Pour tenter de répondre à la question énigmatique du « comment sortir de la Terreur », proposons de mêler l’événement et l’approche diachronique, la réflexion sur le 9 thermidor ou sur la « Terreur blanche » et le problème du « comment gouverner la République » en l’an III. Telle démarche pourra sembler disparate ou pêcher par défaut de cohérence. Mais il ne s’agit pas ici de revenir sur les analyses pénétrantes de Bronislaw Baczko et de Mona Ozouf (4). Ainsi se trouvent écartées certaines séquences fortes du « moment thermidorien », le Rapport de Robert Lindet du 4ème jour sans-culottide an II (20 septembre 1794), la panthéonisation de Marat, le lendemain, le procès de Carrier précédé de l’appel nominal du 3 frimaire an III (23 novembre 1794), le premier rappel des Girondins (les protestataires) le 18 frimaire, enfin le décret des deux tiers, à l’été 1795. Aussi nous en tiendrons-nous à quelques réflexions sur le 9 thermidor, sur les renouvellements politiques opérés de thermidor à frimaire, sur le temps de la revanche, le temps de ce que les acteurs nomment la « réaction », celui de « l’impossible oubli » (5).

Du non-événement à l’événement construit

« Nous étions tous thermidoriens : ainsi s’exprime, trente-cinq ans après les faits, l’ancien Conventionnel montagnard René Levasseur de la Sarthe (6). Le 9 thermidor, en effet, est bien d’abord et avant tout une affaire de la Montagne. Là-dessus, les témoins s’accordent – chacun dans son langage et ses stéréotypes -, de Levasseur (« Les héros du 9 thermidor avaient été les plus vigoureux agents du 31 mai » (7) à Pierre Paganel, député de la Plaine mais zélé représentant en mission en l’an II : « Qui de nous eût pensé que les auteurs de la journée du 9 thermidor seroient ceux-là même qui, naguère, encensoient l’idole » (8). Alors, comment ne pas s’interroger : pourquoi cette crise thermidorienne ? Edgar Quinet, inspiré par le manuscrit, alors inédit, des Notes historiques du Conventionnel montagnard Marc-Antoine Baudot (9), met en lumière les rumeurs qui courent dans l’assemblée de prairial à thermidor. De ceci on retiendra deux moments essentiels, la fête de l’Être suprême, le 20 prairial an II (8 juin 1794) et la loi Couthon du 22 prairial. Prenons garde cependant, car les sources utilisées sont toutes post-thermidoriennes. Des Mémoires de Levasseur aux Causes secrètes de Vilate, des Mémoires de Barère ou des Notes de Baudot au Rapport du « Montagnard réacteur » E.B. Courtois, le 16 nivôse an III (5 janvier 1795), ce sont elles qui évoquent les « listes funèbres ». Que lit-on ?

L’affaire du 20 prairial est apparemment la plus simple, car nul n’évoque le Rapport du 18 floréal, applaudi par la Convention. Ainsi, selon Baudot, « parmi ceux qui dirent beaucoup d’injures à Robespierre pendant la procession, je distinguai particulièrement Thirion, Ruamps, Montaut, Duhem, Lecointre de Versailles » (10). Mais que penser de ce témoignage ? Aucun des Montagnards ici incriminés n’est déchristianisateur militant(11) et les membres des comités de Salut public et de Sûreté générale que l’historiographie retient comme « athées » ou « anticléricaux » (ce qui, on l’admettra, n’est pas la même chose) ne sont pas alors mentionnés. Rien ne prouve vraiment – sans doute à l’exception notoire de Vadier qui, avec l’affaire Théot, amusa indéniablement la Convention aux dépens de Robespierre – que ces mêmes membres aient été hostiles, sur le fond, au culte de l’Être suprême(12). Peut-être, en effet, Billaud-Varenne et Collot d’Herbois étaient-ils « violemment anticléricaux » (13). Rien, toutefois, qui puisse remettre en cause le déisme de Billaud, avéré en 1789 (14). ; rien n’exclut, non plus, que Fouché (et ses amis nivernais et bourbonnais), et non Collot, ait rédigé ou inspiré le paragraphe V « Extirpation du fanatisme » de l’Instruction adressée aux autorités constituées des départemens de Rhône et Loire (…) par la commission temporaire (…) établie à Ville-Affranchie (26 brumaire an II – 16 novembre 1793)(15).

L’affaire de la loi du 22 prairial est plus complexe et tragique. Le Rapport de Couthon était porté par des logiques totalement contradictoires. D’une part, il s’agissait de relancer la Terreur en parlant d’un complot non éradiqué – et peut-être non éradicable – des « ennemis du peuple », aussi dénommés « ennemis de la liberté », « ennemis de l’humanité », puis désignés comme « la faction des Indulgents » : c’était tenir le discours de l’interminable Terreur (16). D’autre part, cependant, Couthon revenait à l’incantation lancée par Saint-Just, le 28 germinal an II (15 avril 1794) et tendant à clore le « drame de germinal ». « Tout commence donc sous le ciel » disait Saint-Just, évoquant la formule de Fichte : « Être libre ce n’est rien, devenir libre c’est le ciel ». À cette maxime faisait écho la scansion de Billaud-Varenne dans le Rapport programmatique du 1er floréal an II (20 avril 1794) : « il est temps », « il est temps », de fixer, d’installer, bref de terminer la Révolution, « cette chaîne de calamités » (17). Au cœur d’un discours obsédé par le spectre d’un soupçon universel, Couthon exposait en effet : « Si l’on veut avoir un gouvernement raisonnable, si l’on veut terminer les crises de la révolution, il est temps de porter dans toutes les parties de l’administration civile et politique cette justesse d’esprit qui met chaque principe à sa place, et qui prévient cette confusion éternelle des idées, la source la plus féconde de nos erreurs » (18).

De cet imbroglio les députés de la Convention, sans doute plus subjugués que convaincus, devaient retenir certains points. Ruamps, représentant montagnard de la Charente-Inférieure, déclarait aussitôt : « Ce décret est important ; j’en demande l’impression et l’ajournement. S’il était adopté sans l’ajournement, je me brûlerais la cervelle » (19). Et la discussion devait s’en tenir, les 22, 23 et 24 prairial, à l’article X, à l’article VI (mais uniquement au motif de « dépraver les mœurs ») et à l’article XVI consacré aux « jurés patriotes ». Quels furent, après Ruamps, les députés intervenants ? Ne citons ni Robespierre, ni même Barère ou Billaud-Varenne qui prennent parti pour le « rapport du comité ». Mais on retrouve dans la discussion les Montagnards Le Cointre, Gaston, Bourdon (de l’Oise), Bernard (de Saintes), Charles Delacroix, Mallarmé (auquel répondent Duhem et Charlier), Legendre (de Paris), les députés de la Plaine Delbrel (qui appuie le comité de Salut public) et Merlin (de Douai). Ce dernier propose un considérant fondamental sur l’article X de la loi Couthon. Peut-on parler d’une défense de l’immunité parlementaire ? La question peut paraître absurde en prairial an II : Merlin, somme toute, se borne à demander que « le jury qui doit prononcer s’il y a lieu à accusation contre un représentant du peuple, soit la Convention » (20). En l’absence de Couthon et Robespierre – c’est Voulland qui occupe le fauteuil à la place de ce dernier -, la proposition est adoptée par la Convention. Le lendemain, 24 prairial, Couthon relance le débat. Sa réponse à la proposition de Merlin débute en ces termes : « Oui, l’on a accusé, l’on a calomnié le comité de Salut public ». Puis de conclure en demandant que « la Convention passe simplement à l’ordre du jour sur les propositions faites hier et aujourd’hui contre la loi du 22, et que par là vous les frappiez du juste dédain qu’elles méritent. (Nouveaux applaudissements) » (21). C’est ici que Robespierre va intervenir, après Bourdon (de l’Oise), pour fustiger ce dernier. Les propos sont célèbres : « La Convention, la Montagne, le comité, c’est la même chose. (Vifs applaudissements) » (22). Et de déclarer, après une interruption de Bourdon : « Je n’ai pas nommé Bourdon, malheur à qui se nomme lui-même » (23). Robespierre menaçant, Robespierre-dictateur : si satisfaisante était l’image qu’au-delà de leurs divergences d’appréciation sur le « moment thermidorien », les témoins la reprennent de Levasseur à Barère (et ses « complices » de l’an III), enfin à Courtois, éminent propagateur de la rumeur.

En tout état de cause, la discussion de la loi de prairial introduit une rupture décisive dans la Montagne. Pour ne disposer que de reconstructions postérieures, nous pouvons affirmer que les témoins sont unanimes à dater de cet instant les fameuses « listes » dont on soupçonne le Bureau de police du comité de Salut public (et donc Robespierre) d’être l’instigateur (24). Autrement dit, la stratégie de la rumeur est à l’œuvre immédiatement avant la crise thermidorienne, annonçant ainsi la fable de « Robespierre-roi », scrutée par Bronislaw Baczko (25). Les récits de cette rumeur sont, toutefois, apparemment contradictoires. Ainsi Levasseur (de la Sarthe) écrit : « Les ennemis de cet homme célèbre (Robespierre) (…) firent circuler des listes de proscrits, dans lesquelles figuraient des hommes de tous les partis, et ces listes étaient toujours présentées comme l’ouvrage de Robespierre » (26). Au contraire, Barère rapporte : « On mit sous les yeux du comité une liste que les partisans de Robespierre faisaient courir. Elle contenait les noms de dix-huit députés que ce dernier voulait mettre en état d’arrestation pour avoir outrepassé leur mandat et exercé la tyrannie dans les départements (…). Je me souviens de quelques-uns de ces noms : Tallien, Fréron, Barras, Alquier, Dubois-Crancé, Monestier du Puy-de-Dôme, Prieur, Cavaignac… » (27). Tous étaient Montagnards, sauf Alquier. Mais de Barère on a un autre témoignage, indirect celui-ci. C’est Joachim Vilate, ancien juré du Tribunal révolutionnaire arrêté le 2 thermidor, qui rapporte le fait suivant, datant de messidor an II : « Ce Robespierre est insatiable, dit Barère, parce qu’on ne fait pas tout ce qu’il voudrait, il faut qu’il rompe la glace avec nous. S’il nous parlait de Thuriot, Guffroy, Rovère, Le Cointre, Panis, Cambon, de ce Monestier qui a vexé toute ma famille (28), et de toute la séquelle dantoniste, nous nous entendrions ; qu’il demande encore Tallien, Bourdon de l’Oise, Legendre, Fréron, à la bonne heure ;… mais Duval, mais Audouin, mais Léonard Bourdon, Vadier, Vouland, il est impossible d’y consentir (29). » Une fois encore les seize députés étaient tous des Montagnards. Mais, rien de surprenant à ce que la plus intense vienne de Edme-Bonaventure Courtois et de son Rapport du 16 nivôse an III (30). « Montagnard-réacteur » de l’Aube (31), Courtois, on le sait, devait « fabriquer » son Rapport et c’est précisément cette tonalité thermidorienne qui nous intéresse. Est ainsi accréditée – pièces justificatives à l’appui – l’idée d’un réseau d’espionnage dont l’un des agents, Claude Guérin, aurait en messidor rapporté les faits et gestes de plusieurs députés montagnards, Legendre, Léonard Bourdon, Thuriot, Bourdon (de l’Oise), Tallien, Calon, Charlier, Fouché, Gaston, Bréard, Coupé (de l’Oise) (32). C’est ainsi, selon les sources, entre une poignée et une trentaine de députés qui auraient été menacés par Robespierre.

Dès lors, comment s’étonner que le 9 thermidor soit une affaire de la Montagne : les « conjurés » de la Plaine, loquaces a posteriori pour certains (tel Durand-Maillane), sont étonnamment absents des débats de la journée. On peut reconstituer – certes, de façon approximative – la liste des orateurs qui intervinrent alors contre Robespierre et ses « complices ». Trente-cinq Conventionnels parlèrent contre le « tyran ». Parmi eux, on relève les noms de trente-trois Montagnards et de deux « modérés » seulement (Féraud et Lozeau) (33). Notons surtout que le groupe montagnard éclate en deux parties à peu près égales en l’an III : quinze députés seront « derniers Montagnards », seize « Montagnards-réacteurs » (et deux « Montagnards à l’écart »). Il est ainsi symbolique que le 9 thermidor soit l’ouvrage, non seulement de la Montagne, mais des deux fractions de la Montagne. Affaire interne, donc, et qui, comme telle, revêt un aspect « terroriste ». À la limite ne pourrait-on se demander si ce ne sont pas les sources post-thermidoriennes qui, en fait, inventent l’imaginaire de la Terreur, si ce n’est pas Thermidor qui, dans une certaine mesure, fait historiquement exister la Terreur.

Le 9 thermidor, en effet, à la différence des événements structurants de la Révolution française (14 juillet, 10 août et même 2 juin) est un « événement à la recherche de sa signification » (34), un événement dans lequel il faut « faciliter au bon peuple son choix », « lui simplifier toute cette affaire compliquée » (35).

C’est donc peu dire qu’il fallait mobiliser l’opinion publique – ou l’esprit public, comme on dit plus volontiers en l’an II (36) – et le plus intensément et unanimement possible. De là, ce flux d’adresses longuement lues ou citées à la Convention, de thermidor an II à vendémiaire an III, ou même simplement évoquées comme dans cette litanie du 15 fructidor an II (1er septembre 1794) où sont recensées les 395 envois des districts, tribunaux, communes, comités de surveillance et sociétés populaires qui tous – comme l’indique le Procès-Verbal – « expriment une indignation contre le perfide Robespierre et ses complices qui vouloient attenter à la représentation nationale », « félicitent leurs frères de Paris, qui ont déployé le courage qui caractérise les hommes et donné une preuve éclatante de leur inviolable fidélité envers la représentation nationale », « invitent, enfin, la Convention nationale de rester inébranlable à son poste » (37). De ces centaines d’adresses (38) on retiendra les stéréotypes, mais aussi une évolution. Repris avec des variantes souvent mineures le schéma topique – au moins en thermidor – en est le suivant : les « incorruptibles » (« vertueux », « énergiques ») Montagnards ont démasqué une faction tyrannique et perfide (le terme est récurrent) qui avait abusé le peuple ; la Montagne doit rester fermement à son poste et prendre des mesures de salut public pour maintenir le Gouvernement révolutionnaire. Et si la Terreur est encore évoquée, elle est une forme spécifique de justice issue de la Convention nationale, tant est forte l’idée de la « centralité législative » : « Des conjurés audacieux avoient amoncelé le crime et médité la ruine du pouvoir républicain : la foudre est encore partie de la Montagne, et son explosion terrible en anéantissant les traitres, vient de rendre à la vertu son éclat et sa pureté. (…) Continuez Montagnards intrépides, vos travaux immortels » (39). La commune d’Abbeville, quant à elle, demande que « le pinceau de David représente ces audacieux Titans écrasés par la foudre nationale, et que le tableau placé dans le lieu des séances du corps législatif, effraye à jamais les ambitieux qui seroient tentés de les imiter » (40).

Plus intéressantes, peut-être, sont les nombreuses adresses qui, dénonçant les « complots liberticides » du « nouveau Catilina », « nouveau Cromwell », placent le triomphe des « braves Montagnards » sous les auspices de l’Être suprême en dénonçant l’athéisme des conjurés (41). Ainsi, au fil des adresses, s’égrènent les métaphores du « roc », du « volcan » (tout le vocabulaire de l’énergie caractéristique de l’an II), s’impose la sacralité de la Montagne. Pour les autorités constituées comme pour les sociétés populaires, le sommet (la cime, mais jamais la crête) de la Montagne a puni les restes du « Marais », couverts des masques du patriotisme et de la vertu, amis à la fois de Danton, de Chabot, d’Hébert, mais aussi nouveaux Petion et Brissot (42). L’adresse de la société populaire d’Uzès-la-Montagne est ici exemplaire : « Montagne admirable, Montagne divine, Montagne sainte et sublime, qui de ton sommet, veille sans cesse à la liberté du Peuple, et lance les foudres vengeurs contre tes ennemis, reçoit (sic) nos félicitations, et notre enthousiasme, encore une fois ton énergie, ton courage, ta sagesse, et ta fermeté, ont sauvé la patrie, encore une fois tu as fait ton devoir » (43). Soulignons, d’ailleurs, que dans les adresses il est peu question de Saint-Just, de Couthon (sauf dans le Puy-de-Dôme), moins encore de Le Bas, de Robespierre jeune et point du tout les fournées des 10-12 thermidor.

Dès les premiers jours de fructidor, toutefois, l’unanimité s’effrite. Les désignants Montagne et Montagnards se font plus rares dans les adresses des corps constitués, alors qu’ils persistent dans les lettres des sociétés populaires. En outre apparaissent ici et là les dénonciations des « Robespierre subalternes », représentants en mission ou agents locaux du Gouvernement révolutionnaire. Puis, pour sortir de la Terreur, deux voies se profilent. L’une entend poursuivre le chemin du printemps de l’an II : « en révolution, le peuple et le législateur doivent seuls pouvoir, dans les momens de crise, s’élancer hors du cercle, pour y ramener toute masse de factieux et de malveillans, devenue trop forte pour être contenue ou réduite par les voies ordinaires » (44). Le projet politique ici défini est clairement celui des « institutions civiles ». L’autre voie érige la Terreur – le « système de Terreur », ainsi qu’on va bientôt l’appeler – en un moment nécessaire, admis puis rejeté, dans le processus révolutionnaire.

Un fait, toutefois, est à souligner. Dans leur pluralité de formes et nuances, c’est par les députés de la Montagne (ce, quelle que soit leur trajectoire ultérieure de l’an III), qu’adresses et pétitions sont principalement inspirées. C’est à eux qu’est due l’unanimité des lendemains post-thermidoriens. Ainsi, l’action de Borie, dans le Gard et la Lozère, de Maignet dans les Bouches-du-Rhône et le département de Vaucluse, De Chaudron-Roussau et Mallarmé en Haute-Garonne, de Dartigoeyte dans le Gers, de Garnier (de Saintes) dans le Bec d’Ambès, d’Esnüe-Lavallée en Ille-et-Vilaine, de Rühl en Alsace etc. De leurs proclamations aux autorités constituées ou aux armées, de leur correspondance à la Convention on peut inférer que leur approbation du 9 thermidor fut unanime. Ainsi Jeanbon-Saint-André qui, dans sa proclamation de Port-la-Montagne (Toulon), le 19 thermidor an II (6 août 1794), fustige ces « pygmées », « modernes Catilina » et déclare : « La liberté vient d’essuyer une nouvelle secousse. Elle en est sortie triomphante, comme de toutes les autres. Quelques hommes, à l’aide d’une réputation colossale, avoient osé concevoir l’odieux projet d’asservir le Peuple. Ils ont passé, ils ne sont plus, et le Peuple demeure immortel et toujours grand, toujours digne de lui-même et de la Liberté qu’il a conquise » (45).

Il est pourtant des Conventionnels pour manifester de l’inquiétude. Piorry écrit le 11 thermidor à ses compatriotes de la société populaire de Poitiers : « Mes ennemis ne manqueront pas sans doute de se rallier tous, et de dire que j’étois de la faction Robespierre. Les hommes – ajoutait-il – véritablement voués à la faction robespierre ne vouloient pas comme moy le gouvernement révolutionnaire » (46). Ainsi est perceptible, dès le lendemain du 9 thermidor, l’association possible « Montagnards » / « Robespierristes ». Telle n’est pas, toutefois, la première construction officielle de l’événement, celle qui inspire les adresses de thermidor et du début de fructidor.

Le discours officiel, il revient à Barère de le proposer le 10 thermidor au matin, en une première analyse de la « conjuration » adressée aux départements et aux armées (47). Le Rapport de Barère est marqué par deux contradictions lourdes de conséquences. D’une part, il parle le langage rassurant de l’événement dépassé (« Le 31 mai, le peuple fit sa révolution ; le 9 thermidor, la Convention nationale a fait la sienne ; la liberté a applaudi également à toutes les deux »), mais cet optimisme est aussitôt corrigé par l’angoisse sous-jacente au vœu formulé : « Puisse cette époque terrible (…) être le dernier orage de la révolution ! ». Barère, par ailleurs, dénonce à la fois un homme (« Un seul homme a manqué de déchirer la patrie ; un seul individu a manqué d’allumer le feu de la guerre civile et de flétrir la liberté ») et un complot beaucoup plus vaste (« Leurs auxiliaires étaient les partisans d’un pouvoir unique, les habitués du gouvernement corrompu des rois, et ces faiseurs de projets criminels que soutiennent dans l’intérieur les ennemis de la révolution »).

Mais, si Barère accrédite la fable du sceau à fleur de lys et celle de la délivrance es prisonniers du Temple, il ne parle pourtant pas de la Terreur. En revanche est évoqué le Gouvernement révolutionnaire, rendu plus solide par sa pureté retrouvée : « comme si le gouvernement révolutionnaire n’avait pas repris plus d’empire par la révolution même dont il avait été l’objet ». Le lendemain, Barère devait toutefois sentir la nécessité de répéter la thèse de la « commotion partielle » et sans conséquence : « cette conspiration n’a pas altéré un instant l’organisation sociale », elle « laisse le gouvernement dans son intégrité quant aux opérations politiques, administratives et révolutionnaires, au-dedans et au-dehors » (48). Quant à la Terreur, il n’était toujours question ni de sa réalité, ni de l’exigence d’y mettre fin. En revanche, dans la séance du soir, le débat était lancé sur le renouvellement des comités et le fonctionnement des commissions exécutives : l’organisation du Gouvernement révolutionnaire occupait seule les esprits des Conventionnels.

Un mois plus tard, la scène est entièrement changée. Entre temps, la loi du 22 prairial a été rapportée (à l’unanimité et au milieu des plus vifs applaudissements), le Tribunal révolutionnaire épuré, le nombre des comités de surveillance massivement réduit. Enfin, le 7 fructidor, le Gouvernement révolutionnaire a été, non pas démantelé, mais remodelé : en acquérant la surveillance des administrations civiles et des tribunaux, le comité de Législation était devenu un rouage essentiel du dispositif gouvernemental. Le 2 fructidor, toutefois, une discussion significative a eu lieu à la Convention. Louchet, député montagnard de l’Aveyron, celui-là même qui avait proposé l’arrestation de Robespierre, déclare : »Songeons que nous sommes en révolution, et qu’en révolution défiance est sagesse ; sévérité clémence et clémence cruauté ». Et de conclure, interrompu par de violents murmures : « Pénétré de la grandeur des périls qui menacent encore la liberté publique et de la nécessité de tarir au plus tôt la source de nos troubles intérieurs ; persuadé qu’il n’existe pour cela d’autres moyens que de maintenir partout à l’ordre du jour la terreur… ». Après l’interruption, Louchet reprend : « J’entends par le mot terreur la justice la plus sévère » (49). Tallien, après Charlier, devait alors intervenir : « Robespierre aussi disait sans cesse qu’il fallait mettre la terreur à l’ordre du jour, et tandis qu’à l’aide de ce langage il faisait incarcérer les patriotes et les conduisait à l’échafaud, il protégeait les fripons qui le servaient » (50).

C’est, toutefois, dans la séance du 11 fructidor an II (28 août 1794) que Tallien, dans une motion d’ordre, expose longuement l’argumentaire post-thermidorien qui va orienter la « sortie de la Terreur » et la conduite nouvelle du Gouvernement révolutionnaire. « Tallien, écrit Quinet, dans un discours où il se met tout entier, fait le manifeste de son parti » (51). L’orateur a beau déclarer : « tout ce que vous venez d’entendre n’est qu’un commentaire de ce que Barère a dit à cette tribune du système de terreur, le lendemain de la mort de Robespierre » (52), son discours est bien éloigné du précédent. Après avoir affirmé « l’ombre de Robespierre plane encore sur le sol de la République », Tallien évoque en effet le spectre d’une « nouvelle secousse ». Sans parler de la « queue de Robespierre » (53), il induit l’existence d’une « conjuration » ayant des ramifications au sein même de la Convention. Surtout, contrairement à Barère, il définit ainsi le Gouvernement révolutionnaire de l’avenir : « celui qui peut seul et doit nécessairement achever et assurer la révolution » (54). Ainsi, sortir du « système de la terreur » – ce système qui suppose pouvoir arbitraire, pouvoir absolu et, ce qui peut être désespérant, pouvoir sans fin, ce système qui, contre la souveraineté de la volonté générale, est utile à « la minorité qui veut opprimer la majorité » (55) – c’est surtout terminer la Révolution. Et, au début de son intervention, Tallien scande « il est temps », « il est temps », vocabulaire de l’installation qui n’est pas nouveau : c’était, nous l’avons dit, le leitmotiv du Rapport programmatique de Billaud-Varenne le 1er floréal an II (20 avril 1794). Mais si Billaud martelait le mot « justice » (dix-sept occurrences), il se taisait sur la Terreur. Tallien, au contraire, développe longuement l’analyse du « terrorisme » qui, ayant « cessé un instant de faire trembler », « ne peut que trembler lui-même » (56). Et si l’orateur conclut au maintien du Gouvernement révolutionnaire et déclare « contraire aux intérêts du peuple, la réunion actuelle des assemblées primaires », il n’en affirme pas moins qu’au « système de terreur » doivent être substituées la « justice et l’humanité », le mot d’ordre thermidorien (57).

À Tallien répliquent deux Montagnards, Lefiot et Thuriot. Le premier rappelle le passé « terroriste » du représentant en mission à Bordeaux, le second lui reproche de ne pas avoir parlé six mois plus tôt (ainsi est daté le début de la « tyrannie ») et déclare ne point voir « les nuages dont Tallien a obscurci l’horizon ». Ces interventions permettent en tout cas de comprendre comment, le lendemain 12 fructidor (29 août 1794), la Convention repousse vertueusement les accusations de Le Cointre (de Versailles) contre Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Barère, Vadier, Amar, Voulland et David, membres des comités de Salut public et de Sûreté générale. Comment, aussi, elle peut entendre Goujon : « j’ai remarqué, dit ce dernier, qu’à l’aide de grandes phrases, on vouloit étendre un voile de terreur sur la Convention par ces termes de robespierristes, de continuateurs de Robespierre, de scélérats (…) (58). Et entendre Cambon qui déclare : « Des hommes qui se disoient vertueux accusèrent les autres d’être des hommes de sang ; aujourd’hui on a créé le mot de Robespierrisme, et l’on accuse tel ou tel de ce crime » (59).

Ainsi, un mois après le 9 thermidor, l’ordre du jour officiel est bien de clore l’événement construit depuis un mois par l’étonnant discours des adresses : une commotion partielle opérée par la conjuration d’un coupable triumvirat et non la manifestation d’une vaste conspiration. Et si la Convention ne peut raisonnablement être « toute entière coupable » pour avoir continué les pouvoirs des comités, c’est qu’elle est toute entière innocente. La crise passée, il s’agit maintenant de gouverner la République pour terminer la Révolution.

Gouverner la République

Pas plus, nous l’avons dit, que le décret du 7 fructidor an II (24 août 1794) ne démantèle le Gouvernement révolutionnaire, ce dernier ne sombre dans « l’anarchie » (60). Aulard l’avait écrit en 1901 : « le Gouvernement révolutionnaire fut bien réellement maintenu par la Convention après thermidor, jusqu’à la mise en activité de la constitution de l’an III, (…) le grand décret du 14 frimaire an II, modifié peu à peu selon les circonstances, resta pendant toute cette période thermidorienne, la loi politique de la France » (61). Aussi nous intéresserons-nous à la fois aux renouvellements des comités de la Convention et aux personnels des représentants en mission : c’est, en effet, de thermidor an II à brumaire an III, que les « Montagnards réacteurs » et les députés de la Plaine investissent les rouages du Gouvernement révolutionnaire (62).

Le 11 thermidor, la Convention décide le renouvellement mensuel par quart des comités. Le 14, elle procède aux élections qui complètent les comités de Salut public et de Sûreté générale. Le 7 fructidor, enfin, elle « réorganise les comités », réduisant leur nombre de vingt-et-un à seize, précisant les domaines de compétence de chacun d’entre eux. S’il perd un peu de sa prééminence, le comité de Salut public conserve un rôle tout à fait central dans la conduite de la guerre ; le comité de Législation, toutefois, prend une influence nouvelle : sa fonction sera déterminante, nous le verrons, dans l’examen de la conduite des anciens représentants en mission montagnards. De fructidor à brumaire, les renouvellements mensuels des comités de Salut public et de Sûreté générale sont connus par les études anciennes de James Guillaume (63) : ils attestent les succès des « Montagnards réacteurs » (Delmas et Fourcroy élus en fructidor au comité de Salut public, Bourdon (de l’Oise), Collombel, Clauzel et Monmayou au comité de Sûreté générale) et des députés de la Plaine (Cochon et Merlin (de Douai) entrent au comité de Salut public). Les élections de brumaire an III accentuent encore le mouvement, lorsque Pelet (de la Lozère) et Cambacérès (Plaine) sont désignés pour faire partie du comité de Salut public et Harmand (Plaine) du comité de Sûreté. Mais plus intéressants, peut-être, sont les maigres scores des députés « derniers Montagnards » obtenus dans les quatorze autres comités. En fructidor an II, ils ne sont que six élus (Goujon, Bo, Voulland, Soubrany, Lejeune et Édouard) : on remarque d’ailleurs la forte proportion de députés récemment rentrés de mission et relativement inconnus de la Convention. Les voici six encore en vendémiaire an III et quatre seulement en brumaire : Pons (de Verdun) au comité de Législation, Gélis au comité des Finances, Gay-Vernon (comité de Division) et Calon au comité Militaire (64).

Ainsi, alors que les comités acquièrent une plus grande compétence puisque les commissions exécutives leur rendent maintenant des comptes (65), le personnel politique du Gouvernement révolutionnaire est profondément renouvelé. Mais dans cet investissement progressif des rouages du gouvernement, c’est peut-être le mouvement des représentants en mission qui signe le mieux la politique de « sortie de la Terreur ». On sait le rôle majeur de ces représentants en 1793-an II. Ce rôle demeure inchangé après le 9 thermidor, mais la Convention limite – sauf cas exceptionnels – la durée des missions à six mois aux armées et trois mois dans les départements. Or, on constate que, de fructidor à brumaire, s’effectuent de profondes mutations dans le personnel des commissaires : Choudieu nous invite à les percevoir lorsqu’il déclare, dans ses Mémoires, qu’ « après le 9 thermidor, au contraire, il fallait voir avec quel empressement tous les hommes du juste milieu d’alors sollicitaient des missions pour y comprimer, disaient-ils, le système de terreur qu’ils venaient d’abattre » (66). Du 18 thermidor au 9 fructidor, parmi les vingt-quatre représentants rappelés, dix-neuf appartiennent au groupe des « derniers montagnards », dont Albitte, Borie ou Maignet. En revanche, sur les soixante-deux députés envoyés en mission de la mi-thermidor au 17 brumaire an III, vingt-sept sont des « Montagnards réacteurs », dix-neuf des modérés, cinq des « Montagnards à l’écart » et onze seulement des « derniers Montagnards » (67). Le tableau des députés envoyés en mission de la mi-brumaire au 30 ventôse an III accentue encore le mouvement, ce qui ne surprendra pas. Il présente quatre-vingt-dix-neuf missions (dont certaines prolongées, comme celle du modéré Mariette à Marseille et Toulon). Les députés de la Plaine font là une percée significative : soixante-cinq envois. Les « Montagnards réacteurs » sont nettement moins nombreux que dans la période précédente, vingt seulement. L’absence presque totale des « derniers Montagnards » (quatre pour cinq missions) n’est pas pour étonner. En revanche, notons l’arrivée de neuf Girondins réintégrés le 18 frimaire. Pondérons chronologiquement ce mouvement : du 15 brumaire au 15 frimaire, sur vingt-deux envois en mission, quinze échoient aux modérés, six aux « Montagnards réacteurs », un enfin à un « dernier Montagnard » (Bo). Mais du 16 pluviôse au 30 ventôse, trente-et-une commissions se répartissent ainsi : dix-sept modérés, cinq « Montagnards réacteurs », deux « derniers Montagnards » et sept Girondins (68).

Par ailleurs, on peut observer qu’en ce « moment thermidorien », les « derniers Montagnards » suscitent fort peu d’adresses enthousiastes. En revanche, autrement plus nombreuses sont les pétitions qui rendent hommage aux vertus des « bons représentants », entendons ceux qui ont ramené « humanité » et « justice » dans les départements, « Montagnards réacteurs » et députés de la Plaine dont certains sont des virtuoses du dithyrambe suscité. Ainsi Auguis et Serres, représentants dans les Bouches-du-Rhône et le Var, qui épurent sociétés populaires et autorités constituées, obtiennent la rétractation du club de Salon. Ce dernier avait, en fructidor, dénoncé la diffusion massive de La queue de Robespierre, mais en brumaire an III, il fait l’éloge de la conduite « ferme et généreuse » des deux représentants qui ont maîtrisé les « continuateurs de Catilina » (69). Dans les départements voisins du Gard, de Vaucluse, de l’Hérault, Goupilleau de Montaigu et Perrin (des Vosges) suscitent, eux aussi, un nouvel enthousiasme. La société d’Entrechaux écrit ainsi : « la marche de la scélératesse de la faction monstrueuse de l’homme dont le seul nom fait horreur qui se jouait impunément de la vie des hommes a été réduite au silence à l’arrivée de ces représentants vertueux », tandis que celle de L’Isle, qui appelle Robespierre « mangeur d’hommes », félicite les Conventionnels d’avoir libéré les « braves cultivateurs » incarcérés par la Terreur et conclut : « plaine, marais, montagne, muscadin et toute espèce de distinction nous sont inconnues » (70). La libération des suspects, « cultivateurs, artistes et négociants utiles », constitue en effet le principal motif de louange, assorti de la demande de punition des « continuateurs de Robespierre », des « malveillants », ceux « qui disent que le modérantisme et l’aristocratie relèvent la tête » (71).

Dans le même temps, les représentants en mission montagnards de la séquence pré-thermidorienne commencent à être mis en accusation : Le Bon, décrété d’arrestation le 15 thermidor an II, est certes une figure emblématique du « système de sang » qui a gouverné la France, mais il n’est pas isolé. Duquesnoy, député du Pas-de-Calais et futur « martyr de prairial », lui est associé par la dénonciation de Guffroy : « je ne l’ai pas plus calomnié que Le Bon dont j’ai démontré la scélératesse, et j’ajoute que je démontrerai qu’il en est le complice ainsy que le complice de Robespierre, que ce n’est pas une calomnie, qu’il est de mon devoir de faire connoître tous les ennemis de la République ; il crie, il vocifère (…) » (72). Quant à Borie, qualifié par les Nîmois d’ « agent secret de Robespierre, dont il a merveilleusement prêché la doctrine et propagé les principes », il est accusé d’avoir organisé des farandoles autour de la guillotine (73). Déjà, donc, avant le printemps de l’an III, se met en place un « contre-imaginaire intense » comme le dit Bronislaw Baczko (74) Tableau des « horreurs » des représentants « terroristes », portrait physique aussi, qui préfigure celui du « buveur de sang ». Retenons ainsi ce récit de la société populaire de Niort qui, en fructidor, décrit Hentz « toujours à la tribune, inquiet, l’air sombre, les yeux hagards, tant il est vrai que le calme n’existe jamais que dans les âmes justes » (75). Mais ces récits coexistent aussi ave des discours plus immédiatement politiques. Un citoyen de Port-Malo dénonce en ces termes Le Carpentier (de la Manche) : ami du triumvirat et « Sylla bas-normand », il a engagé les sans-culottes à « dépouiller les riches, en provoquant contre eux la haine de la classe indigente, déjà trop aigrie par l’adversité »(76).

Ainsi, dès les premiers moments post-thermidoriens, se dessinent les traits des « petits Le Bon », des « émules de Robespierre », un tableau des « terroristes » que nous retrouverons à profusion en germinal-prairial an III. Mais à ce discours négatif – dénoncer la Terreur – se superpose un discours positif (dirons-nous un projet ?), celui de la stabilisation de la Révolution. Nous le cernerons en deux instants, la motion d’ordre de Dubois-Crancé (3ème jour sans-culottide an II-19 septembre 1794) et l’Adresse au peuple français du 18 vendémiaire an III (9 octobre 1794), analysée par Bronislaw Baczko dans Comment sortir de la Terreur…(77).

La motion d’ordre de Dubois-Crancé, à notre sens, inaugure l’an III par ses argumentaires et ses stéréotypes (78). Pour en finir avec le « régime de sang » - un régime « de la plus féroce extravagance » - , l’orateur propose ses vues afin de « rétablir en France le commerce, l’agriculture et les arts ». Établissant un lien direct entre Capet et Robespierre (et entre Marie-Antoinette et « Cornélie Copeau »), Dubois-Crancé constate que la Révolution « vieillit et fait vieillir » (79) : « nous sommes épurés de la lie que la liberté bouillonnante devait rejeter sur ses bords ; dans l’espace d’un lustre, nous avons vécu cent ans ». Loin d’ouvrir un avenir d’effort infini vers la liberté, il cherche dans le passé « des garants contre l’avenir ». Pour combattre « l’anarchie » et « consolider la Révolution », il entend lever le masque des « hommes dont le patriotisme feint exagérait tous nos dangers », responsables des « six mois » de la tyrannie de Robespierre qui a livré « la France aux brigands ». Ainsi retentit un premier appel à la vengeance : « il est temps que nous vengions le peuple de tant de sacrifices inutiles ». Sortir de la Terreur suppose aussi l’établissement d’un lien social « rationnel » : il faut rendre la liberté aux « gros laboureurs », aux fabricants de Lyon, aux manufacturiers de Sedan, bref à ce « million d’hommes » dont « la fortune » « nourrit l’industrie de 25 autres ». Ainsi est réhabilité ce « million doré », cible du discours jacobin, ainsi est reconnue la nécessaire division de la société en classes. Toutefois, au milieu de « vifs applaudissements », la Convention décide d’ajourner la discussion : sans doute est-il encore trop tôt et convient-il préalablement de « clore l’an II ». C’est ce que fait Robert Lindet le lendemain, 4ème jour sans-culottide (80). Au personnel « terroriste » renouvelé depuis fructidor, le rapporteur promet l’oubli : « Le vœu de la France rappelle aujourd’hui à leurs travaux et à leurs professions un grand nombre de citoyens qui les avoient suspendus pour remplir des fonctions publiques. (…) Ils ne doivent pas craindre que ceux qui seront dépositaires des mêmes pouvoirs (…) n’égalent pas leur zèle (…). Ils ne doivent pas craindre que la France les abandonne aux ressentimens et aux vengeances ; ils ont défendu la cause sacrée de la liberté ; et, dans les temps d’orage, ils ont usé d’un grand pouvoir que la nécessité avoit créé » (81).

En revanche, après ces propos apaisants, l’Adresse du 18 vendémiaire, vingt jours plus tard, est un « véritable appel à la vengeance et à la revanche, contre les Jacobins et l’ancien personnel terroriste » (82). Le texte, observe Bronislaw Baczko, « vaudrait d’être cité en entier ». Retenons-en quelques points majeurs. L’Adresse s’ouvre par une mise en garde : « Français, au milieu de vos triomphes l’on médite votre perte ». Et les ennemis sont nommés : « les héritiers des crimes de Robespierre et de tous les conspirateurs que vous avez terrassés s’agitent en tout sens pour ébranler la république, et, couverts de masques différents, cherchent à vous conduire à la contre-révolution à travers les désordres de l’anarchie ». Puis, l’Adresse esquisse un programme : « Enfin, tous les actes du gouvernement porteront le caractère de la justice ; mais cette justice ne sera plus présentée à la France, sortant des cachots, toute couverte de sang (…). Français (…) ne perdez jamais de vue que si le mouvement rapide et violent est nécessaire pour faire une révolution, c’est au calme et à la prudence de la terminer » (83).

Ainsi est lancée la véritable chasse aux « terroristes » et l’oubli décrété hors-la-loi : sortir de la Terreur ne suppose plus simplement terminer la Révolution, mais surtout punir les « coupables ». pourtant, le lendemain aux Jacobins, le Montagnard Duhem donne de cette Adresse une lecture qui sera longtemps celle des « derniers Montagnards ». L’Adresse, assure-t-il, promet de maintenir le Gouvernement révolutionnaire (il réintroduit le désignant), « jusqu’à l’établissement parfait de la démocratie ». La Convention doit, selon lui, faire à l’intérieur ce qu’elle a fait aux armées, chasser « les muscadins, les débauchés, les ennemis de l’égalité ». Et de retourner la menace contre « les nouveaux amis de l’aristocratie et des richesses », les « quelques déserteurs de la cause populaire, nouvellement amalgamés avec les barons et les parents des émigrés » (84). Semblable discours est, toutefois, totalement hors du temps : le moment de la revanche va venir.

Le temps de la revanche ou « l’impossible oubli »

À partir du tournant de frimaire-nivôse – séquence essentielle du « moment thermidorien » - émergent à travers les dénonciations de l’ancien personnel politique de la Terreur un « contre-imaginaire » massivement répandu. Ainsi se dessine le portrait physique et moral du « buveur de sang » (un « anthropophage », un « cannibale ») : il « dégoutte de sang », son teint a la « couleur tranchante » du vin et/ou du sang dont il est gorgé ; son rire est « sardonique », sa joie « barbare », il est aussi « sans principes » et « sans mœurs » (85). Précisons, cependant, le propos de Dominique Godineau : la Montagne – entendons les « derniers Montagnards » - est loin d’être épargnée. Certes le Rapport de Saladin (12 ventôse an III-2 mars 1795) se situe hors du champ de l’imaginaire et du symbolique (86), mais les dénonciations recueillies par le comité de Législation contre les représentants en mission fourmillent de ces stéréotypes associant inlassablement le sang, le sexe et l’or.

Examinons tout d’abord le Rapport de Saladin. Deux chefs d’inculpation sont retenus contre les « quatre grands coupables », la « tyrannie exercée sur le peuple français » et, le plus important semble-t-il, « l’oppression de la représentation nationale ». Aussi le député girondin (réintégré en frimaire an III) étend-il la durée de la tyrannie de six à dix-huit mois. À Vadier il reproche essentiellement d’avoir persécuté ses compatriotes de Pamiers. À Barère, Billaud-Varenne et Collot d’Herbois, surtout, il impute la création de la commission d’Orange, préfiguration de la loi du 22 prairial, en relevant leurs signatures sur un arrêté également signé de Couthon et Robespierre. De Collot il examine la mission à Lyon, répétition générale de celles de Carrier et de Le Bon. Et Saladin interroge la Convention, miraculeusement innocentée de la Terreur par la culpabilité des accusés : « est-il des circonstances qui puissent légitimer l’usurpation et l’abus du pouvoir, l’oppression trop prononcée de la représentation nationale, la domination absolue exercée et sur elle et sur la nation entière, la destruction évidemment projetée, sous le prétexte de nivellement et de sans-culotisation générale (sic),de ceux qui pouvoient croiser les projets des tyrans, ou seulement les soupçonner» (87).

Ce sont, toutefois, les dénonciations des représentants en mission qui témoignent le mieux de ce « contre-imaginaire » de la Terreur précédemment évoqué. L’ensemble des textes conservés dans les cartons du comité de Législation est explicite. Beaucoup de documents sont assez tardifs, postérieurs à la journée du 12 germinal dont l’heureuse issue est présentée comme le complément nécessaire à la « glorieuse révolution du 9 thermidor », postérieurs aussi au décret du 2 prairial an III qui charge le comité de Législation d’enquêter sur « les représentants en mission qui n’ont usé de leurs pouvoirs illimités que pour couvrir de sang et de larmes les départements confiés à leur administration ».

De la lecture cursive des lettres et adresses envoyées à la Convention un constat s’impose : Terreur, oppression et mort sont associées aux vols, au blasphème, aux « mœurs asiatiques », au « renversement des principes sociaux ». Ce n’est pas « Sade thermidorien », c’est la Terreur sadienne (88). Au vertueux discours montagnard dénonçant « les boudoirs impurs des courtisanes » où se ferait la politique des Thermidoriens (89) fait écho, quelques mois plus tard, le tableau des bacchanales des représentants montagnards. Ainsi, après Bo dénoncé pour orgie par un citoyen de Moissac, c’est au tour de Borie d’être stigmatisé pour sa conduite dans le Gard : cet « agent de Robespierre », « entouré de cannibales », « vandaliste » et « dilapidateur de la fortune publique », s’est montré aux dires des citoyens du district de Sommières, « environné de femmes sans pudeur » (90). Quant à Bernard (de Saintes), surnommé « Pioche-fer-Bernard », il s’est rendu coupable de « libations profanes » dans les églises. Tel (Ricord) est perdu de dettes et donc de rapines, tel autre (Dartigoeyte), toujours « pris de vin », vomissait « toute espèce d’obscénités aux personnes du sexe qui alloient réclamer sa justice » (91). Javogues, quant à lui (un épais dossier lui est consacré), est un ivrogne, un « sardanapale » qui vit avec deux femmes, la mère et la fille, mais surtout qui a déclaré « il y a tant de riches, tant de marchands qui ont volé l’ouvrier, et qui se sont engraissés de la sueur des pauvres sans-culottes : eh bien ! dans peu j’iray les dégraisser » (92). Plus, il a dit que les femmes seraient « communes », préconisé l’inceste et, ivre de vin et de sang, il a « adoré le soleil ». Lequinio, « apôtre forcené de l’odieuse et sanguinaire Montagne », s’est signalé par ses mœurs dissolues, mais aussi par ses blasphèmes : il a décrit de façon obscène les mystères du culte romain, conception et circoncision (93). On pourrait, à travers ces dossiers, poursuivre la litanie. Avec peu de variations originales se retrouvent des leitmotive que l’on peut ainsi résumer. Voués aux excès de la table et du vin, les représentants du temps de la Terreur ont organisé de scandaleuses orgies, ils ont pillé et profané les églises. C’est ce constat accablant qui autorise l’arrestation de neuf députés en thermidor an III, après la grande purge de germinal-prairial an III qui voit l’arrestation (pour certains la condamnation à mort et le suicide) de soixante-cinq députés montagnards : la revanche du 2 juin 1793 est à l’œuvre.

Pour autant, peut-on faire de la « Terreur blanche » une exacte réponse à la Terreur ? Ou bien admettre sans nuance le propos de Quinet : « que des hommes se soient vengés eux-mêmes et que la Terreur rouge ait même amené la Terreur blanche : cela ne peut étonner » (94) ? Une première approche géographique du phénomène conforte cette opinion. La « Terreur blanche » de l’an III (« l’an III fut le plus meurtrier de tous » (95)) touche en effet un large quart sud-est, de la Lozère aux Alpes et des confins du Jura à la Méditerranée. Les épicentres initiaux du mouvement sont, on le sait, Lyon et la Basse-Provence occidentale. Dès nivôse an III un volontaire de 19 ans est tué à Marseille par les Compagnons du Soleil ; le mois suivant, un ancien membre de la commission temporaire de Commune-Affranchie est jeté dans le Rhône lors de son transfert en prison et, à la fin de ventôse, les représentants en mission à Lyon écrivent que « des assassinats se commettent journellement dans cette commune » (96). C’est en effet Lyon qui donne le véritable signal des massacres des prisons. Au début de floréal an III, en application de la loi sur le désarmement des « terroristes » (et alors que ce désarmement avait commencé à être opéré dès brumaire an III à Lyon), des visites domiciliaires sont organisées pour chasser les derniers « mathevons ». Le représentant en mission Boisset fait part de ses inquiétudes à la Convention le 5 floréal an III (24 avril 1795) : « la garde nationale, composée d’une grande partie des victimes intéressées à la vengeance, est nulle (…). Chaque jour il se commet des assassinats ; les coupables de ces excès restent inconnus, et leur impunité enhardit au crime » (97). Le Conventionnel rapportait que des rassemblements avaient lieu devant les trois prisons de Lyon (Roanne, Saint-Joseph et Recluses), mais il ne soufflait mot des incarcérations massives de « Jacobins » opérées la veille. Le 15 floréal an III (4 mai 1795), alors que le Tribunal criminel du Rhône doit juger Étienne Bonnard, ancien membre du comité révolutionnaire de Vaise, une foule nombreuse (30 à 40 000 personnes selon Boisset, soucieux sans doute de justifier son inertie) se porte vers les prisons, force les portes et égorge les détenus. Le massacre dure toute la nuit et fait 101 victimes.

Aix-en-Provence prend le relais le 21 floréal an III (10 mai). Alors qu’on instruit la procédure relative à l’insurrection marseillaise du 5 vendémiaire an III (septembre 1794), une foule de 300 Marseillais force la prison et sabre 30 détenus (douze encore périrent les jours suivants).

Lyon-Marseille, ou comment on retrouve la carte du fédéralisme de 1793 et de la répression qui suivit. Michel Vovelle le souligne dans l’étude menée sur les 415 homicides recensés de l’an III à l’an V, mais dont 66% des victimes tombèrent en trois mois, de floréal à messidor an III (principalement en prairial avec le massacre du Fort-Saint-Jean, le 17 prairial, qui fit plus de 100 morts). Aussi conclut-il, une fois les cartes croisées, à un constat « attendu certes, mais peut-être point à ce point de démonstrativité ». En effet, « l’espace de la contre-révolution rurale et urbaine – l’appellerons-nous « anti-révolution avec Colin Lucas ? – se mimétise de façon frappante sur celui du mouvement sectionnaire fédéraliste, faisant apparaître les mêmes zones de silence et de calme, et les mêmes aires troublées, du Comtat à la Basse-Provence occidentale » (98).Mais à ce trajet rationnel, fédéralisme-répression-Terreur-« Terreur blanche », s’impose une question : pourquoi pas la Normandie, pourquoi pas Bordeaux ? On pourrait dire que la répression normande fut, grâce aux représentants en mission Lindet (pourtant arrêté le 9 prairial an III) et Du Roy (« martyr de prairial »), modérée. Mais que conclure de la mission « énergique » de Tallien et Ysabeau à Bordeaux ? En réalité, Michel Vovelle le souligne, il y a une spécificité de la Provence « et souvent dès la fin de 1790, les positions étaient prises à la campagne comme à la ville, les clans formés préludant à cette longue guerre d’un quart de siècle » (99). Sans doute, comme nous y invite William D. Edmonds, pourrait-on en dire autant de Lyon (100). L’explication, alors, serait-elle sociale ? Mais si Michel Vovelle note le « poids du militantisme » déjà repéré par Richard Cobb (42% des victimes sont des militaires, soldats et gendarmes, 34% des administrateurs et cadres jacobins), il n’en demeure pas moins la part importante des producteurs de l’échoppe et de la boutique parmi les massacrés (44%) (101).

Colin Lucas permet de saisir finement la sociologie des engagements politiques, notamment à Tarascon (qui connaît un premier massacre de « terroristes » dans la nuit du 5 au 6 prairial, puis un second dans celle du 2 au 3 messidor). Effectivement, la population « jacobine » semble plus populaire que celle de ses adversaires : 6,5% de notables contre 12,5%, 10,3 % de marchands et fabricants contre 29,2%, et enfin 62,6% d’artisans contre 41,7% (102). Mais cette ventilation met aussi en lumière des rapports verticaux de clientèle dans chaque camp. Ne nous étonnons donc pas que « les incidents anti-jacobins » soient caractérisés par « un discours traditionnaliste soutenu », dont l’un des thèmes principaux est « le localisme » (103). Au-delà, Colin Lucas conclut à l’incompatibilité entre discours des Jacobins (dirons-nous « terroristes » ?) et discours de leurs adversaires populaires. Ne retrouve-t-on pas là certains traits de l’antagonisme entre Blancs et Bleus dans l’Ouest ? Les habitants de la commune d’Oudon, qui assiègent Ancenis le 13 mars 1793, déclarent ainsi dans leur sommation : « il n’y a plus de liberté quand, à main armée, on nous arrache du sein de nos familles pour nous transporter malgré nous sur des terres étrangères » (104). Certes, « la Vendée provençale » n’est pas la Vendée, Michel Vovelle le souligne. Mais dans le choc entre le patriotisme de la période « terroriste » et le campanilisme de leurs adversaires de 1793 à 1795, ne peut-on lire l’affrontement de deux systèmes de valeurs, de deux mondes ?

En ce sens, la « Terreur blanche » n’est-elle pas, plutôt qu’une réplique « fédéraliste » à la Terreur, un regain conjoint de l’anti et de la contre-révolution, bref comme l’estime le très thermidorien Fréron une « réaction royale » ? C’est ce que donne à penser Chénier dans l’intervention qu’il fait à la Convention, au nom des comités de Salut public et de Sûreté générale, le 6 messidor an III (24 juin 1795). Il parle sur les troubles de Lyon qui ont repris le 25 prairial an III. Son discours, soulignons-le, ressemble d’abord trait pour trait au discours anti-terroriste des mois précédents. « C’est un jour de deuil pour la patrie, dit-il en exergue, que celui où la statue de la loi est couverte d’un voile de sang, où la vengeance prend le nom et la place de la justice (…) ». Puis il décrit et argumente : les troubles, comparables aux « massacres impies » de septembre 1792, sont le fait d’ « une association de scélérats ligués pour le meurtre qui s’est organisée à Lyon. Cette compagnie mêlant les idées religieuses aux massacres, le cri du royalisme aux mots de justice et d’humanité, se fait appeler Compagnie de Jésus. C’est elle qui répand dans cette commune une terreur nouvelle plus active encore et plus générale que celle qu’y répandaient Chalier et ses sanguinaires complices. C’est elle qui (…), les mains teintes de sang humain, (…) dévoue aux poignards, non pas seulement les vrais terroristes que les tribunaux doivent punir, mais sous le nom de terroristes, tous ceux qui (…) ont servi la révolution » (105). Et Chénier propose de réduire une fois encore Lyon : le décret adopté suspend les corps administratifs séant dans la commune, casse l’état-major de la garde nationale et lui retire les 10 000 fusils précédemment distribués, décide, enfin, de livrer au Tribunal criminel de l’Isère les auteurs et complices d’assassinats. Ainsi, au lendemain même du Discours préliminaire au projet de constitution prononcé par Boissy d’Anglas étaient solennellement réaffirmés les principes (et le projet) thermidoriens : ni terrorisme, ni royalisme. La nouvelle Constitution devait garantir cette stabilisation de la Révolution, « une constitution sage, républicaine, organisatrice, aussi contraire au despotisme d’un seul qu’au despotisme de la multitude » (106).

Peut-on, en conclusion, reprendre une assertion de l’historiographie classique ? Avec la « réaction thermidorienne », écrit Georges Lefebvre, « il s’agit d’en revenir à la révolution de 1789 qui avait eu pour objet d’assurer la prééminence politique et sociale de la bourgeoisie » (107). Nous pensons que l’étude minutieuse de la « création » thermidorienne contredit ce jugement. Si l’on prend au sérieux le mot d’ordre « ni 1791, ni 1793 », on envisage de façon radicalement différente le « coup d’État légal » mené par la Convention à l’été 1795 (108). En rupture, non seulement avec la Déclaration des drois de juin 1793, mais aussi avec la « radicalité » du texte fondateur d’août 1789, la nouvelle Déclaration oublie le droit naturel au profit des « droits de l’homme en société » (109). L’intervention du Girondin Lanjuinais, le 21 messidor an III (9 juillet 1795) est ici emblématique. Écoutons-le. En un violent réquisitoire contre la « démagogie », il proclame : « avec ce principe que tous les hommes naissent libres et égaux en droits, je demanderais à tous les faiseurs de système, ce qu’ils feront des furieux, des insensés, des femmes, des enfants et des étrangers ». Justifiant, au nom de la rationalité du nouvel ordre politique, l’exclusion des « légions de mendiants » et des « colonies d’hôpitaux », son discours opère un glissement révélateur. Refusant le solennel article premier de la Déclaration de 1789, il conclut : « c’est ce que nous avons vu sous le règne des hommes aux 40 sous » (110). Ainsi dans le discours thermidorien le plus extrême, la Terreur recouvre les proclamations de 1789. Sortir de la Terreur, à l’été de l’an III, c’est finalement rompre aussi avec la démocratie inscrite en filigrane dans les débuts de la Révolution. Pareil choix est-il à mettre au compte des séquelles de l’expérience de l’an II ? Gardons-nous ici de trancher. « Tout avait été usé depuis le trône jusqu’au peuple », écrit Mignet (111).Autrement dit, « la Révolution est fatiguée, la Révolution est vieillie » (112).

NOTES

(1) Ce titre paraphrase la formule de René Levasseur (de la Sarthe), Mémoires, Paris, 4 vol., 1829-1831, réédition Christine Peyrard, Paris, Messidor-Éditions sociales, 1989, p. 570 : « Cependant la crise d’anarchie, née de cette énergie même, avait fini par attrister toutes les âmes et par inquiéter toutes les consciences. Tous ces citoyens aspiraient à la clôture du gouffre de la Terreur. »

(2) Richard Cobb, Les tours de France de Monsieur Cobb, trad. française, Paris, Éditions du Sorbier, 1984, p. 25.

(3) L’expression de « moment thermidorien » est empruntée au livre fondamental de Bronislaw Baczko, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Paris, Gallimard, 1989. Sur le concept de « synthèse républicaine », voir Alain Renaut, Le système du droit. Philosophie et droit dans la pensée de Fichte, Paris, PUF, 1986, 3ème partie, chap. III.

(4) Outre le livre déjà cité, voir de Bronislaw Baczko, « L’expérience thermidorienne », The French Revolution and the Creation of Modern Political Culture, vol. 2, The Political Culture of the French Revolution, Colin Lucas ed., Oxford, Pergamon Press, 1988, p. 341-370 ; « Thermidoriens », in François Furet et Mona Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, 1988, p. 425-439 ; de Mona Ozouf, « Thermidor ou le travail de l’oubli », L’école de la France…, Paris, Gallimard, 1984, p. 91-108.

(5) François Furet et Denis Richet, La Révolution française, 1965-1966, rééd. Paris, Fayard, 1973, chap. 8, p. 257 et suivantes.

(6) René Levasseur, Mémoires…, op. cit., p. 595.

(7) Ibid., p. 570. Remarquons que référence est toujours faite au 31 mai, non au 2 juin 1793 : ne s’agit-il pas déjà de « décréter l’oubli » ?

(8) M.P.P. (Pierre Paganel), Essai historique et critique sur la Révolution française…, seconde édition, Paris, Panckoucke, 1815, t. 2, p. 392.

(9) Edgar Quinet, La Révolution, in Œuvres complètes d'Edgar Quinet, Paris, F. Alcan, 12e édition, 1891, livre XVII, « La dictature » ; Marc-Antoine Baudot, Notes historiques sur la Convention nationale…., pub. par Mme Veuve E. Quinet, 1893, reprint Genève, Slatkine-Megariotis, 1974.

(10) M.-A. Baudot, Notes historiques…, op. cit., , p. 89. Voir aussi p. 5 : « Il n’y avait pas entre Robespierre et moi plus de huit personnes de file, j’ai entendu toutes les imprécations ; elles partaient de Thirion, de Montaut, de Ruamps, et surtout de Lecointre de Versailles, qui appela plus de vingt fois Robespierre dictateur ! tyran ! et manqua de le tuer. Il faut remarquer que ces injures étaient adressées au dictateur et point du tout à l’être suprême ».

(11) Seul Thirion figure dans l’index établi par Michel Vovelle, mais son nom est cité pour faire état d’une « influence (…) bien discrète », Michel Vovelle, La Révolution contre l’Église, Bruxelles, Complexe, 1988, p. 207.

(12) C’est pourtant l’un des thèmes de l’article de Martyn Lyons, « The 9 thermidor : Motives and Effects », European Studies Review, vol. 5, n°2, 1975 (en particulier p. 125).

(13) Robert R. Palmer, Twelve Who Ruled…, Princeton, 1941, trad. française de l’édition 1969, Le gouvernement de la Terreur, Paris, A. Colin, 1989, p. 328.

(14) Voir, outre notre introduction à J.N. Billaud-Varenne, Principe régénérateurs du systême social, Paris, Publications de la Sorbonne, 1992, notre contribution « L’Être suprême et les divisions de la Montagne avant thermidor », L’Être suprême, Arras, Noroit, 1991, p. 19-26.

(15) Nous utilisons le texte publié dans J.-M. Collot d’Herbois, Réponse à la pétition des Lyonnais, Paris, ventôse an III, A. N., AD XVIIIA 18. Sur la Commission temporaire, voir Richard Cobb, « La commission temporaire de Commune-Affranchie », Terreur et subsistances, 1793-1795, Paris, Clavreuil, 1965, p. 55-94.

(16) Voir l’analyse que fait Mona Ozouf des discours de prairial, « Guerre et Terreur dans le discours révolutionnaire, 1792-1794 », L’école de la France, op.cit., p. 122-126.

(17) Saint-Just, Discours et Rapports, Albert Soboul éd., Paris, Éditions Sociales, 1957, p. 187. Billaud-Varenne, voir Moniteur, réimpression, tome XX, p. 256.

(18) Moniteur, réimpression, tome XX, p. 695.

(19) Ibid., p. 697.

(20) Ibid., p. 700.

(21) Ibid., p. 715.

(22) Ibid., p. 716.

(23) Ibid., p. 717.

(24) Voir Arne Ording, Le Bureau de police du comité de Salut public. Étude sur la Terreur, Oslo, Jacob Dybwad, 1930.

(25) Bronislaw Baczko, « Robespierre-roi ou comment sortir de la Terreur », Le Débat, n° 39, mars 1986, p. 104-122. Voir aussi le chapitre I de Comment sortir de la Terreur…, op. cit.

(26) René Levasseur, Mémoires, op. cit., p. 491.

(27) Bertrand Barère, Mémoires, publiés par Hippolyte Carnot et David (d’Angers), Paris, J. Labitte, 1842, tome 2, p. 210-211.

(28) Monestier (du Puy-de-Dôme) a été représentant en mission dans les Hautes-Pyrénées et il a fait incarcérer Jacques Barère, président du département et cousin de Bertrand Barère.

(29) Joachim Vilate, Causes secrètes de la Révolution du 9 au 10 thermidor, Paris, Langlois, vendémiaire an III, repris dans Mémoires sur les journées révolutionnaires…, publié par M. de Lescure, Paris Firmin-Didot, 1875, p. 237.

(30) Edme-Bonaventure Courtois, Rapport fait au nom de la commission chargée de l’examen des papiers trouvés chez Robespierre et ses complices, Paris, Imprimerie nationale des lois, nivôse an III.

(31) L’expression « Montagnard-réacteur » est discutable : nous l’avons forgée pour différencier ces députés des « derniers Montagnards » et montrer l’éclatement en l’an III du groupe montagnard de juin 1793. Bronislaw Baczko a montré la difficulté de trouver des désignants politiques satisfaisants pour le « moment thermidorien » : voir Comment sortir de la Terreur…, op. cit., p. 94, note.

(32) Courtois, Rapport…, op. cit., p. 128-134.

(33) Voir Archives Parlementaires, 1ère série, tome XCIII, Paris, Éditions du CNRS, 1982.

(34) Bronislaw Baczko, « Robespierre-roi ou comment sortir de la Terreur », op. cit., p. 116-117.

(35) Ibid., p. 122.

(36) Mona Ozouf, « Le concept d’opinion publique au XVIIIe siècle », communication au colloque de Chicago, 1986, repris dans L’homme régénéré. Essais sur la Révolution française, Paris, Gallimard, 1989, p. 53.

(37) Archives Parlementaires, tome XCVI, Paris, Êditions du CNRS, 1990, p. 161-165.

(38) C’est ce que j’écrivais en 1992, renvoyant aux volumes alors publiés des Archives Parlementaires, à la série C des A.N., C 312,314, 315, 316, 318, 319 et C 320, cartons que j’avais déjà dépouillés et à Bronislaw Baczko, Comment sortir de la Terreur, op. cit., p. 61-68. Le mémoire de Master 1, réalisé par Morgan Hay sous ma codirection (avec Pierre Serna) en 2008-2009 à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Les pétitions sur la chute de Robespierre lues à la Convention (10 thermidor-4e sans-culottide an II), consultable à l’Institut d’histoire de la Révolution française, recense 3 225 adresses sur la « chute de Robespierre et complices » dans le seul corpus des Archives Parlementaires, tomes XCIII à XCVII inclus. Cet excellent travail précise grandement le propos tenu en 1992, mais n’en modifie pas la ligne générale.

(39) A.N., C 312 pl. 1240, les administrateurs du département du Loiret à la Convention, Orléans, 11 thermidor an II.Voir aussi les adresses presque identiques de l’administration du département de l’Oise, Beauvais, 12 thermidor an II (A.N., C 312 pl. 1241), de la municipalité de Verneuil (Eure), 11 thermidor an II (A.N., C 312 pl. 1241), de l’administration du district de Nogent-sur-Seine (Aube), 11 thermidor an II (A.N., C 312 pl. 1240). Nous avons choisi de conserver les références aux sources manuscrites, que nous donnions en 1992, sans renvoyer aux tomes des Archives Parlementaires ultérieurement parus et dont nous avons assuré la responsabilité de la publication.

(40) A.N., C 312 pl. 1244, Abbeville, 14 thermidor an II. Notons que David est décrété d’arrestation le 15 thermidor.

(41) Voir A.N., C 312 pl. 1243, le Tribunal du district d’Epernay, s.d., adresse reçue le 16 thermidor an II ; AN., C 319 pl. 1300, la commune de Tarascon (Ariège), s.d ;, adresse reçue le 8 fructidor an II.

(42) Voir A.N., C 313 pl. 1247, les administrateurs du département de la Corrèze à la Convention, 15 thermidor.

(43) A.N., C 316 pl. 1266, s.d., « À la Convention nationale en haut de la Montagne sainte ».

(44) Jacques-Nicolas Billaud-Varenne, Rapport (…) sur un mode de Gouvernement provisoire et révolutionnaire, A.N., AD XVIIIA 8, p. 3.

(45) A.N., AF II 144 (1151).

(46) A.N., D III 356-357, 11 thermidor an II.

(47) Archives Parlementaires, tome XCIII, op. cit., p. 611-614.

(48) Archives Parlementaires, ibid., p. 634.

(49) Archives Parlementaires, tome XCV, Paris, Éditions du CNRS, 1987, p. 297. Louchet fait préciser son opinion par une note dans le Moniteur.

(50) Ibid., p. 298.

(51) Edgar Quinet, La Révolution, op. cit., tome III, p. 107.

(52) Archives Parlementaires, tome XCVI, Paris, Éditions du CNRS, 1990, p. 58.

(53) Le pamphlet de Méhée fils (Felhémési) a été publié le 9 fructidor.

(54) Archives Parlementaires, ibid., p. 56.

(55) Ibid., p. 57.

(56) Ibid., p. 58.

(57) Ibid., p. 59.

(58) Archives Parlementaires, ibid., p. 80.

(59) Ibid., p. 81.

(60) Voir à ce propos Jacques Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, Paris, PUF, 2ème édition, 1968, p. 316.

(61) Alphonse Aulard, Histoire politique de la Révolution française…, 6ème édition, Paris, A. Colin, 1926, p. 521.

(62) Le travail qui suit a été, je le rappelle, écrit en 1992 : il ne tient évidemment pas compte des recherches ultérieures, en particulier du livre de Michel Biard, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, Éditions du CTHS, 2002 (qui confirme, au demeurant, notre succincte analyse du mouvement des représentants en mission au lendemain de thermidor).

(63) James Guillaume, « Le personnel du comité de Salut public » (1900), « Le personnel du comité de Sûreté générale » (1900), repris dans Études révolutionnaires, 2ème série, Paris, Stock, 1909, p. 231-252 et p. 253-347.

(64) Voir les scrutins de fructidor-brumaire dans Archives Nationales, C 318, C 321 et C 322.

(65) Décret du 7 fructidor an II, titre III, article XXVII.

(66) Mémoires et notes de Choudieu…, publiés par V. Barrucand, Paris, Plon, 1897, p. 285.

(67) Le mouvement des représentants en mission est reconstitué d’après A. N., F7 4444 pl. 2 et C 311, C 317 et C 322.

(68) Voir A. N., F7 4444 pl. 2 et C 323, C 333, C 335. Nous maintenons la classification « Girondins » pour les députés réintégrés en frimaire et ventôse an III.

(69) Voir Journal de la Montagne, 26 fructidor an II et A. N., C 328 pl. 1458, la société populaire régénérée de Salon à la Convention, s.d., adresse reçue le 20 brumaire an III.

(70) La société populaire épurée d’Entrechaux (Vaucluse) à la Convention, 27 vendémiaire an III, A. N., C 326 pl. 1421 ; la société populaire de L’Isle (Vaucluse) à la Convention, s.d., adresse reçue le 3 brumaire an III, A. N., C 325 pl. 1411.

(71) Voir les adresses issues de la municipalité et de trois sections de Nîmes, 1er-3 brumaire an III, A. N., C 323, pl. 1380, C 329 pl. 1460, 1468, 1470.

(72) A. N., F7 4695, Guffroy à la Convention, s.d ; (brumaire an III).

(73) A. N., D III 343-344, la société populaire de Nîmes à la Convention, 4 fructidor an II, imp., 7 pages.

(74) Bronislaw Baczko, Comment sortir de la Terreur…, op. cit., p. 193.

(75) A. N., D III 348, la société populaire de Niort à la Convention, 12 fructidor an II.

(76) A. N., D III 352, le citoyen Huguet à la Convention, Port-Malo, 25 thermidor an II.

(77) Bronislaw Baczko, Comment sortir de la Terreur…, op. cit., p. 179 et suivantes.

(78) Moniteur, réimpression tome XXII, p. 5-7.

(79) Bronislaw Baczko, ibid., p. 340.

(80) Voir Bronislaw Baczko, ibid., p. 164 et suivantes.

(81) Robert Lindet, Rapport fait au nom des comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation réunis, sur la situation intérieure de la République, Paris, Imprimerie nationale, p. 10.

(82) Bronislaw Baczko, Comment sortir de la Terreur…, op. cit., p. 179.

(83) Moniteur, réimpression, tome XXII, p. 200-201.

(84) Moniteur, ibid., p. 231-232.

(85) Dominique Godineau, « Buveur(s) de sang / sang / sanguinaire (an III) », Dictionnaire des usages socio-politiques (1770-1815), fascicule 1, Paris INaLF-Klincksieck, 1985, p. 48. Le corpus de cette étude est essentiellement constitué par les documents des assemblées générales sectionnaires parisiennes en l’an III.

(86) Rapport au nom de la commission des vingt-un, par (Jean-Baptiste) Saladin, Paris, Randonneau-Baudouin, 28 ventôse an III.

(87) Saladin, Rapport…, op. cit., p. 97.

(88) Voir Michel Delon, « Sade thermidorien », Sade, écrire la crise, Paris, Belfond, 1983, p. 99-117.

(89) Collot d’Herbois, à la Convention, 25 fructidor an II, Moniteur, réimpression, tome XXI, p. 734. Voir François Gendron, Le jeunesse dorée…, Québec, Presses de l’université du Québec, 1979, p. 56-57.

(90) Voir le dossier Borie, A. N. D III 343-344. La confrontation entre les lettres envoyées en l’an II et celles de l’an III est significative.

(91) A.N.., D III 346, le député J. Pérez au comité de Législation, 10 prairial an III.

(92) A. N., D III 349-350, dossier Javogues.

(93) A. N., D III 351, le conseil général de la commune de Rochefort à la Convention, 8 prairial an III.

(94) Edgar Quinet, La Révolution…, op. cit., tome III, p. 145.

(95) Richard Cobb, The Police and the People. French Popular Protest, 1789-1820, Oxford, Clarendon Press, 1970, p. 138 (traduction française, Paris, Calmann-Lévy, 1975, reprint 1989, coll. Agora, p. 130).

(96) Sur le Midi, voir évidemment Stanislas Fréron, Mémoire historique sur la réaction royale et sur les massacres du Midi, Paris, Baudouin, 1824. Sur Lyon, voir Renée Fuoc, La réaction thermidorienne à Lyon, Lyon-Paris, Éditions IAC, 1959.



(97) Moniteur, réimpression, tome XXIV, p. 420.

(98) Michel Vovelle, « Massacreurs et massacrés. Aspects sociaux de la contre-révolution en Provence, après thermidor », Les résistances à la Révolution, édité par François Lebrun et Roger Dupuy, Paris, Imago, 1987, p. 149.

(99) Michel Vovelle, ibid., p. 150.

(100) William D. Edmonds, Jacobinism and the Revolt of Lyon, 1789-1793, Oxford, Clarendon Press, 1990.

(101) Michel Vovelle, op. cit., p. 147.

(102) Colin Lucas, « Résistances populaires à la Révolution dans le sud-est », Mouvements populaires et conscience sociale, édité par Jean Nicolas, Paris, Maloine, 1985, p. 477.

(103) Colin Lucas, ibid., p. 483.

(104) Cité par Yves-Marie Bercé, Croquants et Nu-Pieds, Paris, coll. Archives, Gallimard-Julliard, 1974, p. 146 (d’après Ch.-L. Chassin, La préparation de la guerre de Vendée, Paris, 1892, tome III, p. 375).

(105) Moniteur, réimpression, tome XXV, p. 70.

(106) Moniteur, ibid., p. 74.. Avec elle, sortir de la Terreur signifiait enfin terminer la Révolution.

(107) Georges Lefebvre, La France sous le Directoire (1795-1799), édité par Jean-René Suratteau, Paris, Éditions sociales, 1977, p. 26.

(108) Voir notre étude « Aux origines d’un parti de l’ordre : les propositions de constitution de l’an III », Mouvements populaires et conscience sociale, op. cit., p. 687-696.

(109) Voir sur ce thème discuté, Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en Révolution. 1789-1795-1802, Paris, PUF, 1992. Voir aussi notre étude, en collaboration avec Jacques Guilhaumou, « Les moments de la Révolution et le système politique », Recherches sur la Révolution, sous la direction de Michel Vovelle, Paris, La Découverte/IHRF/SER, 1991.

(110) Moniteur, réimpression, tome XXV, p. 196.

(111) François-Auguste Mignet, Histoire de la Révolution française…, Paris, 1824, 7ème édition, Paris, F. Didot, 1837, tome II, p. 160.

(112) Bronislaw Baczko, Comment sortir de la Terreur…, op. cit., p. 353.



Françoise Brunel, "Clore le gouffre de la Terreur", Révolution Française.net, Décembre 2015, http://revolution-francaise.net/2015/12/12/635-clore-le-gouffre-de-la-terreur