L'ouvrage de Georges Labica, Robespierre. Une Politique de la philosophie, publié en 1990 est réédité par La fabrique. Nous en publions l'introduction.
Introduction : une pensée de l’inédit
Pourquoi ajouter un nouveau Robespierre à une bibliographie qui compte déjà quelques sommes décisives et qui n’a cessé de s’étendre, malgré les réserves récemment encore manifestées, lors de la commémoration du bicentenaire de la Révolution de 1789, à l’endroit de l’Incorruptible ? Tout simplement parce qu’il m’a semblé que la pensée politique de Maximilien Robespierre méritait, en tant que telle, d’être prise au sérieux. Ce livre est donc d’un philosophe à l’écoute de l’un des siens.
Dont il convient d’emblée d’en souligner l’originalité.
Le caractère proprement novateur de la pensée de Robespierre, s’il n’a rien, pour l’époque, d’exceptionnel, puisque le partagent nombre de ses contemporains (Saint-Just, Marat, Grégoire, Couthon, de Gouges, Billaud, Roux, Babeuf, etc.), n’en prend pas moins une valeur emblématique. Il s’agit de penser la révolution au moment même où elle se produit, au moment où, tantôt à tâtons, tantôt avec fulgurance, elle entreprend de maîtriser intellectuellement ses actes, en inventant de toutes pièces sa terminologie. Cela n’a pas de précédent. Il est difficile, et beaucoup plus qu’on ne le croit, de cerner le concept de révolution, même pour nous qui bénéficions du corpus marxiste et d’un siècle et demi d’expériences historiques et théoriques. À plus forte raison pour Robespierre, qui est le produit de la Révolution, littéralement fait par elle, emporté par son mouvement, et s’acharnant, avec une opiniâtreté, cette fois, sans analogue, à la saisir, collant à ses processus, ne l’ayant ni vue venir, ni anticipée, mais la suivant, s’en laissant inspirer au jour le jour et tentant en vain, on le sait, d’en assurer le contrôle.
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