Par Jacques Guilhaumou, CNRS, UMR Triangle, ENS-LSH Lyon.
D’après l’ouvrage de Jacques Rancière, La haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005, 106 pages, et à propos d’un article du Monde des Livres sur le livre de Michel Vovelle, La Révolution française expliquée à sa petite-fille, Paris, Seuil, 2006, 112 pages.
« Pour nous les jeunes, qui voyons la Révolution de si loin, tu crois qu’elle a encore un sens – (Michel Vovelle) Cette Révolution dans l’histoire reste aussi notre révolution, c’est pourquoi je l’aime. Mon maître Labrousse en parlait comme de ‘la révolution des anticipations’ » (page 100)
Jacques Rancière mène, depuis La Mésentente (1995), une réflexion sur la place en surnuméraire du peuple agissant dans les sociétés politiques, et plus précisément sur la démocratie comme mode de subjectivation du politique, en mettant l’accent sur ce moment où s’interrompt l’ordre dominant au titre d’un dispositif singulier de subjectivation qui concrétise l’effectivité d’une part des sans-parts, de l’exemple historique du Tiers-Etat à la réalité contemporain des Sans. Il s’agit bien de contester ce que l’on met ordinairement sous le nom de démocratie, c’est-à-dire une pratique consensuelle d’effacement des formes de l’agir démocratique.
Cependant les choses se compliquent singulièrement au regard du renouveau actuel d’une haine de la démocratie, définie fort intentionnellement comme le règne du désir illimité des individus de la société de masse moderne. A travers l’usage actuel et dominant du mot de démocratie, Jacques Rancière perçoit la dénonciation, par les gouvernements en place, d’un mal qui renvoie à l’intensité de la vie démocratique, perçue sous la forme d’un pouvoir anarchique du peuple.
Certes la mise en visibilité du surnuméraire, qui oblige de prendre en compte, par le fait du litige, la part de l’incompté dans la société, permet de donner une autre définition de la démocratie : ainsi elle n’est ni un type de constitution, ni une forme de société, mais elle est tout simplement « le pouvoir propre à ceux qui n’ont pas plus de titre à gouverner qu’à être gouvernés » (p. 54), le pouvoir politique donc.
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