationalisme républicain mais aussi au libéralisme politique sous ses diverses formes, et même à l’individualisme. Toute redéfinition du lien entre le concept de jacobinisme et la tradition marxiste passe par l’examen de ces associations nouvelles, parfois déroutantes au regard de l’abord usuel du libéralisme. Dans cette perspective inédite, l’étude du parcours doctrinal des individualités jacobines (Ansart-Dourlen, 1998) peut nous inciter d’emblée à mettre l’accent sur leur rationalisme humaniste et leur idéalisme éthique à l’encontre de l’image négative de la Terreur. Mais le propos des travaux récents est encore plus ample, plus ambitieux. C’est ainsi que deux ouvrages anglophones sur le jacobinisme (Higonnet, 1998; Gross, 1997) s’accordent, sur des bases idéologiques fort différentes, pour ne pas juger du jacobinisme à la mesure de l’image historiographique de la Terreur, refusant ainsi d’assimiler jacobinisme et totalitarisme, tout en dénonçant « la dérive terroriste » des jacobins les plus violents. De même, David Andress, dans un récent ouvrage (2006), montre que la Terreur est avant tout un processus politique, et à ce titre concerne au premier chef la mise en acte de la liberté, certes à un prix cher payé. En effet, la liberté acquise contre la tyrannie de l'aristocratie n'a aucun sens si elle outrepasse l'unité patriotique au sein duquel elle est agissante, et rencontre donc sa réciproque, l'égalité. C'est là où intervient une part de contrainte, de Terreur donc, exercée tant à l'égard des modérés que des exagérés qui tendent à défaire une telle unité.

Il convient également de mentionner l'étude de Bernard Gainot (2001) qui nous permet d'évoluer, dans le cadre constitutionnel de 1799 ou s’affrontent des courants d’opinion déjà constitués de façon permanente, le néo-jacobinisme inclus. Cet historien met au premier plan d’une période plutôt « pacifiée » la dimension associative, tant dans l’espace électoral que dans les réseaux d’opinion, du phénomène jacobin. Il est alors possible d’établir un lien entre le néo-jacobinisme des administrateurs locaux et les promoteurs de la législation de salut public de l’été 1799, donc de suivre la piste des sociétés politiques de l’an VI pour comprendre les mutations électorales et législatives de l’an VII, qui plus est de mesurer la portée théorique d’écrits de circonstances rédigés par des écrivains politiques, au titre des possibilités ouvertes par la liberté des suffrages, la liberté de réunion et la liberté de presse. Du club du Manège aux cercles constitutionnels provinciaux, avec l’appui d’un groupe de législateurs néo-jacobins, se met en place « une classe républicaine d’hommes éclairés et vertueux » qui s’oppose à « la classe politique » des « conservateurs » réunis autour de Sieyès. Tout un discours démocratique néojacobin participe alors de la construction d’un ensemble théorique original qui s’appuie sur les pratiques de l’élection, de l’association et du journalisme d’opinion. Ainsi se concrétise la continuité jacobine d'une alternative démocratique au « système français de l’unité organisée » que « le grand métaphysicien » Sieyès s’efforce d’imposer dans le cadre du gouvernement représentatif.

Nous entrons ainsi dans l’univers d’un jacobinisme historique élargi à l’ensemble de la période révolutionnaire et que l’on peut qualifier, avec l’historien Jean-Pierre Gross, de centriste en tant que garant de la pérennité républicaine et rempart aux excès des « terroristes ». Encore faut-il entendre par centriste non pas le fait d’occuper le centre de l’échiquier des tendances politiques, mais plutôt une capacité propre à incarner le mouvement national, sa dimension unitaire. Alors les jacobins apparaissent comme l’incarnation la plus achevée de la démocratie révolutionnaire au titre d’une dialectique entre la révolution totale, permanente et le souci de la terminer pour pouvoir affermir la liberté. Comment donc une telle problématique libérale peut-elle associer la part incontournable de radicalité du jacobinisme avec une vision d’une Révolution qu’il convient de terminer, dans une perspective libérale, à l’aide d’institutions stables ? La réponse ne peut être que diversifiée tant dans l’exposition analytique des catégories (l’individu, l’universel, la souveraineté) fondatrices du concept de jacobinisme que dans la typification des diverses modalités attestées du jacobinisme historique selon la tripartition modéré, centriste et radical.

L’individualisme jacobin.

La vulgate sur la relation « totalitaire » du jacobinisme à Rousseau, sans cesse réitérée jusqu’aujourd’hui, aboutit généralement à méconnaître l’intérêt majeur des jacobins pour l’avènement de l’individu au sein d’une société révolutionnée. A gloser sans fin sur le jacobinisme comme archétype de la prééminence de la force sur le droit, de la démocratie en guerre, à définir le discours jacobin comme une théorie de l’individu démocratique précipité dans la guerre, Patrice Gueniffey (2000) en vient à nier l’ancrage de l’individualisme jacobin à l’horizon du droit naturel déclaré. A contrario, l’investigation récente des sources libérales du jacobinisme a permis d’aborder en son sein la question de l’individu et de ses droits à l’encontre de « la réserve marxiste face au droit naturel » (Bloch, 1961). Il est d’abord question, du côté de François Furet (1986), des sources doctrinales avec Benjamin Constant et les historiens libéraux (Mignet, Guizot et Thiers) sur des thèmes aussi variés que l’individualisme comme essence de la modernité, la nécessité historique de la Révolution française, la lutte des classes, etc. Mais l’élargissement considérable des sources archivistiques sur le mouvement jacobin, des textes des leaders jacobins, à l’Assemblée nationale et dans les clubs, au procès-verbaux et à la correspondance des sociétés populaires (Kennedy, 1982-2000) ne permet pas seulement de valoriser le rôle personnel des notables jacobins, véritables agents locaux de l’acculturation politique au sein d’un vaste réseau de sociabilité politique (Vovelle, 1993; Boutier, Boutry, 1992). Elargissant le mouvement jacobin au monde des porte-parole évoluant au sein d’un espace civil de réciprocité en formation (Guilhaumou, 1998a), nous pouvons appréhender l’individualisme jacobin sous toutes ses facettes: de la self-estim au self-interest au sein d’une self-expression généralisée pour parler dans les termes de l’historiographie anglophone (Higonnet, 1998).

Ainsi l’être humain en attente de la réalisation de ses droits naturels tel que le conçoivent les jacobins n’est en rien une simple personne humaine prise dans les rênes d’un collectif économiquement contraignant. Irréductible à l’homo oeconomicus, il est d’abord, dans la tradition anglo-écossaise de l’invention de la société civile (Gautier, 1993), un individu libéral doué de facultés actives (sentir, agir, juger etc.) qui le conduisent nécessairement à entrer en mouvement avec autrui. Sujet d’une action sociale, c’est-à-dire protagoniste d’une vie active au sein d’un vivre ensemble, dans la tradition de l’humanisme civique (Pocock, 1975/1997) l’individu est d’essence empirique, c’est-à-dire lié à l’expérience, aux circonstances tout en se construisant comme totalité signifiante. C’est pourquoi nous le qualifions d’individu empirique. Sujet de droit dans la tradition jusnaturaliste (Gauthier, 1992), il est enfin associé, par obligation morale, à d’autres êtres sensibles au titre de la réciprocité (l’égalité comme réciprocité de la liberté). Il est alors l’agent d’une action qui trouve dans le tiers commun élaboré entre individus sa raison d’être, sa règle en société. Il convient donc de ne pas le percevoir dans une relation dyadique au seul collectif, mais de l’insérer dans une relation polyadique, au moins tryadique. La part médiate (la médiation), commune (le sens commun), réglée (l’institution) acquiert ainsi un rôle essentiel dans l’individualisme jacobin.

Nous pouvons alors aborder les principales modulations du jacobinisme historique sous l’angle de l’individu. Précisons cependant que le découpage proposé en trois types historiques de jacobinisme ne cherche pas à caractériser les diverses facettes d’un jacobinisme doctrinal qui figerait le mouvement révolutionnaire impulsé par les jacobins. Cette tripartition m’outrepasse pas les limites du lien constitutif de l’individu au droit inscrit à l’horizon du libéralisme politique et ne considère donc pas toute personne ayant fréquentée un temps le club des Jacobins, au titre de diverses stratégies, comme participant nécessairement d’un type doctrinal de jacobinisme.

En premier lieu, le jacobinisme modéré, incarné d’abord par la figure radicale de Sieyès, puis concrétisé par l’attention majeure des patriotes pour le pouvoir constituant de l’Assemblée nationale dès le début de la Révolution française, relève à la fois d’une construction métaphysique du moi à la source du politique, et d’une présence naturelle de l’individu en tant qu’être à besoins réalisant ses droits en trouvant les moyens sociaux de jouir de ses besoins (Guilhaumou, 2002). Le tiers commun entre les individus, subsumant quantitativement les qualités individuelles irréductibles, est au centre de la construction de l’individu empirique. C’est pourquoi le Tiers-Etat, en devenant quelque chose, est d’emblée l’entité politique incarnant le tout de la nation.

En second lieu, le jacobinisme centriste est porté par la gauche de l’Assemblée nationale puis par les journalistes proches du club des Jacobins, avec en son sein la figure toujours aussi vivante de Robespierre (Bosc, Gauthier, Wahnich, 2000). Il est très présent chez les Montagnards de l’An II (Brunel, 1989, 1992, 1997), ce qui nous interdit de le confondre avec une position centriste au sein du champ des partis politiques, réalité anachronique dans le cas de la Révolution française. Faut-il le considérer comme une préfiguration de "l'extrême centre", à l'exemple de Bernard Gainot dans sa recension (Revue d'histoire moderne et contemporaine, 55-1n 2008) de l'ouvrage de Pierre Serna (2005) lorsqu'il écrit : "La construction robespeirriste est une première tentative sans lendemain, pour dessiner l'espace d'un extrême centre qui cherche à figer la contingence d el'événement pour instituer la Cité idéal transparente à elle-même, au-delà des divisions. La période thermidorienne reformule l'objectif central, en partant de tout autres postulats" ? Nous le pensons pas dans la mesure où il s'agit d'un centre construit d’une manière fort différente de « l’extrême centre » associé à la prééminence de l’exécutif.

De fait, dans la lignée du Marx, lecteur critique de la Révolution française au moment de sa Critique du droit politique hégélien (1843), dont nous avons souligné par ailleurs l’importance (Guilhaumou, 2001), nous considérons la position « extrême réelle » des jacobins montagnards, incarnée par la toute puissance du pouvoir législatif et la dénomination de « côté gauche », comme l’essence même de l’unité organique du nouvel Etat politique de droit. A ce titre, ce positionnement de Jacobin au centre de l’unité politique n’est en rien symétrique de l’autre extrême, appelé « côté droit » et incarné par la tentative tyrannique du pouvoir exécutif. Ainsi une politique de l’humanité, de la liberté ne peut s’opposer à une politique inhumaine, par ses atteintes à la liberté, que par sa négation même. Le centre n’équivaut donc pas présentement à une position médiatrice, il concerne plutôt les jacobins qui incarnent au mieux le mouvement et l’unité organiques de la Révolution.

Au plan doctrinal, le jacobinisme centriste perçoit, différemment de Sieyès, l’individu né avec des qualités sociales partagées (Mably), bien sûr la liberté et l’égalité mais aussi les qualités morales, qui lui permettent d’exprimer ses droits naturels dans tout événement où se manifeste sa puissance souveraine (Gauthier, 1988, 1992). Dans une telle perspective jusnaturaliste, la réalisation des droits réciproques (les droits naturels à la vie, le droit à l’existence tout particulièrement, la liberté personnelle et en société, le droit à l’éducation, etc.) permet l’expression populaire, l’avènement d’une « langue du peuple », là où Sieyès ne considère que la formation restreinte d’une « langue politique ».

Cependant jacobinisme modéré et jacobinisme centriste accordent une même importance à la figure du législateur, et son corollaire la catégorie de représentation (Jaume, 1989), dans l’avènement de l’individu moderne au centre la politique. Au titre d’un tel légicentrisme, ils se différencient l’un comme l’autre des partisans, comme Mirabeau (Serna, 2000), d’un pouvoir exécutif fort dans le cadre d’une monarchie constitutionnelle. Adeptes de « l’unité d’action » entre les législateurs et les citoyens réunis en assemblées primaires, certes avec de fortes nuances dans la dialectique entre mouvement ascendant et mouvement descendant, positions maximalistes et positions minimalistes, ces jacobins légicentristes condamnent à l’échec, en appui sur le réseau hégémonique du club des Jacobins, toute tentative de former un Centre dissocié du processus de radicalisation politique. Cependant, du côté de Sieyès, il s’agit du législateur empirique qui conçoit les lois répondant aux besoins émergents des citoyens en parlant une « langue propre » à la politique, donc dégagée de la langue commune. Alors que du côté de Robespierre, l’événement où se manifeste la puissance du peuple, sa souveraineté, sa langue propre, fait apparaître, parmi ceux qui parlent au nom du peuple, un législateur naturel, donc légitime avant même qu’il soit élu, par exemple dans le cas de Robespierre au moment de l’insurrection du 10 août 1792, c’est-à-dire avant son élection à la Convention Nationale (Guilhaumou, 1989d).

En troisième lieu, le jacobinisme radical renvoie à une grande diversité de réflexions théoriques d’orientation républicaine et de formes d’activisme politique. On y trouve d’une part des écrivains et des publicistes républicains, aux attitudes politiques diversifiées, mais unis autour d’une même référence à la culture des Lumières, à la rhétorique anti-tyrannique et à une démocratie cosmopolite (Monnier, 2005), d’autre part des porte-parole (Guilhaumou, 1998a), véritables porte-voix du peuple en particulier dans les provinces. Les premiers sont qualifiés parfois de « modérés » ; les seconds souvent de « terroristes » par l’historiographie, ce qui tend à estomper leur rôle majeur dans le débat critique mené, à la fois sur le terrain de la doctrine et de la pratique, au cours des années 1790-1792. Du jacobinisme radical, il faut d’abord retenir une forte capacité à lier traditions civiques, normes éthiques, catégories du républicanisme et théories pratiques de la liberté. Qui plus est, les jacobins impliqués dans un tel débat et dans de telles initiatives politiques introduisent une correction majeure à l’hégémonie légicentriste, sans en contester les principes, par l’affirmation de l’exercice permanent et civil de la souveraineté sur la base d’un lien égalitaire entre le local et le national, la Province et Paris. Ils se manifestent donc historiquement jusque dans ce qu’on appelle désormais, par un paradoxe apparent, le fédéralisme jacobin, mouvement à son apogée dans la ville de Marseille en 1793 (Guilhaumou, 1992), mais tout aussi présent à Paris dès 1791 (Monnier, 1995a). A ce titre, le jacobinisme radical prend appui sur une fluidité d’acteurs et de courants doctrinaux qui émergent de la société civile et constituent alors un espace démocratique situé bien au-delà du réseau que le club des Jacobins a tissé, dès le début de la Révolution française (Monnier, 1994), autour d’une Assemblée Nationale garante de la centralité de la loi. De fait cet espace de réciprocité et de civilité ne peut pas se confondre avec l’espace politique mis en place, à l’aide des adresses envoyés à l’Assemblée nationale, par le dispositif interlocutif d’assemblée (Wahnich, 1997).

Toujours inscrit à l’horizon du droit naturel déclaré, mais dans la perspective humaniste du vivre ensemble, le jacobinisme radical interpelle théoriquement l’individu dans sa quête démocratique de l’association politique jusque dans sa dimension universelle d’une part, et manifeste pratiquement l’existence concrète d’un tel individu libre par sa capacité à dire le droit, à faire parler la loi, alors que le législateur ne fait qu’énoncer la loi d’autre part. Il incarne donc la fondation démocratique de la Cité sur la base des modalités concrètes d’actualisation du sujet de droit : c’est un libéralisme d’essence foncièrement civique. Au plan doctrinal, il est le premier creuset du républicanisme français d’essence démocratique, donc avant même la mise en place du projet jacobin de l’An II. Il convient donc de mettre l’accent sur le lien du jacobinisme radical avec les théories démocratiques mises en avant par le mouvement républicain de 1791, dans la mesure où il importe de marquer, dans une perspective d’histoire langagière des concepts (Guilhaumou, 2000), l’importance de la mise en acte, par les patriotes radicaux, des arguments de république et de démocratie dans les nouvelles procédures politiques de la civilité révolutionnaire, à l'exemple de François Robert et du cercle du Mercure National (Monnier 2005).

Apparu d’abord dans les milieux républicains parisiens (Monnier, 1994), en organisant un « espace public de réciprocité » (Brunel, 1989) relativement distinct du réseau des notables jacobins, le mouvement radical, regroupe des individualités diversifiées, en particulier des hommes de lettres, des juristes et des publicistes (Robert, Bonneville, Rutlidge, Lavicomterie, Carra, etc.) mais aussi des personnes proches du « peuple des groupes » tant en province qu’à Paris, ainsi du marseillais Isoard (Guilhaumou, 1992) et du parisien Santerre (Monnier, 1989). Il s’agit donc bien d’un jacobinisme en acte qui atteint son apogée pendant l’été 1793, c’est-à-dire au paroxysme du mouvement révolutionnaire: il incarne alors la figure du révolutionnaire inscrivant son action à la fois dans l’élargissement du droit de vote et une dynamique révolutionnaire sans cesse renouvelée, à l’égal de ce que Marx désigne par « révolution permanente » (Aberdam, 2001; Guilhaumou, Monnier, 1993). Le jacobinisme radical conçoit ainsi l’universalité de l’individu, son universelle singularité, au sein même de l’événement où il manifeste sa souveraineté, de la journée révolutionnaire au temps de l’acceptation de la Constitution.

Distant du jacobinisme modéré, ses liens avec le jacobinisme centriste sont à ce point complexes que notre typification trouve ici ses limites. En effet, les jacobins centristes adoptent pour une part d’entre eux une position maximaliste (Brunel, 1989) en matière de projet politique (voir la troisième partie), s’arrimant ainsi à la politique d’union constituée au sein d’un mouvement révolutionnaire qui comprend, au cours de l’été 1793, clubistes cordeliers, sectionnaires sans-culottes, femmes révolutionnaires et envoyés des départements. En opposant à ce « mouvement révolutionnaire » un « mouvement national », les jacobins montagnards marquent cependant leur clivage avec les radicaux sur le terrain de l’exécutif révolutionnaire. Ils revendiquent un exécutif certes décentralisé au niveau des municipalités, mais dépendant du législatif au titre de la « centralité législative » et donc s’opposent à un exécutif révolutionnaire relativement autonome qui prend appui chez les fédéralistes jacobins sur le réseau des sociétés populaires et des comités de surveillance. Adeptes des mêmes principes du droit et d’une même quête du lien social, donc du républicanisme de droit naturel, jacobins centristes et jacobins radicaux s’accordent pour renforcer les pouvoirs locaux, mais ils divergent sur l’importance à accorder aux pouvoirs intermédiaires par le truchement des sociétés populaires. A ce titre, le jacobinisme radical met d’abord l’accent sur la diffusion du civisme par des commissaires de l’exécutif sur la base de la tradition civique de la Cité, comme nous l’avons montré à propos de Marseille (Donzel, Guilhaumou, 2001), avant d’adhérer à un projet démocratique d’envergure nationale. Il puise son originalité dans une libéralisme civique modérant l’emprise du centre législatif.

De ces différenciations de groupes et d’individus, les historiens ont surtout retenu la chronique des luttes entre « factions » jacobines qui demeure une narration ordinaire de l’événementiel de la Révolution française. De notre point de vue typificateur, il ne s’agit pas de réactualiser le jacobinisme à travers une diversité de positions à l’exemple de la scène politique actuelle. Notre objectif est plutôt d’unifier le concept de jacobinisme selon une tripartition du libéralisme politique entre le libéralisme constituant d’un Sieyès, le libéralisme égalitaire d’un Robespierre et le libéralisme civique des Marseillais. Cependant Il conviendrait que les historiens accordent plus souvent, à l’exemple de Jean-Clément Martin (1998, 2006), une valeur généralisante et une importance procédurale à ces luttes et à leurs arguments, en particulier à la célèbre lutte entre la Gironde et la Montagne, dont le jeune Marx se préoccupe centralement dans ses notes de Kreuznach de 1843. Ainsi, faute d’une telle démarche, l’abord des Girondins au sein du mouvement jacobin demeure en partie énigmatique. D’un côté, les Brissotins jouent un rôle majeur dans le club des Jacobins après la scission des feuillants de juillet 1791 (Maintenant, 1984) et jusqu’à l’été 1792. D’un autre côté, leur doctrine, encore très proche de la philosophie des Lumières, ne fait pas vraiment rupture, s’inscrivant en effet dans la lignée de l’idée républicaine des années 1780. Elle associe, dans la perspective physiocratique, un libéralisme économique strict à une politique étatique au titre d’une simple progression politique et non de l’expressivité révolutionnaire du libéralisme dans la politique elle-même (Dorigny, 1994; Raynaud, 1991). Mais n’est-ce pas avant tout dans la mise en acte des arguments « girondins » que se manifestent les apories illibérales de leur doctrine ?

De fait, en considérant que le jacobinisme ne procède pas d’une hypertrophie du politique attenante à une conception totalisante de la société, nous sommes renvoyé à un individualisme méthodologique: en premier lieu, l’ordre social n’est rien en dehors des individus qui le composent; en second lieu la maximalisation des intérêts de soi et d’autrui, donc réciproques, demeure le but de toute politique; en troisième lieu l’équation ontologique du moi avec l’individu empirique précède son insertion dans la société, en d’autres termes la liberté métaphysique fonde la liberté politique. C’est à ce triple titre que le libéralisme « purement économique », en refusant d’associer un signe de liberté au corps humain, n’appréhende la personne humaine que dans un rapport despotique de soumission: il n’a de libéral que le nom que lui prêtent ses partisans, et diffère par là même d’un libéralisme politique qui identifie l’individualité à la vie conçue comme capacité d’agir selon ses propres représentations.

Concluons d’un trait majeur ce premier point sur l’individualisme jacobin. Il fonde, dans la plupart de ses modalités (le cas girondin pose problème comme nous venons de le voir), un libéralisme politique inscrit à l’horizon du droit naturel déclaré et réalisé, donc distinct d’un libéralisme économique fondé sur l’homme économiquement égoïste.

Une universalité paradoxale pour une souveraineté située.

La quête de l’universel sur la base d’un individu appréhendé dans l’immanence de l’événement est l’une des données majeures du jacobinisme. Elle prend sa source dans une volonté politique, une énergie qui s’actualise dans l’unité d’action, prônée de Sieyès à Robespierre par les membres du club des Jacobins, et un mot d’ordre constamment réitéré par les porte-parole, « l’union fait la force ». Du point de vue de l'individu, on peut y associer un sentimentalisme exacerbé au regard de la quête de l'unanimité et de la transparence exprimée dans la croyance de "l'union des coeurs", dont l'impact au cours de la Terreur de 1793-1794 s'avère considérable, et donne ainsi une certaine authenticité et une réelle visibilité à l'action politique de soi (Self) en pleine terreur (Andress, 2005). Qui plus est, les jacobins se situent ainsi dans la perspective de la formation d’une « communauté de frères » où les soeurs occupent une place essentiellement symbolique (Hunt, 1992). Cette recherche constante de l’universelle singularité de l’individu pris dans l’action relève en fait d’une esthétique complexe, liée à la série des événements révolutionnaires. Dans chaque événement des acteurs mobilisent des ressources communes par leur enthousiasme et leur volonté, mais il est aussi question de spectateurs nous faisant part de leur sentiment de sympathie. Ainsi s’actualise l’universalité de l’idée de droit, cette fameuse « disposition morale dans l’espèce humaine » dont nous parle Kant de manière très actuelle en l’étendant jusqu’à la cosmopolitique du droit des gens. L’appel au droit cosmopolitique permet en effet aux jacobins de promouvoir la construction d’une société civile des nations au sein d’un espace public de réciprocité, donc régi par des relations de droit entre les peuples (Belissa, 1998; Belissa, Gauthier, 1999).

Un effort permanent et sublime de restauration de l’universel permet alors aux jacobins de bannir la discontinuité sociale, en particulier dans les situations de crise à l’exemple de la mort de Marat pendant l’été 1793 (Guilhaumou, 1989c). Ainsi, d’un événement à l’autre, un ordonnancement général ( « le nouvel ordre de choses ») se construit au plus près de la visée du bonheur universel. La plupart des jacobins se retrouvent ainsi sur le terrain de l’universelle singularité de l’acte d’émancipation propre à l’individu qui s’inscrit dans l’horizon du droit naturel déclaré. Cependant, confronté aux modalités pratiques de mise en oeuvre de la citoyenneté, en particulier sur le problème des femmes (Godineau, 1988), des étrangers (Wahnich, 1997) et plus généralement de la représentation du corps citoyen (De Baecque, 1993), l’universel jacobin apparaît foncièrement paradoxal. Dès 1789, l’universel se pense en tension au sens où « ce qui apparaît avec la Révolution française, c’est la mise en tension de l’humanisme de raison et de l’antihumanisme de situation » (Wahnich, 1997, 352). Etre humain, penser l’universalité de l’émancipation humaine côtoie ainsi une certaine part d’inhumanité dans le fait de ne pas respecter la personne humaine qui trahit le droit, qui se situe hors du commun au titre de la toute puissance de l’individu empiriquement circonstancié dans la demande et la réalisation des droits. De la dénonciation du crime des privilégiés à l’appel à la haine contre les anglais, de Sieyès à Robespierre, une même logique de compassion pour le genre humain s’accorde avec une violence exercée sur les ennemis du genre humain, au titre de la différence essentielle entre la personne humaine et l’individu générique. De l’universel, les circonstances en varient donc l’impact, mais un noyau demeure intangible: l’universalité de la loi, « la loi au centre » de Sieyès, la « centralité législative » des législateurs montagnards de l’An II. De l’universel, un illimité est toujours présent dans une relation diversifiée à la souveraineté située.

La synthèse récente de Pierre Rosanvallon (2000) sur l’histoire de la souveraineté du peuple en France insiste sur l’importance de la transition jacobine de la simple souveraineté originaire, contestée dans les termes dès 1789 par Sieyès, à la souveraineté permanente du peuple exercée dans les circonstances révolutionnaires. Nul ne réfutera donc que l’idée de souveraineté est au centre du jacobinisme, en particulier à travers les emplois multipliés de l’expression « souveraineté du peuple ». Mais, loin d’être une référence abstraite, métaphysique, la notion de souveraineté n’existe que dans la question pratique, Quel est le détenteur du pouvoir souverain ?, Qui est effectivement souverain ?. Dans cette perspective propre à une souveraineté créatrice, située, circonstanciée, nous retrouvons les trois types (modéré, centriste et radical) de jacobinisme.

Si Sieyès instaure un 1789 la toute puissance du « pouvoir constituant » des sujets de droit, à l’encontre du pouvoir royal, il le fait dans l’ordre de la métaphysique politique et s’interdit ainsi de parler de pouvoir souverain en la matière. C’est dans l’ordre pratique qu’il situe « les travaux de la souveraineté » de la nouvelle classe politique. Ainsi, le jacobinisme modéré, adepte du libéralisme constituant, réfute l’usage de l’idée de souveraineté dans l’ordre des fondements: n’est-elle pas une des idées les plus abstraites de la doctrine des légistes royaux ? (Jaume, 1989). A ce titre, il n’est guère possible, dans une perspective critique (Boroumand, 1999), d’imputer au jacobinisme d’avoir opéré, par l’appel à la souveraineté, le remplacement à l’identique de l’ancien pouvoir absolu, donc d’avoir de nouveau imposer la force contre le droit. A propos de la réalité indéniable de l’individu souverain, il convient de s’en tenir aux seuls termes de l’individu empirique se construisant sur un principe constituant, du principe d’activité originaire aux principes moraux de la convention sociale liés à la réciprocité humaine. Nul besoin ici de faire référence à un souverain posé a priori. La souveraineté ne peut se concevoir qu’en situation, dans la mesure où elle relève de l’ordre de l’artifice politique. Nous comprenons alors l’extrême méfiance de Sieyès vis-à-vis de l’usage qu’il juge fondateur en négatif, donc abusif, de l’expression de « souveraineté du peuple » par les jacobins centristes et radicaux.

Les jacobins centristes et radicaux usent-ils et abusent-ils vraiment de cette expression ? Certes la notion de « peuple souverain » est au centre de l’acte légitimant, dans le discours jacobin, le « mouvement populaire » de 1792, puis « le mouvement révolutionnaire » de 1793. Ainsi Robespierre précise, au moment du 10 août 1792, que « C’était le peuple entier qui agissait en souverain » (Guilhaumou, 1989d). Cependant l’analyse discursive des usages de la notion de souveraineté dans un espace précis, par exemple la Cité de Marseille (Guilhaumou, 1992), permet de montrer que cette notion est à ce point située qu’elle en vient à incarner, sous l’expression de « souveraineté locale », les modalités les plus diversifiées, composante modérée comprise, du fédéralisme jacobin.

Au paradoxe de l’universel jacobin, qui associe humanité et inhumanité, succède ainsi un paradoxe de la référence jacobine à la souveraineté, dont l’usage le plus ample se situe parfois dans un événementiel exclu du processus révolutionnaire par les jacobins centristes sous l’accusation de fédéralisme. Jacobins modérés et jacobins radicaux se retrouvent ainsi sur le terrain d’une souveraineté située, certes en des lieux différents, les assemblées primaires, les sections pour les modérés, les clubs, les sociétés populaires pour les radicaux. L’expression de fédéralisme jacobin n’a donc rien d’hasardée, comme on a voulu le faire croire à la suite de son introduction dans nos recherches sur le jacobinisme marseillais, et son amplification dans les travaux de Raymonde Monnier sur le fédéralisme radical parisien. Elle contribue de façon décisive à élargir la notion de jacobinisme d’une part en réintégrant un événementiel exclu a priori du jacobinisme historique, d’autre part en reconstituant l’intégralité du trajet du débat doctrinal sur la localisation de la souveraineté aux potentialités réflexives de sa mise en acte.

Le projet jacobin.

L’élargissement du jacobinisme, au-delà de la perspective historiographique, à un événementiel révolutionnaire saisi dans son universelle singularité n’empêche pas, bien au contraire, un recentrement du projet jacobin dans sa forme la plus achevée, le libéralisme égalitaire des Jacobins Montagnards de l’An II. A vrai dire, la question se pose ici, donc au-delà de la typification des composantes du jacobinisme, de savoir si le terme de Montagne n’a pas une valeur heuristique supérieure à celle du concept de jacobinisme dans la compréhension de la politique unitaire des jacobins. Qui plus est, la référence conceptuelle à la Montagne permet de comprendre l’articulation complexe du projet jacobin de l’An II au phénomène de la terreur pris dans son historicité propre (Baker, 1994) et de marquer ainsi la fin des analogies abusives avec « les totalitarismes » du XXème siècle. Nous reprenons ici un propos déjà présenté dans le cadre de la confrontation très actuelle entre le projet montagnard de la Révolution française et le projet national actuel (Guilhaumou, 1998b).

Nous pouvons alors considérer, dans cette ultime effort pour penser l’unité du jacobinisme autour de la Montagne, que le projet jacobin puise sa légitimité dans l'émergence dès 1790-1791 d’un « espace public de réciprocité du droit en mouvement », expression constamment réélaborée par Françoise Brunel, Florence Gauthier et Raymonde Monnier. Qui plus est, dans la lignée des réflexions les plus récentes de Jürgen Habermas (1992) sur l’espace public, nous pouvons focaliser notre attention sur la diversité des procédures égalitaires de formation de l'opinion et de la volonté, sous la catégorie de souveraineté du peuple, qui concrétise le caractère unitaire de la politique de la Montagne. Ces procédures historiquement attestées favorisent des pratiques intersubjectives diversifiées et inédites de délibération et de décision dans toutes sortes de « pouvoirs intermédiaires » suscités par la multiplication d'appareils politiques démocratiques de type nouveau tels que les municipalités, les sections, les sociétés populaires, etc. Elles élargissent ainsi considérablement le champ politique légitime, un temps limité l'année 1789 au discours d'assemblée, en configurant le nouvel espace républicain de réciprocité de façon extensive. Il est alors question d'un espace d'intercompréhension langagière mis en place progressivement par la multiplication des prises de parole démocratiques dont les Montagnards se veulent les héritiers tout en l'intégrant dans une culture de gouvernement.

La dimension résolument moderne du projet politique montagnard relève alors de ce qu'il advient, dans une pratique gouvernementale, d'un discours de réciprocité égalitaire. Ainsi Florence Gauthier et Guy Rober Ikni (1988), de concert avec Françoise Brunel (1992) et Jean-Pierre Gross (1997), ont mis en évidence, dans les cas de, Robespierre, Saint-Just, Goujon, Coupé de l’Oise, Billaud-Varenne, Lakanal, Romme et d’autres, l'esprit de justice sociale et ses modalités originales de réalisation, qui animent le projet libéral humaniste des Montagnards en l’An II. De fait, le libéralisme égalitaire des Montagnards, inscrit à l'horizon du droit naturel déclaré, entre dans une phase de réalisation des droits réciproques (les droits naturels à la vie, le droit à l'existence tout particulièrement, la liberté personnelle et en société, le droit à l'éducation, etc.) au moment même où apparaît, pendant l’été 1793, le mot d'ordre du mouvement révolutionnaire sur la mise à l'ordre du jour de la terreur. « Une dynamique émotive ressortissant du sacré et de la vengeance » (Wahnich, 2003), plus ample qu’une simple dynamique discursive antérieurement décrite (Guilhaumou, 1987), légitime un retournement énonciatif, « l’initiative de la terreur » contre les ennemis qui terrorisent les patriotes, et se traduit dans l’universelle singularité d’événements où s’exprime un nouveau projet politique.

A l'écart de toute tentation « sociale » de niveler les fortunes ou d'instaurer la communauté des biens et à distance de tout rigorisme « religieux » de la vertu, le libéralisme égalitaire, garant du maintien d’un espace public de réciprocité, est foncièrement politique (Brunel, 1997). Ce libéralisme, dont la présence, au sein de la pensée des Lumières, est généralement ignoré de nos penseurs contemporains, se distingue d'abord du libéralisme économique des Physiocrates en puisant dans les arguments de ses adversaires, en particulier Vincent de Gournay et Véron de Forbonnais (Meysonnier, 1989). Il relève ainsi d'un projet humaniste libéral de cohésion des besoins sociaux réciproques, donc fondé sur une conception de l'homme libre où s'affirme avec force l'effectivité de la théorie lockienne des droits naturels, c'est-à-dire le droit à la liberté, avec pour corollaire le devoir d'égalité ou de réciprocité. Libéralisme politique de droit naturel universel, il est alors formulé, au cours de la Révolution française, sous forme de projet par les jacobins robespierristes dans les grands débats à la Convention de l'automne 1792 à l'automne 1793. Il s'actualise, au sein du discours robespierriste, par une « économie politique populaire » attachant à la notion cardinale de propriété les droits naturels liés à la personne et le droit aux subsistances, donc la rendant dépendante du droit naturel à l'existence. Il s’oppose, dans la lignée de Mably, à toute forme de libéralisme purement économique, d’économie politique despotique (Gauthier, 1988, 1999). Le libéralisme politique de l’An II repose donc bien sur la volonté politique d'apporter à chacun, selon ses capacités et ses forces, les moyens d'une participation effective au bien commun.

Françoise Brunel précise alors quels sont les arguments des gouvernants jacobins qui ouvrent des potentialités nouvelles en matière d'émancipation humaine: en premier lieu, la révolution n'est pas terminée, donc il faut la terminer; en second lieu, le but de la révolution est la mise en acte de la morale, en conformité avec la définition républicaine de la morale comme raison mise en mouvement; en troisième lieu, mettre en action la morale, c'est réaliser le droit naturel, c'est susciter la création d'un espace social unifié de réciprocité. Il s'agit ici de donner un contenu à la perspective rationnellement abstraite de régénération d’un homme nouveau (Ozouf, 1989), c’est-à-dire d' « instituer un peuple libre », de « recréer un peuple » en permanence une fois disponible « la langue du peuple ». C'est désormais aux Institutions, comme le montre encore Françoise Brunel, qu'il revient de fonder la République sur l'harmonie d'une réciprocité immédiate, d'une intersubjectivité propice à toutes sortes d'échanges réciproques. Le projet montagnard est un projet social résolument moderne non seulement dans sa dimension distributive, mais aussi dans son aspect communicationnel au sein d'un réseau institutionnel où se régénèrent autant la famille, la langue française, l'homme éduqué que la propriété. Il va ainsi très loin dans l’abord systématique des virtualités sensibles, et de leur traduction rationnelle jusqu’au sublime inclus. Une personnalité montagnarde de premier plan comme Grégoire, récemment étudiée (Hermon-Belot, 2000), est emblématique d’une telle « esthétique de la Montagne » où la quête de l’unité relève de la réconciliation des sens et de la raison, au nom de la prééminence de l’individu empirique libéral.

Cependant, il convient in fine de ne pas esquiver le redoutable aboutissement d’un projet où l’institution s’organise d’abord dans un temps révolutionnaire. Un temps où « la terreur comme exercice de fondation est ‘une guerre de la liberté contre ses ennemis; un temps de guerre où les ennemis sont immédiatement étrangers à la révolution, étrangers à la nation qui cherche à se fonder » (Bosc, Gauthier, Wahnich, 2000, p. 271), et se traduit par la peine de mort.

Conclusion

L’abord du jacobinisme sous l’angle de l’individuation pratique des êtres humains permet d’appréhender sa relation à la tradition marxiste sous un angle nouveau. Il est désormais question chez Marx du fait que « le tiers état soit tout et veuille devenir tout » en 1789, et surtout dans la marque de cet événement, l’avènement de la nation française à travers la proposition: « En France, il suffit qu’un individu soit quelque chose pour vouloir être tout »: cet énoncé est présent dans la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel; il fait la jonction entre le libéralisme rhénan du Jeune Marx et le libéralisme constituant de Sieyès (Guilhaumou, 1999; Kouvélakis, 2000 a et b, 2003). Cette proposition, de facture sieyèsienne, définit, avec le cas français, les conditions de l’existence humaine basée sur la liberté sociale, donc de l’émancipation humaine, selon un relation triadique: l’individu isolé, soit le moi dans sa réalité ontologique, l’individu expérimenté, donc pris dans son existence pratique (quelque chose existe) d’homme libre et l’individu-nation, c’est-à-dire l’individu aduné au tout voulant et agissant de la nation. Insistons une fois encore sur le fait que nous sommes là au plus loin de l’opposition simple entre la personne humaine et le collectif. De ces conditions se déduit la possibilité de l’émancipation universelle par l’exercice permanent de la souveraineté en acte.

Nous entrons ainsi, avec un tel jacobinisme organique, dans l’espace de la traductibilités des langages et des cultures, pour reprendre une expression de Gramsci (Guilhaumou, 1979). Dans les termes de l’historiographie allemande récente, l’entrée en politique, du côté des jacobins, s’inscrit désormais dans un vaste espace de transferts culturels tant franco-français (Reichardt, 1998) que franco-allemands (Lüsebrink, Reichardt, 1997) où se construit la culture démocratique que nous n’avons jamais cessé d’exercer et de commémorer (Garcia, 2000). C’est ainsi que le langage, la culture et le projet jacobin prennent, de l’individu empiriquement posé au projet fondé sur le devoir-être, une extension considérable dans le champ de l’historicité. L’organicité du jacobinisme apparaît ainsi au coeur même de la tradition démocratique, à l’encontre de toute conception juridique du jacobinisme, c’est-à-dire d’un jacobinisme assimilé à une réalité étatique et centralisatrice. De même, le stéréotype ordinaire sur le holisme des jacobins s’effondre face à l’étude minutieuse de la position, au centre du jacobinisme, du discours des droits de l’homme et du citoyen (Bosc, 1994, 2000).

Dans une même ordre marxiste de pensée, Florence Gauthier (1996) montre que la conception de la Révolution française comme « Révolution bourgeoise » tombe à force de préjuger d’une réalité plus émancipatrice qu’on ne le croît, et se perd avec elle la curieuse invention de la « dictature bourgeoise de salut public » pour caractériser l’An II, au plus grand profit de la visibilité du libéralisme politique de droit naturel. Nous constatons donc, avec cette historienne, que « La théorie de la Révolution des droits de l’homme et du citoyen est libérale; la Déclaration affirme que le but de l’ordre social et politique est la réalisation et la protection des droits de liberté des individus et des peuples, à condition que ces droits soient universels, c’est-à-dire réciproques ». Précisons par ailleurs qu'elle a résumé sa pensée en la matière sur le présent site.

Faut-il pour autant s’en tenir à cette seule théorie fondatrice pour caractériser ce que recouvre historiquement la part authentique du jacobinisme ? Faut-il effacer la notion par trop polémique, et entaché de sa valeur négative inaugurale, de jacobinisme au profit de la seule référence à la Révolution des droits de l’homme ? Nous ne le pensons pas. A l’exemple de Marc Deleplace, dans son étude récente (2001) de la formation de la figure de l’anarchiste avant la naissance du mouvement anarchiste, nous pensons pouvoir affirmer que les représentations négatives peuvent faire l’objet d’une conceptualisation au même titre que les représentations positives, à condition bien sûr de tenir compte de leur mode spécifique de structuration. Qui plus est, nous avons tenté, à la différence des historiens, de typifier le jacobinisme. Nous avons voulu par là même mettre l’accent sur la manière dont les acteurs révolutionnaires inventent, y compris par les formules les plus abstraites, les contextes de sens dans lesquels ils inscrivent leurs nouveaux schèmes d’expérience. Le point important est celui de la réflexivité des acteurs, à l’encontre du regard surplombant de l’historien, c’est-à-dire qu’il convient d’insister sur la manière dont ces acteurs typifient leurs projets, leurs choix, leurs délibérations, leurs pratiques. Il s’agit alors de pointer une autotypification du jacobinisme au sein d’un processus historique. Ainsi la dimension d’idéalité politique du jacobinisme, soulignée par Marx lui-même, conserve, selon nous, toute son importance, même si le schéma explicatif de la Révolution bourgeoise est faiblement heuristique, comme l'a nous l'avons vu avec Florence Gauthier. A éviter ce détour par la typification, les historiens de la Révolution française, qui mettent à juste titre l’accent sur la centralité du libéralisme de droit naturel, risquent de reconduire les apories unifiantes de la démarche historiographique sous une forme « néo-jacobine » au détriment de l’originalité même de leur démarche.

N.B Ce texte constitue une version revue et amplifiée d’un texte publié dans Actuel Marx, N°32, 2002, p. 109-124.

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