I. Les Tables de la Loi

En puisant, par ailleurs, dans un corpus comprenant une bonne centaine de documents iconographiques, l’esquisse suivante concerne aussi bien les Déclarations que les Constitutions. C’est que, d’une part, Déclaration et Constitution sont souvent évoquées ensemble, comme par cette Cocarde nationale (fig. 2) proposée par le journal des Révolutions de Paris, et que, de l’autre, elles prennent généralement la même forme : celle des Tables de la Loi qui rappellent la Loi dictée à Moïse dans le Décalogue. Il est vrai qu’en récupérant cet emblème classique de l’iconographie judéo-chrétienne (3) les protagonistes de la Révolution profitent d’une tendance sécularisante du XVIIIe siècle qui transmute les Tables de la Loi « en référence universelle de justice en vue du bien commun, selon la loi naturelle qui transcende les religions établies (4) ». Mais représenter la Déclaration et les Constitutions révolutionnaires sous cette forme emblématique, c’était néanmoins leur conférer un caractère religieux évident ; le « transfert de sacralité » (Mona Ozouf) est tout particulièrement explicite et suggestif dans une estampe-médaille de Louis-Jean Allais (fig. 3) célébrant la Constitution de 1793. Sinaï révolutionnaire, c’est maintenant la Montagne robespierriste qui fait naître par une explosion majestueuse la Loi destinée au nouvel peuple élu : « La Constitution Républicaine, semblable aux tables de Moyse, sort du sein de la Montagne au milieu de la foudre et des éclairs. »

Suivant l’imagerie du temps, la Déclaration connaît pendant la phase ascendante de la Révolution un respect religieux presque général. Elle symbolise la césure séparant les ténèbres de l’Ancien Régime féodal des lumières du Nouveau régime de la liberté (fig. 4). Elle sert d’attribut quasi obligatoire des allégories de l’Égalité – des gravures à l’eau-forte imprimées par Paul-André Basset (5) aux aquatintes de François Janinet d’après Jean-Guillaume Moitte (6) en passant par les gravures sur bois populaires que Jean-Baptiste Letourmy diffuse en province à partir d’Orléans (7). Et lorsque, le 4 février 1790, Louis XVI visite la Constituante pour assurer qu’il instruirait le Dauphin dans « la liberté constitutionnelle (8) », c’est l’emblème de la Déclaration qui sert à visualiser la promesse sensationnelle du roi (fig. 5). Servant en effet d’abécédaire dans les écoles primaires (9), récitée par des élèves modèles dans les séances des clubs révolutionnaires, placardée dans les salles des nouvelles administrations (10) , la Déclaration, souvent illustrée, est vraiment omniprésente dans l’espace public.

Sur la base de cet imaginaire plus ou moins unanime s’exprimant dans les placards de la Déclaration, autant par le bonnet rouge et le faisceau, symbole de l’union patriotique, que par les allégories de la Liberté et de la Force, se dessine une certaine radicalisation si l’on passe des représentations de 1789 à celles de 1793. C’est ainsi que, pour rendre hommage à la première Déclaration, le graveur Pierre Lélu imagine un obélisque s’élevant sur un soubassement orné d’une scène qui rappelle les Champs Élysées de l’ancienne Arcadie (fig. 6). L’esprit classique et cosmopolite du monument s’en trouve renforcé par la souscription cosmopolite des 17 articles : « La vérité de ces principes, base de la Constitution Française, la fera adopter du monde entier et la vertu ramenant les bonnes moeurs, le siècle d’or renaîtra pour toujours. » Le globe fleurdelisé et les lauriers couronnant les Tables de la Loi indiquent que Déclaration et royauté sont bien compatibles, alors qu’Hercule, allégorie de la force du peuple, reste à part. Or trois années plus tard (fig. 7), Hercule occupe le centre symbolique d’un monument républicanisé et moins idyllique. Encadré par un niveau triangulaire, symbole d’égalité sociale et politique, et surveillé par l’Œil de la Vérité qui, lui, est entouré par le triangle équilatéral « Unité-Indivisibilité-Egalité », Hercule vérifie la stabilité d’un faisceau et confirme ainsi la devise inscrite sur le monument érigé à son côté : « Vincit concordia fratrum ».

II. Constitution et contestation (1789-1799)

En ce qui concerne l’iconographie de la Constitution, les choses sont plus compliquées et plus controversées. Au début de la Révolution domine l’espérance que les députés des trois ordres réunis dans la Constituante vont facilement tomber d’accord. Une estampe allégorique bien connue les fait forger la « Nouvelle Constitution » au rythme d’un air populaire du Maréchal ferrant, un vaudeville de Philidor. Significativement, le député du Tiers y joue le rôle du maître d’œuvre, assisté par un abbé et un noble (11) . Mais à mesure qu’il s’avère que l’ouvrage suppose l’abolition des anciens abus, surtout des privilèges aristocratiques (12) , le travail de la Constituante, représentée par une autre caricature sous la figure de La dévideuse patriotique (fig. 8), rencontre de multiples obstacles. Remplaçant Louis XVI sur la chaise royale, elle a déjà produit de nombreux décrets inscrits sur les papiers tombés à ses pieds . Maintenant, elle est en train de dévider le fil pour le tissage de la « Nouvelle Constitution ». Mais comme ce fil provient de l’ancien « Régime ministériel », le diable de la contre-révolution s’y mêle, aidé par un aristocrate et un ecclésiastique. Les billets qu’ils attachent au fil et qui font allusion à la politique d’obstruction des anciens privilégiés dans la Constituante (14) causent autant de nœuds gênant le travail de la dévideuse. Cependant les copies d’estampes collées au mur de l’arrière-plan signalent que ce jeu ne va plus continuer longtemps : elles annoncent d’une part le « Législateur futur » élu suivant les règles de la Constitution en préparation, d’autre part la peine qui attend ses ennemis.

Le roi, d’abord presqu’absent dans cet imaginaire, entre en scène après sa déclaration du 4 février 1790, acte symbolique visualisé non seulement par la gravure populaire mentionnée, mais encore par plusieurs allégories savantes (15) . Celle de François-Anne David (fig. 9) est en quelque sorte expliquée par cette remarque d’un observateur contemporain perspicace : « La démarche faite par le roi vient de donner à la constitution un caractère sacré que sans doute elle avait déjà aux yeux des bons citoyens, mais que les aristocrates s’efforçoient de lui contester. » Et en rêvant des effets espérés de la Constitution, l’observateur poursuit : « La constitution formera le corps de loi qui convient à un peuple libre pour vivre sous un roi sans cesser d’être libre. Ce sera le pacte fait entre le père & ses enfans : on remarque seulement que les enfans sont majeurs, & stipulent comme tels (16) ».

Ensuite, lors de la première fête de la Fédération, le serment civique du roi est interprété comme un serment anticipé à la Constitution toujours débattue à l’Assemblée nationale. Une gravure de Benoît-Louis Prévost (fig. 10) représente Louis XVI dans une position à la fois majestueuse et restreinte : majestueuse, parce que portant l’habit du sacre, occupant le centre de la scène et placé sur un piédestal, le roi ouvre ses bras aux vœux des citoyens ; restreinte dans la mesure où, privé des insignes royaux, il est réduit à accepter la Constitution que la France lui donne et dont la devise résume le déplacement révolutionnaire de la souveraineté : « La Nation, la Loi, le Roi ». La légende explique les détails de l’allégorie :

« Louis XVI Roi et Père d’un Peuple Libre reçoit des mains de la France, la Constitution et la Confédération pour le Serment Civique ; elle tient une main de l’abondance pour témoigner combien le Royaume sera fleurissant ; à gauche, la Justice fait rendre Compte aux Accapareurs, de ce qu’ils ont usurpé aux laboureurs qui se jettent sur cet Argent venant de la Sueur de leurs Travaux ; au-dessus de la tête du Monarque, la Vérité conduit les Sentiments du Prince chéri de son Peuple et lui montre les portraits de Louis XII et Henri IV, ses augustes prédécesseurs : La Rénommée annonce à l’Europe entière la Liberté de la Nation et la destruction du Despotisme. »

Imaginé depuis la première Fédération, le serment constitutionnel du roi se réalise le 6 septembre 1791 au sein de l’Assemblée nationale. Raconté par les gravures événementielles, commémoré par les médailles (17) , interprété par les allégories, cet acte de haute portée symbolique apparaît comme un Pacte National (fig. 11) que le « Génie de la Nation » sous la figure d’une Minerve en manteau fleurdelisé, accompagnée de la Justice et de la Force, dicte à un roi citoyen représenté simplement en habit civil.

Mais cet épilogue de l’iconographie royale se double aussitôt d’un imaginaire national triomphal autour de la première constitution française. L’allégorie de celle-ci remplace le monarque. Dans une gravure populaire, qui se diffuse rapidement, elle prend à son tour une dignité festive (fig. 12). Investie des attributs de la Liberté et présentant la « Charte constitutionnelle », la figure de la Constitution y préside le serment du peuple rassemblé autour d’elle. Face au geste résolu des citoyens réunis et qui s’inspire de celui du Serment des Horaces de Jacques-Louis David, les diables volants des anti-révolutionnaires prennent la fuite. La légende est tout à fait explicite :

« La Constitution paroit sur un piedestal ; d’une main elle tient la Charte Constitutionnelle, de l’autre elle tient une pique surmontée d’un Bonnet de la Liberté. L’Ange tutélaire de la France la couvre de son Egide d’une main, et de l’autre foudroient (sic) les Monstres qui veulent approcher de la Constitution. Autour de la statue l’on voit le Peuple François et la Garde Nationale qui viennent de jurer fidélité aux nouvelles Loix de la Constitution. Sur le devant l’on voit le Commerce qui rend grace à la Divinité de l’avènement de la Constitution en France. Sur le piedestal l’on voit un Flambeau et un Faisceau, simbole des lumières et de l’union. »

Plus monumental encore cette colonne imaginaire de La Constitution Française (fig. 13), érigée sur les ruines du despotisme vaincu : un socle construit avec les pierres de l’ancienne Bastille, y compris celles provenant des cachots de Latude et du soi-disant comte de Lorges, et orné d’un bas-relief rappellant le Quatorze Juillet. Le texte explicatif imprimé au-dessous de l’image s’adresse directement aux récipiendaires :

« Ce monument allégorique a pour base les pierres même de la bastille et pour basrelief la prise de ce nid à tyrans. En place de la colonne s’élève le faisceau de nos 83 Départemens surmonté de la massue d’Hercule, image du peuple. Observez que le coq qui bat des ailes n’est pas seulement le signe de la conquête de notre liberté, il nous rappelle encore à la vigilance. Les tables de la loi sont suspendues au faisceau : la nation en grave elle même les articles avec le sceptre du pouvoir législatif. Les attributs que nous lui avons donné pour la caractériser, n’ont besoin que de la plus lègère attention pour être compris. Le ciel est encore nébuleux, prenez garde à ce vautour qui semble en fuyant vouloir y rappeller l’orage. »

En effet, placées au milieu d’un paysage politique (18) , attachées aux symboles de la force populaire et de l’union nationale, les tables de la Constitution y dominent l’image, elles constituent un sanctuaire commémoratif devenant lieu de pèlerinages civiques.

De telles mises en scène d’un accord patriotique autour de la Constitution ne peuvent cependant pas masquer l’existence de doutes, voire d’une opposition fondamentale. Tout d’abord, le serment du roi, prêté dix semaines après sa fuite à Varennes, était-il sincère ? Une caricature le nie en enfermant Louis XVI dans une cage et en l’y plaçant derrière un secrétaire ; lorsque l’empereur Léopold II s’approche pour savoir ce que son beau-frère y fait, Louis répond : « Je sanctionne (19) ». Plus explicitement, une autre caricature représente Louis comme un Roi Janus à deux visages dont l’un jure fidélité à la Constitution tandis que l’autre, tourné vers un prêtre, promet : « Je détruirai la Constitution (20) ».

Ensuite, l’opinion diffère beaucoup selon les états. Ainsi une eau-forte coloriée, publiée au printemps 1791, imagine-t-elle une inspection critique de la Constitution Francoise solennellement présentée par le roi en costume citoyen et par l’allégorie de la Nation portant le manteau royal (fig. 14). Placé au bord droit de la scène, l’observateur du tiers état n’a besoin que de ses « Yeux de la raison » pour être tout à fait enthousiaste : « Oh ! », s’exclame-t-il, « qu’elle est belle, elle fera le bonheur du Peuple, si le tems fait decouvrir quelques defectuosités le tems aussi les rectifiera ». Au contraire, un prêtre observant la Constitution par « le Microscope de la Rage » n’y trouve plus les biens du clergé et s’écrie en colère : « Oh ! le monstre, il dévorera tout. » Tandis qu’un noble que les feuilles tombées à ses pieds accusent de « Complots » et de « Conspiration », a recours au « Telescope de l’Orgueil » pour mettre la Constitution à distance : « Oh ! oh ! Elle n’est pas encore si pres qu’on le pense. »

Illusion de la faction contre-révolutionnaire de l’ancienne noblesse, qui, aussitôt après le serment royal, se transforme en refus de principe de la Constitution. Le manifeste le plus éclatant en est la lettre ouverte que les princes émigrés adressent le 10 septembre 1791 à Louis XVI :

« Sire, notre frère et seigneur, (...) Nous protesterions pour vos peuples, qui dans leur délire ne peuvent apercevoir combien ce fantôme de constitution nouvelle qu’on fait briller à leurs yeux, et aux pieds duquel on les a fait jurer vainement, leur deviendrait funeste. (...) Nous protesterions pour la religion de nos pères, qui est attaquée dans ses dogmes et dans son culte (...). Nous protesterions pour les maximes fondamentales de la monarchie dont il ne vous est pas permis, Sire, de vous départir (...). Nous protesterions pour tous les ordres de l’Etat (...). Comment pourriez-vous, Sire, donner une approbation sincère et valide à la prétendue constitution qui a produit tant de maux (21) ? »

Cette opposition fondamentale ne trouve son expression visuelle que tardivement lorsqu’au printemps 1792 l’éditeur Michel Webert, installé au Palais-Royal, publie une série d’estampes qui sont aussitôt commentées par Jacques-Marie Boyer-Brun, journaliste anti-révolutionnaire (22). Leur tactique consiste à représenter la Constitution soit comme le résultat de l’accouchement mal venu de Jean-Baptiste Target, président du comité de constitution de la Constituante (23) , soit sous la figure d’une mourante transportée par un convoi satirique (24) , ou encore à prétendre que, assise sur La Bascule Patriotique, la Constitution du « Nouveau Régime », pèse plus lourd que les anciens fléaux de la Peste, de la Guerre et de la Famine (25) . Une estampe populaire va jusqu’à décrier la Constitution comme un monstre dangereux (fig. 15) provoquant les chasseurs, satire que le Journal de la Cour et de la Ville explique en détail :

« Il paraît une nouvelle caricature vraiment piquante et l’une des plus ingénieuses peut-être qui aient paru jusqu’à ce jour. On voit Mons. Péti(on), dûment écharpé, monté sur Targinette sous forme de l’Hyène du Gévaudan. Cet animal féroce foule au pied le sceptre, la couronne et les divers attributs de la noblesse et du clergé. Un groupe de braves chevaliers français, armés de lances, accompagnés d’Hercule, tenant sa redoutable massue, s’efforcent d’arracher ces emblêmes au monstre destructeur. Péti(on), la dague en main, défend sa chère Targinette qui, tout à coup, chie une légion de jacobins et de cordeliers tenant un poignard d’une main et une torche de l’autre. Au moment où la bande meurtrière va se précipiter sur les intrépides défenseurs du trône et de l’Autel, le ciel lance la foudre et pulvérise Péti(on), Targinette et la horde assassine dont elle a infecté la France (26) . »

Parmi les autres médias qui soutiennent ces attaques anti-constitutionnelles des caricatures, on remarque le dictionnaire-pamphlet de l’abbé Adrien-Quentin Buée (27) et les Constitution(s) en vaudevilles du chansonnier François Marchant, satires musicales qui « à la honte de la révolution, (… se débitent) presqu’autant que l’Almanach du père Gérard (28) » de Collot d’Herbois qui – lui aussi, mais en sens inverse – traite de la Constitution. Par exemple, en se référant déjà au nouveau Comité de constitution des Girondins, Marchant chante une satire sur la mélodie populaire Le saint craignant de pécher qui, à force de bégayer méchamment les syllabes du mot république, a l’effet de rendre la chose ridicule :

« Un soir disoit Condorcet

A plus d’un confrère :

J’ai dans la tête un projet

Qui pourra vous plaire.

Il nous faut, mes chers amis,

Etablir en ce pays

Une ré ré ré

Une pu pu pu

Une ré

Une pu

Une république

D’une forme unique (29) ».

Alors que ces productions verbales continuent à se diffuser clandestinement, les gravures anti-constitutionnelles – plus visibles – se raréfient après le 10 août. En revanche, les représentations et les interprétations positives de la Constitution de 1791, puis de celle de 1793, se multiplient sous forme de catéchismes (30) , de jeux de l’Oie (31) , de sculptures (32) ainsi que d’une série de médailles et de monnaies officielles créées par Augustin Dupré, graveur général des Monnaies de France (33) . Quant aux estampes allégoriques, celle due à Philippe-Auguste Hennequin, gravée en été 1793, paraît tout particulièrement réussie dans la mesure où elle visualise dans un langage néo-classique le conflit sous-jacent autour de la Constitution (fig. 16). L’observateur assiste à un combat confrontant un républicain dans la force de l’âge aux personnifications du fanatisme religieux, de la noblesse orgueilleuse et de « la féroce ignorance (34) . » Sans porter une arme, le républicain résiste bravement aux attaques féroces du triumvirat contre-révolutionnaire grâce à un bouclier portant l’inscription : « Vos traits sont émoussés, mon égide est la loi. » De plus, il est encouragé par une négresse libérée tenant une table où est inscrit le premier article des Droits de l’homme et du citoyen de 1789. Derrière elle, le soleil levant des temps nouveaux chasse les nuages de l’Ancien Régime planant sur les têtes du triumvirat.

Après Thermidor l’image démocratique et républicaine de la Constitution subit une crise. Au printemps 1795, la devise des insurgés de Prairial – « Du pain et la Constitution de 93 » – n’est plus à l’ordre du jour (35) . Son refus par les thermidoriens s’articule dans cette observation rétrospective de Charles-Frédéric Reinhard :

« On niait, que la France eut une Constitution. Une foule de novateurs, les uns bien- les autres mal-intentionnés, se liguèrent pour lui en donner une. (…) C’était un chef-d’œuvre de l’esprit humain. La mère putative de l’enfant le disait, les accoucheurs le faisaient accroire au peuple. Celui-ci le croyait sur parole et le répétait, les journalistes le trompétaient aux quatre coins de l’Europe (…). On a sermenté, on s’est embrassé, on s’est battu, on a égorgé, on a guillotiné, pour l’amour de cette Constitution. Mais las ! elle n’est plus. Deux têtes de moins, Mirabeau et Louis XVI l’ont précipitée, avec elles, dans le tombeau. On se bat, on s’égorge encore, dans l’espoir d’en avoir une, à laquelle on puisse se tenir. Peut-être la prochaine Constitution sera-t-elle ce phénix, et nous mettra t’elle en état, de fixer le sens du mot Constitution (36) ».

Or tout se passe comme si cette « prochaine Constitution », celle de l’an III, ne mobilise plus le même enthousiasme ni la même inventivité iconographique que les deux premières. En témoigne une gravure de Massol d’après François-Marie Queverdo (fig. 17). Présentée sur l’Autel de la patrie par un représentant presque timide du Directoire et insistant dans son premier article sur les droits bourgeois de la sûreté et de la propriété, elle se justifie surtout par opposition à la Terreur, sous la figure d’un jacobin meurtrier se tordant à terre et dont les crimes sont rappelés par les papiers glissés de ses mains : « Loix des Suspects, Comité Révolutionnaire, Mandats d’arrêt, Fusillades /et/ Noyades ». D’autres gravures expriment une conscience accrue de la précarité de la Constitution : soit que celle de l’an III souffre des manipulations du droit de vote par le fameux décret des deux tiers (37) , soit qu’elle est menacée par la conjuration des Égaux (38) . À la fin de la décennie révolutionnaire, la Constitution de l’an VIII, elle, semble avoir perdu le caractère sacré des constitutions antérieures. Du moins sa représentation officieuse (fig. 18) s’est militarisée au détriment des symboles populaires, égalitaires et républicains. Plus en vue que la figure d’une Liberté sage, Bonaparte y fait son entrée comme protecteur dominant d’une constitution réduite à déguiser une mascarade démocratique.

III. « Vive le Roi » – « Vive la Charte » (1814-1830)

La Restauration des Bourbons pouvait-elle récupérer l’imaginaire sacré de la Constitution tout en refoulant d’un côté ses éléments révolutionnaires et en renouant, de l’autre, avec les « lois fondamentales » de l’ancienne monarchie absolue ? C’est ce que Louis XVIII, conseillé surtout par Élie Decazes, a essayé de faire en octroyant le 4 juin 1814 la Charte constitutionnelle. Sans mentionner d’un seul mot les constitutions révolutionnaires, la Charte prétend provenir des anciens rois législateurs :

« Nous avons considéré que, bien que l’autorité tout entière residât en France dans la personne du roi, ses prédécesseurs n’avaient point hésité à en modifier l’exercice, suivant la différence des temps ; que c’est ainsi que les communes ont dû leur affranchissement à Louis le Gros, la confirmation et l’extension de leurs droits à Saint Louis et à Philippe de Bel (...) ; enfin, que Louis XIV a réglé presque toutes les parties de l’administration publique par différentes ordonnances dont rien encore n’avait surpassé la sagesse (39) ».

Plusieurs gravures populaires diffusées en 1814 visualisent précisément ces mots en imaginant un Louis XVIII consultant St Louis et Henri IV pour la Charte Constitutionnelle (40). Assis à son secrétaire, Louis fixe le buste du ‘bon roi Henri’ pour trouver l’inspiration pour son travail sur la « Charte » (fig. 19). Une double paternité semblable de la Charte est suggérée lors de l’inauguration de la nouvelle statue équestre d’Henri IV sur le Pont-Neuf, le 14 août 1818 ; s’adressant à l’arrière-grand-neveu du bon roi l’orateur principal de la cérémonie, Barbé de Marbois, s’exclame : « Soutenez, Sire, soutenez l’ouvrage de votre sagesse (41) ». En effet, beaucoup plus systématiquement que les constitutions révolutionnaires, l’imaginaire de la Charte est lié à la figure ideáliséé du roi paternel. En témoigne de façon exemplaire la gravure au pointillé intitulée Le Roi et la Charte par Pelicier d’après Bouisson (42) ; annoncée dans le Moniteur du 23 novembre 1820 pour le prix d’un franc, elle présente le texte constitutionnel se détachant sur la silhouette de Louis XVIII – silhouette qui suggère d’en transformer le titre en « Le Roi est la Charte ». Cette identification est confirmée par une gravure emblématique sous forme d’une médaille commémorative (fig. 20). Louis XVIII y confirme son serment du 10 mars 1815, promulgué par la loi du 15 mars suivant : « Aucun des articles de la Charte ne sera révisé. » Foulant la Discorde aux pieds et pris à témoin par la France sous la figure de Minerve ainsi que par une Justice majestueuse, il pose sa main gauche sur le premier article de la Charte dressée comme un autel sacré : « Tous les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d’ailleurs leurs titres et leurs rangs. » En même temps, l’estampe fait hommage aux députés et aux écrivains libéraux qui soutiennent la politique royale de réconciliation nationale ; on y reconnaît par exemple les noms de Benjamin Constant, Lafayette, Laffitte et Royer-Collard.

La Charte constitutionnelle symbole d’un consensus national guérissant les plaies des temps révolutionnaires ? Toute une série de caricatures indique au contraire que la Charte fut plutôt un sujet d’affrontement entre les partis politiques ennemis. Déjà le 13 mars 1815 est déposée une gravure allégorique intitulée La Constitution (fig. 21). Elle représente le Char de l’Etat de la France tiraillé entre la droite et la gauche, entre les chevaux noirs des émigrés revenants et des jésuites d’une part, et les chevaux blancs de la Charte de l’autre. En plaçant à droite au premier-plan la devise de la Révolution jacobine le caricaturiste suggère que les reproches réitérés que les ultras adressent aux anciens « régicides » empêchent le progrès de la France. Un mois avant la publication de cette allégorie le journal satirique Le Nain jaune en a proposé une explication détaillée :

« La scène représente d’un côté une campagne riante et fertile, éclairée par le soleil à son midi, de l’autre une côte aride et pierreuse, couverte des ombres de la nuit et jonchée de cadavres, d’armoiries brisées, de monumens renversés et de légendes sanguinaires, qui caractérisent les tristes effets de la Révolution. La France ... est debout sur un char que deux attelages opposés s’efforcent d’entraîner en sens contraire. Celui qui se dirige vers les champs fortunés est composé de quatre coursiers vigoureux. La Constitution tient leurs rênes d’une main habile et ferme, et on lit sur leurs housses enrichies d’or : Amour et respect au roi ; union et force ; justice distributive ; idées libérales. L’autre attelage est formé de quatre onagres décharnés ; ils sont fouettés par l’Esprit de parti et dirigés en divers sens, l’un par M. de la Jobardière en grand costume et portant ses armes en bannière, avec cette fameuse devise : Sacristain apporte ; l’autre par un pèlerin que precède un chien enragé ; et les deux derniers par la Quotidienne et le Journal royal, sous les traits que nous leurs avons irrévocablement assignés. Le quatuor des baudets, entraîné par l’élan impétueux des coursiers, fait de vains efforts pour ramener le char vers la côte désolée de la Révolution, de laquelle la France détourne les yeux avec horreur (43) ».

L’allégorie du Nain jaune a donné le signal à un véritable combat des caricatures autour de la Charte. Il est vrai que, parfois, les ultras paraissent s’en arranger avec répugnance en prétendant d’y reconnaître fanatisme, dîmes, droits féodaux et missions, tandis que pour les libéraux elle signifie la récompense aux braves, le rappel des bannis et le bonheur de la France (44). Mais en général les caricaturistes raillent l’hostilité farouche des ultras envers la Charte en dénonçant leurs vains efforts d’une révision (45), voire d’une abolition (46), en imaginant un libéral qui force un ultra de s’incliner devant la Charte (47) ou une balance dont le plateau qui porte l’allégorie de la « Charte Constitutionnelle » pèse plus lourd que l’autre plateau chargé d’un gros moine et de trois nobles (48). Une satire va jusqu’à inventer une scène d’enfer où un moine ultra, accusé de vouloir rétablir les « Dixmes », les « Droits féodaux » et les « Privilèges », subit un autodafé au nom du premier article de la Charte, tandis qu’au premier plan un jésuite, coiffé de l’éteignoir de l’obscurantisme, attend le même supplice (fig. 22). De plus, les lithographes mettent en scène des combats entre les camps opposés. Par exemple, attaqués par un groupe d’aristocrates armés d’éteignoirs, les libéraux se retranchent derrière l’autel de la « Charte constitutionnelle » et prêtent le serment (à la façon des Horaces) : « Je donnerais ma vie pour la défendre. (...) Moi je la soutiendrai jusqu’au dernier soupir (49) ». Dans un autre cas (fig. 23), la « Charte » sert de miroir à l’allégorie de la Vérité pour détourner l’assaut d’un moine et d’un aristocrate qui, inspirés par la lecture de La Quotidienne, s’efforcent de rétablir la dîme, les anciens privilèges et les droits féodaux. Comme cet assaut vise un monument de Louis XVIII la Charte y fonctionne comme bouclier de la monarchie, argument habile du caricaturiste, car en quelque sorte la Charte est le contrat d’alliance entre la royauté et la bourgeoisie.

Si, après 1820, le cri « vive la Charte » caractérise les manifestations des étudiants et de l’opposition dans l’espace public (50), les lithographes, face à un gouvernement de plus en plus restaurateur, vont interrompre leur campagne de caricatures en sa faveur , pendant que la presse réactionnaire, encouragée par le catholicisme de Charles X et de son entourage, peste contre la Charte, cause prétendue des progrès des libéraux aux élections à la Chambre :

« On ne peut se refuser à le reconnaître, la source du mal vient d’une Charte impie et athée et de plusieurs milliers de lois rédigées par des hommes sans foi et par des révolutionnaires. La religion, la justice et Dieu même commandent d’anéantir tous ces codes infâmes, prodiges d’impiété que l’enfer a vomis sur la France (51) »

Lorsque le ministère Polignac, proche de cette attitude, prépare les ordonnances, il faut même à la presse modérée reconnaître :

« Disons-le une bonne et dernière fois, le jour où un coup d’Etat sera tenté, il n’y aura pas de gouvernement en France. Tous les serments d’obéissance et de fidélité sont subordonnés à la Charte ; la Charte violée, les serments sont anéantis, la France ne doit plus rien à personne, nous sommes en pleine révolution (52) ».

Il n’y a donc rien d’étonnant que Charles X, ayant signé les ordonnances du 25 juillet 1830, soit le premier roi français accusé d’être ouvertement anticonstitutionnel. Quel saut !!! s’écrie une caricature en faisant entrer en scène un Charles X qui, son chapelet à la main, saute sur la Charte et les attributs de la justice (fig. 24). Rien d’étonnant non plus que les insurgés des Trois Glorieuses se battent sous la devise « La Charte ou la mort (53) » et que l’avènement de Louis-Philippe a pour condition la reconnaissance d’une Charte légèrement démocratisée. Mais dès le début de la monarchie de Juillet, une vision nationale unanime de la Charte remise en vigueur fait défaut. C’est ainsi que d’un côté, une représentation officieuse (fig. 25), tout en renouant avec les symboles révolutionnaires des Tables de la Loi et du faisceau de licteur et tout en citant les expériences analogues de l’ancien général (« Jemmapes », etc.), privilégie un décor militaire et met la Constitution sous la seule égide du duc d’Orléans ayant fini son manifeste aux Français, le 31 juillet 1830, par les mots célèbres : « La Charte sera désormais une vérité. » Tandis que de l’autre côté un artiste plus proche des révolutionnaire attribue la nouvelle Charte au combat des travailleurs et des gardes nationaux réunis (fig. 26), combat de barricades pour la « Liberté », dont restent encore deux pavés.

IV. Épilogue

Les avatars constitutionnels de la France avaient-ils enfin atteint leur but avec la Révolution de Juillet ? Voilà ce que pensait le graveur parisien Binet en publiant en 1830 un recueil de neuf planches intitulé Chartes Constitutionnelles de la Révolution Française, 1791-1830. Binet se trompait. En réalité les imagiers reprirent leur débat autour de la Constitution à mesure que Louis-Philippe limitait la liberté de la presse ainsi que certaines autres promesses de la Charte. Alors que, par exemple, le caricaturiste du Charivari reprochait au roi de se déguiser comme une Liberté habillée de la « Charte » pour mieux mener une politique rétrograde (54) , les adhérents de l’opposition révolutionnaire clandestine commémoraient la Constitution de 1793 dite « de Robespierre (55) ».

Les républicains durent cependant attendre la Révolution de Février pour voir la Constitution démocratique de 1848 occuper le trône vacant du roi (56) et pour voir paraître à nouveau des représentations de la Constitution de 1848 méritant la vénération, voire la dévotion patriotique (57). Il n’en reste pas moins qu’en 1848 ces images n’avaient plus la même fascination ni la même vigueur iconographique que celles de 1791. C’est que, trop souvent changée suivant les régimes, la Constitution avait perdu une partie de sa puissance de conviction et d’identification, inflation qu’une gravure de 1848 ironise en faisant commencer un placard de la nouvelle Constitution (fig. 27) par les mots suivants : « Constitution neuvième et nouvelle édition revue, corrigée, augmentée, embellie, retapée, et remise à neuf sur celles de 1791, 93, 95, 99, 1814, 1830, etc., et plusieurs autres, dans les goûts les plus nouveaux et les plus à la mode ».

L’image de la Constitution française pouvait-elle donc remplacer celle du roi pour fonder une nouvelle représentation symbolique de l’identité et de l’unité nationales ? Pendant un certain temps, pendant l’hiver 1791/92, cela parut bien possible. Mais à mesure que la culture politique prenait un caractère dichotomique et que les constitutions changeaient au rythme accéléré des régimes, l’imaginaire de la Constitution, très puissant au début, subissait une certaine dévalorisation. La Philatélie française eut donc raison de choisir pour les timbres-poste du Bicentenaire la Déclaration des droits de l’homme de 1789, peu changée depuis, et d’éviter un choix – compromettant – entre les différentes constitutions et leurs représentations controversées.

Notes

(1) Cf. L’annonce publiée dans la magazine Armées d’aujourd’hui N° 138, Mars 1989, p. 198 : « Bloc-feuillet de 4 timbres, 143 x 130 mm. Valeur faciale 5 F, vendu 50 F. Conçu, maquettté et réalisé par Alain Rouhier. »

(2) Steven L. KAPLAN, Adieu 89, Paris, Fayard 1993, p. 38-39 et 45.

(3) Qu’on se rappelle par exemple la célèbre peinture Moïse brise le Décalogue de Rembrandt (1659), conservée à la Gemäldegalerie de Berlin, et de ses reproductions imprimées.

(4) Renée NEHER-BERNHEIM, « Les Tables de la Loi dans l’iconographie de la Révolution », Mireille HADAS-LEBEL et Evelyne OLIEL-GRAUSZ (dir.), Les juifs et la Révolution française : Histoire et mentalités, Louvain-Paris, E. Peeters, 1992, p. 29-52, ici p. 42.

(5) L’Egalité, par Jean-Baptiste Gautier d’après Louis-Simon Boizot, pointillé, couleurs à la poupée, vers 1793 ; BnF, Estampes, Coll. Hennin 11984.

(6) L’Egalité, 1793, BnF, Estampes, Coll. de Vinck 6053.

(7) L’Egalité, gravure sur bois coloriée d’après Janinet, reproduite dans Michel VOVELLE, La Révolution française : images et récit, t. I, Paris 1986, p. 307.

(8) « Je défendrai donc, je maintiendrai la liberté constitutionnelle, dont le voeu général, d’accord avec le mien, a consacré les principes. Je ferai davantage, et de concert avec la Reine, qui partage tous mes sentiments, je préparerai de bonne heure l’esprit et le cœur de mon fils au nouvel ordre de choses que les circonstances ont amené. » Cf. Archives parlementaires de 1787 à 1860. Première Série (1787 à 1799), t. XI,Paris 1880, p. 430.

(9) Scène d’école sans titre par LE TELLIER d’après Binet, eau-forte servant de frontispice à L’Alphabet républicain ou méthode pour apprendre à lire aux enfants, Paris, an II.

(10) Un exemple est la Déclaration de DAGET, montage de papiers peints de très grand format : 2,26 x 1,30 m ; cf. Cat. Exp. du Musée de la Révolution Française :Droits de l’Homme & Conquête des Libertés, Vizille 1986, n° 11.

(11) Tôt tôt tôt, battez chaud, eau-forte coloriée anonyme, 1789 (BnF, Est., de Vinck 2072).

(12) Voir l’eau-forte intitulée Etrenne a la Noblles (sic), feuille anonyme coloriée, reproduite par M. VOVELLE, Images et récit, t. II, p. 309.

(13) « Privilèges abolis, Pensions supprimées, Biens du clergé (nationalisés), Parlement de Rennes à la barre de l’Assemblée nationale », etc.

(14) « brochures impartiales, créances simulées, Rareté du numéraire ».

(15) Pour le contexte des remarques suivantes, font autorité les études d’Annie DUPRAT : Le roi décapité. Essai sur les imaginaires politiques, Éd. Du Cerf, 1992 ; id., Les rois de Papier. La caricature de Henri III à Louis XVI, Berlin 2002.

(16) Pierre-Nicolas CHANTREAU, Dictionnaire national et anecdotique, pour servir à l’intelligence des mots dont notre langue s’est enrichie depuis la révolution…, A Politicopolis, chez les Marchands de NOUVEAUTES, 1790, p. 47-49.

(17) Jean-Charles BENZAKEN, « Iconographie des monnaies et médailles de la Constitution », Roger Bourderon (éd.), L’An I et l’apprentissage de la démocratie, Editions PSD, Saint-Denis 1995, p. 445-462.

(18) La légende continue : « Ce monument est placé dans une campagne fertile, car elle est cultivée par les mains libres d’un maire en écharpe. Pour contraste remarquez à gauche la grille d’un château privé de ses armes ; tout à côté est le mai seigneurial rompu en deux ; c’est dommage, mais on n’en est que plus gai dans le village, voyez comme on y danse. Dans le coin observez ce bon anglois qui perd sa peine à faire entendre raison à un riche esclave d’Asie qui ne sait que tout cela veut dire : le malheureux dans son pays ne connaissoit pas même le nom la liberté. Son tour viendra. En attendant, comme chacun est content, surtout cette troupe d’enfans déjà soldats de la patrie ! Le bonheur ne doit pas nous rendre ingrats : aussi voyez les honneurs qu’on rend à la tombe de Mirabeau. Sur les marches cet homme noir, qui porte une cocarde blanche, comme il est puni d’avoir voulu déranger la fête ; il a fait un faux pas : le voilà étendu par terre, se rongeant le poignet de rage et de confusion. Dieu lui fasse paix pourvû qu’il ne trouble pas la nôtre. Ainsi soit-il. »

(19) Que fais tu là Beau frere ?... Je sanctionne ; eau-forte anonyme, coloriée, 1791 (BnF, Est., de Vinck 4275).

(20) Le Roi Janus, ou l’homme à deux visages ; eau-forte anonyme, coloriée, 1791 (BnF, Est., de Vinck 4308).

(21) Cf. Lettre de Monsieur et de M. le comte d’Artois au roi leur frère, Moniteur, n° 266 du 23 sept. 1791 (Réïmpr. de l’ancien Moniteur, t.IX, Plon, Paris 1847, p. 733-736.

(22) Pour le contexte, voir Claude LANGLOIS, La caricature contre-révolutionnaire, CNRS 1988.

(23) Les couches de Mr. Target, gravure à l’aquatinte, anonyme, 1792 (BnF, Est., de Vinck 4278).

(24) Chute prochaine de la fille de Target, gravure à l’aquatinte, anonyme, publiée le 5 avril 1792 dans le Journal du Peuple (BnF, Est., de Vinck 4310).

(25) La Bascule Patriotique, gravure à l’aquatinte, anonyme, publiée le 7 février 1792 dans le Journal du Peuple (BnF, Est., de Vinck 4280).

(26) Journal de la Cour et de la Ville du 13 mars 1792, cité d’après Claude LANGLOIS, La caricature contre-révolutionnaire, CNRS, Paris 1988,, p. 151.

(27) Nouveau Dictionnaire, pour servir à l’intelligence des termes mis en vogue par la Révolution (Paris, janvier 1792), article Constitution, p. 15-17 : La constitution en général « est un édifice dont les mœurs sont les fondemens. Il faut que les fondemens aient la force de porter l’édifice. » Mais la Constitution française signifie « Désorganisation de tous les pouvoirs. On pourroit l’appeler le recueil des réflexions que faisoient, dans les jardins publics, messieurs les nouvellistes ; dans les caffés, messieurs les politiques ; dans les boutiques, messieurs les perruquiers ; dans les antichambres, messieurs les laquais ; mais elle met la puissance entre les mains de tous les intriguans, laisse les armes entre les mains de tous les brigands, et les rend inutiles entre celles de la force publique. En réalité elle devrait s’appeler... constitution tyrannnico-anarchique. »

(28) Note des Révolutions de Paris de Prudhomme, n° 131 (7-14 août 1792), p. 94.

(29) La Constitution en vaudevilles, suivie des Droits de l’homme, de la femme & de plusieurs autres vaudevilles constitutionnels, chez les Libraires royalistes, Paris 1792,, p. 133. Sur le genre des chansonniers comme Marchant, voir Herbert Schneider, Les constitutions chantées de l’an VIII, Jean-Rémy Julien et Jean Mongrédien (éds.), Le Tambour et la Harpe : œuvres, pratiques et manifestations musicales sous la Révolution, 1788-1800, Editions du May, 1991, p. 147-178.

(30) Instruction patriotique en forme de Catéchisme, adressée à tous les Citoyens du Département du Puy-de-Dome, par les Commissaires des différentes Sociétés des Amis de la Constitution, réunis à Clermont-Ferrand le 8 Mai 1791, Clermont-Ferrand, Beaufils, 1791, première section : De la Constitution & du Gouvernement, p. 5-21 ; Nyon le jeune, Catéchisme de la Constitution républicaine, ou Principes de la Constitution française, mis à portée des jeunes Citoyens, Paris, Nyon, an II.

(31) Cf. Rolf REICHARDT, « Langage et iconographie : les structures sémantiques de la première Révolution visualisées », Equipe « 18ème-Révolution » (éd.), Langages de la Révolution (170-1815), Klincksieck 1995, p. 448-458.

(32) Par exemple le bas-relief sculpté par Joseph CHINARD en été 1793 pour l’Hôtel de ville de Lyon ; cf. James A. LEITH, Space and Revolution : Projects for Monuments, Squares, and Public Buildings in France 1789-1799, Montreal/London, McGill-Queen University Press 1991, p. 247.

(33) Rosine TROGAN et Philippe SOREL, Augustin Dupré (1748-1833) : graveur général de Monnaies de France, Paris musées, 2000, p. 116, 177-183 et 221.

(34) Cf. La légende : « Sous les traits d’un jeune homme ardent et plein de vigueur, le Français régénéré par la Constitution, s’attache à elle, et vole au bonheur, tandis que le fanatisme aveugle, l’orgueil, et la féroce ignorance émoussent leurs traits contre son égide. ».

(35) Nathalie ROBISCO, « Du pain et la Constitution de 93 » dans l’insurrection du 1er Germinal, Roger BOURDERON (éd.), L’An I et l’apprentissage de la démocratie, Editions PSD Saint-Denis, 1995, p. 403-416.

(36) Le Néologiste Français ou Vocabulaire portatif des mots les plus nouveaux de la langue Française, s. l., 1796, p. 99 (les italiques de l’original sont conservées).

(37) Constitution de l’an III, eau-forte anonyme, coloriée, vers 1795 ; reproduite par M. VOVELLE, op. cit., t. IV, p. 323. Cette gravure représente une Constitution mourante qui s’exclame : « En me violant trois fois il m’ont causé la mort !!! »

(38) Conjuration de Baboeuf l’an IV, eau-forte anonyme, 1796 (BnF, Est., Hennin 12215).

(39) Préambule de la Charte, réimprimée dans Jacques Godechot (éd.), Les constitutions de la France depuis 1789, Garnier-Flammarion, 1970, p. 217

(40) Titre d’une gravure à l’eau-forte par F.-J. HEIM, déposée le 17 juin 1814 (BnF, Est., de Vinck 9182).

(41) Cf. Natalie SCHOLZ, Die imaginierte Nation : Repräsentationen der Monarchie im Frankreich Ludwigs XVIII., WBG, Darmstadt 2006, p. 164-165.

(42) BnF, Est., de Vinck 9180.

(43) Le Nain jaune du 10 février 1815, p. 175-176 ; italiques dans l’original.

(44) Visions de l’Ultra et du Libéral, eau-forte anonyme, coloriée, déposée le 28 juillet 1819 (BnF, Est., de Vinck 10499).

(45) « C’est tout ce que nous pouvons pour cette année, mais plus tard nous vous offrirons mieux » dit un ultra à un autre coiffé d’un éteignoir en lui présentant une « 2me Edn. » de la Charte ; lithographie anonyme sans titre de 1820 (BnF, Est., Tf 55 – pt. Fol., R084082).

(46) Serment des Ultras, lithographie coloriée par Bernard, déposée le 7 octobre 1819 (BnF, Est., de Vinck 10300).

(47) L’Ultra malheureux, lithographie anonyme, coloriée, déposée par Randu le 19 août 1819 (BnF, Est., de Vinck 10463).

(48) L’impuissance des ultras, eau-forte non signée, coloriée, déposée par Naudet le 19 juin 1816 (BnF, Est., de Vinck 9188).

(49) Le fanatisme attaquant la Charte, lithographie anonyme, vers 1820 (BnF, Est., Tf 55 – pt. Folio, R084083).

(50) Pascal SIMONETTI, 'Vive la Charte, vive le Roi, cris séditieux ? L’exemple des manifestations des étudiants de la faculté de droit de Toulouse en 1822', Histoire au Présent, t. 15/16, 1989, p. 81-87.

(51) "L’Apostolique du 29 août 1829", cité d’après Jean-Louis Bory, La Révolution de Juillet : 29 Juillet 1830, Gallimard 1972, p. 205.

(52) Journal de Paris du 24 juillet 1830, cité ibid., p. 249.

(53) Cf. J.-L. BORY, op. cit., p. 373.

(54) En voilà, par exemple, une drôle de Liberté, lithographie anonyme, parue dans Le Charivari n° 79 du 20 mars 1834.

(55) Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, présentée à la Convention nationale, en 1793, par Robespierre, placard anonyme, daté du 23 septembre 1833 (BnF, Est., Hennin 14606).

(56) C’est ce que visualise la lithographie anonyme intitulée La République du Peuple, publiée par Devrits en 1848 (BnF, Est., de Vinck 14986).

(57) Voir, par exemple, dans la coll. de Vinck de la BnF les nos. 14988 à 14990.

Rolf Reichardt, "L’imaginaire de la Constitution de 1789 à 1830 : symbolique d’union ou de division politique ?", Révolution Française.net, Etudes, mis en ligne le 23 juin 2007, http://revolution-francaise.net/2007/06/23/120-imaginaire-constitution-1789-1830-symbolique-union-division-politique.