Acte 1 : Soupçons

Valérie Guillaume a pris la direction du musée en 2013 : « Sa nomination pourrait étonner ceux qui pensent qu’à la tête d’un musée de l’histoire de Paris, il serait peut-être préférable de nommer un conservateur ayant des compétences reconnues dans ce domaine », selon La Tribune de l’Art. Les premières années de son mandat reflètent les choix de son prédécesseur. Le musée consacrait encore quatorze salles à la Révolution. En 2016, il fermait pour rénovation.
Valérie Guillaume dédiait deux expositions à la Révolution : « Marie-Antoinette » au Château de Versailles et « Gouverner avec la peur : la Terreur » à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
En 2017, La Tribune de l’Art dénonçait : « Un désastre muséal annoncé » avec 30% d’objets en moins et un parcours étendu du mésolithique au XXIe siècle.

Acte 2 : Incompréhension

Depuis la réouverture en 2021, l’espace consacré à la Révolution Française est réduit à cinq petites salles sur une surface de 90 mètres carrés, soit 2,3% des 3900 mètres carrés de surface d’exposition permanente. Ce choix est injuste et inacceptable. La Révolution française n’est pas un détail de l’histoire de Paris.

Les textes des panneaux et les choix d’objets exposés posent problème. Ils expliquent : « Les Français aiment leur roi et comptent sur lui pour mettre fin aux abus des privilégiés. Mais à Versailles, les députés ne parviennent pas à s’entendre ». Le martyr de Jacques de Flesselles, tué le 14 juillet, est mis en avant : « Sa tête, placée au bout d’une pique, est promenée dans les rues ». Mais nul ne dit ici qu’il était célèbre et haï pour son rôle actif dans la lutte du pouvoir royal contre le parlement de Paris. Mr Guillotin et son invention : la guillotine sont en vedette. Des bijoux en or, du XIXe siècle, en forme de guillotine, retiennent notre attention.

L’incompréhension grandit : le Marquis de La Fayette lors de la Fête de la Fédération met « en scène l’adhésion des Français et de leur Roi au projet constitutionnel » mais trois pas plus loin : « Refusant la remise en cause de son pouvoir, Louis XVI tente de fuir le 20 juin 1791 ». Nul n’explique le mystère de la transformation de l’adhésion en refus. « Perçue comme une menace par les cours européennes…la Révolution fait courir au royaume un risque d’invasion. Devançant ces dangers, les Français déclarent la guerre à l’Autriche le 20 avril 1792 ». Nul ne dit d’où vient l’idée de cette guerre, ni qui la soutient, ni qui la combat. « Les pouvoirs du roi sont suspendus et une nouvelle assemblée est élue au suffrage universel masculin : La Convention nationale, qui décide le 21 septembre d’abolir la monarchie ». Aucune explication des causes de ces événements. Séquence émotion avec Louis XVI, Marie-Antoinette et le Dauphin à la prison du Temple. Les murs sont tendus de noir. Une émouvante liturgie du culte du martyre de la famille royale victime de la Révolution est magnifiée par un grand tableau du XIXème siècle, des objets personnels et le témoignage poignant d’un domestique.

Enfin, « Les débuts de la Ière République 1792-1795 » portent la confusion des visiteurs à son comble. Portraits des martyrs Lucile et Camille Desmoulins ainsi que Danton. Portrait de Robespierre « une des principales figures de la Terreur ». Les héros sont Charlotte Corday, Marat, Chalier et Lepeletier de Saint-Fargeau. Un objet de luxe, la Tabatière en Ivoire et Ecaille avec Les Trois Martyrs de la Liberté symbolise l’absurde : le degré zéro de l’histoire de Paris et de la Révolution. Où sont les idées en débats et les forces en présence, où sont les vivants, les révolutionnaires, les contre–révolutionnaires et le peuple de Paris ?

Au musée Carnavalet, les objets dessinent un espace de mort. Où est la vie ? Où sont les informations, les explications, quelles sont les interprétations de l’histoire de Paris, ville métropole, plurielle et mondiale ? Les non-humains sont muets, c’est aux humains de leur donner la parole.

Acte 3 : Que faire ?

Prendre acte de l’échec, tourner la page et engager un processus démocratique de construction du nouveau musée d’histoire de la nature et des habitants de Paris et sa région en mettant en œuvre les meilleurs pratiques dans ce domaine (1).

Les controverses sur les enjeux écologiques, les questions sociales et les droits humains, trouvent leurs formulations modernes dans les philosophies du droit naturel du XVIIIe siècle et l’histoire naturelle, intellectuelle et sociale de Paris (2). Les débats, à travers le monde, sur les statues publiques, concernent aussi la statue de Louis XIV située à l’entrée du musée. Le musée pourrait devenir avec l’outil digital, un espace physique et virtuel ouvert à tous les citoyens où nombre de ces débats pourraient et devraient se tenir.

Il s’agit d’allier, en les faisant se rencontrer et dialoguer, conservateurs des musées, historiens, sociologues, anthropologues, artistes, parisiennes et parisiens, associations, collectionneurs privés et collections publiques d’ici et d’ailleurs.

Les États généraux de l’histoire de Paris et la consultation citoyenne seraient les signaux forts de la volonté commune de permettre à la citoyenne et au citoyen de remettre en question l’ordre établi pour repenser et refaire le monde.

Signer la pétition en ligne : Refaire le musée d’histoire de Paris. Appel du 21 janvier 2022 à des États généraux et une consultation citoyenne

Notes :

(1) Neil MacGregor, A monde nouveau, nouveaux musées, Musée du Louvre, Editions Hazan, Paris 2021.

(2) Guillibert Paul, Chesnais Nikola, « Ensauvager la métropole. Enquête sur la géologie politique de la forêt de Romainville », Vacarme, 2019/2 (N° 87), p. 28-45. DOI : 10.3917/vaca.087.0028. URL : https://www.cairn.info/revue-vacarme-2019-2-page-28.htm