La réception de la première partie de Rights of Man aux États-Unis en 1791 (2) Etudes
vendredi 9 novembre 2018Un défi aux "hérésies politiques" : la réception de la première partie de Rights of Man aux États-Unis en 1791 - Deuxième Partie (Voir la vidéo du séminaire au cours duquel ce texte a été présenté, lire la première partie)
Par Marc Belissa Université Paris Nanterre
Encore plus d’hérésies : Publicola contre Paine
La contre-offensive fédéraliste contre Paine débuta le 18 mai par la publication d’un article sans doute dû à la plume de John Quincy Adams dans la Gazette de Fenno (48). Anticipant les Letters of Publicola, l’article commençait par une défense ironique de "l’esprit d’hérésie" faisant évidemment référence à la note de Jefferson. Surtout, il posait la question de la constitution anglaise et de sa critique par Paine. Plutôt que de s’attaquer directement à la Révolution française comme l’avait fait Burke, l’auteur entreprenait de défendre l’idée qu’il existait bien une constitution anglaise qui, bien que non écrite, était parfaitement légitime, contrairement à ce qu’avait écrit Paine. Selon l’auteur de l’article, les constitutions ne sont pas des "bits of parchment" changeables à volonté par les peuples mais des principes écrits dans les cœurs des Anglais : "The people of England have … high ideas of personal, social and political freedom — and these ideas are inseparably connnected with certain great principles, which they wisely suppose form the great outlines of a constitution". Cette constitution anglaise, comme la common law dont elle est l’expression, est fondée sur la raison et est inscrite dans la conscience de chaque "free-born Englishman".
C’est donc sur la question de la nature de la constitution britannique que se portait initialement la réponse fédéraliste à Paine mais bien évidemment, cette question centrale en posait d’autres : celle de la souveraineté (populaire ou partagée), celle de la comparaison entre la constitution britannique et la "french democracy", mais aussi celle de la nature de la république américaine, gouvernement mixte à l’anglaise ou république démocratique. Les trois thèmes sont imbriqués dans les Letters of Publicola.
Les onze Letters se veulent une réfutation de Rights of Man mais aussi une défense officieuse des écrits de John Adams (et sans le dire d’une partie de ceux de Burke) et enfin, une critique à peine voilée de la "French democracy" (49).
La première lettre rejette tout d’abord ironiquement le terme d’hérésie utilisé dans le billet de Jefferson. Rights of Man n’est ni le "canonical book of political scripture" ni "the Papal Bulle of infallible virtue" et Paine n’est ni le prophète de "l’Islam of democracy" ni le "Holy Father of our political faith" (50). Il est donc légitime de s’interroger sur les "dogmes" démocratiques de Paine.
John Quincy Adams (51) s’attaque tout d’abord à l’idée de souveraineté populaire une et indivisible. Le principe qu’une nation a le droit de faire ce qui lui plaît (et donc de changer de constitution à sa guise) ne saurait être regardé comme vrai, car les lois immuables de la justice et de la moralité — qui ne sont pas définies en termes de droit naturel chez Adams — sont des limites à la souveraineté. Une nation ne pouvant agir que par le biais de sa représentation et de la majorité des représentants, les actes qui portent ce caractère doivent donc être considérés comme ceux de la nation. Si la souveraineté de la majorité des représentants de la nation était sans limite, rien n’empêcherait une majorité d’attenter aux droits des citoyens et la liberté se trouverait soumise à l’arbitraire. Une nouvelle forme de despotisme démocratique s’ensuivrait (52). Selon Publicola, la nation anglaise a bien, comme toutes les autres, un droit naturel et inaliénable de constituer un gouvernement mais pas parce que sa souveraineté est absolue. Ce qui fonde ce droit c’est que les gouvernements étant institués pour protéger les libertés des citoyens, il peut être nécessaire de modifier la forme du gouvernement quand celui-ci n’est plus apte à la réalisation de ce but. Le droit des représentants de la nation à légiférer pour la postérité dérive du consentement de celle-ci. John Quincy Adams sous-entend donc que seule la représentation doit exercer le pouvoir de modifier la forme du gouvernement, or la Révolution américaine est en elle-même une contradiction à cette idée, c’est pourquoi Adams affirme que c’est le caractère particulier de l’oppression anglaise en Amérique qui lui a donné le droit de remettre en cause la souveraineté du Parlement et du Roi. C’est parce que les Américains ont été obligés par les exactions anglaises d’exercer leur droit inaliénable à créer leurs propres constitutions que leur révolution était légitime et non parce qu’ils avaient le droit de changer de souverain à leur guise.
John Quincy Adams écarte la question de savoir si les Français étaient avant 1789 dans une situation aussi périlleuse qui aurait justifié la présente révolution mais il sous-entend que ce n’était pas le cas (53). Les Anglais sont-ils, comme l’affirme Paine, dans une situation d’oppression qui puisse justifier une révolution dans leur gouvernement ? Leur constitution est-elle encore apte à protéger leurs libertés ? Faut-il en changer et si oui par quel moyen la nation peut-elle s’exprimer ?
John Quincy Adams s’attaque directement à un des piliers de l’argumentation de Paine, à savoir la question de l’inexistence d’une "constitution anglaise", car non-écrite et surtout fondée sur l’oppression monarchique et aristocratique selon l’auteur de Rights of Man. John Quincy Adams se défend pourtant à plusieurs reprises de faire une apologie béate de la constitution anglaise dans laquelle il admet qu’il existe bien des points critiquables, mais malgré ceux-ci, la constitution anglaise est non seulement une constitution légitime mais elle est également un monument de la sagesse historique humaine (Burke utilisait l’expression de "contrievance of human wisdom") tenant compte des conditions particulières de l’histoire de la nation anglaise. L’idée que l’Angleterre n’aurait pas de constitution alors que la France en aurait une est absurde pour Publicola, ne serait-ce que parce que la constitution française n’est pas achevée et que la Constituante n’est pas encore séparée. Mais plus généralement, pour John Quincy Adams, la constitution n’a pas besoin d’avoir une forme visible ou datable dans le temps. Certes, on ne sait pas quand dans le passé ont été adoptés la plupart des principes fondant les lois anglaises (et donc aussi une partie des lois américaines) et la plupart de ces principes datent d’avant l’invention de l’imprimerie comme l’institution du jury, mais l’existence même de ces principes dans la pratique prouve qu’un contrat social a été adopté à une période inconnue et qu’ils ne sont pas le fruit de l’usurpation d’un conquérant mais d’un "free and unrestrained consent of a manly and generous people". Contre l’idée développée par les radicals et Paine de la filiation entre la conquête de Guillaume après la bataille de Hastings et le gouvernement actuel, Publicola affirme donc que le gouvernement anglais n’est pas le fruit de la conquête mais de l’accord tacite ou exprès de la nation depuis plusieurs siècles. Le Parlement a voté et vote des lois qui ont été acceptées par les Anglais et ces lois forment la constitution du royaume.
Pour Publicola, l’Angleterre a donc bien une constitution non-écrite qu’il définit comme un "system of unwritten or customary laws, handed down from time immemorial and sanctioned by the accumulated experience of age ; and of a body of statutes enacted by an authority lawfully competent to that purpose" (54). La constitution anglaise est donc coutumière, fondée sur des droits historiques, sur la sagesse accumulée par le temps et sur des textes émanant des autorités légales. Publicola ajoute un peu plus loin un dernier critère qui est celui du consentement tacite ou exprès de la nation. La constitution n’est donc pas un ensemble d’articles de législation mais un état d’esprit national inscrit dans le cœur des Anglais, elle est une "constitution of principles not of articles"(55). On reconnaît dans cette définition non seulement l’influence de Burke mais aussi de ce que l’historien François Charbonneau appelle le "patriotisme anglais" (56), celui de Pitt l’Ancien par exemple. Or, on l’a vu précédemment, cette conception ancienne de la "constitution" et des "libertés anglaises" avait été très largement remise en cause en Amérique même à partir de la publication de Common Sense qui lui opposait une conception alternative non pas des "libertés anglaises" mais de la liberté universelle, fondée sur les droits naturels de l’humanité. La conception de Paine est celle qui irrigue le courant démocratique dans la Révolution américaine et c’est celle qui s’est imposée largement dans l’esprit des Américains dans la période 1776-1791. De ce point de vue, l’argumentaire de John Quincy Adams comme celui de son père ou celui de Burke s’appuient sur une conception conservatrice et ancienne des "libertés anglaises" et de l’idée de "constitution politique" contre la conception universaliste de la liberté de Paine.
Selon Publicola, le peuple anglais est lié par cette constitution dans le cadre d’un contrat social historique et ne peut pas le remettre en cause à moins que le gouvernement ne soit évidemment inapte à atteindre les buts pour lesquels il a été institué, à savoir protéger les "libertés anglaises". Publicola accuse Paine d’avoir adopté en partie les faux principes du Contrat Social de Rousseau (57). En effet, un contrat social ne peut, comme le pensent le citoyen de Genève et Paine selon Adams, être fondé sur une association personnelle d’individus unanimes sans la médiation d’un corps représentatif existant. Or Paine refuse l’idée qu’un corps législatif existant puisse altérer la constitution sans passer par une consultation du peuple dans sa "forme originale" (original character), c’est-à-dire dans une forme d’Assemblée constituante ad hoc. Publicola nie cette affirmation et considère au contraire qu’une nation peut fort bien déléguer la totalité de ses pouvoirs (y compris constituants) à une ou plusieurs législatures ordinaires, en ne se réservant que le pouvoir de contester les abus de cet exercice. Le fait qu’une nation puisse déléguer l’intégralité de la souveraineté et donc du pouvoir constituant à une législature existante n’est pas pour Publicola une question de principe constitutionnel relevant de la question de la nature de la souveraineté (inaliénable ou partagée) mais une question technique et d’opportunité.
Si donc la nation anglaise a délégué l’intégralité de ses pouvoirs collectifs, elle ne peut avoir le droit de changer la forme de son gouvernement, sauf si celui-ci est devenu totalement inadéquat à son but initial. Mais qui jugera de l’éventuelle inadéquation ? Le peuple bien sûr, répond Publicola, mais celui-ci doit agir non selon ses passions mais selon les principes de la "constitution" non-écrite. Si la nation décidait de rompre le contrat social à son gré alors les liens historiques sociaux seraient rompus et le despotisme de la multitude en serait le résultat inévitable. Le peuple anglais doit d’abord constater "an actual deprivation of their equal rights, and see an actual impossibility for their restoration in any other manner" avant d’en appeler aux armes contre les personnes investies de la délégation de la souveraineté. Ces principes n’ont rien à voir avec des "principles of slavery" comme l’écrit Paine, ce sont en réalité les bases de la seule véritable liberté, celle qui se tient à égale distance du despotisme d’un seul et de celui de plusieurs millions d’individus.
De ce point de vue, les Anglais n’ont aucun droit à renverser leur gouvernement, même si certains aspects de celui-ci, comme la corruption parlementaire, sont éminemment critiquables. Le feraient-ils qu’ils prendraient le risque de déclencher une guerre civile, de mettre en marche des foules ignorantes et incapables de se gouverner elles-mêmes qui risqueraient d’embraser l’Angleterre comme l’avaient fait les Gordon Riots de 1780. Ouvrir les vannes de la protestation populaire, soutenir le "frantic enthousiasm and ungovernable fury" du peuple ignorant, superstitieux et crédule, encourager l’expression de ses passions déréglées et irrationnelles, ce serait ouvrir la porte à l’anarchie. L’Assemblée nationale en France a été obligée de faire appel à la foule pour détruire "the ancient fabric of monarchy" mais elle le regrette déjà. Rien ne pourrait justifier en Angleterre un tel appel au peuple.
Une révolution par "accommodation", un appel à une Convention anglaise comme le demandent Paine et ses partisans est impossible, car le Parlement anglais ne l’accepterait jamais et quand bien même celui-ci en appellerait à une Assemblée constituante, il outrepasserait ce faisant ses pouvoirs délégués comme l’on fait les députés aux Etats généraux en France. Certes, le peuple français a sanctionné par son accord cette usurpation primordiale, mais rien de cela ne serait possible en Angleterre.
Passant à l’Amérique, Publicola fait l’apologie de la constitution fédérale américaine qui lui semble rassembler les avantages des constitutions anglaise et française sans leurs défauts respectifs. Mais il en faisait une interprétation particulière : selon John Quincy Adams, en Amérique le peuple a délégué le pouvoir d’altérer la constitution à ses représentants d’états et nationaux. Certes, la constitution prévoit également de faire appel au peuple dans son "original character", c’est-à-dire en élisant des Conventions constitutionnelles, indépendantes des législatures ordinaires, en cas de nécessité (ce qui avait été le cas en 1787 lors de la ratification de la constitution fédérale) mais cette éventualité pouvait/devait être évitée dans la mesure du possible. Ainsi, selon Publicola, le pouvoir constituant — et donc la souveraineté populaire — était en Amérique en quelque sorte partagé entre le peuple et ses représentants :
"Divide your power so that every part of it may at all times be used for your advantage, but in such a manner, that your rights may never depend upon the will of any one man or body of men ; entrust even the power of altering your Constitution itself, because occasion may arise, when the use even of that power may be absolutely necessary for your own welfare ; when, at the same time, it may be impossible for you to act in your original character, with the expedition necessary for your salvation : but reserve to yourselves a concurrent power of altering the Constitution in your own persons, because by the decay to which all the works of man are liable, it is possible that your Legislature may become incompetent to make such alterations as may be necessary. But when the people are constantly represented in the Legislature, I believe they will never find it necessary to recur to their original character, in order to make any alterations, which they may deem expedient, unless they deny the power of making them to their Legislature (58)."
Les gouvernements américains sont équilibrés, ce qui n’est pas le cas de la "French democracy". Un tel régime ne peut d’ailleurs fonctionner selon Rousseau qu’avec un peuple essentiellement vertueux, ce qu’il ne peut être de manière continuelle. Comme son père John, John Quincy considère qu’une république ne peut s’appuyer sur la vertu des citoyens pour préserver la liberté. D’ailleurs, le système électoral (Publicola fait référence au marc d’argent et au scrutin indirect) français est plus caractéristique d’une aristocratie ou d’une "artificial democracy" que d’une "natural democracy", le principe représentatif est donc dévoyé en France selon Publicola . Un tel système ne peut se maintenir longtemps sans basculer dans la guerre civile.
Agricola, Brutus, Cassius et les autres
Dès le 19 mai, un article critique du General Advertiser de Bache avait répondu à celui de la Gazette de la veille qui anticipait les thèmes qui seraient développés quelques semaines plus tard par John Quincy Adams/Publicola (60), mais c’est à partir de la fin du mois de juin que le débat rebondit avec les premières réponses aux Letters de Publicola (publiées, rappelons-le entre le 8 juin et le 27 juillet).
Entre la fin du mois de juin et la fin du mois de décembre 1791, plusieurs intervenants entrent dans le débat contre Publicola et John Adams et en faveur de Paine et de Jefferson dans la presse d’opposition. Deux vagues de réponses et de critiques peuvent être distinguées : la première en juin-juillet comporte des textes signés "A Republican", "Brutus", "Cassius", "Agricola" ou de courts billets non-signés dans le Independent Chronicle de Boston, dans le General Advertiser de Bache à Philadelphie et dans le Thomas Greenleaf’s New York Journal ; la seconde d’août à décembre a pour auteurs "Virginius", "The Ploughman", "The Watchman" dans le journal de Greenleaf et dans l’Independent Chronicle, enfin "Aratus" dans la National Gazette nouvellement créée en octobre 1791.
Les textes d’Aratus ont été attribués à James Monroe. Grâce au logiciel créé et développé par Gary Berton et son équipe à Iona College, il est également possible d'attribuer les textes signés "A Republican" à James Madison et ceux de "Cassius" à Timothy Matlack un proche de Thomas Paine et un des concepteurs de la constitution démocratique de Pennsylvanie dans les années 1770. Nous ne connaissons pas l’identité des autres auteurs. Ce que l’on sait de la mouvance "républicaine-démocrate" encore en devenir en 1791 incite à penser que ce sont des "cadres" secondaires du réseau qui ont pris la plume plutôt que des personnages de premier plan. En privé, Jefferson trouvait d’ailleurs que les réponses à Publicola n’étaient pas d’une grande qualité, mais compte tenu de sa position et de ses habitudes d’évitement des polémiques publiques, il refusait d’entrer lui-même en lice contre Publicola (dont il ne savait pas jusqu’en juillet si c’était John Adams ou non). Parmi les figures de premier plan, seuls Madison et Monroe prirent la plume.
Jefferson ne cacha pas sa grande satisfaction à la publication de Rights of Man. Malgré les tentatives de Publicola de l’entraîner dans la polémique publique, il se contenta de laisser dire et de nier dans sa correspondance privée toute intervention écrite de sa part. Il écrivit d’ailleurs deux fois à Adams (le 17 juillet et le 30 août) pour tenter d’aplanir le malentendu. En revanche, à tous ses autres correspondants républicains, il affirma à plusieurs reprises que le débat entre Publicola et ses détracteurs était une bonne chose, car il prouvait que l’esprit du républicanisme était bien vivace et qu’il dominait sans contestation possible les hérésies politiques de Adam-Publicola, même si les fédéralistes de premier plan comme Hamilton et Jay n’en pensaient pas moins (61). Dans une lettre à Paine datée du 29 juillet (62), Jefferson affirmait leur identité de principes et sa grande satisfaction devant le succès phénoménal du pamphlet, malgré l’existence d’une secte monarchique, "high in names, but small in numbers". Le peuple américain a montré qu’il rejetait aussi bien Davila que Publicola et a été confirmé dans ses principes républicains.
Les textes des contradicteurs de Publicola se répètent beaucoup (comme ceux auxquels ils répondent d’ailleurs) et leur argumentation est souvent redondante, il n’est donc pas question de les analyser in extenso ou de manière chronologique. Je me contenterai de présenter ici les principaux thèmes de ces défenses de Paine et réfutation de Publicola/John Adams pour mettre en valeur les points saillants de l’argumentation républicaine-démocrate.
Les journaux d’opposition doivent d’abord se justifier de publier les "hérésies" de Publicola. Selon "Brutus", le livre sans égal de Paine n’a pas vraiment besoin de soutien contre ces arguties antirépublicaines mais comme Publicola se fait le champion de la monarchie et de l’aristocratie, il est salutaire que des plumes républicaines lui répondent pour édifier les Américains sur les dangers qui les menacent. Bref, il est utile de lire Publicola mais avec un zèle républicain jaloux et surtout avec l’idée d’épurer le gouvernement américain des restes d’aristocratisme qui le polluent : comme l’écrit "Brutus", "it is enough to be upon your guard, your own common sense will protect you. When men in office are good moral characters, we revere them ; for their great attainments, we respect them ; for their virtuous exertions, we love them ; for a denial of our rights, we cashier them" (63). Connaître ses ennemis et leur argumentation est un devoir pour tous les "ingenuous friends to mankind, those liberal revolutionists whose acts and deeds pronounce them republicans" (64). Sans le vouloir, Publicola rend donc un service au républicanisme, car il a attiré l’attention du public sur les vrais principes que défendent ses contradicteurs. En effet, remarque un article du Boston Paper repris dans l’Independent Gazeteer d’Oswald (65), depuis la création du gouvernement fédéral, l’attention des véritables républicains s’était quelque peu assoupie et la sainte surveillance des Américains envers leurs dirigeants s’était faite moins zélée, les hérésies de Publicola agissent donc comme une sorte de piqûre de rappel pour tous les amis de la liberté : "We have been in danger of loosing our veneration for the principles of republicanism, within a few years past, the compensations and salaries of our federal officers, have led us in some measure into a belief, that men in power, should be exlated to such a degree of elevation, as to soar beyond the controul of the people". La polémique Paine-Publicola vient donc à point.
L’aspect le plus présent dans les répliques à Publicola est évidemment la question de la nature de la constitution anglaise, puisque c’est ce thème qui formait l’essentiel des Letters of Publicola. Les arguments n’ont rien d’original : on se contente de reprendre les propos des radicals anglais eux-mêmes et ceux de Paine en particulier mais les commentateurs républicains y ajoutent des arguments tirés de l’expérience américaine qui contredisent les affirmations de Publicola.
Même si, selon la plupart des intervenants, le sujet n’a en soi aucun intérêt pour les Américains, il n’existe, à proprement parler, pas de "constitution" anglaise, puisqu’elle n’est écrite nulle part. Certes, les Anglais ont un gouvernement mais ils n’ont pas de constitution fondée sur des principes déclarés et sanctionnés par le peuple (66), car le gouvernement anglais est fondamentalement issu de la conquête normande qui a établi l’oppression généralisée (67) et qui n’a laissé subsister que quelques bribes des libertés anglo-saxonnes qui forment les quelques règles de la common law méritant d’être sauvées. Le peuple anglais n’a donc jamais été consulté sur un quelconque contrat social. Ainsi, selon "Brutus", les Anglais n’ont jamais approuvé formellement la monarchie héréditaire ni l’aristocratie. En tant que peuple conquis, ils restent marqués par leur "villanage" :
"The people found themselves governed as a conquered people, by the will of a foreigner, who, through policy, retained some of their ancient customs ans usages, since called, the common law ; they acquiesced, except insome instances, when they struggled and obtained grants from their masters, and in others when concurring circumstances threw the power in their hands of making conditions ; these grants and privileges, so obtained, are called the glorious constitution of Great-Britain (68)."
On reconnaît là le thème fort ancien du Norman Yoke, déjà développé dans la Révolution anglaise de 1649 (69) et abondamment repris depuis par les real whigs, les radicals et Thomas Paine. Le peuple anglais n’a jamais délégué sa souveraineté au roi et au Parlement, il peut donc l’exercer librement s’il le désire et renverser ce gouvernement oppressif.
"Cassius" remarque que la définition de ce qu’est une constitution diffère totalement chez Paine et chez Publicola (70). Si la constitution est la loi fondamentale qui détermine toutes les autres lois, si elle est un "a compact entered into by the people, unalterable, unless by themselves, and established as a law to model, controul and direct the legislative, and executive powers of the state" comme l’écrit "Agricola" (71), alors Paine a tout à fait raison d’affirmer qu’il n’en existe pas en Angleterre où le roi et le Parlement peuvent modifier tout ou partie du système de gouvernement (on fait référence par exemple au Septennial Act de 1715-1716 qui avait totalement modifié le système électoral). Pour "Brutus", l’idée que la Constitution anglaise serait fondée sur des lois fondamentales pourrait être judicieuse si l’on pouvait produire des preuves qu’elles existent. Mais le fait que la législature ordinaire comme le Parlement puisse modifier la "constitution" prouve qu’il n’y en a pas. S’il existait des lois fondamentales que les législatures pouvaient altérer, elles ne seraient pas fondamentales. Sur quel principe peut-on baser l’idée que les dirigeants peuvent changer la constitution et pas les peuples, se demande "Brutus" (72) ?
Loin d’être un "scientific government" comme l’écrit John Adams, celui de l’Angleterre est absurde et entièrement conçu pour duper un peuple qui se veut libre. La renommée "liberté anglaise" n’est qu’une baudruche vide. Les trois branches du gouvernement anglais censées assurer l’équilibre des pouvoirs sont toutes marquées par l’oppression, l’arbitraire et la corruption (73). La monarchie héréditaire est contraire aux droits des hommes, elle permet à la nation d’être gouvernée par un "Rogue or a fool without remedy" (74). La noblesse héréditaire est inutile, parasitaire (un article de "Brutus" les compare à des chenilles (75) ) et méprisante. On apprend, dès le berceau, à ces soi-disant "noble-men" à considérer "the PEOPLE as a race of ignoble wretches, born to satisfy their ambition and submit to their violence". Quant à la Chambre des Communes, supposément élément démocratique de la prétendue "constitution", elle est formée par une parodie de représentation corrompue jusqu’à la moelle et soumise au bon vouloir du roi qui y nomme presque qui il veut. Ses membres sont presque tous des courtisans, des sycophantes qui ne sont mus que par leur maître le monarque. Il est pitoyable et risible de voir que des hommes qui prétendent avoir un regard sincère pour les droits du peuple défendent un système conçu pour les tromper. Même Publicola est obligé de reconnaître (dans sa lettre VIII) que le système de représentation parlementaire est la partie la plus défectueuse du gouvernement anglais mais il tempère ce constat en écrivant que défaut relève du "natural order of things, which a revolution in gouvernement could not effect" (76). "A Republican" ironise : si la représentation est défectueuse, en quoi peut bien consister l’excellence de la "constitution anglaise" ou du gouvernement, car c’est bien la représentation qui est essentielle dans un gouvernement libre. D’ailleurs, l’expression de Publicola n’a aucun sens, car il n’y a rien dans la nature qui prive un peuple de ses droits, ce défaut n’en découle donc pas mais bien du caractère défectueux du gouvernement dans son ensemble qui doit donc être changé. Est-ce la nature des choses qui permet au bourg pourri d’Old Sarum avec ses trois maisons d’envoyer plusieurs députés à la Chambre des Communes alors que les 60 000 habitants de Manchester ne sont pas représentés ? Si la représentation est dévoyée, n’est-ce pas de la faute des branches monarchiques et aristocratiques qui contrôlent de fait les élections ?
Le gouvernement anglais se distingue par bien d’autres horreurs : les lois fiscales spoliatrices, les règlements cruels sur le braconnage, l’étendue des dépenses royales, la corruption de la cour, la religion prostituée par le lien de l’Église établie avec le roi, les persécutions contre les Dissenters (77). "Virginius" ajoute une politique contraire au droit des gens en Inde (où la politique de pillage de Lord Hastings a été prouvée par Burke lui-même) et lors de la guerre d’Indépendance américaine pendant laquelle les assassins qui siègent encore à la Chambre des Lords ont paradé et pillé les colonies (78). Le gouvernement anglais est donc en résumé l’ennemi juré des droits de l’homme et du droit des gens.
De l’inexistence d’une réelle constitution et de l’état d’oppression auquel les Anglais sont soumis découle évidemment la légitimité du renversement du gouvernement anglais appelé de ses vœux par Paine et redouté par Publicola. Bien entendu, le droit de changer de gouvernement, d’annuler ou de modifier sa constitution est un droit naturel de tous les hommes et de toutes les nations, indépendamment de l’état d’oppression sous lequel les Anglais gémissent mais cet état rend ce droit encore plus légitime, et si les Anglais voulaient, comme les Français, renverser leur gouvernement, personne ne devrait y trouver rien à redire, surtout pas en Amérique. Selon "Agricola", Publicola donne d’ailleurs des armes pour se faire battre en affirmant que seule une "actual deprivation of rights" pourrait justifier une révolution anglaise, car qui peut douter que les Anglais ne jouissent pas de droits égaux ? Agricola donne plusieurs exemples de ces discriminations : dans le domaine civil, le droit d’aînesse exclut la plupart des héritiers, dans le domaine religieux, la législation qui exclut les catholiques et les Dissenters de toute fonction publique est incontestablement une oppression de tous les non-conformistes. Que peuvent faire les victimes de ces discriminations ? Protester ? Pétitionner ? Ils le font depuis des décennies sans résultat. Il est donc incontestable qu’au moins une partie des Anglais subit "an actual deprivation of rights" justifiant une révolution. Il est absurde, selon un article du New York Daily Advertiser repris par le General Advertiser de Bache, de penser qu’il faille pour le peuple attendre que le gouvernement soit devenu absolument inadéquat à ses buts pour le changer comme le pense Publicola. Le peuple ne peut attendre patiemment que ses chaînes s’alourdissent sans cesse sans réagir (79).
Mais faut-il avoir peur de la guerre civile, des foules et du renversement de la société comme le pense Publicola ? Pour les défenseurs de Paine, ce sont là des arguments destinés à appuyer la doctrine despotique de l’obéissance passive à l’égard du roi et des "well-born" (80). Selon "Brutus", ce n’est pas parce qu’il y a du danger à changer les choses qu’il faut s’en dispenser, car le but des hommes libres n’est pas d’avoir un gouvernement mauvais et tolérable mais d’avoir un gouvernement libre et conforme aux droit naturels des hommes. En réalité, Publicola exagère le danger, car les Anglais ont peu à perdre et beaucoup à gagner. Si la nation anglaise se mettait en mouvement, les "mobs" ne seraient guère à craindre, et quand bien même on pourrait redouter quelques méfaits temporaires, ce ne serait que peu cher payé pour le prix d’un nouveau gouvernement qui permettrait d’en finir avec l’aristocratie et qui rendrait leur dignité aux milieux populaires. Le comportement de la populace anglaise est le fruit de la tyrannie du gouvernement, de l’esprit d’aristocratie et de l’ignorance dans laquelle on maintient le peuple (81). L’Église établie encourage la bigoterie et les comportements violents ("Agricola" fait ici référence aux Gordon Riots). Mettre en accusation les violences qui accompagnent toujours les grandes révolutions comme veut le faire Publicola, c’est d’abord chercher à rendre la Révolution française impopulaire et méprisable aux yeux du monde. La Révolution américaine elle-même a-t-elle été une partie de plaisir, demande "Agricola" ? Elle s’est aussi accompagnée de violences et de débordements populaires et n’en était pas moins nécessaire, sacrée et légitime. L’argumentaire de Publicola revient finalement à dire que quand un peuple gémit sous la tyrannie, il est immoral et imprudent de tenter de la renverser. Or les Anglais ne peuvent pas compter sur le Parlement pour opérer cette révolution nécessaire. Il faut donc que le peuple anglais en appelle à une Convention comme l’ont fait les Américains en leur temps et les Français récemment (82) Les diatribes de Publicola contre les foules ne sont que de piètres arguments. S’il n’y a pas de constitution en Angleterre et si le gouvernement y est fondamentalement vicieux, si les droits des Anglais ne sont pas garantis, alors il n’existe aucun moyen légal existant pour redresser cet état d’oppression. Si comme l’écrit Publicola, le Parlement ne peut pas appeler à une Convention, il ne reste plus que l’insurrection au peuple anglais. Certes, un tel soulèvement pourrait coûter beaucoup de sang tant les abus aristocratiques et monarchistes sont profondément enracinés mais tant que le pouvoir et les dignités seront héréditaires, il n’y aura ni égalité des droits, ni gouvernement libre. Si les écrits de Paine effraient tant les aristocrates anglais et leurs quelques partisans en Amérique, c’est parce qu’ils peuvent aider le peuple à s’emparer de ses droits. Paine a en effet, "with a masterly pen thrown into public view, those principle of the natural rights of man, which have been long concealed beneath the foundations of governments raised on the disgraceful principles of the feudal system, and supported by arms (83)."
De cette description de la prétendue "constitution anglaise" s’ensuit pour tous les commentateurs que la constitution établie par la Révolution française (les textes entendent par là la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la constitution elle-même encore en cours d’élaboration) lui est infiniment supérieure, contrairement aux affirmations de Burke, de John Adams et de Publicola. En effet, l’Assemblée constituante est une "Convention", elle représente donc le pouvoir suprême, à savoir le pouvoir constituant. "Brutus" fait remarquer en juillet que les Français ont déjà non seulement consenti à leur constitution mais qu’ils ont de plus élu des délégués auxquels ils ont transmis l’exercice de leur souveraineté. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a établi les principes fondamentaux selon lesquels les Français souhaitent être gouvernés. Certes, la constitution n’est pas encore formellement terminée mais les principes qui la fondent sont établis (84). La fuite du roi arrêtée à Varennes apprise en août inquiète les commentateurs américains qui ne sont pas dupes de la fable de "l’enlèvement" du monarque. On publie d’ailleurs le célèbre article de Paine dans Le Républicain proposant une république pour la France, ainsi que la réponse de Siéyès dans ce débat (85). Mais une fois connue au mois de novembre l’acceptation de la constitution par Louis XVI et la séparation de l’Assemblée constituante, les commentateurs américains se satisfont de l’évolution de la situation. La constitution française n’est pas parfaite selon "Aratus" mais elle est la meilleure possible selon les circonstances et rien n’empêchera de l’améliorer par la suite, car elle contient la sauvegarde des droits du peuple, la représentation de la démocratie, l’abrogation de l’aristocratie, la réforme du clergé, etc. (86) Un gouvernement libre a été établi et les Burke et les Publicola doivent enrager. Certes, le vieux préjugé de la succession héréditaire est en partie maintenu mais il est tempéré par le fait que le roi doit sa couronne à l’Assemblée. L’expérience française est une excellente nouvelle pour l’Amérique, car elle empêchera tout retour en arrière monarchico-aristocratique dans le Nouveau Monde.
Un autre des thèmes principaux abordés par les contradicteurs de Publicola est donc celui de la souveraineté. La souveraineté du peuple est-elle indivisible ou bien peut-elle être déléguée perpétuellement, comme dans le cas anglais, et en partie dans le cas américain, selon Publicola ? Une législature "ordinaire" a-t-elle le pouvoir de modifier la constitution ou bien faut-il toujours recourir à la souveraineté pleine et entière du peuple dans son "original character", c’est-à-dire par le biais d’un pouvoir constituant spécifique élu ? Les commentateurs américains rejettent simplement comme absurde l’idée d’une délégation perpétuelle du pouvoir constituant. Ce qu’une génération a accepté, une autre génération peut le défaire à sa guise. Le peuple anglais n’a donc pas pu aliéner sa souveraineté au roi et au Parlement (87). Une telle doctrine, écrit un rédacteur du General Advertiser le 5 août, ne peut être que celle d’un Néron ou d’un Caligula, car une fois adopté le principe que les peuples n’ont ni le droit ni la sagesse de changer leurs propres gouvernements, le mot même de liberté disparaît de la surface du globe (88). D’ailleurs, toute l’expérience américaine est contraire à l’idée de délégation totale de la souveraineté. L’article 5 de la constitution fédérale qui décrit la manière d’ajouter des amendements est clair : tout amendement doit être ratifié par le peuple dans des conventions ad hoc et pas par les législatures ordinaires d’état (89).
Le principe héréditaire monarchique et aristocratique est donc en lui-même contraire au droit des hommes selon "Brutus" ou "Virginius" (90). Le droit de changer son gouvernement est un droit naturel et inaliénable du peuple comme l’a bien rappelé Thomas Paine (91) et non un droit délégué à un gouvernement ordinaire. C’est pourquoi l’idée assénée par Publicola que le Roi et le Parlement anglais possèdent le droit délégué de modifier le gouvernement n’est pas sérieux (92). Ce prétendu droit n’est qu’une usurpation de la souveraineté du peuple qui prouve justement qu’il n’existe pas de "constitution anglaise" ni de loi fondamentale en Angleterre (93). L’argument de la commodité avancé par Publicola n’est pas plus fondé (94). Si la totalité de la puissance souveraine de la nation avait été déléguée au roi et au Parlement, ces derniers pourraient alors imposer une forme de tyrannie modifiant les pouvoirs exécutif, législatif et même judiciaire, ils pourraient pourquoi pas faire des mandats législatifs des mandats à vie et supprimer les élections par exemple.
Contre Publicola qui estimait très difficile voire impossible d’en appeler au peuple dans sa "forme originelle", c’est-à-dire constituante, pour modifier le gouvernement, "Cassius" montre que l’expérience américaine a prouvé le contraire en convoquant des conventions quand il s’est agi de modifier les constitutions d’états ou de créer la constitution fédérale. Il ajoute que contrairement à ce qu’affirme Publicola, aucune législature d’état n’a jamais modifié des provisions constitutionnelles dans les états américains sans en passer par l’expression de la souveraineté populaire dans des assemblées ad hoc (95). Les amendements à la constitution fédérale ont été également soumis à des consultations populaires et non imposées par le pouvoir fédéral.
Tous les défenseurs de Paine et contradicteurs de Publicola insistent sur le fait que les textes en apparence érudits sur la constitution anglaise de ce dernier n’ont pas simplement pour but de vanter en général l’excellence du gouvernement anglais mais surtout de donner ce gouvernement en modèle aux Américains et donc de favoriser un glissement aristocratique et monarchique des institutions comme celui évoqué par John Adams dans ses Defences et dans les Discourses on Davila. De ce point de vue, Publicola n’est que le porte-parole des "would-be noblemen" des prétendus "well-born" américains qui cherchent à dévoyer le gouvernement fédéral pour construire une république monarchique et aristocratique. Un véritable parti monarchique, très limité en nombre mais influent, cherche donc à faire rétrograder la Révolution américaine et ses principes républicains et démocratiques.
Dès le 30 juin, "A Republican" entend dévoiler le projet réel de Publicola (96) : en faisant l’apologie de l’Angleterre, il s’agit avant tout d’empiéter sur les droits des Américains pour assurer l’élévation d’une "aristocratie naturelle" et préparer l’opinion afin de faciliter l’introduction d’un "system of government parrallel to the British". Les partisans de Publicola veulent familiariser le peuple à l’idée de l’excellence du gouvernement anglais "and their publications are intended to pave the way to bring about, at a proper season, their favourite plans". Mais, selon cet auteur, un tel projet est absurde, car le caractère égalitaire de la société américaine et l’enracinement des principes républicains depuis la Révolution rendent impossible une telle évolution. Les Américains qui sont des fermiers, des marchands et des artisans ne peuvent être éblouis par "the expense and parade of Royalty and the pageantry and arrogance of a nobility". Le même auteur revient sur la question le 14 juillet (97). Publicola cherche à convaincre les Américains que la constitution fédérale serait de même nature que la constitution anglaise, un système "calculated to maintain that distinction necessary in all governments". Publicola ne peut pas se réclamer à la fois de la constitution anglaise et de la constitution américaine qui est fondée sur des principes opposés. Publicola n’est donc pas l’ami de la constitution dans sa forme actuelle mais pose des jalons pour la subvertir dans l’avenir et sur ses ruines, édifier un gouvernement à l’anglaise : « If Publicola does not mean that his arguments should apply to an alteration of our federal governments, to what purpose are his remarks made ? They must be either meant to make people dissatisfied with their own government or to throw an odium on the French Revolution » Dans les deux cas, il n’est pas un ami sincère de son pays.
"Agricola" tient à peu près le même langage (98) : comment comprendre qu’un Américain perde son temps à vanter les "beautés" de la prétendue constitution anglaise contre Paine alors que le gouvernement anglais traite avec mépris la jeune République américaine et sa sœur française ? Son but réel est de donner au peuple "a taste for a british form of government", de faire briller le diadème, la majesté de la couronne et l’élévation du trône. Mais les Américains n’y verront là que colifichets et des insignes de la domination. Ils savent bien que si un ou plusieurs hommes détenaient un droit héréditaire de gouverner les autres, alors les autres ne seraient que des esclaves nés. Faisant le lien avec la "querelle des titres" de l’année précédente, "Agricola" rappelle que les rubans, les insignes de la royauté ne sont inoffensifs qu’en apparence, car ces insignes soutiennent l’idée antirépublicaine de l’inégalité des droits. Un article publié dans le Independent Gazetteer (99) de John Oswald fait le même lien. Les tentatives d’introduction de titres dans la république sont des pierres d’attente du parti monarchiste. N’ayant pas réussi, ce parti a laissé provisoirement la question de côté. Les écrits de Publicola proviennent de la même source, ils sont mis en avant "to persuade the people, that an hereditary Nobility, and of consequence, high salaries, pomp and parade, are essential to the prosperity of a country. These writings therefore, ought to be considered by the citizens of these states, not simply as they relate to the British government, but as intended in an artful manner to sap the foundation of our present republican government".
Il existe donc un parti monarchiste, mais les détracteurs de Publicola semblent penser que celui-ci se réduit à John Adams, car, à quelques exceptions près, ils ne citent personne d’autre parmi les inspirateurs de ce courant. On fait parfois référence à un petit groupe ou à quelques officiers du gouvernement, à John Fenno ou à Benjamin Russel (le rédacteur du Columbia Centinel) mais sans plus de précision. Dès le début de la publication des Letters de Publicola, tous les commentateurs y voient la plume du vice-président et les rapprochent de la Defence et des Discourses. Même après que Russell ait affirmé publiquement début août que l’auteur n’était pas le vice-président, personne ne semble le croire ou du moins tout le monde pense que celui-ci en est l’inspirateur direct (ce qu’il était effectivement). Les attaques se concentrent donc sur John Adams, assimilé à un disciple de Burke. "Agricola" (100) se moque des gesticulations de Publicola : Burke est le violoneux, John Adams a composé la musique et Publicola tente de danser sur ces airs aristocratiques. Cette cacophonie monarchiste n’empêche pas le doux et simple luth de Thomas Paine de charmer les oreilles républicaines par des airs tirés de la simple nature et arrangés de main de maître. Un autre article affirme ironiquement que Burke a écrit à Adams pour lui demander d’utiliser ses dons pour dégoûter les Américains de la prose sans égale de Paine mais il réédite la lourdeur de ses Discourses fastidieux et personne n’est dupe, car les vrais principes de la liberté et des droits de l’homme sont chez Paine et non chez Adams (101) .
Quelques commentateurs veulent bien rendre hommage aux mérites passés de John Adams mais c’est pour mieux se plaindre de l’évolution de sa pensée et de son apostasie envers les vrais principes. Comment le rédacteur de la constitution du Massachussetts a-t-il pu tomber si bas, s’interrogent les critiques ? Surtout, sa position de vice-président et donc de Président du Sénat, inquiète. Si un des premiers personnages de l’État est gangrené d’aristocratie, ne faut-il pas redouter ce qui vient de ce gouvernement ? Affirmer qu’une délégation de la souveraineté à une législature ordinaire est possible, c’est admettre l’idée que le Parlement de Londres représentait bien les Américains lors de la crise coloniale, or c’est précisément ce contre quoi ils se sont battus (102). Ils se sont justement séparés de l’Angleterre qui les opprimait et ont repris leur "original character" avant de créer leurs constitutions d’état. Si la doctrine de l’obéissance passive de Publicola avait été répandue alors en Amérique, George III serait encore roi des colonies. "Agricola" ironise : les Paine, Franklin, Washington, Jefferson, Hancock "and more than one Adams" (référence à Samuel et à John Adams) n’ont pas hésité à remettre en cause l’idée de monarchie et tout ce qui s’y attache. Ce sont les Loyalistes qui ont défendu la doctrine de l’obéissance passive et non les républicains. On ne peut nier que les peuples asservis aient le droit de renverser l’oppression. Les Africains en esclavage n’ont-ils pas d’ailleurs ce droit de briser leurs chaînes par la force, ajoute "Agricola" (103) ? Si les Américains avaient suivi Publicola, ils auraient dû ronger leur frein en pensant que le gouvernement anglais était "dans l’ordre naturel des choses" et qu’il était un mal auquel "une révolution n’aurait pas remédié" comme le conseille Publicola aux Anglais (104).
Les défenseurs de Paine sont aussi ceux du peuple et même du petit peuple. Les Américains ont prouvé à plusieurs reprises qu’ils étaient capables de réfléchir et de décider de matières constitutionnelles complexes. Ce ne sont pas à quelques hommes de haute naissance auxquels on a confié la ratification des constitutions d’état et de la constitution fédérale mais à la "base-born, giddy multitude" (105). Pourtant, Publicola et ses pareils ne cessent de déprécier le peuple en affirmant qu’il est ignorant, immoral, qu’il n’est pas apte à choisir ses représentants (106) et qu’on ne peut avoir confiance en ses capacités politiques (107). De tels reproches sont la langue de tous les ennemis des "rights of man" et il est horrible qu’un Américain — et encore plus un "Ruler of America" — puisse avoir perdu tout sentiment de décence en les publiant.
Raison de plus de se méfier de ses représentants et d’exercer une surveillance sans relâche contre tous les ennemis du républicanisme "especially since the Americans have in their wisdom established this fundemental axiom, and sealed with their blood that a democratical government is the best political system" (108). "The Ploughman" et "Virginius" insistent sur la nécessité de la surveillance populaire de tous les actes des représentants qu’ils aient une bonne réputation fondée sur leurs mérites anciens ou non. Le temps de la déférence à l’égard des "well-born" est passé et leurs idées doivent être soumises à la raison et à la censure de l’opinion . "Virginius" encourage même Adams de se retirer de la vie politique, car ses principes sont devenus incompatibles avec l’exercice d’une charge républicaine, il serait tout de même étonnant qu’un antirépublicain puisse faire avancer ses idées monarchistes et favoriser ses amis tout en étant salarié par un gouvernement entièrement opposé à ses principes :
"When the reputation which you have derived, by public employment, and the knowledge which you have acquired consequent on the discharge of public offices and trusts is devoted to dangerous purposes, your heresy becomes a volontary apostacy, and a dangerous conspiration against the rights of men. Those republican sentiments which first gave you reputation, under the opinion that all manking were of one great family, were by nature equal ; and that no man had a right, either by assumption or prescription, to rule over his fellows being changed or lost, common principles of honesty should have taught you, when that change was effected, to have renounced all idea of governmental power (110). "
Les Américains ont fait la preuve qu’ils pouvaient parfaitement choisir leurs représentants dans des élections bisannuelles sans violences et sans débordements populaires. L’expérience américaine est inédite et aucun des précédents politiques des Anciens ou des Modernes ne peut s’appliquer aux États-Unis. La méthode de Adams qui consiste à accumuler les références historiques pédantes pour prouver l’impossibilité de la démocratie et l’excellent de l’aristocratie montre simplement que celui-ci n’a rien compris à l’esprit républicain de ses concitoyens (111) . Depuis la Révolution, l’idée de l’égalité des droits et celle des conditions sociales devant la loi se sont imposées dans tout le peuple. On ne peut plus diviser les Américains entre "well-born" et la "rabble". La démocratie a toujours été calomniée par les partisans de l’aristocratie naturelle (112) , écrit "The Ploughman", tous ceux qui refusent l’aristocratie ont été désignés comme des "levellers" ou des "democrats" comme s’il s’agissait là d’une insulte. Mais Publicola semble avoir oublié que les véritables principes républicains sont fondés sur l’idée simple de la sagesse essentielle du peuple et de la majorité (113).
Pour "The Ploughman" (114), la Révolution française en cours prouve qu’une lutte mondiale se déploie entre les partisans des droits naturels des peuples et ceux du droit héréditaire à gouverner. Publicola et John Adams ont choisi leur camp en défendant l’idée qu’il existerait non une seule humanité mais "two distinct orders of men". Les Américains du petit peuple ne peuvent peut-être pas pour la plupart théoriser sur les différents régimes politiques comme le fait Publicola mais ils ont un sens et une compréhension très développés de leurs droits en tant qu’hommes et cela seul les qualifie amplement pour prendre des décisions rationnelles quant au système politique qu’ils souhaitent. La "canaille" qui effraye Publicola n’existe pas en Amérique et contrairement aux frayeurs imaginaires de John Adams, la propriété n’y est pas en danger, car celle-ci est garantie par les lois, acceptées par tous. Tous les Américains ont la possibilité d’acquérir une propriété et ceux qui ne l’ont pas encore fait espèrent que leurs enfants le pourront, il est donc ridicule de penser que le "many" pourrait être dépouillé par le "few". Personne ne demande un partage des biens et tout le monde cherche à s’élever par son travail, son industrie, son éducation.
Le débat autour de Paine et de Publicola tourne donc à une discussion sur la nature de l’expérience révolutionnaire et de la République américaines. A-t-elle été une révolution "déférente" à l’égard des "well-born" ou une révolution démocratique et populaire ? Là est le véritable enjeu selon les détracteurs de Publicola qui refusent l’idée de la proximité de principes entre les constitutions américaines et la prétendue "constitution anglaise" alors qu’une même conception des "rights of man" unit les Américains et les Français (115).
C’est l’idée que défend "Aratus" : le débat Burke-Paine sur la Révolution française qui a traversé l’Atlantique s’est diffusé du nord au sud des États-Unis. Une panique s’est emparée des partisans de l’Angleterre en Amérique. Mais la Révolution française est un événement heureux, non seulement pour le peuple de France mais aussi pour l’humanité en général et pour les Américains en particulier, car ses principes sont ceux pour lesquels ils se sont battus. Tous les Américains doivent donc chérir ces principes et ceux qui refusent de voir cette identité sont aveuglés par leurs préjugés (116) ou favorables aux rois et aux princes de l’Europe qui en sont les ennemis.
Pour "The Watchman", le gouvernement américain recèle "a considerable portion of democracy" (117). Cette portion doit être conservée et même développée. C’est la masse du peuple qui est en Amérique la source du pouvoir et de toute autorité, tout ce qui tend à diminuer l’influence du peuple sur son gouvernement et qui cherche à la placer dans les mains "of the few, the rich and the well-born" est donc contraire à l’esprit du gouvernement et de l’Amérique. De même tout ce qui tend à produire une concentration de richesse de manière à en rendre la distribution "vastly and extravagantly unequal" est antirépublicain et de nature à réduire l’influence du peuple. Enfin, si la puissance du gouvernement accapare celle du peuple sans aucun esprit de surveillance, celui-ci risque de s'habituer à laisser ses représentants décider pour lui sans chercher à réfléchir par lui-même. Ainsi, une brèche s’ouvrirait qui permettrait à une administration malintentionnée de renforcer le pouvoir du gouvernement sur le peuple et de remettre en cause ses droits. Il est donc impératif de maintenir l’esprit de surveillance, en particulier à l’égard du pouvoir exécutif qui a multiplié le nombre des officiers et a favorisé l’enrichissement de la prétendue "aristocratie naturelle" par le biais des réformes financières et par la spéculation sur la dette. La publication de Rights of Man a effrayé les "warm, zealous, … hot advocates for the government", ils craignent que la lecture de Paine — comme autrefois celle de Common Sense — encourage les citoyens à examiner leurs principes et leur conduite. L’un des buts de Publicola est de détourner l’attention des Américains des opérations de leur propre gouvernement pour les occuper de celui de l’Angleterre au lieu de s’occuper des "political heresies" en Amérique.
L’apologie de la constitution anglaise par Publicola a pour but d’empêcher les Américains de se rallier "under the standard of Common Sense" et de les familiariser avec l’idée de déléguer la totalité de leur souveraineté à la même autorité qui est chargée des « common purposes of legislation ». En réalité, affirme "The Watchman" (118), Publicola et certains fédéralistes veulent que le gouvernement fédéral s’empare des pouvoirs qui ne lui sont pas expressément délégués. En effet, le débat était vif depuis 1789 sur la question de la "consolidation" du gouvernement fédéral. Les fédéralistes souhaitaient renforcer les pouvoirs du gouvernement fédéral par rapport aux états, tandis que leurs opposants — anciens anti-fédéralistes ou anciens fédéralistes inquiets comme Madison — souhaitaient que le gouvernement fédéral soit maintenu dans les limites strictes des pouvoirs définis par la constitution. Pour Jefferson et Madison ainsi que pour les opposants républicains, l’enjeu était fondamental : la construction d’un gouvernement consolidé était pensée comme une première étape vers la disparition de la souveraineté retenue des états et vers la mise en place d’un pouvoir fédéral potentiellement despotique et monarchique (119).
Conclusion
Dès sa parution en Amérique, la première partie de Rights of Man fut comprise à la fois comme un texte théorique exposant la doctrine des droits naturels de l’homme mais aussi et surtout, comme une arme de combat contre les "hérésies politiques" des partisans d’une transformation de la République américaine en un régime à l’anglaise. Derrière la polémique en apparence "anglaise" sur la constitution qui oppose Publicola et les défenseurs de Paine, se cachent des enjeux politiques universels.
C’est d’abord la question de ce qu’est une constitution et donc celle de la souveraineté populaire qui est centrale dans ces débats. Contre une conception ancienne des "libertés anglaises" et de la souveraineté partagée entre les trois branches — monarchique, aristocratique et démocratique — du gouvernement idéal défendue par Burke, John et John Quincy Adams, Jefferson, Paine et ses défenseurs revendiquent une conception jusnaturaliste et universelle de la liberté et l’inaliénabilité de la souveraineté populaire une et indivisible. Contre les apologies de l’aristocratie — "naturelle" ou non — et de la monarchie que l’on retrouve chez les Adams, leurs détracteurs font celle du peuple et de la démocratie. Pour ces derniers, les républiques monarchiques et aristocratiques de l’époque moderne sont renvoyées à un passé révolu. Le lien entre république et démocratie est pensé par les Painites américains comme indissoluble. Pour Publicola et les fédéralistes, les appels de Paine au renversement de la constitution par le peuple anglais à l’image de ce qu’ont fait les Français sont des chimères dangereuses qui risquent de pousser les Anglais dans la voie de l’anarchie. Plus important encore pour John Quincy Adams, il s’agit de défendre contre Paine les principes anglais qui ont été selon lui intégrés dans les constitutions américaines (120). Or pour Publicola, la stabilité des gouvernements d’état et du gouvernement fédéral en Amérique tient pour beaucoup au maintien de ces principes anglais que Paine et ses thuriféraires américains veulent au contraire extirper pour établir des démocraties turbulentes. L’enjeu est donc de taille. Il ne s’agit pas de commenter de manière érudite l’idée de constitution anglaise mais de préserver le caractère "anglais" du gouvernement mixte dans les constitutions américaines afin d’empêcher la construction d’une démocratie américaine. À l’inverse, pour les Painites des États-Unis, il s’agit d’approfondir la Révolution et de réaliser effectivement ses potentialités démocratiques par la critique résolue de ce qui reste d’aristocratisme dans la société et de monarchique dans les institutions politiques. Le débat autour de Rights of Man a ainsi grandement contribué à la coagulation des principes du futur parti Républicain-démocrate qui commence à se constituer autour de Madison et Jefferson à partir de l'été 1791.
Pour les Painites, Rights of Man permettait enfin d’affirmer l’identité de principes entre la Révolution française et la Révolution américaine, confirmant ainsi rétrospectivement sa radicalité démocratique, remise en cause par ceux qui défendaient au contraire l’idée que l’enjeu fondamental de la Révolution américaine avait été la défense des "libertés anglaises" contre l’Angleterre elle-même. De ce point de vue, le débat américain autour de la première partie de Rights of Man était donc avant tout une polémique sur l’avenir de la Révolution inachevée, aussi bien en Amérique qu’en France.
Notes
(48) Gazette of the United States, n° du 18 mai 1791, p. 3.
(49) John Quincy Adams, Letters of Publicola dans Writings, ed. by Worthington Chauncey Ford, New York, MacMillan, 1913, vol. 1, p. 65-109.
(50) Idem, p. 68.
(51) Sur John Quincy Adams, voir Gary V. Wood, Heir to the Fathers. John Quincy Adams and the Spirit of Constitutional Government, Lanham Md., Lexington Books, 2004. Paul Nagel, John Quincy Adams. A public Life, a Private Life, Cambridge Mass. Harvard University Press, 1997.
(52) John Quincy Adams, Letters of Publicola, p. 70-71.
(53) Idem, p. 73.
(54) Idem, p. 75.
(55) Idem, p. 74.
(56) François Charbonneau, op. cit.
(57) John Quincy Adams, Letters of Publicola, op. cit., p. 76.
(58) Idem, p. 93.
(59) Idem, p. 95.
(60) The General Advertiser, n° du 19 mai 1791, p. 3. To the Editor by a "A citizen of the United States".
(61) Lettre de Jefferson à Monroe du 10 juillet 1791 dans The Works of Thomas Jefferson, op. cit, tome 6, p. 280-282. Lettre de Madison à Jefferson du 13 juillet 1791 dans The Writings of James Madison, op. cit., vol. 6., p. 56.
(62) Lettre de Jefferson à Thomas Paine du 29 juillet 1791 dans The Works of Thomas Jefferson, op. cit., tome 6, p. 297-298.
(63) The General Advertiser, n° du 1er juilllet , p. 4, "Article from the New York Daily Advertiser".
(64) Greenleaf’s New York Journal, n° du 6 juillet 1791, p. 2.
(65) The Independent Gazeteer and Agricultural Repository, n° du 16 juillet 1791, p. 2, "From a Boston Paper".
(66) Greenleaf’s New York Journal, n° du 6 juillet 1791, p. 2.
(67) Idem, n° du 3 septembre 1791, p. 2, "Virginius IV to Publicola".
(68) The General Advertiser, n° du 7 juilllet , p. 2. "Brutus III".
(69) Christopher Hill, "The Norman Yoke" dans Puritanism and Revolution, London, Penguin Books, 1958, p. 58-125.
(70) The General Advertiser, n° du 6 juilllet , p. 2, "Cassius".
(71) Greenleaf’s New York Journal, n° du 9 juillet 1791, p. 2, "Agricola II".
(72) The General Advertiser, n° du 7 juilllet , p. 2, "Brutus III".
(73) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston), n° du 20 octobre 1791, p. 2, "The Ploughman".
(74) Idem, n° du 30 juin 1791, p. 2, "A Republican".
(75) The General Advertiser, n° du 14 juilllet , p. 2, "Brutus V".
(76) Idem, "A Republican".
(77) Greenleaf’s New York Journal, n° du 10 août 1791, p. 2, "Demise of Publicola" texte daté du 2 août de Boston.
(78) Idem, n° du 24 septembre 1791, p. 2, "Virginius VI".
(79) The General Advertiser, n° du 1er juilllet , p. 4, "Article from the New York Daily Advertiser".
(80) Idem, n° du 14 juilllet , p. 2, "Brutus V".
(81) Greenleaf’s New York Journal, n° du 16 juillet 1791, p. 2, "Agricola III".
(82) Idem et The General Advertiser, n° du 14 juilllet , p. 2, "Brutus V".
(83) Greenleaf’s New York Journal, n° du 16 juillet 1791, p. 2, "Agricola III".
(84) The General Advertiser, n° du 21 juilllet , p. 2, "Brutus VI".
(85) Greenleaf’s New York Journal, n° du 12 octobre. The General Advertiser, n°s des 10, 25, 26, 27 octobre et 6 décembre.
(86) The National Gazette, n° du 12 décembre 1791, p. 1, "Aratus III".
(87) The General Advertiser, n° du 8 août , p. 3.
(88) Idem.
(89) Idem, n° du 21 juilllet , p. 2. "A Republican".
(90) Idem, n° du 2 juilllet , p. 3, "Brutus II", Greenleaf’s New York Journal, n° du 13 août 1791, p. 2, "Virginius II" et n° du 24 août 1791, p. 2, "Virginius III".
(91) The General Advertiser, n° du 7 juilllet , p. 2, "Brutus III".
(92) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston), n° du 23 juillet 1791, p. 2, "A Republican".
(93) Greenleaf’s New York Journal, n° du 9 juillet 1791, p. 2, "Agricola II", et The General Advertiser, n° du 21 juillet 1791, p. 2, "Brutus VI".
(94) Idem, n° du 14 juilllet , p. 2, "Brutus V".
(95) Idem, n° 6 juilllet , p. 2, "Cassius".
(96) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston), n° du 30 juin 1791, p. 2, "A Republican".
(97) Idem, n° du 14 juillet 1791, p. 2, "A Republican".
(98) Greenleaf’s New York Journal, n° du du 6 juillet 1791, p. 2, "Agricola I".
(99) The Independent Gazeteer and Agricultural Repository, n° du du 16 juillet 1791, p. 2, "From a Boston Paper".
(100) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston), n° du 23 juillet 1791, p. 2.
(101) Idem, n° du 30 juin 1791, p. 3, "From the Philadelphia Federal Gazette".
(102) The General Advertiser, n° du 8 juilllet , p. 2, "Brutus IV".
(103) Greenleaf’s New York Journal, n° du 9 juillet 1791, p. 2, "Agricola II".
(104) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston), n° du 14 juillet 1791, p. 2, "A Republican".
(105) Greenleaf’s New York Journal, n° du 9 juillet 1791, p. 2, "Agricola II".
(106) The General Advertiser, n° du 25 juilllet , p. 3, "From the Norwich Packet".
(107) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston), n° du 21 juillet 1791, p. 2, "A Republican".
(108) Greenleaf’s New York Journal, n° du 23 juillet 1791, p. 2, "From the Norwich Packet".
(109) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston), n° du 25 août 1791, p. 2.
(110) Greenleaf’s New York Journal, n° du 3 septembre 1791, p. 2, "Virginius IV".
(111) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston), n° du 15 septembre 1791, p. 2, "The Ploughman II".
(112) Idem, n° du 29 septembre 1791, p. 2, "The Ploughman".
(113) Greenleaf’s New York Journal, n° du 6 juillet 1791, p. 2.
(114) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston), n° du 6 octobre 1791, p. 1.
(115) The General Advertiser, n° du 21 juilllet , p. 2, "A Republican".
(116) The National Gazette, n° du 14 novembre 1791, p. 2, "Aratus 1".
(117) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston), n° du du 8 septembre 1791, p. 2.
(118) Idem, n° du 15 septembre 1791, p. 2.
(119) The Writings of James Madison, op. cit.,vol. 6., p. 67-69, "Consolidation" (National Gazette du 5 décembre 1791). Lettre de Jefferson à Archibald Stuart du 23 décembre 1791 in The Works of Thomas Jefferson, op. cit., tome 6, p. 350-352.
(120) John Quincy Adams, Letters of Publicola dans Writings, op. cit., p. 108.