La réception de la première partie de Rights of Man aux États-Unis en 1791 (1) Etudes
lundi 20 août 2018Un défi aux "hérésies politiques" : la réception de la première partie de Rights of Man aux États-Unis en 1791 - première partie (Voir la vidéo du séminaire au cours duquel ce texte a été présenté)
Par Marc Belissa, Université Paris Nanterre
En avril 1791, John Beckley, secrétaire de la Chambre des représentants et ami politique de Thomas Jefferson et James Madison, transmet à ce dernier un exemplaire de la première partie de Rights of Man (1), publiés deux mois plus tôt à Londres (2). Madison — à ce moment un des principaux leaders de la Chambre qui s’est opposé aux projets du secrétaire d’État au Trésor, Alexander Hamilton — fait parvenir le pamphlet à Jefferson, alors Secrétaire d’État c’est-à-dire ministre des Affaires étrangères, pour qu’il puisse contacter des imprimeurs afin d’éditer l’ouvrage aux États-Unis. Jefferson écrit alors à un certain Jonathan Bayard Smith, père de Samuel Harrison Smith un imprimeur de Philadelphie, et accompagne le pamphlet de Thomas Paine d’un court billet déclarant sa satisfaction "that something was at length to be publicly said against the political heresies which had late sprung up among us" (3). Sans que Jefferson en ait été avisé, l’imprimeur publie le pamphlet qui sort le 3 mai 1791, accompagné du billet du Secrétaire d’État, fort embarrassé de cette "fuite" qui le met en porte-à-faux à l’intérieur du gouvernement de Washington.
En effet, Jefferson visait notamment les Discourses on Davila (4), une série de trente-et-un essais parus dans la très fédéraliste Gazette of the United States en 1790 et dus à la plume du vice-président John Adams. Jefferson s’inquiétait plus globalement de la montée des "hérésies politiques", des propos et des écrits qu’il considérait comme aristocratiques, voire monarchiques depuis la mise en place du gouvernement fédéral en avril-mai 1789. La presse fédéraliste et notamment la Gazette of the United States de John Fenno, financée par Hamilton, lui semblait diffuser un esprit de toryism dangereux (5). Les débats de 1789-1790 sur les titres et le cérémonial républicain (6), l’influence croissante d’Alexander Hamilton et de ses projets fisco-financiers dans le gouvernement, la montée des inégalités provoquées par la spéculation financière autour de la dette des États-Unis, étaient autant de facteurs qui inquiétaient Jefferson, une partie des anciens anti-fédéralistes mais aussi des fédéralistes de 1787 comme Madison. Les Discourses de John Adams étaient, de plus, critiques envers la Révolution française et rejoignaient en partie la teneur des diatribes d’Edmund Burke dont les Reflections étaient parues en Angleterre en novembre 1790. La presse fédéraliste ne donna pas un grand écho au pamphlet de Burke mais les comptes rendus des événements français par la presse anglaise qui étaient diffusés par la presse fédéraliste contribuaient à entretenir une mauvaise image de la Révolution française malgré les efforts des quelques journaux qui lui étaient favorables. Or, pour Jefferson, le sort de la liberté dans le monde était lié au succès de la Révolution française, ainsi que celui de l’expérience du républicanisme en Amérique. Il écrivait notamment le 4 février 1791 à George Mason que la "secte" qui considérait la "constitution anglaise" comme le plus grand monument politique humain n’attendait que l’échec de la Révolution en France pour faire rétrograder l’Amérique vers un régime monarchique. Cette "secte", écrivait Jefferson, comportait des personnes de renommée haut placées dans l’administration (référence transparente à John Adams) mais aussi les spéculateurs sur la dette des États-Unis et bien sûr le secrétaire d’État au Trésor qui les favorisait (7). Les écrits de Adams semblaient à Jefferson et à une partie des républicains critiques du gouvernement comme le symptôme d’une montée des sentiments politiques monarchiques, aristocratiques et anglophiles d’une partie des élites fédéralistes qui mettaient en danger le républicanisme en Amérique.
Malgré la bourde de l'imprimeur, la publication de la première partie de Rights of Man apparaissait donc à Jefferson comme une aubaine, non seulement parce que le pamphlet de Paine défendait la Révolution française contre le gouvernement anglais, haï par une bonne partie des Américains, mais aussi parce que la critique de l’idée de "constitution anglaise" par Paine lui semblait être une réplique brillante aux apologistes du modèle monarchico-aristocratique en Amérique même.
Dès sa parution en mai, le pamphlet de Paine se vend à des milliers d’exemplaires, on l’édite, on le réédite, on en publie des extraits dans la presse, il se diffuse dans tous les états, du Nord au Sud et suscite un immense enthousiasme parmi les amis de la Révolution française et les républicains inquiets des dérives du gouvernement fédéral. Les républicains d’opposition ne sont pas les seuls à se mobiliser. Les fédéralistes le font également, notamment par le biais de la presse qu’ils dirigent en grande partie. Si Hamilton reste à l’écart de tout débat public sur les Discourses on Davila ou sur le pamphlet de Paine, John Adams encourage ses proches à répondre au texte de Paine (et au billet de Jefferson qui l’accompagne) pour contrer la déferlante démocratique qu’il suscite. Son fils, John Quincy Adams, alors âgé de 23 ans, publie sous le pseudonyme de Publicola, une réplique à Paine dans une série de onze articles qui paraissent dans le Columbian Centinel de Boston entre le 8 juin et le 27 juillet 1791. Ces articles sont abondamment repris dans les principaux journaux fédéralistes (pour en faire l’apologie et l’exégèse) ou d’opposition (pour les critiquer). Les Letters of Publicola suscitent à leur tour des réponses signées, comme cela se faisait alors, de pseudonymes comme Agricola, Cassius, Brutus, etc. Ce débat dans le débat sur Rights of Man dure jusqu’en novembre 1791 alors qu’on a appris quelque temps plus tôt aux États-Unis la fuite de Louis XVI, son arrestation et son "acceptation" de la constitution. La chronologie croisée du débat américain et des événements français fait ici sens pour les contemporains qui voient dans la question de la nature de la res publica et de la constitution en Amérique, en Angleterre et en France, une seule et même question qui se décline différemment selon les conditions locales.
Pour tenter de comprendre les enjeux de ces débats croisés entre France, Angleterre et États-Unis au sujet de la première partie de Rights of Man, je présenterai ces textes en trois temps. Tout d’abord, il faudra décrire les "hérésies politiques" auxquelles Rights of Man était censé répondre. Les Discourses on Davila (1790) mais aussi la Defence of the American Constitutions (1787-1788) de John Adams sont abondamment commentés en 1791. En effet, la quasi-totalité de l’opinion est persuadée que l’auteur des Letters of Publicola n’est autre que le vice-président lui-même et, malgré les démentis du rédacteur du Columbia Centinel, les contradicteurs de Publicola considèrent que la Defence, les Discourses et les Letters sont issus de la même plume, celle de John Adams et plus généralement que ces textes étaient l’expression des partisans d’une république monarchico-aristocratique.
Dans un deuxième temps, je présenterai les principaux thèmes des Letters of Publicola et en particulier les critiques adressées à Paine par John Quincy Adams ainsi que la manière dont le débat sur l’idée de constitution anglaise devient un enjeu dans celui sur la nature de la Révolution et de la République en Amérique et dans celui sur l’évolution de la Révolution française. Enfin, dans un troisième temps, je présenterai les arguments des défenseurs de Paine contre Publicola. Les Agricola, Cassius et autres Brutus insistent tous sur le fait que la polémique sur la constitution anglaise n’est qu’un faux-semblant. En défendant la constitution anglaise contre Paine, Publicola s’attaque en fait à la Révolution américaine, à son caractère républicain et démocratique et au lien indissoluble entre Révolutions américaine et française.
Je m’appuierai d’une part sur les œuvres des principaux protagonistes du débat (John Adams, John Quincy Adams, George Washington, Thomas Jefferson, James Madison, James Monroe, Thomas Paine) mais aussi et surtout sur un corpus de journaux "d’opposition" comprenant le Daily Advertiser de Benjamin Franklin Bache, le Freeman’s Journal de Francis Bailey, l’Independent Gazetteer d’Eleazar Oswald, le New York Journal de Thomas Greenleaf, l’Independant Chronicle (Boston) de Thomas Adams et la National Gazette de Philip Freneau.
Les "hérésies politiques" de John Adams
John Adams est un théoricien politique complexe qui se laisse difficilement enfermer dans les grilles d’analyse. Tour à tour, remisé dans les catégories du "puritanisme politique", des "Lumières écossaises" ou de "l’empirisme" moderne, Adams a depuis quelques décennies été catalogué "dernier des républicains classiques" (au sens pockockien du terme) ou encore comme un tenant d’une science sociale "historiciste" avant la lettre (8) , mais aucune de ces catégories prises séparément ne me semble adéquates pour décrire la pensée de John Adams. Les Discourses on Davila sont publiés dans la Gazette of the United States en 1790. Ils n’ont pas été édités en volume à cette époque, ce n’est que quinze ans plus tard qu’ils furent rassemblés. En 1812, Adams ajouta quelques lignes de présentation, expliquant alors que son diagnostic initial sur la Révolution française avait été confirmé par son cours, alors même que personne ne l’avait soutenu alors. Avec amertume, il remarquait que ces essais avaient détruit sa popularité et avait fait de lui devant l’opinion trompée un avocat de la présidence à vie et donc de la monarchie. Cette pointe d’un Adams vieillissant ne correspond qu’en partie aux sentiments des contemporains.
En effet, dès la publication de la Defence of the American constitutions en 1787, Adams avait pris position en faveur d’un Sénat et d’une présidence à vie, devenant ainsi suspect de monarchisme auprès d’une partie de l’opinion, sentiment renforcé par la position prise par Adams dans le débat sur les titres et le cérémonial républicain en 1789-1790. En somme, avant même la publication des Discourses on Davila, Adams était déjà identifié par l’opinion comme un républicain anglophile à tendances monarchico-aristocratiques.
Sans chercher à résumer les plus de mille pages de la Defence, disons simplement que Adams s’y livrait à une analyse politique et historique des constitutions des républiques anciennes, médiévales et modernes et qu’il critiquait les conceptions des commonwealthmen anglais comme Milton, Nedham ou Sydney. Il s’opposait notamment à Nedham dont il rejetait les tendances démocratiques. Dans le troisième volume de la Defence, Adams insistait sur le fait que dans une démocratie le peuple sans propriété pourrait imposer sa volonté et donc une redistribution des richesses au détriment des propriétaires, aboutissant à un despotisme populaire. Le pouvoir du "many" devait donc être sérieusement limité par celui du "few", car le peuple non-propriétaire ne pouvait penser rationnellement l’inégalité de propriété sans chercher à s’en prendre aux riches.
Dans une série de lettres privées échangées en juillet 1789 avec Roger Sherman — l’un des rédacteurs de la déclaration d’indépendance — au sujet de la nouvelle constitution américaine, John Adams avait poursuivi sa critique et précisé sa conception du républicanisme et son pronostic sur l’évolution des nouvelles institutions. Une république est "a government whose sovereignty is vested in more than one person" (9). Dans les républiques, le pouvoir souverain est dans le législatif. Il peut être confié à deux personnes ou à des millions de personnes sans cesser d’être une république. C’est la raison pour laquelle les républiques peuvent être monarchiques, aristocratiques ou démocratiques. Selon cette définition, l’Angleterre est une république monarchique mais c’est bien une république, puisque la souveraineté y est partagée entre le roi (the one) et les Lords (the few) et le peuple (the many). On peut donc parfaitement confier à l’élément monarchique une forme de véto absolu sur la loi sans pour autant cesser d’être dans le cadre d’un régime républicain.
Adams poursuit dans une seconde lettre en posant la question de la nature de la république américaine. Est-elle monarchique comme celle de la Grande-Bretagne ? Certes les éléments monarchique et aristocratique dans la constitution américaine ne sont pas héréditaires, mais cela ne change rien à la nature de leurs pouvoirs respectifs. Le peuple ou la nation qui délègue les pouvoirs peuvent les confier pour un jour ou à vie, sans que ces pouvoirs changent de nature. En ce qui concerne la constitution américaine, le pouvoir du président est bien supérieur à celui des princes dans les républiques modernes, à celui du roi de Pologne ou à celui des rois de Sparte. Le seul magistrat auquel le Président peut être comparé est le roi d’Angleterre.
Pourtant, les limites placées par la constitution au pouvoir du Président, notamment en ce qui concerne le pouvoir de nomination des officiers, celui de faire la guerre ou la paix qu’il partage avec le Sénat sont, selon Adams, dangereuses. Il se prononce donc pour leur suppression dès que cela sera possible pour rapprocher le pouvoir du Président de celui d’un roi d’Angleterre. Adams regrette que l’équilibre qui fonde la constitution soit imparfait, car le pouvoir du Président est soumis à trop de limitations et il n’est par conséquent pas assez indépendant des deux autres branches que sont le Sénat et la Chambre des représentants qui peuvent passer par-dessus son opposition à certaines lois. Or les passions humaines étant ce qu’elles sont, il est certain que le pouvoir législatif voudra empiéter sur le pouvoir exécutif et comme les pouvoirs du Président n’équilibrent pas vraiment ceux des éléments démocratiques et aristocratiques du gouvernement, l’élément monarchique sera inéluctablement réduit avec le temps. John Adams se prononce donc pour une révision de la constitution dans le sens d’un renforcement de la prérogative législative de l’élément monarchique, à savoir la Présidence, pour pouvoir contenir les éléments aristocratique et démocratique.
En l’absence d’une telle révision, le déséquilibre induit provoquera à terme une l’apparition de factions aristocratiques ou démocratiques, de troubles et de l’anarchie. Sherman avait beau expliquer à Adams qu’en l’absence d’une noblesse, il n’y avait aucun élément aristocratique à équilibrer en Amérique et que donner les pouvoirs législatifs et de nomination du roi d’Angleterre au Président des États-Unis serait prendre le risque de la constitution d’un pouvoir dangereux à la tête de la République, rien n’y fit et Adams resta campé sur ses positions.
Incontestablement, pour John Adams, la monarchie anglaise est un modèle indépassable et, dans sa correspondance comme dans ses écrits, toutes ses prises de position allaient dans le sens de la constitution d’une république monarchique pour l’Amérique. Il avait beau proclamer hautement son républicanisme dans ses écrits, il était évident pour tous que son républicanisme était à contre-courant de l’opinion dominante aux États-Unis depuis 1776 au moins. C’est en effet vers 1776 que l’ancienne conception des "libertés anglaises" fondée sur l’idée de constitution organique avait été dépassée dans le combat politique, notamment après la publication de Common Sense qui défendait une tout autre conception républicaine : un républicanisme universaliste de droit naturel fondé sur une constitution écrite et sur la prééminence de la loi sur la coutume et la common law (10).
Adams peut d’ailleurs être considéré comme l’anti-Paine par excellence. Au moment de la parution de Common Sense, Adams aurait déclaré en privé que c’était là un pamphlet détestable car bien trop populaire et démocratique. Beaucoup plus tard, en 1806, Adams écrira "I know not whether any man in the world has had more influence on its inhabitants or affairs for the last thirty years than Tom Paine (11)." Pour Adams, ce n’était en rien un compliment, car pour lui l’âge des révolutions démocratiques était un temps de "popularisation", un temps de démocratisation du débat politique, bref le temps de la "canaille". Adams associe d’ailleurs Paine à l’enthousiasme, au désordre et à l’immoralité, toutes "qualités" qui renvoient à la populace. Le républicanisme démocratique de Paine était donc entièrement rejeté par Adams.
John Adams se rattache à ce que l’on pourrait appeler une conception monarchico-aristocratique de la République. Cette conception était par ailleurs nourrie de la peur qu’il avait ressentie lors de la Révolution américaine lorsque les anciennes autorités coloniales et les grandes familles s’étaient retrouvées dépassées par le processus de radicalisation politique entre 1773 et 1781. Les leaders qui s’étaient imposés dans le cours de la Révolution étaient souvent des hommes nouveaux et non les rejetons des élites. Dès 1776, Adams considérait que le processus démocratique en cours remettait dangereusement en cause les hiérarchies sociales. Sans roi au sommet de la société et sans noblesse américaine, les anciens liens de subordination n’avaient plus de légitimité. Dans plusieurs déclarations des droits adoptées alors, on prit soin d’écarter la possibilité de recréation d’une aristocratie en interdisant toute forme de privilège individuel ou collectif, viager ou héréditaire. Tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un titre fut l’objet d’une suspicion de plus en plus marquée dans la société américaine. La constitution de 1787 interdisait d’ailleurs à tout citoyen américain de jouir d’un titre quelconque de noblesse à l’étranger (interdiction reprise dans les constitutions révolutionnaires en France). Le citoyen américain (ou ses représentants organisés en groupes) devint le seul élément juridique légitime. Cette citoyenneté révolutionnaire n’avait pas de précédent en Angleterre ou dans aucune des républiques modernes (12). Ce processus de "démocratisation" de la citoyenneté inquiétait vivement Adams qui ne cessa dès lors d’essayer d’agir pour recréer des liens de subordination sociale fondés sur une hiérarchie des titres et des honneurs. C’est ce qui explique son combat permanent (et sans succès) pour établir des titres en Amérique.
Revenons aux Discourses on Davila…
Le Davila dont il est question dans ces Discourses était un historien vénitien de renom prénommé Henrico Caterino et qui avait publié en 1630 une Istoria Delle Guerre civili di Francia consacrée aux troubles politico-religieux de la mort d’Henri II en 1559 à 1598 (13). Les Discourses sont formellement des commentaires de cette Istoria, mais Adams quitte fréquemment le XVIe siècle pour appliquer aux événements révolutionnaires en cours en France les leçons tirées de l’ouvrage. Les Discourses ont également été conçus par Adams comme une suite à sa Defence of the American constitutions, destinée en 1787 à prendre part au débat français sur les Parlements, les États généraux et sur la nature de la "constitution" de la monarchie française. Adams entend ainsi répondre notamment à Turgot et à Condorcet, critiques de la constitution bicamérale du Massachussetts et de la monarchie anglaise. Il cherche également à fonder de manière théorique ses prises de position de 1789 en faveur de titres et d’une hiérarchie des honneurs en république, prises de position qui lui ont valu des critiques et des quolibets. Enfin, il veut surtout montrer que la voie démocratique prise par la Révolution française depuis la déclaration des droits de l’homme et du citoyen est une erreur et que la destruction de l’aristocratie et l’abaissement de la monarchie par la Révolution tournent le dos aux principes qui pourraient assurer la véritable liberté.
Le texte des essais s’insère donc dans un quadruple ensemble : une défense de la constitution anglaise comme forme ultime de gouvernement tempéré, une analyse de la distribution de la souveraineté entre le Roi, les Grands et le Peuple dans la constitution monarchique française, une défense de l’idée de hiérarchie des honneurs et "d’aristocratie naturelle" en Amérique et une critique de la Révolution française en cours considérée comme démocratique.
Chez Adams, tout part d’une anthropologie que l’on pourrait qualifier de pessimiste (14). Certes, les hommes sont naturellement sociaux, la nature les a dotés de passions, d’appétits et de facultés personnelles et sociales, mais la passion qui l’emporte sur toutes les autres est la distinction. Tous les hommes veulent être distingués de leurs semblables et la pire expérience de tout un chacun est d’être négligé par les autres. Tous les hommes souhaitent l’amour et l’approbation générale et tous se comparent les uns les autres en permanence. Le versant positif de cette passion est l’émulation qui pousse les hommes à se surpasser. Quand elle s’exerce pour le pouvoir, en tant que moyen de distinction, elle devient ambition, quand elle s’exprime dans le cadre d’une comparaison, elle devient jalousie ou envie ou encore vanité. Le concept de distinction se rapproche chez Adams de ce que Rousseau appelle l’amour-propre, cette passion qui est le versant négatif de l’amour de soi.
La passion de la distinction est le moteur de l’histoire humaine, elle est l’origine des vertus (quand elle agit pour le bien de tous) et des vices (quand elle s’applique au seul individu). Certes, la nature humaine est aussi marquée par la bienveillance envers autrui mais la distinction l’emporte toujours sur elle : c’est d’abord le désir de réputation qui fait les vertus sociales et non la bienveillance seule. La récompense d’un bon comportement social — vertueux — est l’estime de tous, la punition pour un comportement vicieux est la négligence ou le mépris. C’est pourquoi l’estime de tous est, pour tous les hommes, un besoin aussi vital que la nourriture. Le mépris ou la négligence leur sont aussi douloureux qu’une maladie ou qu’une blessure. Cette constatation s’étend aussi aux familles et aux nations. Cette passion étant une caractéristique indépassable de la nature humaine, il est du devoir de la société de la réguler par des institutions capables de la faire tourner à l’avantage de tous. La régulation de la passion de la distinction est donc le but de tout bon gouvernement, c’est le seul instrument pour établir l’ordre, la subordination sociale et l’obéissance à la loi qui ne peuvent se fonder sur la force et la violence seules.
C’est cette passion qui est à l’origine des noblesses au sens le plus général du terme. Une goutte de sang royal ou de sang noble est recherchée, car elle distingue ceux qui la possèdent, et ce dans les monarchies héréditaires ou électives, mais aussi dans les républiques. Aux noms des grandes familles sont associées les idées de grandeur et de distinction. Certes, cette passion est irrationnelle mais pas plus que celle des richesses qui est, elle aussi, fondée sur le désir de distinction, car la richesse apporte l’attention, la considération et les applaudissements universels. Les hommes de lettres, les hommes à talents, les officiers etc. sont évidemment eux aussi conduits par la passion de la distinction. Le désir d’estime remplit la totalité de leur existence. Les militaires ne servent pas par patriotisme seulement mais avant tout pour la gloire (15). À l’inverse, le pauvre est honteux de sa pauvreté, non parce qu’elle est en elle-même condamnable mais parce qu’elle emporte avec elle l’invisibilité sociale, la négligence et le mépris des autres classes de la société.
Comme la vertu est la seule source rationnelle de l’honneur, les nations ont toujours accolé des titres aux vertus. Ces titres ne dérivent pas des qualités des individus ou de leur fortune personnelle mais des vertus de leur état. Ainsi, les rois sont appelés majestés, seigneurs souverains, les sénateurs sont appelés honorables, les prêtres révérends, etc (16). Les nations les plus sages et les plus vertueuses ont donc conçu des échelles et des gradations de titres, d’honneur pour fonder un ordre social tenant compte de la passion pour la distinction. Adams en veut pour preuve le cursus honorum des Romains et le fait que tous les États, sans en excepter les républiques médiévales et modernes, ont prévu une saine hiérarchie des titres et des honneurs qui ne sont donc pas réservés aux régimes monarchiques ou despotiques (17). Le désir de distinction fonde l’ardeur et l’émulation de tous au service de l’ordre social : "avarice and ambition, vanity and pride, jealousy and envy, hatred and revenge, as well as the love of knowledge and desire of fame, are very often nothing more than various modifications of that desire of the attention, consideration, and congratulations of our fellow men" (18), et par conséquent, la théorie de l’éducation et la science du gouvernement "may be reduced to the same simple principle, and be all comprehended in the knowledge of the means of actively conducting, controlling, and regulating the emulation and ambition of the citizens" (19).
Adams concède que seul le vrai mérite devrait gouverner le monde et que les talents, les vertus et les services devraient être révérés par la société, mais c’est pour ajouter aussitôt que le choix de ces vertus et de ces talents ne peut être réalisé par le vote de tous et il prend pour exemple l’élection des députés en France. Comment plusieurs millions de personnes pourraient-elles choisir le plus apte, comment pourrait-on connaître les vertus des candidats ? L’élection est donc une loterie, contrairement au choix héréditaire. Une élection par districts comme en France ou par état comme aux États-Unis revient à ne pas reconnaître le mérite national et à faire dépendre la vertu d’un candidat du hasard de sa domiciliation. Les nations les plus sages ont reconnu que le principe électif n’était pas à même de désigner les plus grandes vertus, elles ont cherché à fonder leur choix sur des critères permanents, et d’abord sur celui de la propriété foncière liée elle-même à la bonne éducation.
Les hommes se réjouissent au spectacle des honneurs dévolus aux grandes familles, ils se pressent lors des fêtes et des cérémonies politiques, admirent la richesse des vêtements, des décorations (20). Adams prend pour exemple les festivités entourant la famille royale en France : les grossesses de la Reine, la naissance des dauphins anticipent la prise de fonction du futur roi et font que tous les regards se portent sur sa personne. Sa contenance, son allure sont les sujets préférés de conversation des Français. Cette politique des honneurs qui concentre l’attention de tous vers un seul point empêche la constitution de factions qui ne manqueraient pas d’apparaître en cas de division de l’attention publique. Du conflit des factions naîtraient d’abord des calomnies et des libelles qui produiraient à leur tour des séditions et à terme une guerre civile (21). C’est pourquoi il est nécessaire que le premier magistrat d’une nation soit à l’abri de la compétition et des brigues de l’élection. C’est la raison pour laquelle Adams se prononce pour un Sénat et à une présidence à vie en Amérique.
John Adams applique ces maximes à la Révolution française. Si la représentation politique exclut la noblesse et la monarchie pour la confier au peuple seul dans le cadre d’une assemblée législative unique et élue, la liberté sera perdue, car l’ordre social fondé sur la distinction sera détruit. Diviser l’autorité exécutive comme le veut la publication posthume des Droits et des devoirs de l’abbé de Mably, confier l’autorité législative à une assemblée tirée du peuple comme l’a proposé le duc de La Rochefoucauld, annihiler la noblesse et réduire la prérogative royale va à l’encontre de l’équilibre nécessaire des divers états de la société. Une assemblée unique se comportera nécessairement de manière aussi tyrannique qu’un régime despotique. Seul un équilibre des passions et des intérêts scientifiquement conçu peut assurer la stabilité de la liberté. Si un tel équilibre n’est pas réalisé, la lutte en cours en France et en Europe ne produira rien d’autre qu’un nouveau fanatisme semblable à celui de la féodalité défunte. Ainsi, pour Adams, la souveraineté populaire une et indivisible est une chimère destructrice de l’ordre social et la Révolution risque de créer un nouveau despotisme (22).
Adams insiste sur la nécessité de réintroduire dans la constitution française un principe permettant l’émulation et l’octroi d’honneurs aux grandes familles pour que la régulation de la distinction continue de fonder l’ordre social. L’histoire prouve que la noblesse ne cesse de renaître et que l’égalité sur laquelle est fondée la déclaration des droits est une chimère :
"We are told that our friends, the National Assembly of France, have abolished all distinctions. But be not deceived, my dear countrymen, impossibilities cannot be performed. Have they levelled all fortunes and equally divided all property ? Have they made all men and women equally wise, elegant, and beautiful ? Have they annihilated the names of Bourbon and Montmorenci, Rochefoucauld and Noailles, Lafayette and La Moignon, Necker and De Calonne, Mirabeau and Bailly ? Have they committed to the flames all the records, annals, and histories of the nation ? … Have they burned all their pictures, and broken all their statues ? Have they blotted out of all memories, the names, places of abode, and illustrious actions of all their ancestors ? Have they not still princes of the first and second order, nobles and knights ? Have they no record nor memory who are the men who compose the present national assembly ? Do they wish to have that distinction forgotten ? Have the French officers who served in America melted their eagles and torn their ribbons (23) ?"
Une société privée de la passion de la distinction serait purement fondée sur la poursuite de la richesse. Une telle société bannirait la vertu et ferait reposer l’ordre social sur la corruption et la vénalité. L’existence d’un parti monarchique et d’un parti aristocratique en France est la preuve qu’il est impossible de fonder l’ordre social sur la base de la déclaration des droits. L’avenir de la Révolution française dépend donc de la capacité des Français à construire un gouvernement équilibré dans lequel monarchie, aristocratie et démocratie s’équilibrent et dans lequel la passion de la distinction pourrait balancer celle des richesses (24).
Adams reconnaît que l’esprit de l’époque et la diffusion des Lumières a démodé quelque peu les titres et les distinctions, les rangs et les ordres, les parades et les cérémonies, mais de cette constatation on ne peut en aucun cas conclure que le monde est devenu celui des chimères démocratiques :
"If all decorum, discipline, and subordination are to be destroyed, and universal Pyrrhonism, anarchy, and insecurity of property are to be introduced, nations will soon wish their books in ashes, seek for darkness and ignorance, superstition and fanaticism, as blessings, and follow the standard of the first mad despot, who, with the enthusiasm of another Mahomet, it will endeavor to obtain them. Are riches, honors, and beauty going out of fashion ? Is not the rage for them, on the contrary, increased faster than improvement in knowledge ? As long as either of these are in vogue, will there not be emulations and rivalries (25) ?"
Les Français — mais aussi les Américains qui voudraient suivre leur exemple — doivent reconnaître ces vérités :
"Frenchmen ! Act and think like yourselves ! confessing human nature, be magnanimous and wise. Acknowledging and boasting yourselves to be men, avow the feelings of men. The affectation of being exempted from passions is inhuman. The grave pretension to such singularity is solemn hypocrisy. Both are unworthy of your frank and generous natures. Consider that government is intended to set bounds to passions which nature has not limited ; and to assist reason, conscience, Justice, and truth, in controlling interests, which, without it, would be as unjust as uncontrollable. … Americans ! Rejoice, that from experience you have learned wisdom ; and instead of whimsical and fantastical projects, you have adopted a promising essay towards a well-ordered government. Instead of following any foreign example, to return to the legislation of confusion, contemplate the means of restoring decency, honesty, and order in society… (26)"
La distribution de la propriété et des talents qui en sont les conséquences rend de toute manière impossible la démocratie, car seule une petite minorité de la population peut gouverner. 99 % de l’humanité ne peut faire autre chose que travailler pour subsister. La minorité qui peut gouverner est nécessairement l’objet de la jalousie du reste de la société. L’opposition entre le pauvre et le riche, entre le laborieux et l’oisif, entre l’ignorant et celui qui a reçu une bonne éducation est, elle aussi, une donnée de nature "to which no art or policy, no degree of virtue or philosophy can ever wholly destroy, will continue, and rivalries will spring out of them". Tout pouvoir législatif est et sera toujours travaillé par les intérêts divergents du few et du many. Il convient donc d’équilibrer les intérêts, de représenter les uns et les autres dans deux branches différentes de la législature et de créer une autorité exécutive indépendante qui leur servira d’arbitre et surtout qui pourra garantir les propriétés, fondements de la liberté :
"Property must be secured, or liberty cannot exist. But if unlimited or unbalanced power of disposing property, be put into the hands of those who have no property, France will find, as we have found, the lamb committed to the custody of the wolf. In such a case, all the pathetic exhortations and addresses of the national assembly to the people, to respect property, will be regarded no more than the warbles of the songsters of the forest. The great art of lawgiving consists in balancing the poor against the rich in the legislature, and in constituting the legislative a perfect balance against the executive power, at the same time that no individual or party can become its rival. The essence of a free government consists in an effectual control of rivalries. The executive and the legislative powers are natural rivals ; and if each has not an effectual control over the other, the weaker will ever be the lamb in the paws of the wolf. The nation which will not adopt an equilibrium of power must adopt a despotism. There is no other alternative (27)."
La publication des Discourses suscita des réponses indignées dans la presse d’opposition en 1790 et au début de 1791. On attaqua, sans toujours le nommer, le vice-président dont les propos furent considérés comme anti-républicains par une partie de l’opinion. Le journal de Boston, The Independent Chronicle, publia les 21 et 28 octobre 1790 les Thoughts on Government de 1776 de John Adams pour confronter ses propos de 1790 à ceux d’avant son départ pour l’Europe dont on supposait qu’il avait tourné la tête de l’auteur de la constitution du Massachussetts (28). En 1776 Adams avait affirmé que la vertu — et non la peur ou l’honneur — devait être le fondement du gouvernement républicain. Certes, la définition de la République dans ce texte était celle de la tradition anglaise de Hume et de Blackstone : "a good government is an empire of laws not of men" et Adams se prononçait déjà contre une législature unicamérale, mais les commentateurs préféraient retenir des Thoughts l’absence d’apologie de la monarchie anglaise et des aristocraties "naturelles". Une partie de la presse d’opposition rapprocha les Discourses du débat sur les titres en république qui avait particulièrement agité l’opinion l’année précédente. Ainsi le New York Journal de Thomas Greenleaf publia le 3 février 1791(29) un article qualifiant le texte de John Adams de "most pedantic sophistry of argument" et ses commentaires sur Davila de "toiles d’araignée" ramassées sur des "antiquated and forgotten volumns". Ces écrits ne visaient, selon le rédacteur, qu’à introduire en Amérique "all the pomp and pageantry of courts, and the catalog of nauseous titles, which are generally the badges of despotism". L’auteur des Discourses était traité de "short-sighted sycophant" vendu aux "would-be noblemen".
Vers la fin de la publication des Discourses, le vieux révolutionnaire Samuel Adams qui était alors lieutenant-gouverneur du Massachussetts écrivit à John Adams, son cousin, une série de lettres privées dans lesquels il s’étonnait de ces écrits (30). La teneur de ces lettres est intéressante, car elles dévoilent la pensée intime de John Adams sur la souveraineté populaire et sa conception aristocratique du républicanisme à l’opposé des conceptions démocratiques de Samuel Adams et de Thomas Paine.
Contrairement à Samuel Adams, enthousiaste face aux événements de France, John Adams exprime d’emblée son scepticisme dans sa lettre du 12 septembre 1790 : la lutte en cours en Europe risque de n’être rien de plus qu’un "change of impostors and impositions", faute pour les Français d’avoir compris les vrais principes de "l’architecture politique". Samuel Adams lui répond le 4 octobre que s’il existe des principes de "l’architecture politique", les expériences en cours les rendent peut-être caducs, car les temps sont nouveaux et la diffusion des Lumières et des connaissances permet de voir l’avenir du républicanisme avec confiance. Cet optimisme est critiqué par le vice-président dans sa réponse du 18 octobre. L’éducation et la vertu sont insuffisantes pour régler les grands problèmes de l’organisation politique et sociale. Il est nécessaire de mettre en place des institutions qui puissent réguler les passions et encourager la diffusion des connaissances, car aucun gouvernement ne peut se fonder sur la vertu. John Adams se place ici explicitement dans le cadre de la pensée de Hume. Certes, la forme républicaine est sans doute la meilleure qui soit mais encore faut-il s’entendre sur le sens du mot république qui est l’un des plus mal employés. Une république est, écrit John Adams dans cette lettre, "a government in which the people have collectively, or by representation, an essential share in the sovereignity" (31). Il précise que les formes républicaines en Pologne et à Venise sont, de ce point de vue, bien pires que la monarchie française alors que celles de la Hollande et de Berne ne sont qu’un peu meilleures que cette dernière. La république n’est pas, comme l’estiment nombre d’Américains, incompatible avec un gouvernement mixte dans lequel les éléments monarchique, aristocratique et démocratique s’équilibrent les uns les autres. Selon John Adams, les passions, les appétits des humains et leur amour-propre ne pourront jamais être régulés par la bienveillance et le savoir seuls. L’ordre social ne pourra donc jamais être fondé sur la vertu. En effet, l’étude de la nature humaine et de ses passions, celle de la société et de l’histoire universelle montrent que lorsque les rois, les nobles ou le peuple ont dominé la société sans que les trois états ne se contrôlent les uns les autres, il n’en a résulté que des formes diverses de despotisme.
John Adams précise que ce qu’il entend par aristocratie n’est pas forcément identique à ce que l’on entend par là en Europe. En effet, pour le vice-président, toute société, quelle qu’elle soit, produit des formes "d’aristocraties naturelles". Les grandes familles négociantes ou propriétaires de l’Amérique sont une de ces formes, bien qu’il n’existe pas de noblesse héréditaire en Amérique. L’aristocratie est une donnée de nature, fondée, on l’a vu, sur le désir de distinction sociale propre à l’humanité (32). Ce qui meut le genre humain n’est pas seulement l’amour de la liberté et beaucoup d’hommes préfèrent le sort d’un chien bien nourri à celui d’un loup famélique, c’est pourquoi les institutions sont nécessaires. Il faut en particulier des institutions pour protéger la propriété contre ceux qui n’en ont pas : "When the people, who have no property, feel the power in their own hands to determine all questions by a majority, they ever attack those who have property, till the injured men of property lose all patience, and recur to finesse, trick, and stratagem, to outwit those who have too much strength, because they have too many hands to be resisted any other way" (33). Heureusement, la déférence du peuple à l’égard des familles de l’aristocratie est aussi une donnée de nature découlant de leur prestige et de leur influence, qui se manifestent par l’éducation, la prodigalité et la prééminence exprimée dans des titres et des cérémonies. Les institutions politiques doivent donc se contenter de soutenir cette déférence en renforçant la hiérarchie naturelle des honneurs et en soumettant le pouvoir de l’aristocratie à l’arbitrage de l’élément monarchique. Ainsi, l’aristocratie, le peuple et l’élément monarchique s’équilibrent les uns les autres. Les misérables insultes des démocrates français ou américains à l’égard des well-born ne sont que des manifestations d’un mobish spirit bien différent du véritable esprit de liberté qui reconnaît la nécessité d’une forme de noblesse dans une république équilibrée.
Dans sa lettre du 20 novembre, Samuel Adams répond d’abord sur le terrain de la définition de la souveraineté. Il réfute l’idée que le peuple n’aurait qu’une essential share dans la souveraineté. Celle-ci est pour Samuel Adams indivisible et par essence entièrement dans les mains du peuple tout entier qui peut à son gré amender et modifier, annuler et créer des constitutions. Le vieux révolutionnaire s’étonne qu’un Américain puisse ne pas affirmer comme une vérité intangible que la totalité de la souveraineté réside dans le peuple. Les premiers mots de la constitution fédérale ne sont-ils pas We the people ? Les constitutions américaines réservent au peuple le droit d’exercer sa souveraineté par le biais d’élections annuelles ou bisannuelles de tous ses officiers et représentants. Elles permettent même de leur retirer leurs mandats par la procédure de l’impeachment. Les institutions américaines sont déjà équilibrées puisqu’elles sont toutes ou presque appuyées sur le mécanisme du checks and balances. Quant à la nécessité des aristocraties naturelles plaidée par le vice-président, Samuel Adams n’y accorde pas une grande importance. Il se contente de rappeler que l’hérédité ne garantit en rien la transmission des vertus et que le fils d’un grand homme peut être un sombre crétin perclus de vices. Le prestige attaché aux grandes familles n’est donc qu’un préjugé néfaste qui s’éteindra nécessairement. Le choix fait par les Américains d’élections très fréquentes est bien plus rationnel que la transmission héréditaire. Le peuple peut se tromper ou être trompé parfois, mais le remède est toujours proche puisque les mandats sont très courts. Plus généralement, Samuel Adams réfute l’idée de Hume et de John Adams que la vertu et les Lumières ne peuvent pas former la base d’une république ordonnée. Selon lui, les progrès de la connaissance en Amérique prouvent le contraire : les Américains approuvent leurs constitutions et exercent leurs droits de manière rationnelle et intelligente en vrais républicains. L’amour de la liberté, de la patrie et la pratique des vertus sont des réalités sociales tangibles et non des chimères philosophiques. Les atteintes potentielles à la propriété craintes par John Adams sont dans l’ordre du possible mais jamais le peuple tout entier ne remettra en cause la propriété dont il jouit ou dont il peut jouir lui-même. D’ailleurs, les atteintes à la propriété et aux droits ne viennent potentiellement pas seulement du peuple. Les riches sont eux aussi tout à fait capables — et ils le font effectivement assure Samuel Adams — d’attenter à la propriété d’autrui.
Les contemporains ne manquèrent pas de rapprocher les Discourses on Davila des Reflections on the Revolution of France d’Edmund Burke parues en novembre 1790 et publiées en Amérique début 1791. Pourtant, la pensée de John Adams différait en de très nombreux points de celle de Burke et le pamphlet de ce dernier n’eut pas une grande diffusion lors de sa parution. Comme en Angleterre, les principaux commentateurs furent choqués et gênés du ton véhément et contre-révolutionnaire de celui qui avait autrefois défendu la cause américaine (34). Jefferson considérait que Burke avait commis une apostasie et écrivit avec humour que la Révolution de France était finalement moins étonnante que celle qui s’était faite dans la tête de Burke (35). Un article de l’Independent Chronicle de Boston du 21 avril 1791 l’accusait d’avoir été simplement acheté par la cour anglaise pour commettre "the most uncommon and excentric deviation from the … way of honor, philosophy and sound reasoning that has ever disgraced the annals even of Britain itself (36)."
Un autre article du même journal signé "Rusticus" publié la semaine suivante faisait le lien avec les écrits de John Adams sans le citer ouvertement (37). Ainsi, "Rusticus" se félicitait du peu d’impact du pamphlet de Burke en Amérique et notait que malgré les sentiments privés de "certaines personnes" en faveur de la monarchie, pas un Américain sensé n’avait encore été assez hardi pour avouer publiquement son monarchisme ou son accord avec Burke. Mais il ajoutait qu’il existait un certain nombre de "characters of old leaven" qui n’avait pas abandonné leurs dispositions pour le gouvernement royal "as the best possible form of civil institution". Ces monarchistes déguisés rejoignaient en secret des apostats républicains qui souhaitaient une monarchie limitée pour les États-Unis, pour peu qu’ils fassent eux-mêmes partie d’une aristocratie recréée pour cet objectif. L’auteur s’étonnait que des Américains puissent s’extasier devant la "liberté anglaise", une expression qui ne pouvait se comprendre qu’en comparaison avec le despotisme existant partout ailleurs en Europe. L’idée de "liberté anglaise" n’était-elle pas incompatible avec l’absence de représentation du peuple, la présence d’un roi dispensateur de tous les honneurs, une aristocratie possédant un tiers des terres du royaume, l’absence de tolérance religieuse pour les non-anglicans et les persécutions contre les républicains ?
Mais ce qui choquait le plus "Rusticus" était l’absurde charge contre la Révolution française de Burke et surtout l’idée (développée également par Adams) que les principes des Révolutions française et américaine n’auraient pas été de même nature. Pour "Rusticus", peu importait que la constitution française soit différente dans sa forme de celle des États-Unis, ce qui était essentiel était que les mêmes principes des droits de l’homme fondaient les deux Révolutions. Contre les fédéralistes qui faisaient savoir leur dégoût des violences françaises dans la presse, "Rusticus" excusait celles-ci en rappelant que tout mouvement de transformation politique suscitait des résistances et donc des violences. Les Révolutions anglaises de 1649 et de 1688 avaient été, elles aussi, entachées par le sang. Il fallait donc laisser le temps aux Français de réaliser leur propre expérience et les encourager dans leurs efforts pour mettre en place une constitution libre.
"So shall our nation, form’d on Reason’s plan,/ Remain the guardian of the Rights of Man" (Philip Freneau)
Comme on l’a vu, la première partie de Rights of Man fut publiée à Philadelphie dans les premiers jours de mai 1791. Tout au long des mois de mai et de juin, la presse reproduisit le texte en extraits ou en chapitres. Ainsi, le General Advertiser de Benjamin Franklin Bache publia à Philadelphie l’intégralité entre le 3 et le 20 mai tout en l’accompagnant parfois de commentaires de lecteurs enthousiastes, l’Independent Chronicle de Boston le reprit à partir du 12 mai et publia la totalité du pamphlet entre le 21 juillet et le 3 novembre et le New York Journal de Thomas Greenleaf en reproduisit des extraits à partir du 21 mai. Le pamphlet lui-même fut plusieurs fois réédité, seul ou en compagnie d’œuvres antérieures de Paine comme Common Sense ou American Crisis pour lesquelles plusieurs souscriptions furent annoncées dans les mêmes journaux. Comme le remarqua rapidement Jefferson, la publication de Rights of Man suscita un débat général dans la presse. Selon lui, le seul journal critique envers Paine était la Gazette of the United States de Fenno, le journal fédéraliste qu’il qualifiait de "burkite" et de "tory" dans une lettre à Washington (38).
Au début du mois de mai, les commentateurs et les rédacteurs des journaux d’opposition analysent peu le texte de Paine lui-même, considérant qu’il parle clairement de manière à être entendu par tous. En revanche, les éloges adressés à Rights of Man ne manquent jamais d’être accompagnés de critiques envers Burke et parfois envers Adams, toujours considéré comme le théoricien des anglophiles monarchistes. Ainsi, un extrait de Rights of Man publié dans le General Advertiser de Bache daté du 10 mai est accompagné d’une courte note se félicitant de la rapide diffusion du pamphlet. Cet engouement prouve, selon Bache, que les Américains n’ont pas oublié les glorieux principes de leur révolution et que les partisans du gouvernement monarchique et des titres en Amérique ne sont qu’une poignée d’apostats (39). Le même journal publie également des lettres d’Angleterre qui mettent en valeur le lien entre Révolution américaine, révolution française et mouvement pour la réforme en Angleterre. Une lettre datée du 1er mars et publiée le 12 mai dans le General Advertiser parle de sentiment d’exaltation des amis de la liberté en Angleterre au spectacle de la Révolution en France, non seulement par amitié pour le peuple français mais surtout parce qu’elle est la condition de la "final emancipation of every other society in Europe, from those monarchic and aristocratic chains, imposed by the violence of arms, and rivetted on mankind by ignorance, credulity and priestcraft". La "French democracy" est le palladium de la liberté américaine, car elle permettra de balayer ce qu’il reste d’aristocratisme anglais en Amérique (40). Un commentaire publié dans le General Advertiser du 14 mai insistait sur l’identité de principes entre Révolution américaine et française. Les deux révolutions étaient "a renovation of the natural order of things" fondées, comme l’avait écrit Paine, sur un "system of principles as universal as truth and the existence of man, and combining moral with political happiness and national prosperity".
Un autre article publié dans le Général Advertiser le 4 juin ne manque pas de critiquer Burke et Adams et de faire l’apologie de Rights of Man (41). Burke n’est qu’un producteur de sophismes, défendant des doctrines absurdes et liberticides, directement opposées au "common sense of mankind". Paine au contraire écrit dans une langue claire pour tous. Ses principes sont intelligibles par tous les amis de la liberté dont le cœur n’est pas corrompu. D’où l’approbation générale de Rights of Man par tous les patriotes Américains sauf le petit groupe des partisans des monopoles dans l’Église et l’État dont certains sont même à la tête de la République. Ces partisans de la monarchie doivent voir avec beaucoup d’amertume la diffusion extraordinaire et quasi universelle de Rights of Man qui ne manquera pas d’extirper leurs principes douteux, leur goût pour les titres et le gouvernement arbitraire de l’Angleterre.
Un autre texte — beaucoup plus long — attaquait directement et, chose rare, ad hominem le vice-président Adams. Publié dans le Poughkeepsie Journal le 21 mai, il fut repris par la presse d’opposition (le Greenleaf’s New York Journal le 2 juillet, le General Advertiser les 21 juin et 22 juillet) (42). Il se présentait sous la forme d’une lettre d’un gentleman âgé à un jeune étudiant les sciences politiques lui donnant son avis sur la production écrite du vice-président. D’emblée, le vieil homme affirme avec indignation et regret qu’il regarde John Adams comme attaché à des "aristocratical and monarchical principles" totalement opposés à l’esprit des institutions et aux mœurs américaines. Il est du devoir de tout vrai républicain de s’y opposer publiquement malgré les mérites indiscutables d’une partie des écrits antérieurs du vice-président auquel l’auteur reconnaît une stature imposante parmi les théoriciens américains.
L’auteur part d’une citation de la lettre 21 du livre I de la Defence dans laquelle Adams avançait la perspective de l’établissement d’une monarchie en Amérique quand la concentration de la richesse nationale dans quelques mains aura rendu nécessaire une évolution des institutions. Certes, on pouvait considérer, selon l’auteur, que cette perspective était tellement lointaine qu’elle n’était qu’une hypothèse d’école, mais Adams avançait plus loin l’idée qu’une "aristocratie naturelle" se construisait déjà sur la base de l’inégalité croissante des richesses. Dans la lettre 6 du volume 3 de la Defence, Adams s’attaquait par ailleurs à la théorie de Nedham qui était favorable à des élections fréquentes. Pour le vice-président, l’élection des sénateurs et des gouverneurs était problématique, car elle ne réglait pas la question centrale de la corruption et qu’elle introduisait de l’instabilité dans le gouvernement. Une succession héréditaire pour le président et les sénateurs serait peut-être une solution préférable, écrivait John Adams. Pour l’auteur de l’article, Adams glissait donc déjà avant même la publication des Discourses, sur une dangereuse pente aristocratico-monarchique.
De tout cela, l’auteur concluait que les écrits récents de Adams avaient défendu et contribué à propager une "abominable heresy", celle qui consistait à affirmer que la monarchie et l’aristocratie n’étaient pas incompatibles avec la liberté et avec un gouvernement républicain. Sans doute, ajoutait l’auteur, son séjour en Angleterre a-t-il grandement influencé l’esprit de cet ancien révolutionnaire qui, dans les Thoughts on Government, avait défendu une tout autre théorie. Mais les propositions actuelles de Adams étaient directement contraires au génie de la nation. En effet, Adams n’avait-il pas écrit que la constitution anglaise était "the most stupendous fabric of modern invention" ? Pourtant, écrivait l’auteur de l’article, le roi George III est tout autant un despote que ne l’était Henry VIII. L’auteur décrivait ensuite le système des bourgs pourris et la corruption régnant dans le Parlement pour affirmer qu’un tel système ne pouvait pas être donné en exemple à des Américains à moins qu’on ne désire les fatiguer du républicanisme en faisant l’apologie constante des "grandeurs" de la monarchie. Écrire sans cesse comme le faisait Adams que les hommes n’étaient pas aptes à choisir leurs dirigeants, que les élections étaient dangereuses, que les distinctions de naissance et de fortune et non de talents ou de vertus devaient être les fondements de la société, que les riches et les grandes familles devaient être révérés par des titres et les pauvres devaient accepter d’être des objets de mépris, écrire tout cela était bien proférer des hérésies. En reprenant le terme même employé par Jefferson, l’auteur se plaçait évidemment dans le camp des Painites revendiqués.
L’enthousiasme suscité par la publication de Rights of Man se manifesta aussi par la publication de plusieurs poésies faisant l’éloge de Paine et de son pamphlet dans la presse. La plus importante de ces productions versifiées est celle de Philip Freneau, homme de lettres et poète reconnu, publiée dans le General Advertiser du 30 mai et reprise notamment par le Freeman’s Journal de Francis Bailey (43). Philip Freneau mettait en avant le républicanisme de Paine et l’opposition à la monarchie développée dans Rights of Man :
"Roused by the reason of his manly page,
One more shall Paine listening world engage
From Reason’s source, a bold reform he brings,
By raising up mankind he pulls down kings,
Who, source of discord, patrons of all wrong,
On blood and murder, have been fed too long."
Surtout il terminait son texte par l’idée que désormais, Amérique et monarchie étaient irréconciliables :
"Columbia Hail ! — Immortal be thy reign
Without a king we till the fertile plain
Without a king we trace the encircling sea
(…)
Without a king the laws maintain their sway
While honor bids each loyal heart obey
Be ours the task, the ambitious to restrain,
And this great lesson teach, that kings are vain.
(…)
So shall our nation, form’d on Reason’s plan,
Remain the guardian of the Rights of Man
A vast republic, fam’d thro' every clime
Without a king, to see the end of time !"
Placé en porte à faux par l’affaire du billet devenu exergue du pamphlet, Jefferson écrit à Washington le 8 mai 1971 pour se justifier. Il lui explique que son rejet de la constitution anglaise et ses désaccords de principe avec Adams sont bien connus mais qu’il n’a jamais souhaité se placer en contradicteur public du vice-président. Il en profite pour faire l’éloge du pamphlet "popular and republican" de Paine qui connaît un grand succès. Certes, quelques "Anglomen" disent publiquement que sa publication peut brouiller les États-Unis avec l’Angleterre (Jefferson vise notamment Hamilton), mais leur véritable peur est que Rights of Man balaye d’un seul coup les doctrines antirépublicaines prêchées dans les Discourses of Davila (44). Il était vrai que le représentant anglais Beckwith avait protesté officieusement auprès de personnes proches de Washington contre la présence de la note de Jefferson en tête de l’édition américaine de Rights of Man et même contre la dédicace au président des États-Unis. Hamilton avait lui aussi désapprouvé la publication et en avait profité pour critiquer l’absence de solidarité gouvernementale de Jefferson. Bien évidemment, John Adams avait déclaré qu’il détestait ce livre et ses tendances du plus profond de son cœur (45). Dans sa correspondance privée, Jefferson ne cessa, au mois de mai, de faire l’éloge du livre de Paine qui raffermissait le républicanisme de la plupart des Américains contre les "arguties" de Burke et qui pourrait même peut-être agir comme une douche pour les quelques Américains apostats partisans de la monarchie à l’anglaise (46).
Madison était lui aussi enthousiaste envers Paine et critique envers Adams, qualifié de "partisan britannique" (47). Dans une lettre à Jefferson, Madison rassurait son ami au sujet de Adams qui, moins que quiconque, pouvait se plaindre de la fameuse exergue de Jefferson. Pour Madison, Adams avait — avec sa soi-disant Defence of the American constitutions — ouvertement attaqué l’esprit du républicanisme en Amérique en prétendant défendre ses constitutions, alors même qu’il était représentant des États-Unis à Londres. Il avait récidivé depuis son élection à la vice-présidence en prenant sans cesse la parole pour défendre la monarchie anglaise et les titres. Certes, son nom n’apparaissait pas formellement en tête des Discourses on Davila mais c’était là un secret de Polichinelle. Tout le monde savait que le vice-président avait écrit ces textes anti-républicains alors qu’il était lui-même à la tête d’une république fondée sur des principes opposés aux siens.
Notes
(1) Étonnament, le débat américain au moment de la publication de la première partie de Rights of Man n'a pas été le sujet de nombreux travaux historiques. On peut trouver quelques remarques générales à ce sujet dans des synthèses comme celle de Stanley Elkins et Eric McKittrick, The Age of Federalism, 1993 ou dans celle de Gordon S. Woods, Empire of Liberty. A History of the Early American Republic, 2009 mais seule la note éditoriale de Julian Boyd dans les Jefferson's Papers y est spécifiquement consacrée. Toutefois, Boyd limite son propos au rôle de Jefferson dans ce moment. Il ne s'intéresse pas aux arguments des défenseurs de Paine et Jefferson dans la presse (Julian Boyd, Editorial note Rights of Man. The Contest of Burke and Paine… in America, Founders Online, National Archives, http://founders.archives.gov/documents/Jefferson/01-20-02-0076-0001. Original source: The Papers of Thomas Jefferson, vol. 20, 1 April–4 August 1791, ed. Julian P. Boyd. Princeton: Princeton University Press, 1982, pp. 268–290). Sur le débat autour de Publicola, voir James R. Zink, "The Publicola Debate and the Role of the French Revolution in American Constitutional Thought", American Political Thought, no. 4 (Fall 2015): 557-587.
(2) Sur le débat Burke-Paine en Angleterre et sur ses conséquences en France et en Europe voir Amanda Goodrich, Debating England's aristocracy in the 1790s, Rochester NY, Boydell Press, 2005, Padraig O'Brien, Debate aborted 1789-1791 : Priestley, Paine, Burke and the Revolution in France, Edinburg, Pentland press, 1996. Burke, Paine, Godwin and the Revolution controversy, Marilyn Butler (ed.), Cambridge, University Press, 1986. R. R. Fenessy, Burke-Paine and the Rights of Man, The Hague, Nijhoff, 1963.
(3) Thomas Jefferson, lettre du 8 mai 1791 à George Washington in The works of Thomas Jefferson, ed. by Paul Leicester Ford (Federal Edition), New York, tome 6, p. 255.
(4) Idem.
(5) "A paper of pure Toryism, disseminating the doctrines of monarchy, aristocracy and the exclusion of the influence of the people", cité par Jeffrey Pasley, The Tyranny of Printers : Newspaper politics in the Early American Republic, University of Virginia Press, 2003, p. 61-62.
(6) Marc Belissa, "République monarchique ou démocratique ? La querelle des titres et la construction d’un cérémonial républicain aux États-Unis en 1789-1791" Revolution-francaise.net, mis en ligne en juillet 2017.
(7) Thomas Jefferson, lettre à George Mason du 4 février 1791 in The works of Thomas Jefferson, op. cit., tome 6, p. 186.
(8) Voir l'introduction historiographique et les références bibliographiques présentées par Daniel O'Neill dans "John Adams versus Mary Wollstonecraft on the French Revolution and Democracy", Journal of the History of Ideas, vol. 68, n° 3, juillet 2007, p. 451-476, voir aussi A Companion on John Adams and John Quincy Adams, David Waldstreicher ed., Walden (Mass.) Oxford, Blackwell Companions on American History, 2013.
(9) John Adams, The Works of John Adams, Boston, 1851, tome 6, p. 428.
(10) François Charbonneau, Une part égale de liberté. Le patriotisme anglais et la Révolution américaine, Québec, Liber, 2013, chapitre 7 "Le triomphe de l'égale liberté".
(11) John Keane, Tom Paine. A political life, Londres, Bloomsbury, 1995, p. 8.
(12) Douglas Bradburn, The Citizenship Revolution : Politics and the Creation of the American Union, 1774-1804, University of Virginia Press, 2009, p. 31.
(13) Adams a sans doute utilisé la traduction française de l’abbé Mallet imprimée en trois volumes en 1757 (bien qu’il existât une traduction anglaise).
(14) John Adams, "Discourses on Davila" dans The Works of John Adams, op. cit., tome 6, p. 232-236.
(15) Idem, p. 240.
(16) Idem, p. 242.
(17) Idem, p. 242-244.
(18) Idem, p. 245.
(19) Idem, p. 248.
(20) Idem, p. 253.
(21) Idem, p. 255-256.
(22) Idem, p. 252.
(23) Idem, p. 270. La dernière phrase fait référence à l'ordre des Cincinnati dont les membres français et américains portaient des aigles et des rubans noirs.
(24) Idem, p. 271.
(25) Idem, p. 275.
(26) Idem, p. 276.
(27) Idem, p. 280.
(28) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston) des 21 et 28 octobre 1790, p. 1.
(29) Greenleaf’s New York Journal du 3 février 1791, p. 3.
(30) Ces lettres ne furent publiées qu'en 1802 à Boston sous la forme d'une brochure de trente-deux pages.
(31) The Works of John Adams, op. cit., tome 6, p. 415.
(32) Idem, p. 417.
(33) Idem, p. 418.
(34) Voir par exemple la lettre publiée dans le numéro du 7 mars 1791 du General Advertiser de Benjamin Franklin Bache, p. 3.
(35) Lettre de Thomas Jefferson à Benjamin Vaughan du 11 mai 1791 dans The works of Thomas Jefferson, op. cit., tome 6, p. 260.
(36) The Independent Chronicle and Universal Advertiser (Boston) du 21 avril 1791, p. 3. "Further remarks on Burke’s Phillipic".
(37) Idem, n° du 28 avril 1791, p. 1.
(38) Lettre de Jefferson à Washington du 8 mai 1791 dans The works of Thomas Jefferson, op. cit., tome 6, p. 254-257.
(39) The General Advertiser and Political, Commercial, Agricultural and Literary Journal, n° du 10 mai 1791, p. 3.
(40) Idem, n° du 12 mai 1791, p. 2.
(41) Idem, n° du 4 juin 1791, p. 3.
(42) Greenleaf’s New York Journal, n° du 2 juillet 1791, p. 2. The General Advertiser and Political, Commercial, Agricultural and Literary Journal, n° des 21 juin et 22 juillet , p. 2. "Remarks on the political writings and opinions of Mr John Adams, Vice President of the United States, extracted from a letter published in the Poughkeepsie Journal".
(43) The General Advertiser, n° du 30 mai, p. 2, Freeman’s Journal or the North-American Intelligencer, n° du 1 juin 1791, p. 2.
(44) Lettre de Jefferson à Washington du 8 mai 1791 dans The works of Thomas Jefferson, op. cit., tome 6, p. 254-257.
(45) George Washington, The Writings of George Washington, ed. Worthington Chauncey Ford (Federal Edition), New York, 1891, vol. XII, p. 36-38.
(46) Pour s'opposer à l'esprit "burkite" et "tory" diffusé par la presse fédéraliste, Jefferson et Madison ne se contentaient pas de faire l'éloge du pamphlet de Paine, ils cherchèrent à créer ou à soutenir un journal qui puisse faire pièce à la Gazette of the United States de Fenno qui leur apparaissait de plus en plus comme une sorte de journal officiel anti-démocrate. Ils tentèrent de persuader le poète et homme de lettres Philip Freneau, alors très célèbre, de se lancer dans cette aventure journalistique. Jefferson voulait surtout qu'un journal américain puisse traduire en anglais les comptes rendus des événements français publiés par la Gazette de Leyde qui lui apparaissaient alors comme plus favorables à la France que les articles anglais repris dans la presse fédéraliste. Le projet de Jefferson ne se réalisa qu'en octobre avec le lancement de la National Gazette, grâce à un tour de passe-passe financier qui lui permit de salarier Freneau en tant que "traducteur" pour le gouvernement.
(47) Lettre de James Madison à Jefferson du 12 mai 1791 dans The Writings of James Madison, comprising his Public Papers and his Private Correspondence, including his numerous letters and documents now for the first time printed, ed. Gaillard Hunt (New York: G.P. Putnam’s Sons, 1900), vol. 6., p. 50-52.