Introduction

Le savez-vous, Républicains,
Quel sort était le sort du nègre
Qu’à son rang, parmi les humains,
Un sage décret réintègre ;
Il était esclave en naissant !
Puni de mort pour un seul geste…
On vendait jusqu’à son enfant…
Le sucre était teint de son sang…
Daignez m’épargner tout le reste.
De vrais bourreaux, altérés d’or,
Promettant d’alléger ses chaînes,
Faisaient, pour les serrer encor
Des tentatives inhumaines.
Mais contre leurs complots pervers,
C’est la Nature qui proteste ;
Et deux Peuples brisant leurs fers
Ont, malgré la distance des mers,
Fini par s‘entendre de reste. (…)
Américains, l’Égalité
Vous proclame aujourd’hui nos frères,
Vous aviez à la Liberté
Les mêmes droits héréditaires.
Vous êtes noirs, mais le bon sens
Repousse un préjugé funeste…
Seriez-vous moins intéressans,
Aux yeux des Républicains blancs ?
La couleur tombe, et l’homme reste.

Citoyen (Antoine-Pierre-Augustin de) Piis « La Liberté des Nègres » an II (1794) (1)

Ces vers tirés d’une chanson patriotique ont été interprétés à Paris le 8 février 1794 (18 pluviôse an II), deux jours après le décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises — sans indemnisation des anciens propriétaires contrairement à celle de 1848 — par la Convention nationale. Son auteur, le citoyen Piis, était lui-même descendant d’un propriétaire d’esclaves à Saint-Domingue (actuel Haïti).

La chanson fait l’apologie du « sage décret » d’abolition qui réintègre les esclaves dans l’humanité dont ils avaient été exclus pour produire du sucre teinté de leur sang par des « bourreaux altérés d’or », mais il affirme également l’union fondamentale des « deux peuples brisant leurs fers » malgré la distance des mers. Ces deux peuples — le français et celui des colonies — sont à la fois distincts et unis par leurs révolutions respectives. Ce ne sont pas les Français qui donnent la liberté aux « Américains », elle était déjà leur droit naturel. L’Égalité fait des deux peuples des « frères », rejetant ainsi le funeste préjugé de couleur comme on dit alors. En proclamant la « liberté générale », la Convention n’octroie aucun droit aux anciens esclaves, elle reconnaît que les leurs avaient été bafoués et oubliés. Ce sont bien deux peuples qui ont reconquis leurs droits en brisant leurs fers, mais, s’ils sont différents, ils participent tous deux des droits de l’humanité. La Liberté, l’Égalité — et la Fraternité qui est leur conséquence — fondent la République, la chose commune aux deux peuples. La « couleur » tombe, car c’est la réciprocité des droits naturels des hommes qui crée le sentiment fraternel, l’universalité n’est pas synonyme de négation des identités (ici celle des « Américains »). Certes, cette chanson exprime un discours spécifique sur le décret d’abolition en valorisant le rôle de la Convention et en minorant le poids des événements aux Antilles, de même qu’elle simplifie la complexité des identités en affirmant l’idée qu’il n’y aurait qu’un seul peuple dans les colonies alors que c’est la diversité des populations et des statuts qui y prédomine, néanmoins la chanson du citoyen Piis exprime bien la radicalité de l’abolition de l’esclavage en l’an II. Ces lignes nous rappellent non seulement que la Révolution française a décrété la première abolition générale de l’esclavage le 6 février 1794 (16 pluviôse an II) — bien après que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 a déclaré que les hommes « naissent et demeurent libres et égaux en droits » — mais aussi que la question de la nature du lien — colonial et/ou égalitaire — entre les peuples a été posée par les contemporains. Ces deux dimensions — celle de l’esclavage et celle du lien colonial — sont au centre de cet ouvrage qui se propose à la fois d’offrir un récit des événements mais aussi une synthèse des travaux publiés depuis trente ans sur la Révolution française et les colonies.

Quand débute la Révolution en 1789, le domaine colonial du roi de France s’étend encore sur quatre continents, malgré les pertes consécutives à la défaite contre l’Angleterre dans la guerre de Sept Ans entre 1756 et 1763 (2). En Amérique du Nord ne subsiste que l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans les Antilles, le domaine français comprend Saint-Domingue (la partie occidentale de l’île d’Hispaniola), la Guadeloupe, la Martinique, Marie-Galante, la Désirade, Saint-Martin, Sainte-Lucie, Tobago et la Guyane. Dans l’océan Indien, les Mascareignes comprennent l’Ile Bourbon (rebaptisée Ile de la Réunion en 1793), l’Ile de France (actuelle Ile Maurice) et les Seychelles, auxquelles il faut ajouter cinq comptoirs indiens (Chandernagor et Pondichéry notamment). En Afrique, Saint-Louis du Sénégal, Gorée et d’autres places (notamment sur la côte orientale de Madagascar) servent pour la traite des esclaves. Enfin, en Europe, la Corse est encore en 1789 une terre de conquête militaire, en partie assimilable à une colonie royale. Malgré l’exiguïté territoriale de ce domaine colonial, il confère toujours à la monarchie française une puissance économique quasiment sans égale parmi les puissances européennes du fait de l’extrême rentabilité du commerce international qu’il génère.

Ces territoires coloniaux — fort différents les uns des autres — ne constituent donc pas un ensemble homogène du point de vue économique, social et juridique, ni même un espace pensé de manière globale par la monarchie. Le terme « d’empire colonial français », bien qu’il soit utilisé par facilité de langage, n’est pas totalement adéquat pour décrire ce domaine, du moins avant les années 1760 où l’idée d’empire commence à s’imposer. Pourtant, toutes les colonies françaises ont été, à des degrés très divers, affectées directement par les événements de la Révolution française, soit parce qu’elles ont été touchées par les conséquences militaires des guerres contre les autres puissances coloniales, soit parce qu’elles ont été le cadre de révolutions (à Saint-Domingue et en Guadeloupe) ou de troubles révolutionnaires autochtones (en Martinique et dans les autres îles antillaises, à un moindre degré dans l’océan Indien) en interaction permanente avec la Révolution en métropole. Dans tous les cas, les rapports sociaux et culturels entre les populations, les identités personnelles, locales, régionales, « raciales » ou nationales, les relations économiques, les statuts juridiques des individus, des groupes et des territoires ont été bouleversés. En retour — et c’est peut-être moins connu par le grand public — les enjeux coloniaux ont pesé sur les dynamiques politiques en France métropolitaine même.

La proclamation de la « liberté générale », célébrée par le citoyen Piis, n’est ni le début, ni la fin de l’histoire des rapports de la Révolution française avec « ses » colonies, d’autant que la France révolutionnaire hérite d’une situation coloniale bouleversée depuis la Révolution américaine de 1776 et que la question du lien colonial et celle de l’esclavage ne se recoupent pas toujours puisqu’on peut fort bien concevoir (et certains l’ont envisagé dans la période) une colonisation sans esclaves. Sans entrer dans les débats historiographiques sur le début et la fin de la période révolutionnaire, sera considérée dans cet ouvrage la période de 1789 à 1804 qui correspond à la phase de transformation (puis de destruction entre 1804 et 1815) de ce qu’il est convenu d’appeler le « premier empire colonial français » jusqu’à la proclamation de la République de Haïti. Nous déborderons donc quelque peu sur la définition académique classique de la Révolution française (qui s’achève avec la fin du Directoire en 1799) pour traiter également de la période du Consulat. Le choix de cette date terminale ne signifie nullement que l’indépendance de Haïti était inscrite dans le processus commencé en 1789, car c’est la dynamique des interactions entre la métropole et ses colonies antillaises mais aussi le contexte militaire qui ont provoqué cette indépendance et non un projet initial des esclaves révoltés. Par ailleurs, Napoléon Ier n’ayant pas renoncé à ses projets d’empire colonial de 1804 à 1810, nous évoquerons donc également, mais très rapidement, la période du Premier Empire. Il aurait été également tentant de présenter les échos des révolutions coloniales, et notamment celle de Saint-Domingue, au début du XIXe siècle lorsque celle-ci devient l’objet de la peur panique des colons à l’échelle régionale mais il a fallu y renoncer faute de place (3).

À l’intérieur de notre période, des articulations chronologiques fortes se dessinent mais — et c’est là une des difficultés de l’histoire connectée — les décalages chronologiques, mais aussi politiques et géographiques entre la Révolution en métropole et l’évolution dans les colonies sont particulièrement marqués.

Décalages chronologiques tout d’abord. Il faut en moyenne deux à trois mois selon les saisons pour faire le voyage aller et retour entre les ports français de l’Atlantique et les Antilles, délai qui s’allonge considérablement à partir de la déclaration de guerre de la France à l’Angleterre en février 1793. Les liaisons avec l’océan Indien sont encore plus longues. Ainsi, les esclaves du Nord de Saint-Domingue sont déjà révoltés depuis août 1791 et les armées noires, celles des libres de couleur et celles des colons blancs s’affrontent un peu partout dans la colonie alors que l’Assemblée législative à Paris discute encore des droits de citoyen à accorder ou non aux libres de couleur en mars-avril 1792. Autre exemple : la Convention n’apprend l’abolition de l’esclavage dans le Nord de Saint-Domingue en août 1793 par le commissaire civil Sonthonax (qui a été d’ailleurs officiellement rappelé un mois plus tôt) qu’en février 1794. Les interactions entre la métropole et les colonies sont donc en partie déterminées par les distances et le temps.

Décalages politiques ensuite. De mai 1789 à l’insurrection d’août 1791, ce sont les colons blancs autonomistes et esclavagistes qui se présentent comme des victimes du « despotisme » et certains de leurs représentants à Paris participent activement à la Société des Amis de la Constitution (les Jacobins). On peut donc être « révolutionnaire » en métropole et « esclavagiste » dans les colonies. À l’inverse, les esclaves révoltés se tournent vers le roi d’Espagne (qui possède la partie orientale de l’île d’Hispaniola) et se proclament royalistes contre les républicains blancs après la chute de la monarchie en France le 10 août 1792. Enfin les libres de couleur, ou du moins une grande partie d’entre eux, combattent la législation raciale qui les exclut de l’élite coloniale mais pas forcément le système de production esclavagiste sur lequel sont fondées leurs fortunes. Les clivages politiques métropolitains entre « aristocrates » et « patriotes », entre Jacobins et Feuillants, puis entre Girondins et Montagnards, ne recouvrent pas ceux des colonies où d’autres clivages sociaux et « raciaux » se superposent et/ou se substituent aux catégories métropolitaines. Décalages géographiques enfin. À l’échelle de l’empire tout d’abord : certaines colonies ne connaissent que des troubles limités comme dans les îles de l’océan Indien, à l’inverse, les îles antillaises sont l’épicentre des révolutions coloniales. Au niveau régional même, si Saint-Domingue est le lieu d’une révolution qui ne cède en rien à la Révolution française dans sa radicalité, la Martinique ne connaît qu’une seule série d’insurrections au début de notre période et, celles-ci une fois réprimées, passe sous le contrôle de l’Angleterre en 1793 et ne connaît pas la même évolution qu’en Guadeloupe où l’esclavage est aboli puis réinstallé par la force en 1803. Ces décalages se retrouvent amplifiés dans l’historiographie qui a davantage étudié les révolutions de Saint-Domingue et de Guadeloupe, que les troubles et les révoltes dans les autres parties du domaine colonial français.

On peut néanmoins délimiter classiquement trois périodes.

La première, de 1789 à l’abolition de l’esclavage par la Convention en pluviôse an II (février 1794), est d’abord marquée par les « révolutions blanches » des colons qui entendent s’affranchir de la tutelle économique et politique de la métropole et par le combat des libres de couleur pour l’abolition de la législation ségrégationniste adoptée au XVIIIe siècle et pour la reconnaissance de leur citoyenneté contre le préjugé de couleur. Puis à partir d’août 1791, les esclaves noirs révoltés entrent dans la lutte pour la « liberté générale » à Saint-Domingue tandis que la guerre entre la France et l’Angleterre en 1793 bouleverse les relations entre la métropole et les colonies.

La deuxième correspond à celle du Directoire (1795-1799), période pendant laquelle la « liberté générale » est maintenue malgré les tentatives du parti colonial reconstitué. C’est aussi celle où se cristallise l’idée d’une « nouvelle colonisation » sans esclavage.

La troisième est celle de la réaction coloniale sous le Consulat (1800-1804) quand les anciens colons et Bonaparte élaborent le projet d’un nouvel empire colonial et d’un retour à l’esclavage. C’est ce projet qui est brisé par la guerre d’indépendance de Haïti qui débute en 1802 et qui aboutit en 1804 à la création du premier État noir en Amérique, malgré le rétablissement de l’esclavage opéré dans le sang à la Guadeloupe et moins violemment en Guyane.

Bien évidemment, compte tenu des décalages indiqués plus haut, ces articulations ne correspondent pas tout à fait à la situation de chaque colonie (celles de l’océan Indien évoluent selon une autre chronologie, par exemple) mais elles fournissent tout de même un cadre pratique pour la présentation des événements.

Bien que cet ouvrage s’intitule La Révolution française et les colonies, il s’agira ici non de présenter la (ou plutôt les) politique(s) de la France révolutionnaire en direction de ses colonies selon une vision franco-centrée et diffusionniste (celle d’une France « patrie-des-droits-de-l’homme » apportant la liberté et la civilisation aux peuples) mais comme le fruit d’interactions entre la Révolution de France et celles des colonies. La Révolution française (ou plutôt ses acteurs individuels et collectifs) n’a pas provoqué les révolutions et les troubles coloniaux qui ont leurs propres dynamiques selon les territoires, mais elle a créé — volontairement ou involontairement — les conditions dans lesquelles ils se sont déployés. Il serait aussi absurde de nier les spécificités des révolutions coloniales et de les traiter comme des prolongements de la Révolution française que de croire que le contexte politique en métropole n’aurait eu aucune influence sur l’évolution des troubles dans les colonies. Ce livre n’entend donc pas être une histoire de la Révolution française aux colonies, ni une succession d’histoires locales des révolutions coloniales mais une histoire croisée, une histoire connectée des interactions entre la Révolution française et les colonies, sans oublier les conséquences de ces interactions à l’échelle régionale.

En effet, les révolutions coloniales dans le domaine français ne peuvent être isolées des espaces régionaux dans lesquels elles se produisent. Les îles antillaises du domaine anglais (la Jamaïque), espagnol (Cuba, Colombie et Venezuela actuels), hollandais (Curaçao), et les États-Unis ont été directement affectés par les révolutions de France et des colonies. On peut en dire de même pour l’Afrique occidentale et pour l’Asie puisque l’océan Indien et l’Inde péninsulaire (par exemple le sultanat de Mysore) ont été également touchés par les conséquences de ces révolutions mais aussi pour les colonies hollandaises en Afrique (Le Cap) et en Extrême-Orient (Batavia) à partir de la création de la République batave alliée de la France en 1795. La question des rapports entre Révolution française et révolutions coloniales est donc un objet d’histoire globale, et non seulement atlantique, nationale ou impériale. On gardera cette dimension à l’esprit, même si, pour rester dans les limites d’un ouvrage de synthèse, nous serons amenés ici à privilégier les événements du domaine français.

Cet essai est, par ailleurs, rendu nécessaire par l’extraordinaire augmentation du nombre de travaux universitaires et des recherches depuis trois décennies. En effet, l’historiographie de la période révolutionnaire (comme celle de l’ensemble de la période du XVIe siècle à nos jours) a connu un « tournant colonial » depuis le bicentenaire de 1989 après des décennies de « fracture coloniale » dans l’histoire et dans la mémoire nationale (4). L’origine de cette fracture est en partie à rechercher dans l’indépendance de Haïti en 1804 suite à la défaite infligée à Bonaparte par les armées de Toussaint-Louverture et de Dessalines. Cette amnésie a perduré pendant le XIXe siècle et la plus grande partie du XXe siècle dans les dictionnaires et les ouvrages généraux sur la période révolutionnaire et impériale (5).

Aujourd’hui, le temps paraît loin où — comme l’écrivait Yves Benot dans son ouvrage La Révolution française et la fin des colonies, paru en 1988 — la question coloniale et celle de l’abolition de l’esclavage étaient, à quelques exceptions près, invisibles dans les grandes synthèses d’histoire de la Révolution française (ainsi que dans les manuels scolaires) (6). Pourtant, entre la seconde moitié du XIXe siècle et le milieu du XXe siècle, de nombreux travaux d’histoire coloniale, concernant surtout les Antilles, avaient été produits mais, constituées en champs séparés, l’histoire coloniale communiquait peu avec celle de la Révolution et encore moins avec celle du Consulat et de l’Empire. D’où une large ignorance des historiens de la Révolution (à l’exception notable de l’Histoire socialiste de Jaurès dans les années 1900) des problématiques coloniales locales et de leurs implications sur la dynamique révolutionnaire en France métropolitaine. Ainsi, les travaux d’Hubert Deschamps (vers 1900) ou de Jean Saintoyant (dans les années 1930) ou même ceux de Gabriel Debien (dans les années 1950-1960) n’étaient guère intégrés à l’historiographie classique de la Révolution.

Deux ouvrages écrits non par des universitaires mais par des hommes de lettres et militants anticolonialistes, Cyril Lionel Robert James et Aimé Césaire, ont contribué à relancer l’histoire du champ colonial dans les études révolutionnaires. Les Jacobins noirs (1938, traduit en français en 1949) du premier et le Toussaint-Louverture, La Révolution française et le problème colonial (1962) du second ont été fondamentaux pour la « découverte » de l’histoire de la Révolution et des colonies. Mais c’est à partir du bicentenaire de 1989 que les études se sont multipliées grâce à l’apport des historiens d’Outre-mer comme Lucien Abenon, Jacques Adélaïde-Merlande ou Claude Wanquet, de ceux de la période moderne comme Jean Tarrade ou Pierre Pluchon, de ceux de la Révolution comme Marcel Dorigny, Bernard Gainot, Florence Gauthier ou Eric Saunier, et enfin des historiens américains comme David Brion Davis, Laurent Dubois, Carolyn Fick et David Geggus pour n’en citer que quelques-uns (on trouvera dans la bibliographie sommaire de fin de volume les plus importants de leurs ouvrages). Il faut également citer le rôle d’Yves Benot dont l’ouvrage déjà évoqué a constitué un jalon important. Ces productions ont désenclavé l’ancienne histoire coloniale et ont participé à la constitution d’un champ de recherche unifié.

Les colloques et réunions scientifiques autour du bicentenaire ont donc constitué un tournant qui s’est accentué — la dynamique commémorative aidant — dans les années 1990. En effet, des colloques universitaires autour de la commémoration de la première (1993-1994) et de la deuxième abolition (1998) se sont succédé. Depuis 2000, cette dynamique n’a cessé de se renforcer, en particulier aux États-Unis où les études étiquetées Atlantic History sur l’esclavage et sur la Révolution de Saint-Domingue dans ses rapports avec l’arc antillais et l’Amérique hispanique sont désormais bien implantées dans les universités.

Sans entrer ici dans les débats entre spécialistes concernant les étiquettes — Histoire coloniale, Histoire globale, Histoire connectée, Atlantic History, World History, Postcolonial Studies, New Imperial History (7), etc. — sous lesquelles les travaux de ces trente dernières années ont été menés, on peut tenter d’en sérier les principaux thèmes.

C’est d’abord la question des mutations du commerce colonial (qui ne se résume pas à celles de la traite négrière) en période révolutionnaire. C’est ensuite celui du lien colonial lui-même, de sa redéfinition dans les projets de l’époque révolutionnaire, de la montée d’une nouvelle élite coloniale de couleur après l’abolition de l’esclavage. Le troisième thème est celui des circulations humaines (des commerçants, des esclaves, des marins, des corsaires, des soldats, des émigrés, des réfugiés et des prisonniers) mais aussi celle des idées et de leurs supports (circulation des paroles et des rumeurs, des imprimés, des modèles politiques). Le quatrième grand thème concerne le mouvement antiesclavagiste et ses ennemis, les colons défenseurs de l’esclavage et de la ségrégation, leurs combats, leurs contradictions et leurs apories. Le mouvement antiesclavagiste naît avant la Révolution mais les principes du droit naturel dans les Déclarations des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de 1793 condamnent les fondements mêmes de l’esclavage. C’est ainsi que les principes sont compris dans les colonies, aussi bien par les colons qui considèrent la Déclaration des droits comme la « terreur des colonies » (8) que par les libres de couleur et les esclaves révoltés qui, au contraire, les voient comme un point d’appui de leur combat. Enfin, c’est le thème de l’impact de la guerre, des armées et de la violence sur les évolutions des sociétés coloniales qui a intéressé les chercheurs. Ces grandes questions seront abordées dans la suite de ce livre.

Dans tous ces travaux, la résistance des esclaves puis des nouveaux citoyens libres (à Saint-Domingue, en Guadeloupe et en Guyane) a été mise en valeur et la thèse ancienne d’une exportation unilatérale de la Révolution française aux Antilles a été entièrement remise en question. Les travaux des chercheurs comme Carolyn Fick ou David Geggus par exemple ont particulièrement mis en exergue l’autonomie des révolutions de couleur aux Antilles et ont cherché à les étudier « par en bas » au plus près des acteurs eux-mêmes. Surtout, on néglige moins qu’auparavant l’impact en retour des révolutions coloniales sur la Révolution en métropole et sur l’Europe en général. Loin d’être périphériques, les révolutions coloniales sont désormais intégrées dans le récit historique du moment de transition entre Ancien régime et monde contemporain. Aimé Césaire écrivait déjà en son temps qu’étudier l’histoire de Saint-Domingue, c’était étudier « l’une des origines, l’une des sources de la civilisation occidentale moderne (9) », on en est davantage convaincu aujourd’hui. Les questions coloniales et de l’esclavage interrogent la nature de la Révolution française elle-même, de sa radicalité et/ou de ses contradictions (10).

Pendant longtemps, deux thèses se sont opposées. La première établissait une continuité sans rupture entre le courant antiesclavagiste des Lumières et l’abolition de l’an II. La Révolution aurait ainsi appliqué (avec un peu de retard) les idées des philosophes. L’autre thèse affirmait que la question de l’esclavage n’avait été réellement posée qu’une fois les anciens esclaves révoltés et que l’abolition de l’an II était davantage une décision tactique dans la lutte contre l’Angleterre qu’une application des principes de la Déclaration des droits. Ces deux thèses sont aussi simplificatrices l’une que l’autre. L’opposition entre principes et tactique n’a guère de sens. La politique n’est pas plus une pure application des principes qu’un simple jeu de pouvoirs. On ne peut rien comprendre à la question qui nous occupe si l’on sépare artificiellement principes, stratégie, tactique et adaptation à des contextes politiques et militaires en constante évolution. Certes, les contemporains de la Révolution ne se sont pas réveillés un beau matin de 1789 en décidant qu’il était temps d’abolir l’esclavage conformément à l’esprit de l’article premier de la Déclaration des droits. Cette abolition a dû suivre un chemin tortueux, fait d’avancées et de reculs, de pas de côté. Elle s’est réalisée dans l’interaction avec les révolutions coloniales et leurs dynamiques propres mais elle a constitué une avancée déterminante sur la longue route vers la disparition de l’esclavage « moderne ».

De même, la Révolution française n’a pas détruit les colonies. Le système colonial est déjà en crise depuis la défaite contre l’Angleterre de 1763 et encore davantage depuis l’Indépendance des États-Unis qui a encouragé les colons à revendiquer une forme d’autonomie remettant en cause le lien colonial. Dans les années 1780, les libres de couleur demandent déjà la réforme de la législation ségrégationniste fondée sur le préjugé de couleur. Ainsi, en 1789, l’empire colonial français est en réalité déjà en voie de décomposition/recomposition même si du point de vue économique et de celui des négociants engagés dans le commerce colonial, l’empire est une réussite et un succès considérables.

La Révolution en métropole n’a pas engendré les révoltes serviles, car les résistances à l’esclavage étaient aussi anciennes que celui-ci. Bien avant 1789, le marronage, les suicides, les infanticides, les révoltes localisées étaient endémiques dans toutes les sociétés coloniales. Ce sont toutes ces formes de résistance des esclaves eux-mêmes qui ont informé la réflexion des antiesclavagistes des Lumières sur la nécessaire transformation du système colonial. Mais, par ses conséquences politiques et géopolitiques nationales, impériales et mondiales, la Révolution française a permis que ces résistances — qui jusque-là ne mettaient que rarement le système esclavagiste lui-même en cause — se déploient sur une tout autre échelle et qu’elles aboutissent, à Saint-Domingue et en Guadeloupe au moins, à de véritables révolutions. Cette rencontre entre Révolution française et révolutions coloniales a été décisive mais elle ne s’est pas produite partout selon les mêmes modalités. Ces révolutions ont réussi là (provisoirement en Guadeloupe) mais ont échoué ailleurs (en Martinique par exemple). Les révoltes et révolutions coloniales doivent donc être envisagées à différentes échelles. À l’échelle locale, comme le fruit des tensions au sein des sociétés esclavagistes et ségrégationnistes, à l’échelle régionale (monde Atlantique, Antilles, océan Indien), à l’échelle impériale dans le lien avec la Révolution française en métropole et avec ses conséquences géopolitiques, et à l’échelle globale comme faisant partie de la vague révolutionnaire de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle jusqu’aux indépendances de l’Amérique latine dans les années 1820.

Le tournant colonial de l’histoire des révolutions est à mettre en relation avec la montée actuelle des débats suscités par les études dites postcoloniales, depuis les années 2000. Sans prétendre décrire ici ce mouvement intellectuel (11) , il faut tout de même en dire quelques mots pour dresser un tableau du contexte contemporain et pour comprendre comment la question de la Révolution française et des colonies s’y insère (ou non).

Depuis les années 2000, un certain nombre d’intellectuels, américains, français et originaires de pays anciennement colonisés, ont cherché à replacer l’histoire de la colonisation, des colonisés et des colonisateurs dans un nouveau paradigme interprétatif. L’objectif des études postcoloniales était de partir des réalités vécues par les colonisés et de les confronter aux représentations construites par les colonisateurs, de décentrer le regard de l’historien en étudiant la construction des identités de « races », de sexe, des identités ethniques, nationales ou impériales et surtout de rejeter le récit lié à l’idée de civilisation occidentale et l’eurocentrisme. Il s’agissait également de réaffirmer la centralité du phénomène impérial dans les pays colonisateurs et de montrer qu’ils avaient été façonnés en retour par l’expérience des colonisés.

Dans ce travail de déconstruction, un certain nombre d’auteurs ont remis en cause les discours des Lumières au XVIIIe siècle pour en faire une idéologie colonisatrice, raciste et patriarcale (12). L’universalisme des Lumières et de la Révolution française a été accusé d’être une idéologie mystificatrice destinée à masquer sous des dehors avenants une volonté de puissance de l’Europe sur le reste du monde. En croyant proclamer les droits naturels, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’aurait en réalité que posé les bases d’un pouvoir impérialiste, niant l’existence des cultures non-européennes. Pêle-mêle, les Droits de l’homme, la laïcité, la sécularisation, les libertés individuelles ont été assimilés à de purs instruments de domination de l’Europe (ou des Blancs) sur le reste du monde.

Si l’idée de décentrer le regard historique en partant des colonisés et d’étudier la construction des identités nous semble un projet stimulant, vouer aux gémonies les Lumières et les révolutions de la fin du XVIIIe siècle nous paraît être un projet qui relève davatage de l’idéologie que de l’histoire. En réalité, il n’existe pas un, mais plusieurs universalismes au XVIIIe siècle et toutes les études récentes insistent sur le caractère pluriel des Lumières. Les Droits de l’homme sont, eux aussi, susceptibles d’interprétations très différentes au XVIIIe siècle comme aujourd’hui. Pour l’historien du XVIIIe siècle, les critiques adressées à « l’universalisme blanc » semblent s’attaquer à un fantôme qu’il ne trouve jamais dans l’archive. La plupart des auteurs postcoloniaux sont d’ailleurs plutôt des spécialistes de l’époque contemporaine ou des chercheurs en sciences sociales et en littérature dont l’histoire n’est pas la préoccupation principale.

De ce point de vue, dans une grande partie des études postcoloniales, les Lumières et la Révolution française apparaissent moins comme des objets historiques que comme des mots fourre-tout désignant le libéralisme, le progrès, la science, la rationalité, la modernité, bref ce qui est censé fonder plutôt la pensée des XIXe et XXe siècle (ce qui est d’ailleurs matière à discussion (13)). Les continuités et les ruptures entre le « premier empire colonial » français de l’époque moderne et le « second empire colonial » des XIXe et XXe siècles sont bien plus complexes qu’il n’y paraît (par exemple, l’Exclusif de l’Ancien régime est encore invoqué au XIXe siècle). Que les colonisateurs aux XIXe et au XXe siècles aient utilisé une idéologie colonialiste et raciste prétendument appuyée sur certains auteurs des Lumières est une chose, prétendre que les hommes du XVIIIe siècle ont posé intentionnellement les bases de la domination coloniale au siècle suivant en est une autre. Que l’idéologie de la « France-patrie-des-droits-de-l’homme » ait été utilisée par les républiques du XIXe au XXe siècle ne signifie pas que les théories du droit naturel à l’époque moderne aient été colonialistes, impérialistes et racistes…

La réalité des sources est bien plus complexe que ces formules passe-partout. Il a existé des Lumières réformatrices coloniales, des Lumières anticoloniales, des révolutionnaires favorables à l’abolition de l’esclavage, d’autres qui considéraient qu’il ne fallait pas y toucher, certains étaient imbus de la prétendue supériorité de la civilisation européenne, d’autres la critiquaient et faisaient l’apologie des sociétés indigènes, des scientifiques élaboraient des classifications raciales, d’autres créaient une forme d’anthropologie relativiste et fondée sur la diversité au sein du genre humain, etc. Entasser dans un même sac les Lumières, le (ou les) racisme(s), les impérialismes ne nous paraît pas très pertinent du point de vue de la connaissance historique, ce qui ne signifie évidemment pas que les travaux se plaçant dans ce paradigme soient dépourvus d’intérêt et n’aient pas contribué à décentrer utilement les regards et les problématiques.

Dans les débats publics, la place accordée aux questions coloniales, à l’esclavage et à leurs mémoires s’est, elle aussi, singulièrement élargie. Assiste-t-on depuis vingt ans à la fin de « l’amnésie coloniale » française ? Certes, la République française a commémoré la seconde abolition de l’esclavage en 1998 mais elle a « oublié » la première en 1994. Elle a surtout occulté la Révolution de Saint-Domingue et l’indépendance de Haïti, pourtant un des pays les plus importants de la francophonie dans le monde. En prenant la toponymie comme indice, on ne peut que remarquer qu’aucun lieu ne rappelle directement Saint-Domingue ou Haïti à Paris (il existe une rue Saint-Domingue à Nantes et une rue Haïti à Port-Barcarès). Mais depuis quelques années, un effort a été réalisé puisque des rues du XIe arrondissement de Paris, de Bobigny, de Saint-Denis et de Clichy (liste non exhaustive) ont reçu le nom de Toussaint-Louverture (il en existe également à Fort-de-France en Martinique et à Basse-Terre en Guadeloupe). Il existe aussi désormais une rue Léger-Félicité Sonthonax à Aubervilliers. À Pontarlier, un lycée porte le nom de Toussaint-Louverture et la cellule dans laquelle il est mort est désormais un musée dans le fort de Joux.

Ce frémissement est évidemment à mettre en rapport avec les débats mémoriels depuis que la traite négrière et l’esclavage ont été reconnus comme un crime contre l’humanité dans la loi Taubira votée le 10 mai 2001. Pourtant, le bicentenaire de l’indépendance de Haïti en 2004 a quelque peu été obscurci par le coup d’État du 29 février contre Jean-Bertrand Aristide et la participation de la France à la force armée envoyée en Haïti après la démission forcée de son président… La loi du 23 février 2005 (sur le « rôle positif de la colonisation »), les polémiques qui ont accompagné la même année la parution de l’ouvrage d’Oliver Grenouilleau sur les traites négrières ou le pamphlet de Claude Ribbe sur « les crimes de Napoléon » ont contribué à replacer la question de l’esclavage, du colonialisme au premier plan des polémiques dites mémorielles. En 2006, le 10 mai a été célébré pour la première fois « la journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions », désormais intégrée aux commémorations nationales annuelles. En 2016, une fondation portant ce même nom a été annoncée par François Hollande. Elle est officiellement créée en 2018 par son successeur Emmanuel Macron et elle est aujourd’hui présidée par l’ancien ministre et ex-maire de Nantes, Jean-Marc Ayraud (14).

Cette actualité historiographique et mémorielle a même influencé les programmes d’histoire de Seconde générale et technologique, puisque le concept de révolution atlantique et l’étude de la Révolution de Saint-Domingue sont tous deux apparus dans les propositions pédagogiques du ministère de l’Éducation nationale, à la suite de la mise au programme au CAPES d’Histoire-Géographie et d’Agrégation d’une question d’histoire moderne incluant les révolutions coloniales en 2005-2006. L’étude de la Révolution haïtienne a toutefois été limitée au programme des classes de Seconde technologiques et a disparu de celui des Seconde générales, ce que l’on doit regretter.

Il n’est pas besoin aujourd’hui de longs développements pour affirmer que le colonialisme, le néocolonialisme, le postcolonialisme et les questions mémorielles occupent une place importante dans les débats publics, bien au-delà du cercle des spécialistes universitaires. Ces débats — polarisés et biaisés — font, hélas, souvent l’économie de la réflexion historique sur les contextes qui évoluent du XVIe au XXIe siècle. D’où des prises de position médiatiques sans nuances, parfois appuyées sur des visions dépassées par les travaux de ces trente dernières années, voire franchement mensongères ou purement idéologiques. Dans ce contexte, le rôle de l’historien n’est ni de condamner ni d’approuver mais de permettre de resituer ces questions dans leurs contextes respectifs et d’apporter au public les éléments des recherches récentes. C’est l’une des ambitions de cet ouvrage.

Nous avons considéré qu’il était nécessaire de présenter d’abord un récit chronologique des événements complexes et connectés des années 1789-1804 dans les quatre premiers chapitres puis d’aborder les thématiques principales des recherches récentes dans les chapitres suivants. Ainsi, certains points rapidement évoqués dans la partie chronologique seront développés dans les suivants. Nous serons sans doute amené ainsi à quelques répétitions mais une telle structure nous a semblé indispensable pour le public qui n’est pas familiarisé avec les événements de la période révolutionnaire en France et dans les colonies. Nous avons fait par ailleurs le choix de limiter au maximum les notes savantes de bas de page et les renvois aux ouvrages de référence. On trouvera les principaux d’entre eux dans la bibliographie sommaire qui figure en fin de volume. De même, et afin de faciliter la lecture, nous avons fait le choix de n’indiquer les dates dans le calendrier républicain que lorsqu’elles étaient particulièrement importantes. Les autres dates seront données dans le calendrier grégorien.

Il va de soi que l’utilisation dans cet ouvrage du vocabulaire du préjugé de couleur du XVIIIe siècle (Blancs, Noirs, libres de couleur, « nègre », « mulâtre », « quarteron », etc.) ne reflète pas une conception raciale du genre humain de notre part mais répond à la volonté d’utiliser et de déconstruire les catégories et les identifiants raciaux utilisés par les contemporains. Ces catégories sont, par ailleurs, changeantes au cours de la période au gré des événements et des réalignements politiques et sociaux. Nous insistons donc sur la nécessité de ne pas comprendre ces catégories comme des essences mais comme des artefacts sociohistoriques. Néanmoins, pour ne pas multiplier à l’excès les guillemets et rendre ainsi la lecture plus difficile, nous utiliserons les termes Blanc(s), Noir(s), libre(s) de couleur ou Métis, ou encore race, racial, sans guillemets, malgré le fait que les Blancs ou les Noirs ou les gens de couleur ne sont que ceux qui sont « réputés » ou « présumés » tels par les contemporains et que les prétendues races n’ont aucun sens du point de vue biologique. En réalité, tel « présumé Blanc » peut avoir eu des ancêtres métissés, voire noirs et inversement… En revanche, nous garderons les guillemets pour parler des « nègres », des « mulâtres », des « petits Blancs » ou des « grands Blancs » qui sont déjà au XVIIIe siècle des termes qui peuvent être considérés comme péjoratifs.

Notes

(1) Pour le texte intégral de cette chanson voir https://revolution-francaise.net/2010/09/01/395-la-liberte-des-negres-par-le-citoyen-piis. On peut en trouver quelques versions chantées sur Youtube.

(2) Pour la période antérieure à la Révolution, on pourra consulter l’ouvrage d’Erick Schnakenbourg, Le Monde Atlantique. Un espace en mouvement, XVe-XVIIIe siècle, Armand Colin, 2021.

(3) Voir notamment Ada Ferrer, « La société esclavagiste cubaine et la révolution haïtienne », Annales, Histoire, Sciences Sociales, 2003/2, p. 333-356.

(4) Marcel Dorigny, « Aux origines : l’indépendance d’Haïti et son occultation » dans Nicolas Bancel et al., La Fracture coloniale, La Découverte, 2005, p. 45-55.

(5) Voir notamment Michel-Rolph Trouillot, Silencing the Past. Power and the Production of History, Boston Beacon Press, 1995.

(6) Yves Benot, La Révolution française et la fin des colonies, La Découverte, 1988, chapitre « Dans le miroir truqué des historiens ».

(7) Sur ces champs historiographiques, voir Manuel Covo, « La Révolution haïtienne entre études révolutionnaires et Atlantic History » dans Clément Thibaud et alii (dir.), L’Atlantique révolutionnaire. Une perspective ibéro-américaine, 2013, p. 259-288.

(8) Florence Gauthier, L’aristocratie de l’épiderme. Le combat de la Société des Citoyens de Couleur 1789-1791, CNRS Editions, 2007, p. 129.

(9) Cité par Laurent Dubois dans Les Vengeurs du Nouveau Monde. Histoire de la Révolution Haïtienne, Rennes, Les Perséides, 2006, p. 34.

(10) Yves Bénot, « La question coloniale en 1789 ou l’année des déceptions et des contradictions », dans Les Lumières, l'esclavage, la colonisation, textes réunis et présentés par Roland Desné et Marcel Dorigny, La Découverte, 2005, p. 197-209.

(11) Voir Jean-François Bayart, Les études postcoloniales. Un carnaval académique, Karthala, 2010. Henry Laurens, Le Passé imposé, Fayard, 2022.

(12) Voir Antoine Lilti, L’Héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité, EHESS Gallimard Seuil, 2019, première partie.

(13) Emmanuel Fureix, François Jarrige, La modernité désenchantée. Relire l’histoire du XIXe siècle français, La Découverte, 2015, voir notamment le chapitre 7.

(14) A noter que les municipalités d’anciennes villes négrières comme Nantes ou Bordeaux ont mené un important travail mémoriel en créant des musées et des lieux dans lesquels la mémoire de la traite et de l’esclavage est mise à jour et contextualisée.