Egalitarisme jacobin et Droits de l’homme Annonces
lundi 26 septembre 2016Introduction de l'ouvrage de Jean-Pierre Gross, Égalitarisme jacobin et Droits de l'homme, Paris, Kimé, 2016, 474 p.
« Si l’on recherche en quoi consiste précisément le plus grand bien de tous, qui doit être la fin de tout système de législation, on trouvera qu’il se réduit à deux objets principaux, la liberté et l’égalité » (Rousseau, Du contrat social, II, chap. xi)
« La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui » (Article VI de la Déclaration des droits de l’homme de 1793)
Affirmer l’idéal égalitaire des jacobins va de soi. Disciples de Rousseau, ils s’appliquèrent à éradiquer les inégalités héritées de l’Ancien Régime: si 1789 avait consacré l’égalité devant la loi, 1793 devait inaugurer l’ère de l’égalité réelle. Mais on oublie trop souvent que Rousseau, dans son projet politique, avait aussi privilégié la liberté comme « fin de tout système de législation », et que le jacobinisme, qui s’en est inspiré, s’est voulu une idéologie libérale. Cette double revendication relève du paradoxe. Liberté et égalité ne sont-elles pas a priori incompatibles? Est-il possible de maximiser l’une et l’autre simultanément? Cette incompatibilité foncière ne serait-elle pas à l’origine de la succession de crises politiques que le jacobinisme a dû traverser? Comme le souligne le philosophe Jean Baechler, plus il y a de liberté, plus l'inégalité tend vers des limites qui ne sont pas corrigées spontanément; réciproquement, si l’on essaie de pousser l’égalité, on est obligé d’empiéter sur les libertés des acteurs, puisqu’on est amené à redistribuer du pouvoir, des richesses ou du prestige. Cette « contradiction très profonde, affirme Baechler, est sans solution ». C’est sans doute la raison pour laquelle Montesquieu, confronté dans son œuvre à la même problématique, et favorable à un minimum d’ingérence, a décidé au bout du compte de donner la priorité à la liberté, celle-ci étant à ses yeux plus désirable que l’égalité, et l’inégalité lui paraissant un moindre mal que le despotisme.
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