Cette période entre novembre 1792 et le début du printemps 1794 est marquée par l’arrivée à Charleston du ministre de la République Edmond Genêt en avril 1793, par la proclamation de neutralité (critiquée par les Républicains-démocrates) de George Washington le même mois, puis par le conflit entre Genêt et le gouvernement américain au sujet de l’interprétation des traités franco-américains de 1778 toujours en vigueur, par le rappel de Genêt en août 1793, et enfin par les premières rumeurs au sujet de négociations avec l’Angleterre par l’intermédiaire de John Jay en avril 1794 et le déclenchement de la Whisky Rebellion le mois suivant, qui modifie considérablement le contexte politique et social et ouvre une nouvelle période politique.

Je ne reprendrai pas ici les détails de la mission de Genêt, ni son action ou l’important débat sur les traités franco-américains et leur contenu, ou encore sur la proclamation de neutralité de Washington et sa constitutionnalité présumée ou enfin sur la guerre de course. Cela a déjà été fait ailleurs et il existe une nombreuse bibliographie à ce sujet (2).

Je me concentrerai sur la manière dont le « parti » républicain-démocrate alors en construction, défend la Révolution et la République françaises contre les Fédéralistes, et ce en relation avec leurs propres conceptions de la Révolution et de la République américaines. Quels arguments, quels symboles, quels personnages sont mis en avant aux Etats-Unis dans le cadre du soutien à la France ? Comment les événements de la Révolution française sont-ils reçus et quels liens les Républicains américains font-ils entre leur combat contre les Fédéralistes et celui des révolutionnaires français contre les « despotes » et les « tyrans » de l’Europe ? Quelle forme de « fraternité » en découle ?

Pour ce faire, j’ai choisi de privilégier une source spécifique : un échantillon d’une trentaine de listes de toasts prononcés dans les meetings et fêtes républicaines-démocrates et publiés dans les journaux républicains en 1793 et dans la première moitié de 1794 (3). Je m’appuierai en complément sur plusieurs articles parus dans la presse et sur les résolutions des premières Republican-Democratic societies qui apparaissent au printemps et à l’été 1793 (4).

Toasts et culture politique républicaine

Dans la jeune république des Etats-Unis, les habitants disposent de moyens variés pour exprimer leurs idées politiques. La presse qui connaît un développement spectaculaire après la guerre d’Indépendance est un de ces vecteurs les plus importants mais il n’est pas le seul (5). Les town meetings regroupent en assemblée générale les hommes des villages et des villes. Il existe également des réunions publiques où se réunissent des groupes plus restreints de citoyens pour la défense de telle ou telle cause ou pour accompagner les processus électoraux. Les fêtes et les processions sont d’autres formes de prise de parole pour tous les citoyens, et même pour les femmes et les noirs libres, souvent exclus de facto des meetings (6).

Dans ces meetings et dans ces fêtes (7), un des rituels politiques les plus importants est la série de toasts ou sentiments bus ou portés à la fin des dîners réunissant les citoyens qui y participent (8). Pratique uniquement masculine, la libation collective est un héritage d’une solide tradition anglaise de beuveries (9), mais avant, pendant et surtout après la guerre d’Indépendance, elle prend une coloration politique « partisane » marquée. En effet, des listes de toasts sont reproduites dans la presse et parfois sous la forme de résolutions imprimées en brochures. Les toasts jouent donc mutatis mutandis le rôle de « mots d’ordre » partisans ou non, mais (presque) toujours consensuels entre les participants. Il est très rare que l’on refuse de boire ou de reprendre un toast, mais quand cela arrive, cela indique des divisions politiques profondes dans les assemblées réunies.

En effet, il existe des conventions strictement respectées dans l’élaboration de ces toasts. Tout d’abord, ils sont préparés en amont par des comités ad hoc de notables ou de cadres politiques locaux qui se mettent d’accord sur les thèmes, les institutions, les personnages qui seront cités, ainsi que sur la formulation précise qui serait utilisée lors des dîners collectifs. Certains de ces toasts sont des passages obligés assez neutres comme nous le verrons ci-dessous, mais d’autres expriment des points de vue, sinon partisans, du moins engagés. Ces toasts particuliers prennent parfois la forme de volunteers, c’est-à-dire de toasts, soit proposés en amont, soit pendant le dîner, qui s’ajoutent à la liste initiale. Pour certains toasts particulièrement importants ou ayant fait l’objet d’une forte approbation, on ajoute souvent à la publication des mentions comme three cheers ou plaudits. Les toasts sont parfois appuyés de salves d’artillerie ou de coups de fusils de la milice. Ils sont aussi parfois entrecoupés de chants patriotiques, américains et français (le « Ça ira » et le « Chant des Marseillais » le plus souvent traduits en anglais). Les comptes rendus dans la presse républicaine insistent toujours sur l’harmonie, l’ordre, la décence et la bonne humeur manifestés par les participants, et sur la présence éventuelle de représentants ou d’officiers d’Etat et/ou fédéraux et du clergé local, voulant donner ainsi une image rassurante d’unité face aux accusations « d’anarchie » de la presse fédéraliste. En aval, ces toasts sont réunis pour être publiés en une liste cohérente qui ne reprend pas toujours l’intégralité des toasts réellement prononcés . Ces publications servent ensuite de canevas à d’autres comités, soit locaux, soit à l’échelle des Etats, pour constituer une sorte d’opinion publique à vocation nationale (mais aussi « transnationale » car les toasts circulent des deux côtés de l’Atlantique et sont adoptés en France (10)). Les réunions de métiers, les milices locales, les premiers clubs politiques, les reprennent accroissant ainsi leur diffusion. Les listes de toasts jouent donc à la fois le rôle « d’organisateurs » locaux mais aussi de liens partisans nationaux. C’est particulièrement le cas lors de la deuxième présidence de Washington (11), quand les partis fédéralistes et républicains commencent à se constituer et quand les événements français suscitent quantité de fêtes et commémorations. Car les toasts reproduits provoquent à leur tour des réponses et des articles de journaux pour en faire l’apologie ou la critique ou encore pour corriger une liste incomplète ou discutable. Ils sont même repris dans les correspondances diplomatiques, comme pendant l’affaire Genêt (12), pour preuve de l’état de l’opinion envers la Révolution française.

Les listes comprennent le plus souvent autant de toasts qu’il y a d’Etats dans l’Union (c’est ce que l’on appelle un federal slate), c’est-à-dire quinze en 1793 (les fêtes débutent souvent par quinze salves de canon ou de fusils). On peut classer les toasts républicains en plusieurs catégories : des institutions et/ou les personnes qui les incarnent, des dates symboliques, des idées, des personnes qui relient les Etats-Unis à la France et les républicains des deux côtés de l’Atlantique (y compris les Anglais, les Irlandais et quelquefois les Polonais). Dans beaucoup de cas, les listes commencent par des toasts au Président, au Vice-Président et au Gouverneur de l’Etat ou aux dirigeants locaux de la milice. Le plus souvent, la deuxième catégorie regroupe les toasts qui élargissent la perspective au-delà de la sphère nationale, soit en faisant référence à la Révolution française ou à la fraternité universelle des Rights of Man. Une troisième catégorie rassemble les personnalités et les concepts politiques clés emblématiques du républicanisme transatlantique. Une dernière catégorie contient les toasts traditionnels au « beau sexe » (The American Fair pour les Américaines, The Patriotic Gallic Fair pour les Françaises) et ceux faisant référence aux thèmes de l’économie politique républicaine, (l’agriculture, le commerce, les arts et métiers, les agricultural and mechanical classes of citizens, l’éducation, les sciences, la condamnation de la spéculation financière)(13). Cette structure est très schématique et la position des toasts évolue selon les contextes et les lieux mais elle indique quels sont les thèmes les plus présents dans ces listes.

La chronologie des fêtes en faveur de la Révolution française est scandée par des moments spécifiques (qui ont souvent leur propre toast sous le simple nom de The Day). Ces meetings et ces célébrations suivent les victoires militaires de la République : Valmy, les victoires navales des corsaires armés par la France, et la reprise de Toulon. Le 6 ou le 8 février, commémorant l’anniversaire de l’alliance franco-américaine de 1778, le 14 juillet, le 10 août et dans une moindre mesure le 22 septembre sont les autres dates célébrées. Les fêtes des 4 juillet 1793 et 1794 sont également marquées par la forte présence des toasts concernant la France. Le 21 janvier est absent de ce calendrier festif. Les deux pics de ces célébrations sont d’une part la célébration de la retraite du duc de Brunswick à la suite de Valmy qui a suscité des cérémonies et des dîners dans presque toutes les villes, grandes et moyennes, d’autre part le 14 juillet. À l’été 1793, plusieurs événements contribuent à tarir les célébrations. C’est d’abord l’épidémie de fièvre jaune qui frappe les villes portuaires de l’est et empêche les rassemblements, c’est ensuite le fait que l’enjeu de la défense de la Révolution française devient de plus en plus clivant — surtout après la conclusion de l’affaire Genêt par son rappel — et donc strictement partisan ; les Fédéralistes, même les moins hostiles à la Révolution française, délaissent ces célébrations, alors qu’ils n’étaient pas totalement absents dans les fêtes pour Valmy par exemple. Les fêtes en l’honneur de la France reprennent à l’hiver 1793-1794 après la fin de la vague de fièvre jaune et célèbrent l’alliance franco-américaine en février et la reprise de Toulon en mars.

Les toasts « institutionnels » américains : une critique à peine voilée de l’exercice fédéraliste du gouvernement

Les toasts « institutionnels » sont souvent répétitifs, car, malgré l’opposition d’une partie des Républicains-démocrates à la politique extérieure de Washington, le respect pour le Président (ou du moins pour le chef dans la guerre d’Indépendance) est encore très partagé, ce n’est qu’après la proclamation de neutralité du 22 avril 1793 et plus encore la signature du traité Jay à la fin de 1794 que les critiques personnelles se font de plus en plus présentes dans la presse et même dans les toasts, pourtant plus consensuels en général. Les trois ou quatre premiers toasts des slates sont donc souvent dans l’ordre : 1. Aux Etats-Unis 2. Au Président des Etats-Unis 3. Au Vice-Président 4. À l’Etat et à son Gouverneur et/ou à la Législature, comme dans la liste de la German Society du 16 décembre 1792 (14). Parfois, ces toasts obligés sont restreints à deux seulement — pour faire de la place en quelque sorte — quand il s’agit de célébrer un événement de la Révolution française. Ainsi à Cranberry dans le New Jersey où l’on fête les succès des armes françaises en décembre 1792, on évacue rapidement ces obligations : « 1. The President of the US and the officiers of the general Government 2. The governor of New Jersey »(15).

Néanmoins, dès le début de 1792 et plus encore l’année suivante, la Présidence n’est plus totalement épargnée. Ainsi dans la fête civique de Charlestown pour fêter les victoires françaises (16), on boit à : « 3. Our worthy and distinguished fellow-citizens, and the President and Congress of the United States — May they ever be the guardians of the rights of the people. », ce qui indique un début de doute, d’autant que le 6e toast au « Commonwealth du Massachusetts » et à ses institutions ne contient aucune réserve (17) . A Philadelphie, Washington est bien cité, mais seulement parce qu’il est « a friend of Rights of Man »(18) . À Brookline dans le même Etat, on cite bien « Citizen Washington » (5e toast) mais on n’indique pas son titre (19). Un peu plus tard, le 18 mai, alors que Genêt est l’invité d’honneur du dîner républicain donné à Philadelphie, le « vertueux Washington » n’arrive qu’en 9e position (20). De même, le 1er juin, à Philadelphie, dans une fête pour laquelle le rédacteur précise que les nombreux officiers de l’Etat et du gouvernement fédéral qui étaient présents n’y étaient qu’en tant que citoyens privés et non ès qualités, Washington et les institutions sont cette fois-ci complètement absents, tandis qu’à la place normalement réservée au Président (la première), on trouve « THE PEOPLE AND THE LAW », mot d’ordre que les Républicains-démocrates mettent en avant au détriment des institutions et des personnes qui ne font qu’en procéder. On retrouve la même idée dans le 14e toast bu à Philadelphie le 1er juin 1793 : « 14. May the defection of individuals teach us to place our hopes in the safety and perpetuity of Freedom, on the whole body of the people(21). » De même, le 9e toast « May true republican simplicity be the only ornament of the magistrate in every elective government » est une claire critique de l’apparat monarchique qui entoure le Président dans ses levees (du français « levers » qui signifie une réception formelle) et du vice-président John Adams qui s’est prononcé depuis 1789 pour un cérémonial présidentiel imité de l’Angleterre, système monarchique qui était la cible des attaques des journaux républicains (22).

Les fêtes républicaines du 4 juillet 1793 (les Fédéralistes préfèrent célébrer l’anniversaire de Washington le 22 février, héritage des anniversaires royaux anglais), voient le retour des toasts « institutionnels » obligés mais on note tout de même l’absence totale du vice-président Adams, bête noire des Républicains, dans la fête donnée à Newark dans le New-Jersey et dans la plupart des autres. Les sociétés politiques françaises créées en Amérique n’incluent pas forcément les institutions américaines dans leurs toasts comme pour la French Patriotic Society de Philadelphie qui organise une fête pour l’anniversaire du 10 août (23), mais les fêtes données en l’honneur de Genêt ne manquent pas de faire référence au moins formellement au Président, par exemple en 2e position dans la fête du 29 août pour célébrer la victoire navale de la frégate l’Embuscade, commandée par le capitaine Bompard qui a droit, avec son « équipage héroïque », à la place d’honneur, la première, accompagnée de three cheers (24). Washington est encore présent dans deux toasts prononcés le 24 décembre pour le dîner d’adieu à Genêt organisé à New York : il figure en 2e position par sa fonction et dans le 9e avec une nuance que l’on pourrait interpréter comme une menace contre ceux qui ont provoqué le rappel du ministre français : « May every nation have a Washington to conduct them to independence and a Brutus to punish tyrants (25). » À Philadelphie le 1er janvier 1793, on porte un toast à « All who are governed by principles not by men », montrant ainsi une défiance pour le gouvernement et les Fédéralistes qui insistaient sur la personnalité de Washington (26).

Début 1794, la méfiance à l’égard de l’administration Washington s’accentue dans certains toasts comme celui des habitants de Rutland dans le Vermont où l’on ajoute à la suite de son nom « May his well earn’d fame in the late war, never be tarnished by an inconsistent, or pusillanimous act (27). » Sa proclamation de neutralité est, elle aussi, soumise à la critique dans ces toats prononcés par des miliciens de Philadelphie réunis pour fêter l’anniversaire de l’alliance franco-américaine le 7 février 1794 : « May Laws and not proclamations, be the instruments by which freemen shall be regulated (28). » Les toasts prononcés à Camden en Caroline du Sud ne citent Washington que pour le prévenir : « may his prudence preserve the honor his merit gained(29). » Enfin en juillet 1794, on envisage même sa démission ou son retrait : « May he be actuated by republican principles and remember the spirit of the constitution, or cease to preside over the United States (30). »

Le Sénat à majorité fédéraliste n’est généralement cité dans les toasts républicains que pour critiquer le secret de ses débats ou pour saluer la minorité républicaine qui y résiste au gouvernement (31) tandis que le Congrès est beaucoup plus présent et ses membres sont considérés comme les vrais représentants du peuple. Plus tard, au printemps 1794, la figure de Madison est mise en avant comme le leader des « vrais républicains » du Congrès. Les mentions du Congrès ne sont pas sans réserves comme à Philadelphie en janvier 1793 où l’on ajoute à la mention du Congrès « so long as they maintain the principles of the Constitution, by protecting the rights of Man(32) » . Lors de l’affaire Genêt, les Républicains entendant s’appuyer sur le Congrès contre la politique de neutralité de Washington, les Amis de la Liberté et de l’Egalité de Charleston toastent aux « membres républicains du Congrès » et non au Congrès entier (33). Le 1er mai, les sociétés démocratiques de Pennsylvanie accentuent leurs formulations, on ne boit plus au Congrès, mais aux « Men of the People — The Minority of the Senate and the Majority of the House of Representatives May they on future as on past occasions, have wisdom to discover, and fortitude to resist, every attack, upon the Constitution and rights of their Country (…)(34). » Le 4 juillet 1794, ces réserves ne sont plus de mise et l’on boit à son renouvellement radical : « May the next election purge it of paper and aristocratical influence (35)».

Les gouverneurs des Etats, surtout dans le Massachussetts dirigé par le vieux Samuel Adams sont souvent mentionnés, avec une mention pour le peuple ou le Commonwealth de l’Etat particulier, comme pour insister sur la citoyenneté locale, chère aux critiques du gouvernement fédéral. La constitution est aussi convoquée mais le plus souvent pour critiquer la manière dont elle est interprétée et appliquée par les Fédéralistes. C’est le cas dans la liste fournie et développée de toasts de la fête civique du 1er mai 1794 organisée par la Democratic Society of Pennsylvania, réunie pour l’occurrence avec la German Republican Society (voir l’annexe). Le 7e toast y est consacré : « May its form and spirit be the invariable guide of all who administer it — May its authority never be prostitued, nor its departments illegally blended for the purposes of intrigue (36). »

La critique démocratique de « l’aristocratisme » fédéraliste et de l’administration Washington par les Républicains— critique qui s’accentue et devient de plus en plus ouverte dans la période—n’est jamais séparée du contexte de la lutte universelle contre le despotisme, la monarchie et l’aristocratie que les Républicains voient à l’œuvre en France et dans le monde. Elle est toujours pensée simultanément comme une critique nationale et cosmopolitique.

La cause des Français est celle de l’Amérique et de l’humanité

La place de la Révolution française est centrale dans les célébrations républicaines, et elle ne cesse de s’accroître dans la période, quand bien même les Fédéralistes, dans la presse et leurs propres célébrations, rejettent souvent violemment l’idée d’une fraternité entre les deux républiques (37). Une des idées-forces est que la cause de la France est celle de l’humanité, comme l’avait été celle de l’Amérique en 1776, et plus particulièrement celle des Rights of Man conçus comme des droits universels et non réservés aux « peuples libres ». Les armes de la France travaillent donc pour elle-même mais aussi pour la cause du républicanisme dans le monde entier, y compris en Amérique où le républicanisme est mis en danger par la politique « aristocratique » et « monarchique » des Fédéralistes qui sont, de facto, du « parti » anglais, donc du parti des « despotes » en guerre contre les droits de l’homme.

Les Républicains considèrent tous qu’une défaite de la France dans sa guerre contre les « despotes » sonnerait le tocsin de la cause de la liberté dans le monde entier et provoquerait une régression du républicanisme en Amérique et à terme un rétablissement de la royauté et la naissance d’une nouvelle aristocratie fédérale (38). Il ne s’agit donc pas simplement de marquer sa solidarité avec le combat des Français mais aussi de combattre l’aristocratisme sur le sol même des Etats-Unis. Chaque victoire de la France fait reculer l’esprit aristocratique qui s’est, selon eux, déployé depuis 1789, chacune de ses défaites encourage au contraire ceux qui veulent faire rétrograder les principes de 1776. Ainsi, un article du General Advertiser du 1er janvier 1793 se moque des Fédéralistes qui ont cru à une défaite de Dumouriez rapportée par les gazettes anglaises et qui se consolent avec la perspective d’une coalition générale contre la France : « The extirpation of liberty in France, and the renovation of monarchy, titles, and nobility, would, no doubt, have set them on stilts (39). » . Le lendemain, 2 janvier, un autre article du même journal se réjouit de l’échec, grâce à la France, de ceux qui veulent recréer une aristocratie et une monarchie en Amérique : « The scene of affairs, however, in France, has operated as a perpetual discourgement to such high-minded innovators amongst us ; and the total downfall of royalty and nobility in that country will like an early frost, utterly blast and annihilate the germ of this poisonous weed in America ». Un article, publié à Boston le 2 mai 1793 et signé A democrat résume cette idée : « The cause of France must be considered as the cause of UNIVERSAL FREEDOM. Should the tyrants of Europe prevail against them, and again establish a monarchy in that nation, Despotism would reign unchecked thro’out the world : America would soon become an object for the Despotic Powers to unite against, and this country, instead of becoming an asylum for the sons of freedom, would soon be the haunt of Myrmidons, and the rendez-vous of Tyrants(40). » La France et les Etats-Unis sont donc (et doivent toujours rester) unis dans une lutte commune contre le despotisme, et tous ceux qui tenteraient de rompre ce lien sont voués à la honte et à l’infamie (41).

Les toasts à la France prennent de nombreuses formes, de la simple mention, « To the Republic of France » ou « The French Republic » (42), « To the Convention of France », « To the Patriots of France », à des toasts doubles par le lien avec l’Amérique : « 1. The American and French Republics (plaudits) (43) » et par des conseils fraternels (d’où perce peut-être une inquiétude, nourrie par les nouvelles apocalyptiques venues d’Angleterre).

On souhaite d’abord le maintien éternel du gouvernement républicain en France, comme à Philadelphie en janvier 1793 : « 1. France — may her republican form of government last as long as the sun shines or the waters run », mais on souhaite également que la sagesse (44), la vertu (et une saine « politique » ajoutent les Républicains de Newark (45)), règnent dans ses conseils, que la constitution républicaine à venir, préparée par un sage comité de constitution (46) l’aide à établir « a truly republican and good government on the ruins of despotism (47) », que les efforts des Français leur permettent d’aboutir à l’établissement « of a free and equal government(48)» . Ces conseils renvoient également à la critique du gouvernement fédéraliste, prétendument fondé sur le mécanisme du checks and balances comme dans le 6e toast de la fête civique du 1er juin à Philadelphie « May France give an example to the world that the balances of government depend more upon knowledge and vigilance than upon a multifarious combination of the powers (49). » ou dans le onzième toast prononcé dans la même ville le 1er janvier 1793 : « May Justice and not political artifices, be the cement or the union (50) ». Pour cela, les Français doivent tourner le dos aux divisions, être unis : « may they have but one head, one heart, and one arm in support of the righteous cause of Liberty (51)», et garder leur résolution, leur calme dans les délibérations et la force dans leur exécution (52).

Les fêtes comprennent également de nombreux toasts à la Nation, aux soldats citoyens, aux officiers (53) et aux armées françaises terrestres et navales, à leur courage qui méritent « the applause of the human race (54)» , car les victoires françaises sont toujours conçues dans une perspective cosmopolitique, celle de la lutte contre les « combined despots of Europe(55)» et pour que la « sacred flame of Liberty in France illuminate all Europe » (56) . Cette dimension universelle est omniprésente. On la retrouve par exemple à Princeton qui boit au « millenium of universal liberty, peace, and virtue (57). » ou à Cranberry dans le New Jersey (58) ou encore à Newark où les participants célèbrent la liberté et la paix universelles et le bonheur de toute la grande famille de l’humanité (59), car le but du combat des Républicains est la fin de la guerre quand les Droits de l'Homme seront établis et garantits universellement (60). L’image souvent utilisée pour décrire les armées combattant contre l’hydre du despotisme est celle de l’Hercule politique et populaire (61).

On unit également les martyrs de la liberté dans le monde, ceux de la Révolution américaine et les soldats français tombés dans la lutte contre la tyrannie, comme dans le dîner républicain donné en l’honneur de Genêt le 18 mai 1793 : « The valiant defenders of French liberty by sea and land » et « The memory of these heroes who have fallen in the cause of the American Independence (62) » pour accentuer le lien indissoluble entre les deux Révolutions. On insiste sur l’alliance franco-américaine de 1778, toujours en vigueur, et sur la gratitude des Américains envers ceux qui les ont aidés dans leur guerre contre le despotisme anglais. La gratitude, définie comme une vertu première, est en effet très présente dans le débat entre Républicains-démocrates et Fédéralistes, les premiers insistant évidemment sur celle due la nation française, les seconds sur celle due à Louis XVI. L’union et la perpetual fraternity doivent être maintenues entre les deux seuls peuples libres (63) et les Américains ne doivent jamais oublier leurs libérateurs et la gratitude qu’ils leur doivent. Les enfants de l’Amérique doivent être instruits dans l’idée de leur fraternité avec les Français (64). Cette union indéfectible et éternelle est symbolisée par l’union des deux drapeaux dans toutes les fêtes, par le bonnet rouge et les arbres de la liberté. Dans la fête civique donnée en l’honneur du consul français à Norfolk et Portsmouth en Virginie le 8 février 1794, elle est symbolisée dans la procession qui précède le dîner par l’ordonnancement des rangs qui sont composés de quatre hommes, deux Américains et deux Français coude à coude (65) .

La fraternité envers les peuples opprimés ne se limite pas à la France. Plusieurs toasts mentionnent l’Ecosse (66), l’Irlande ou les « Sons of Hibernia » (67) et quelques-uns la Pologne à laquelle on souhaite un bon gouvernement républicain (68) et « a Speedy emancipation to our Polish brethren » . Beaucoup plus rare : j’ai trouvé dans le même slate une mention des « colonies of South America. May they become happy and free as we are » et des Indiens d’Amérique, « the brave aborigenes of America, our brethren » avec lesquels on souhaite la paix. Aussi rare, je n’ai pu trouver qu’une seule mention de l’abolition immédiate de l’esclavage dans le 14e toast de l’assemblée de Brookline : « A total abolition of Slavery. May disappointment, loss and disgrace attend its abettors (70). » mais on sait que cette question a été mise sous le boisseau par la Convention de Philadelphie jusqu’en 1808 et l’unité du parti Républicain, puissant dans le Sud, empêche la mise en avant de l’abolition, même dans les Etats du Nord où l’abolitionnisme est bien présent parmi les Républicains.

La fraternité avec la République française ne saurait donc se résoudre à une vague bienveillance envers les anciens alliés au temps de la guerre d’Indépendance. La lutte des Français, des Américains et des autres peuples en révolution est pensée comme un large mouvement universel de reconquête des droits de l’homme contre le despotisme, comme la « great confederacy of mankind(71)» . La perspective cosmopolitique est centrale dans cette culture politique républicaine.

L’identité des principes

La Révolution française provoque une réflexion rétrospective sur ces principes et la radicalité de la Révolution américaine que les Fédéralistes entendent au contraire présenter comme le fruit d’un exceptionnalisme propre à l’Amérique. D’une certaine manière, pour les Républicains-démocrates, la Révolution française agit donc comme un révélateur de ce qu’ils voient comme l’inachèvement de la Révolution américaine qui n’a pu se défaire totalement du système anglais en conservant dans ses institutions les restes bien vivaces de l’aristocratie et du monarchisme, comme l’indique le treizième toast du dîner républicain du 1er juin à Philadelphie : « May the systems of the United States be entirely their own, and no corrupt exotic be engrafted upon the tree of liberty (72) ». La fraternité des deux Républiques est donc un enjeu aussi américain qu’européen. Cette fraternité est d’abord pour les Républicains une identité de principes que cherchent au contraire à nier les Fédéralistes. La France et les Etats-Unis sont non seulement alliés depuis 1778 mais les deux Républiques reposent (ou devraient reposer) sur les mêmes principes, la liberté, l’égalité, les Rights of Man qui reviennent sans cesse dans les toasts. On jure de défendre ces principes, on souhaite leur extension à tous les peuples et on voue aux gémonies toutes les tentatives pour les réduire ou les détruire (73). Si le terme de Sister Republics n’apparaît dans les toasts qu’en 1794, il se répand par la suite pour exprimer cette identité et cette fraternité (74).

Une identité qui repose également sur la démocratie, sur l’égalité, sur la bienveillance et la fraternité, principes mis en danger en miroir par la politique des Fédéralistes censée être aristocratique, inégalitaire, favorable aux riches et ingrate envers la France. Ainsi, on boit souvent à la défaite de l’inégalité ou au désir que « every freeman in America rally round the standard of equality (75) ». Les principes politiques de 1776 sont au centre de cette fraternité, d’autant qu’ils ont été obscurcis par les Fédéralistes mais ils sont enfin ranimés, grâce à la Révolution française, comme l’écrit Jefferson à Monroe en mai 1793 (76). Seventy-Six et Ninety-Two sont ainsi souvent associés en bonne place dans les toasts (77) (avec parfois 1781 pour la victoire franco-américaine de Yorktown (78)). Les toasts souhaitant la victoire de la France sont presque systématiques mais ils sont aussi souvent associés à l’idée d’extirpation universelle de la tyrannie et de l’inégalité. Les Républicains mettent donc en avant le caractère universel de la lutte conjointe, en Amérique et en Europe, pour la liberté et les Droits de l’homme contre le despotisme, la tyrannie, la royauté et la superstition, souvent présentés ensemble comme les ennemis de tous les républicains (79).

Parmi les métaphores les plus présentes dans ces toasts, on trouve celles de la « trumpet of Liberty » ou du « clarion of Freedom (80) » qui résonne dans le monde entier, du soleil qui illumine l’univers, ou de l’étincelle qui jaillit d’un continent à l’autre. À l’inverse, on souhaite aux despotes et à leurs satellites, la confusion, la division, la mort. Un sort particulier est réservé au Duc de Brunswick, seul instrument de la « tyrannie » cité nommément : le 16 décembre 1792, la German Society lui réserve une burgoynade (81) , les Républicains de Princeton boivent au toast : « 4. If the despot of Brunswick be to be shot, may he be shot in the back. » On boit au renversement de tous les trônes et à l’envoi de tous les rois en enfer, à la flétrissure de la mémoire de tous les « little and great despot from Namrod to the present day (82). »

Parmi les autres principes démocratiques mis en avant dans les toasts républicains figure la freedom of investigation, la liberté d’agir politiquement et la liberté de la presse pour contrer le discours fédéraliste qui insiste en revanche sur le fait que les citoyens doivent faire confiance à leurs gouvernants et ne pas chercher à les critiquer ou à interférer avec leurs commandements (83). C’est le sens de la plupart des résolutions des premières sociétés démocratiques-républicaines qui apparaissent au printemps 1793. Elles mettent en valeur le droit et le devoir de tous les citoyens d’examiner les actes du gouvernement et de surveiller les représentants quels qu’ils soient, en bref d’être les gardiens des droits, de la constitution et de la démocratie.

On retrouve une grande partie des éléments de ces principes dans les résolutions des premières Democratic-republican societies apparues au printemps et à l’été 1793 qui sont elles-mêmes le sujet de certains toasts, comme celui Philadelphie en août 1793 : « 4. The Democratic Society of Pennsylvania, and all the institutions in France and the United States founded on the same principles (84).» et encore plus ensuite en 1794. Les Républicains de Charleston écrivent ainsi le 13 juillet 1793 que la ligue des despotes contre la Pologne et contre la France prouve que si la guerre en Europe venait à aboutir à la dissolution de la République française, « the craving appetite of despotism, will be satisfied with nothing less than American vassalage, in some form or other (85) ». La cause de la France est donc celle de l’Amérique : « The interest of absolute power requires that the voice of liberty should be heard no more, and in the event of the overthrow of the French republic, the United States, then without an ally, may be forced to yield to European confederacy. » Les participants prêtent donc serment de contribuer « to the utmost of our ability, towards the support of equal liberty and national justice, as well in respect to the French republic, as of the United States, against tyranny and iniquitous rule, in whatever form they may be presented, by any character or body of men appearing in these United States. » La société démocratique de Philadelphie rappelle, elle aussi, l’identité des principes des Révolution américaine et française : « The RIGHTS OF MAN, the genuine objects of Society, and the legitimate principles of Government have been clearly developped by the successive Revolutions of America and France (86). » Pour ce faire, elle prend l’engagement de ne cesser de soutenir la France mais aussi de soumettre à la discussion et à l’examen démocratique l’action des représentants et du gouvernement et de surveiller les menées de ceux qui voudraient répandre le poison aristocratique en Amérique. La Democratic society de Lexington dans le Kentucky rappelle dans sa circulaire du 31 août 1793 que la

« Democracy by representation is the best mode of Government (…) and that all just power can be derived only from the people ; of consequence the people have the exclusive right of framing and altering their forms of Government. That in order to preserve the inestimable blessing of Liberty, from the open attacks of avowed tyrants, on the more insidious, tho’much more destructive machinations of ambitious and intriguing men, it behoves the people to watch over the conduct of their officers in every department of Government (87) . »

La cause de la démocratie est indissociable de celle de la France :

« To the present age has been reserved to witness renovating Revolutions. (…) The Rights of Man, the principles of a Government formed to protect those rights, and ensure to our fellow citizens, and our latest posterity, the blessings of freedom and equality, were the objects of our political deliberations. France has since caught the glorious flame ! Long had her people been deprived of the rights bestowed by their beneficent Creator. At length, they have arisen in their strength, and like an inundation, have at once, swept away their Tyrants and their Gothic Structures. May success and freedom reward their merits ! »

Les citoyens républicains d’Amelia County en Virginie sont effrayés par la possibilité que les deux républiques puissent rompre leur alliance à cause de l’activité du parti anglais. Le lien entre les deux peuples doit rester éternel et les efforts des aristocrates pour renverser l’affection du peuple américain pour le français dans le but de resserrer les liens avec l’Angleterre sont indissolublement liés à l’économie politique aristocratique fédéraliste (88). L’influence du parti anglais qui veut la rupture avec la France, malgré la « piraterie » des Britanniques doit être combattue par tous les bons citoyens (89). Le maintien du glorieux héritage révolutionnaire américain passe donc par la plus stricte vigilance à l’égard du gouvernement et de ses officiers, mais aussi des représentants (90).

La démocratie mise en avant par les Républicains américains n’est donc pas réductible à une forme de représentation parlementaire mais bien une démocratie dans laquelle les citoyens agissent et surveillent en permanence leurs élus, à l’image de la conception de la démocratie défendue par le mouvement populaire et les Montagnards en France. Les Democratic-Republican societies puisent leur inspiration non seulement aux traditions d’auto-organisation issues de la Révolution américaine mais aussi, et de manière assumée, à celles des sociétés politiques françaises, dans leur fonctionnement, leurs buts politiques et leurs moyens d’action. Contre l’idée défendue par le fédéraliste John Jay que ceux qui possèdent le pays doivent le gouverner, les Républicains-démocrates défendent une conception démocratique du républicanisme, proche de celle de Thomas Paine, mais aussi de l’expérience radicale française. Les nouvelles sociétés politiques s’en font les vecteurs de plus en plus assumés à mesure que la fracture entre Républicains et Fédéralistes s’agrandit.

La violence révolutionnaire

La question de la violence et de l’anarchie attribuée par les Fédéralistes à la Révolution française est peu visible dans les toasts qui, par leur nature, doivent rester consensuels. J’ai tout de même trouvé un toast qui s’emploie à minimiser les excès révolutionnaires temporaires comparés au mal perpétuel et absolu de la Monarchie et de l’aristocratie et plusieurs qui demandent « The guillotin to all aristocrats » ou « guillotine to the oppressors » ou encore qui proclament leur souhait que la guillotine « have an attractive virtue to draw despots to it »(91).

La question de la violence est plus présente dans la presse que dans les toasts. Il s’agit d’abord de justifier l’exécution de Louis XVI, pourtant autrefois célébré comme l’ami des Etats-Unis et présenté par les Fédéralistes comme une victime innocente. En réalité, explique un article signé A Republican dans la National Gazette (92), les rois ne sont pas des êtres d’exception et un traître doit être jugé et exécuté. La vie d’un seul homme ne peut être mise en balance avec le bonheur de 26 millions de Français. Le monarchisme apitoyé des Fédéralistes est condamné comme une hérésie chez des Américains. Il faut au contraire compatir aux souffrances des Français qui ont été trahis et massacrés au nom de l’autorité royale dans la guerre et lors du 10 août 1792 (93). L’intérêt pour l’homme Louis est louable mais pas s’il doit être considéré comme au-dessus des lois. Louis XVI n’a pas souffert pour son peuple comme l’écrivent les Fédéralistes. Il est au contraire bien connu qu’il écrasait les Français sous le faste de sa Cour et sous le poids des impôts, qu’il a tenté de les trahir lors de la fuite arrêtée à Varennes et qu’il appelait les despotes de l’Europe à faire la guerre à son propre peuple et qu’il l’a fait fusiller lors du 10 août (94). Le sang de Louis XVI n’est précieux que pour les quelques amoureux de la monarchie en Amérique (95), il fallait soit l’abolition de la monarchie soit la destruction de la liberté, le choix des Français est donc pleinement justifié. Un article du 8 mai 1793 critique même la prise de position de Thomas Paine lors du procès du roi. Il a eu tort d’évoquer la gratitude des Américains à l’égard de Louis XVI, la seule gratitude due est celle à la Nation (96).

On ne nie pas les violences populaires que l’on qualifie d’excès mais on les justifie par la barbarie de la royauté et de la superstition. Elles ont été de toute manière peu nombreuses et aucune révolution n’est exempte de victimes, pas plus la Révolution américaine que la française (97). L’idée que l’objectif de la Révolution est le nivellement général des propriétés et l’anarchie n’est émise que par les partisans du despotisme qui sont un clan anglais (98) ou des Aristocratic Americans Tories. Les Français ne sont ni des coupeur de gorges ni des voleurs, explique un article signé The Spirit of 1776, mais sont des hommes qui ont les mêmes droits naturels que ceux revendiqués par les Américains et pour lesquels ils ont combattu (99). Les contempteurs de la France se retrouvent, explique Philadelphus dans ses Cool Reflections relative to the French Revolution du 14 juin 1793 , parmi les natifs de pays monarchistes qui n’ont pas renoncé à leurs préjugés, ceux qui ont contracté ces mêmes préjugés à l’étranger en oubliant les principes politiques de leur patrie, les négociants avec l’Angleterre, les spéculateurs de la dette publique et une partie des hommes occupant des « lucrative or durable offices in government ». Ce sont eux et non les vrais Républicains qui sont antiaméricains.

Personnages symboliques

Parmi les personnages non-américains cités dans les toasts, deux noms se distinguent par la forte récurrence de leur présence symbolique (d’autant que leur identité est mixte : européenne et américaine). Le premier est le "malheureux La Fayette" dont on veut croire sinon à l’innocence, du moins à sa libération prochaine (101) . Les Républicains de Princeton souhaitent même que l’Amérique s’engage à prendre les mesures ad hoc pour réaliser cette libération : « 3 May her friend and brother, La Fayette, be restored to liberty and his country. Addition by several ‘May the gratitude of America directs his servants to ask, and if necessary, to purchase the freedom of its friend, by a speady and special ambassador’ (102) » Ceux de Brookline dans le Massachusetts, demandent qu’il soit jugé « in a just balance (103)» . A Petersburg en Virginie, on souhaite sa libération des « chaînes du despotisme » et que la la gratitude et l’attachement à son égard lui soit un réconfort (104). Encore célébré en décembre 1792, Dumouriez disparaît rapidement des toasts après sa trahison au printemps 1793 ou devient l’exemple-type de l’archi-traître assimilé à Benedict Arnold (105) et à Judas .

Mais le personnage le plus important de ces toasts est Thomas Paine, héraut des Universal Rights of Man et figure centrale revendiquée par les Républicains-démocrates, du moins en 1793-1794 . Il est la personnalité la plus présente avec Washington dans les toasts. Paine est l’emblème assumé de la cause de tous les peuples contre les rois (108). Son Rights of Man est l’antidote au poison aristocratique et le « political prayer-book of the whole world »(109) . Les Républicains de Brookline applaudissent ses doctrines politiques et veulent les voir convertir le monde entier (110). Ceux de Lansinburgh (NY) le voient en lanceur des « foudres de la démocratie » sur « tous les tirans (sic) (111)» , d’autres comme le Clarion of Freedom. Paine est autant célébré comme l’auteur de Rights of Man que comme le symbole de leur contenu cosmopolitique, dans la mesure où il relie l’Amérique, les Iles britanniques et la France, et de son contenu démocratique, assumé dans la formule Equal Rights of Man, parfois utilisée dans les toasts. La figure de Paine est donc fondamentale pour affirmer la fraternité entre Révolutions américaine et française, fraternité qui s’exprime également dans la référence au Spirit of 76, revendiqué par les Républicains-démocrates comme le signe de la radicalité de la Révolution américaine, au miroir de la Révolution française. Paine est aussi associé aux Amis de la Liberté du monde entier (112) et mis en opposition aux tyrans mais aussi aux Fédéralistes qui refusent les vrais principes radicaux de la Révolution américaine. En 1795, les Républicains de Newark boivent ainsi à « Thomas Paine — may Americans never forget the debt of gratitude due to the author of Common Sense », supposant que le gouvernement Washington a bien oublié ladite dette (113).

Le dernier personnage très présent dans les toasts est Genêt, qui est défendu par les Républicains bien après que Jefferson lui-même a quasiment rompu avec lui et même après la demande de son rappel. Plusieurs dîners et célébrations enthousiastes lui sont directement consacrés à Charleston, à Philadelphie, à New York. Il est encore présent dans les toasts en juillet, en août 1793, en décembre et jusqu’en mars 1794, alors qu’il n’est plus en poste (114) . On soutient aussi les corsaires américains au service de la France et le jury de Philadelphie qui les ont acquittés, en dépit de la proclamation de neutralité. À noter qu’en 1794, deux acteurs collectifs apparaissent dans les toasts. Il s’agit d’une part de la Montagne : « May tyranny be chained at its foot, and may the light of Liberty from its summit cheer and illuminate the whole world (115). » dont on souhaite qu’elle écrase les modérés, les traîtres, les Fédéralistes et tous les aristocrates (116). Et d’autre part des « invicible French Sans-Culottes ».

En 1793, La Fayette, Paine et Genêt forment une sorte de trinité républicaine transatlantique revendiquée par les Républicains-démocrates. La galerie des personnalités symboliques du parti républicain-démocrate évolue beaucoup à partir de 1794, elle se complexifie et doit être réinventée par l’adjonction ou la soustraction d’autres figures, plus collectives comme la Montagne et les sans-culottes.

Conclusion

Dans l’ouvrage collectif, dirigé par Yannick Bosc et Emmanuel Faye, consacré à Hannah Arendt et la Révolution (117), j’avais analysé la manière dont la philosophe avait créé (avec une partie de l’historiographie de droite américaine) l’idée d’une Révolution américaine et d’une République des Etats-Unis, totalement détachées des problématiques la Révolution française et j’avais conclu que Hannah Arendt avait oublié que le républicanisme américain ne se réduisait pas à John Adams, contempteur précoce de la Révolution française. Tout un pan de la culture politique américaine — celle des Républicains-démocrates des années 1790 — avait été totalement ignoré. En réalité, et cette étude, avec bien d’autres, le prouve abondamment, le lien de fraternité entre les deux Révolutions et les deux Républiques était bien central pour les contemporains qu’ils en fassent l’éloge ou la critique. On peut même dire que c’est la Révolution française qui permet aux Républicains américains de réinterpréter la radicalité de leur propre révolution et aux Fédéralistes de construire l’image de l’exceptionnalisme américain. Le topos d’une Amérique qui se détourne globalement de la Révolution française après l’exécution de Louis XVI et les violences révolutionnaires ne tient pas. Toute une partie de l’opinion américaine (et, par moments, sans doute une grande partie) manifeste vivement non seulement son soutien à la Révolution française — y compris pendant la période caractérisée comme la « Terreur » par les Thermidoriens — mais bien plus encore la fraternité des deux Républiques par l’identité de leurs principes, de leurs buts, de leurs ennemis et des obstacles mis sur la voie de la réalisation d’une cosmopolitique des Drits de l'homme. Ce soutien ne diminue pas en 1794, au contraire, il se renforce et se fait de plus en plus précis dans ses formulations démocratiques. Les toasts bus et repris lors des fêtes civiques, des célébrations, des commémorations et repris dans la presse en sont une des manifestations symboliques particulièrement remarquables.

Annexe

Un exemple particulièrement copieux de federal slate et de volunteers (Philip S. Foner, The Democratic-Republican societies, 1790-1800 : a documentary sourcebook of constitutions, declarations, addresses, resolutions, and toasts, Westwood (Conn.), Greenwood Press, 1976, p. 103-104)

Civic Festival on ye 1st of May 1794.

The Democratic Society of Pennsylvania, at their meeting in the city of Philadelphia on the 24th of April, 1794, Resolved unanimously That they would commemorate the successes of their Republican French Brethern in a Civic Festival on the first day of May 1794; and that to this Festival they would invite their Sister Society the German Republican, and all other citizens who harmonized with them in sentiment. To carry this Resolution into effect, seven Managers were appointed on the part of the Democratic Society—and three on the part of the German Republican Society—A Committee consisting of four were likewise appointed to prepare Toasts and Sentiments suited to the occasion—On the part of the Democratic Society, the following Citizens were appointed Managers,

to wit, Israel, John Porter, John Barker, James Ker, John Smith, Hugh Ferguson and Michael Groves;—and on the part of the German Republican Society, Henry Kammerer, Andrew Geyer and George Forepaugh were appointed.—The Committee to prepare Toasts and Sentiments, were Alexander James Dallas and Michael Leib on behalf of the Democratic Society;—and Peter Muhlenberg on behalf of the German Republican Society.

On the first day of May, agreeably to the aforesaid Resolution of the Democratic Society, about Eight hundred citizens assembled at the Country Seat of citizen Israel Israel, now called Democratic Hall, on the Passyunk Road;—among whom were the Governor of the State of Pennsylvania, the Minister and other Officers and Citizens of the French Republic, and several Officers of the Federal and State Governments.

The Flags of the Sister Republics marked and ornamented the seat of festivity.

At two oclock, the Company partook of a plain yet plentiful repast:—after which the following Toasts were drank, accompanied by universal approbation:

1. The Republic of France; one and indivisible: —May her triumphs multiply, until every day in the year be rendered a Festival in the Calendar of Liberty, and a Fast in the Calendar of Courts

2. The People of The United States: —May each revolving year encrease their detestation of every species of tyranny, and their vigilance to secure the glorious inheritance acquired by their Revolution

3. The Alliance between the Sister Republics of the United States and France: —May their Union be as incorporate as light and hear, and their Friendship as lasting as time.

4. The Mountain: —May tyranny be chained at its foot, and may the light of Liberty from its summit cheer and illuminate the whole world.

S. The Republic of Genoa.—May every nation that values its Independance, disdain, like her, the solicitations, and resist the power, of Tyrants combined for the destruction of Freedom and Equality.

6. The Great Family of Mankind: —May the distinction of nation and of language, be lost in the association of Freedom and of Friendship, till the inhabitants of the various sections of the Globe shall be distinguished only by their virtues and their Talents.

7. The Constitution of the United States: —May its form and spirit be the invariable guide of all who administer it—May its authority never be prostituted, nor its departments illegally blended for the purposes of intrigue.

8. The Men of the People—the Minority of the Senate and the Majority of the House of Representatives of the United States:—May they on future as on past occasions, have wisdom to discover, and fortitude to resist, every attack upon the Constitution and rights of their Country, while they enjoy for their services the patriot’s true reward, the love and confidence of their Fellow Citizens.

9. A Revolutionary Tribunal in Great Britain—May it give lessons of liberty to her King, examples of Justice to her Ministry, and honesty to her corrupt Legislature.

10. The Armies of the French Republic;—May they be invincible and unshaken, till, by their glorious efforts, Liberty and Peace exalted in the same Triumphal Car shall be drawn to the temple of Janus by the humbled Tyrants who have dared to molest them.

11. The Extinction of Monarchy:—May the next generation know kings only by the page of history, and wonder that such monsters were ever permitted to exist.

12. Reason: —May it successfully counteract the baneful effects of Executive influence, expose the insidious arts of Judicial sophistry, and preserve inviolate the purity of legislation.

13. Knowledge:—May every Citizen be so learned as to know his rights, and so brave as to assert them.

14. The Fair Daughters of America & France: May they ever possess virtue to attrack merit, and sense to reward it.

15. The Democratic and Republican Societies of the United States:—May they preserve and dessiminate their principles, undaunted by the frowns of powers, uncontaminated by the luxury of aristocracy, till the Rights of Man shall become the Supreme Law of every land, and their separate Fraternities be absorbed, in One Great Democratic Society, comprehending the Human Race.

Volunteers.

1. May every Free Nation consider a public debt as a public curse; and may the man who would assert a contrary opinion be considered as an enemy to his country.

2. The unfortunate victims of British tyranny—the members of the Popular Convention of Scotland—May their fate recoil upon their persecutors; and may those who have sought an asylum in this country, find in every American a brother and a Friend.

3. The dispersed friends of Liberty throughout the world—May France be the rallying point where they may collect their scattered forces, and whence they may sally forth to the destruction of all the tyrants of the earth.

By the Minister of the French Republic:

May the principles of Reason be universal as they are eternal.

By the Governor of Pennsylvania

Peace, on their own terms, to the French Republic.

The Presidents and Vice Presidents of the Sister Societies presided at the Feast; the preparation for which do the greatest honor to the Managers.

After dinner the Citizens formed a double line in a lane which lead to the place of entertainment.

Notes

(1) J’ai déjà consacré trois articles, publiés sur Revolution-francaise.net, consacrés aux débats autour de la nature du gouvernement républicain aux Etats-Unis au miroir de la Révolution française, voir Marc Belissa, « République monarchique ou démocratique ? La querelle des titres et la construction d’un cérémonial républicain aux Etats-Unis en 1789-1791 », Revolution-francaise.net, mis en ligne le 3 juillet 2017 ; « Un défi aux hérésies politiques : la réception de la première partie de Rights of Man aux Etats-Unis en 1791 », mis en ligne les 20 août et 9 novembre 2018 ; « The Many and the Few. Economie politique aristocratique versus économie politique républicaine aux Etats-Unis (1790-1793) » mis en ligne le 4 avril 2021.

(2) Paul Mantoux, « Le Comité de salut public et la mission de Genet aux Etats-Unis » Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 13, n°1,1 909. p. 5-35. Harry Hammon, « The Genet Mission and the Development of American Political Parties » The Journal of American History, vol. 52, n°. 4, March 1966, p. 725-741. Eugene R. Sheridan, « The Recall of Edmund Genet : A Study in Transatlantic Politics and Diplomacy » Diplomatic History, 18, 1994, p. 463-468. Marco Sioli, « Citizen Genêt and Political Struggle in the Early American Republic », Revue Française d'Etudes Américaines, n° 64, mai 1995, p. 259-267. Marc Belissa, Fraternité Universelle et Intérêt National, 1713-1795. Les cosmopolitiques du droit des gens, Paris, Kimé, 1998, p. 378-386. Wesley J. Campbell, « The Origin of Citizen Genet’s Projected Attack on Spanish Louisiana: A Case Study in Girondin Politics » French Historical Studies, vol. 33, n° 4 (Fall 2010), p 515-544.

(3) J’ai utilisé la National Gazette de Freneau (ci-après NG), le General Advertiser de Benjamin Franklin Bache (ci-après GA), le Independent Chronicle (Boston) (ci-après IC) des frères Adams et l’Independent Gazetteer (ci-après IG), créé par Eleazar Oswald.

(4) Philip S. Foner, The Democratic-Republican societies, 1790-1800 : A documentary sourcebook of constitutions, declarations, addresses, resolutions, and toasts, Westport (Conn.), Greenwood Press, 1976.

(5) Sur la presse, voir notamment Marcus L. Daniel, Scandal & Civility : journalism and the birth of American democracy, Oxford, Oxford University Press, 2009 et Jeffrey L. Pasley, The Tyranny of Printers : newspaper politics in the early American republic, Charlottesville, University of Virginia Press, 2003.

(6) Voir notamment Simon P. Newman, Parades and Politics of the Street, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1997. Sandra Moats, Celebrating the Republic : presidential ceremony and popular sovereignty, from Washington to Monroe, DeKalb (Ill.), Northern Illinois University Press, 2010 et David Waldstreicher, In the Midst of perpetual fetes. The making of American nationalism, 1776-1820, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1997. Lawrence Aje, « L’évolution de la perception de la France et des français en Caroline du Sud à l’heure des révolutions française et de Saint-Domingue 1789-1804 », Revue 17-18, n° 69, 2012, p. 85-116. Bertrand Van Ruymbeke, « Fêtes révolutionnaires et clubs jacobins : Vivre la Révolution à Charleston, en Caroline du Sud, 1792-1797 », dans Marc Belissa et Bernard Cottret, (dir.), Cosmopolitisme, patriotisme, Europe-Amériques, 1773-1802, 2005, p.125-139.

(7) Le port de la cocarde ou du bonnet rouge, les chansons, la musique instrumentale, les salves d’artillerie, l’érection d’arbres de la liberté, etc. accompagnaient également ces rassemblements, d’où l’émergence d’une symbolique rituelle et politique fort riche, héritée des traditions anglaises, mais aussi ouverte aux innovations révolutionnaires, américaines et françaises.

(8) Simon P. Newman, « The Friends of Equality and of the French Revolution : Toasts and Popular Opposition to George Washington’s Foreign Policy », Cahiers Charles V, n°39, décembre 2005, p. 131-162 ; « Paine, Jefferson, and Revolutionary Radicalism in Early National America » dans Paine and Jefferson in the Age of Revolutions, Simon P. Newman et Peter S. Onuf (eds.), Charlottesville, University of Virginia Press, 2013, chapitre 4 ; Rémy Duthille, « Political Toasting in the Age of Revolutions : Britain, America and France, 1765-1800 » dans Liberty, Property and Popular Politics, essays in Honor of H. T. Dickinson, Gordon Pentland, Michael Davis (eds.), Edinburgh University Press, 2016, p. 73-86.

(9) Peter Thompson, « The Friendly Glass : Drink and Gentility in Colonial Philadelphia » Pennsylvania Magazine of History and Biography, vol. 113, p. 549-73. Matthieu Ferradou a également étudié dans sa thèse les toasts franco-anglais et/ou franco-irlandais pendant les premières années de la Révolution française, voir Aux Etats-Unis de France et d’Irlande : circulations révolutionnaires entre France et Irlande à l’époque de la République atlantique, thèse de doctorat, Pierre Serna (dir.), Paris I, 2019.

(10) Rémy Duthille, op. cit., p. 79 et suivantes.

(11) Simon P. Newman, « The Friends of Equality… », art. cit., p. 138.

(12) Plusieurs listes de toasts sont intégrées dans la correspondance diplomatique des consuls et du ministre Genet en direction de la France. Archives Diplomatiques, Correspondance politique (ci-après AD, Coor. Pol.), Etats-Unis, 32, 38, photostats Library of Congress.

(13) Dans un article de 2002 («“Agriculture, and commerce as its handmaid” : L’économie politique et les toasts publics en 1793 », Transatlantica : Revue d’Études américaines, 2002), Pierre Gervais a déjà étudié la place de l’économie politique républicaine dans les toasts publiés en 1793, je n’y reviens pas ici.

(14) IG, January 5, 1793, p. 3.

(15) GA, January 30, 1793, p. 3, Extract of a letter from Cranberry, New Jersey (January 24).

(16) Simon P. Newman, « La Révolution française vue de loin : la célébration de Valmy à Boston en janvier 1793 » Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2011, 1, n° 58-1, p. 80-99.

(17) GA, February 12, 1793, p. 1.

(18) Idem, January 2, 1793, p. 3, toast du 1er janvier.

(19) Ibid., February 12, 1793, p. 1.

(20) Ibid., May 21, 1793, toast du 18 mai.

(21) Ibid., June 4, 1793, p. 2, toasts du 1er juin.

(22) Marc Belissa, « République monarchique ou démocratique ?… », art. cit.

(23) GA, August 14, 1793, p. 3.

(24) LOC-MD/MSS, Translation of original in French in Edmund Charles Genet Papers, Toasts Drunk on a French Victory, August 29, 1793.

(25) GA, December 24, 1793, p. 3, « Extract from a letter from New-York ».

(26) GA, January 2, 1793, p. 3, toast du 1er janvier.

(27) Cité par Newman, , « The Friends of Equality and of the French Revolution… », art. cit, The Farmer’s Library, Rutland, January 13, 1794.

(28) GA, February 8, 1794, toasts du 7 février.

(29) Cité par Newman, « The Friends of Equality and of the French Revolution… », art. cit, « Cambden July 15 », The South Carolina Gazette, August 1st, 1794, p. 151.

(30) Philip S. Foner, The Democratic-Republican societies, op. cit., July 4, 1794, p. 354, cité d’après American Daily Advertiser, August 2, 1793.

(31) Cité dans Newman, « The Friends of Equality and of the French Revolution… », art. cit, Gazette of the United States, May 3, 1794, p. 149.

(32) GA, January 2, 1793, toast du 1er janvier.

(33) Cité par Newman, « The Friends of Equality and of the French Revolution… », art. cit, Columbia Herald, August 27 and 29, 1793, p. 146.

(34) Foner, op. cit., Civic Festival, May 1st, 1794 p. 103.

(35) Idem, July 4, 1794, p. 354.

(36) Ibid., May 1st, 1794, p. 102.

(37) Voir par exemple la lettre de Hamilton du 18 mai dans laquelle il s’élève violemment contre l’idée d’identité de principe entre les deux révolutions : « The cause of France is compared with that of America during its late revolution. Would to Heaven that the comparison were just. Would to heaven that we could discern in the Mirror of French affairs, the same humanity, the same decorum the same gravity, the same order, the same dignity, the same solemnity, which distinguished the course of the American Revolution. I am glad to believe, there is no real resemblance between what was the cause of America & what is the cause of France—that the difference is no less great than that between Liberty & Licentiousness. » https://founders.archives.gov/documents/Hamilton/01-14-02-0312.

(38) Voir notamment la lettre de Jefferson du 3 janvier 1793 à William Short, https://founders.archives.gov/documents/Jefferson/01-25-02-0016.

(39) GA, du 1er janvier 1793, p. 3.

(40) IC, May 2, 1793, signé « A Democrat », p. 2.

(41) Foner, op. cit., Norfolk (Virginia), Civic Festival for the Consul of the French Republic, February 8, 1794, p. 347.

(42) GA, May 21, 1793, toasts du 18 mai, p. 3.

(43) Idem, February 12, 1793.

(44) Plusieurs célébrations insistent sur la sagesse comme par exemple celle du 29 août 1793, LOC-MD/MSS, Translation of original in French in Edmund Charles Genet Papers.

(45) GA, July 15, 1793, p. 2, « From Newark, July 10 ».

(46) Idem, February 12, 1793, p. 1.

(47) Ibid. January 28, 1793, p. 3, Extract from a letter from Princeton dated Jan. 17.

(48) Ibid., February 12, 1793, p. 1. Charlestown Civic Feast.

(49) Ibid., June 1st, 1793, p. 2, Civic Feast.

(50) Ibid., January 2, 1793, p. 3.

(51) IG, June 8, 1793, p. 3, dîner du 1er juin à Philadephie pour Genet.

(52) GA, July 15, 1793, p. 2, Trenton July 10.

(53) J’ai trouvé une mention des généraux Custine et Dampierre dans les toasts du 29 août 1793, Translation of original in French in Edmund Charles Genet Papers, LOC-MD-MSS et plusieurs de Dugommier lors des fêtes pour la reprise de Toulon en mars 1794.

(54) GA, January 2, 1793, p. 3.

(55) Idem, February 12, 1793, p. 1, Charlestown Civic Feast.

(56) Ibid, 2e toast, Brookline (Mass.)

(57) Ibid., January 28, 1793, p. 3, Extract from a letter from Princeton dated Jan. 17, 12e toast.

(58) Ibid., January 30, 1793, p. 3, Extract of a letter from Cranberry, New Jersey, January 24.

(59) Ibid., July 15, 1793, p. 2 Newark July 10, voir également Ibid., February 12, 1793, p. 1, Charlestown.

(60) Ibid., February 12, 1793, p. 1, Brookline.

(61) Ibid., June 4, 1793, p. 2, toast 11.

(62) Ibid., May 21, 1793, p. 3, toast 7 et 8.

(63) Ibid., toast 10.

(64) Ibid., June 4, 1793, p. 2, volunteer from the vice-President.

(65) Foner, op. cit., Norfolk (Virginia), Civic Festival for the Consul of the French Republic, February 8, 1794, p. 346.

(66) Idem, May 1st, 1794, Philadelphia, p. 104.

(67) GA, January 30, 1793, p. 3, Extract of a letter from Cranberry, New Jersey (January 24).

(68) Idem, January 28, 1793, p. 3, Extract from a letter from Princeton dated Jan. 17.

(69) Ibid., February 12, 1793, p. 1, Brookline.

(70) Ibid.

(71) Ibid., February 13, 1794, p. 3, Philadelphia.

(72) Ibid., June 4, 1793, p. 2, toast 13 du 1er juin.

(73) Par exemple dans le 5e toast de la fête civique de Charlestown : « May every engine of oppression be laid prostrate at the shrine of Liberty, and the rights of man be universally vindicated » ou dans le 14e de Cranberry : « 14. May every plan calculated to destroy the rights of man be frustrated before it arrives to maturity. » (Ibid., February 12, 1793, p. 1 et January 30, 1793, p. 3, Extract of a letter from Cranberry, New Jersey (January 24).

(74) Foner, op. cit., Civic Festival, 1st of may 1794.

(75) IG, January 5, 1793, p. 3.

(76) https://founders.archives.gov/documents/Jefferson/01-25-02-0603.

(77) Ibid., May 21, 1793, toast du 18 mai., et Ibid., June 1st, 1793, p. 2, « Civic Feast ».

(78) GA, July 15, 1793, p. 2, Elizabeth Town.

(79) Comme dans le 10e toast de la German Society, IG, January 5, 1793 et GA, January 2, 1793 « 13. May royalty and priestcraft expire together ».

(80) GA, June 1st, 1793, p. 2, toast 15 « May the Clarion of Freedom sounded by France, awaken the people of the world to their own happinness, and the Tyrants of the Earth be prostrated by its triumphant sound. »

(81) Référence au Général anglais John Burgoyne battu lors de la bataille de Saratoga en 1777.

(82) Ibid., January 28, 1793, p. 3, Extract from a letter from Princeton dated Jan. 17.

(83) Ibid., January 30, 1793, p. 3, Extract of a letter from Cranberry, New Jersey (January 24).

(84) Ibid., August 14 , 1793, autre occurrence dans Foner, op. cit., 1st of May 1794, p. 103.

(85) Foner, op. cit., July 13, 1793, Declaration of the Friends of Liberty and National Justice, p. 379.

(86) IG, July 13, 1793, p. 3, « At a meeting of the Democratic Society of Pennsylvania, July the 3rd, 1793 ».

(87) Foner, op. cit., August 31, 1793, « Circular Letter to the Citizens of Kentucky », p. 352.

(88) GA, December 18, 1793, p. 2, « Richmond November 4 », Meeting des citoyens d’Amelia County (Virginia) du 24 octobre 1793.

(89) Foner, op. cit., June 9, 1794, Norfolk, p. 349.

(90) Idem, p. 103.

(91) GA, June 1st, 1793, p. 2, Idem, August 14, 1793, p. 3, Foner, op. cit., February 8, 1794, p. 347, Idem, July 4 1794, p. 354.

(92) NG, March 20, 1793, p. 2, « A Republican » daté du 18 mars.

(93) GA, March 26, 1793, p. 2, « Cato ».

(94) NG, April 17, 1793, p. 2, « Scevola ».

(95) Idem, April 20, 1793, « From the Boston Independent Chronicle », « Brutus ».

(96) GA, May 8, 1793, p. 2, « The Truth ».

(97) NG, March 16, 1793, p. 2, « From the American Daily Advertiser of last wednesday March 13 « Addressed to the Citizens of America».

(98) IC, May 2, 1793, p. 2, « A Democrat ».

(99) NG, April 20, 1793, p. 1.

(100) Idem, June 19, 1793, p. 1 « To Citizen Genet ».

(101) IG, January 5, 1793, p. 3, 14e toast lors du dîner de la German Society « The unfortunate La Fayette—may justice acquit, and Liberty reward him. »

(102) GA. January 28, 1793, p. 3, Extract from a letter from Princeton dated Jan. 17.

(103) Idem, February 12, 1793, p. 1.

(104) Ibid., July 20, 1793, p. 2, Petersburg (Virginia) July 10.

(105) Ibid., July 15, 1793, p. 2, Trenton July 10, 3e volunteer, et Ibid., December 24, 1793, p. 3, « 12. May France have no more Dumouriers and may The US never produce another Arnold. »

(106) Toasts des Citoyens de Lansingburgh (NY), AD, Corr. Pol., Etats-Unis, 38 : « Opprobre, honte pour tous les perfides depuis Judas jusqu’à Dumourier ».

(107) Newman, « Paine, Jefferson, and Revolutionary Radicalism…», op. cit.

(108) GA, January 2, 1793, p. 3, toast n° 8, Thomas Payne - May the cause of nations be ever successful against the cause of courts. »

(109) IG, January 5, 1793, p. 3.

(110) GA, February 12, 1793, p. 1, Brookline.

(111) Toasts des Citoyens de Lansingburgh (NY), AD, Corr. Pol., Etats-Unis, 38.

(112) Newman, « Paine, Jefferson, and Revolutionary Radicalism in Early National America », op. cit., p. 127.

(113) Cité par Newman, Idem, p. 129.

(114) GA, July 20, 1793, p. 2, Petersburg (Virginia) July 10, LOC, MD Edmund Charles Genet Papers, Toasts Drunk on a French Victory, August 29,1793, GA, December 24,1793, Foner, op. cit., March 20, 1794, p. 168.

(115) Foner, op. cit., May 1st, 1794, p. 103.

(116) GA, February 12, p. 3.

(117) Belissa, « La Révolution américaine comme non-modèle dans On Revolution », dans Hannah Arendt, la révolution et les droits de l’homme, Yannick Bosc et Emmanel Faye (dir.), Paris, Kimé, 2019, p. 63-80.