Notons d’emblée que notre approche n’est pas sans ses limites. Elle est par exemple moins concernée par l’influence des traditions républicaines sur les révolutionnaires que par les débats explicites autour des termes de « république » et « républicain ». Même dans le cadre de ces débats, nous ne nous intéressons aux positions des antirépublicains qu’autant qu’elles ont influé sur les réponses de leurs adversaires. Cette approche permet en revanche de mettre en lumière autant les limites du titre affiché de « républicain » que ses originalités. De même elle peut aider indirectement à comprendre le choix de certains patriotes de ne pas s’afficher comme « républicains ».

Une certaine historiographie de la Révolution française se complaît à chercher le ou les « premier(s) républicains de France ». Il existe même deux biographies de Camille Desmoulins en particulier dont le titre est, justement, « Camille Desmoulins. Le premier républicain de France (1) ». Il s’agit, généralement mais pas exclusivement, des porteurs de la thèse de l’exceptionnalisme français, qui coupe le républicanisme français de tout antécédent, surtout des traditions étrangères. On peut y voir un effort de chercher les « grands ancêtres » d’une république ou d’un républicanisme de l’époque de l’auteur. La Troisième République constitue un point phare de ce genre d’exercice, sous la plume des historiens autour d’Alphonse Aulard, mais il est loin d’avoir disparu aujourd’hui.

Ce n’est pas qu’il y ait de problème en soi à s’appuyer sur le passé pour les combats du présent (encore faut-il faire très attention à la façon dont on le fait). Mais si l’on veut vraiment comprendre les origines du républicanisme, on ne peut le faire dans une optique téléologique. On ne peut surtout pas supposer que le mot de « république » signifiait la même chose à l’époque révolutionnaire qu’aujourd’hui, ou même que ce terme s’utilisait de la même façon en 1789 qu’en 1791, en 1791 qu’en 1792, et au-delà.

Robespierre — qui dit, comme on le sait, au moment de la crise de Varennes qu’on lui faisait « trop d’honneur » en l’appelant « républicain » (tout en rejetant avec encore plus de force le titre de « monarchiste(2) ») — avait écrit tout naturellement à son ami Buissart, le 4 mars 1790, qu’« il ne faut pas désespérer de la république(3) ». Comme on le verra par la suite, c'est moins la position de Robespierre que le contexte qui a changé et qui obligeait à justifier l’usage d’un terme qui s’appliquait sans obstacle à la France révolutionnaire en 1789 ou début 1790. Comment ce changement se produisit-il ?

C’est en réfléchissant à toute une série des questions liées entre elles que l’on pourra y trouver une réponse. D’abord, qu’est-ce que la république à l’époque de l’Assemblée constituante, d’abord en 1789-1790, puis en 1791 ? Que signifie se dire « républicain » ? Qu’est-ce qui ferait rejeter ce terme à un personnage comme Robespierre le 13 juillet 1791 ? Qu’est-ce qui le sépare, lui et ce qui reste du côté gauche de l’Assemblée à cette époque, lui et d’autres patriotes en dehors de l’Assemblée aussi, de ceux, essentiellement des journalistes parisiens liés aux Cordeliers et au Cercle social, qui se réclament de ce terme ? La divergence n’a-t-elle pas été exagérée par une historiographie déterminée à exclure Robespierre du panthéon des « grands ancêtres » en faveur des figures qu’on a voulu plus « consensuelles » ? C’est à ces questions nous tâchons d’apporter une réponse, quoique nécessairement partielle.

Le républicanisme : calomnie ou programme politique ?

Rappelons brièvement les définitions du républicanisme qui avaient cours avant 1789(4). Avant tout il y a la définition primordiale : la res publica, la « chose publique ». C’est de cette définition de base que découle l’idée que là où il y a une chose publique, c’est-à-dire là où la politique ne devient pas la chose privée notamment (mais pas exclusivement) des rois, on a la république.

Il y a la tradition républicaine mise en lumière par l’École de Cambridge, tradition caractérisée selon J.G.A. Pocock par la « liberté positive » et, de façon plus intéressant pour notre propos, selon Quentin Skinner par ce qu’il appelle la « théorie néo-romaine des États libres(5) ». Selon cette dernière théorie, l’on est libre si l’on ne dépend pas de la volonté d’autrui, ce qui veut dire à l’échelle de l’État que l’on est libre si l’on n’obéit qu’aux lois faites ou consenties par soi-même.

Il y a la définition par la souveraineté — c’est celle de Montesquieu, reprise par Jaucourt dans l’Encyclopédie – selon laquelle on est en république quand le peuple ou une partie du peuple est souverain (par opposition avec la monarchie ou le despotisme, où la souveraineté est détenue par un seul individu (6)). Il existe aussi des variantes, comme chez Rousseau selon lequel pour que la république existe, la souveraineté doit appartenir au peuple tout entier et les lois doivent « régner », conditions auxquelles Mably ajoute, à l’instar de Locke, le respect du droit naturel(7).

Enfin, il y a les exemples des États anciens ou modernes qui s’appelaient « républiques », ou qui étaient nommés ainsi par l’usage courant : Rome, évidemment, mais aussi les cités grecques, et, parmi les modernes, Venise, Genève, la Hollande, la Pologne, les Etats-Unis et, comme on l’a vu, éventuellement la France, depuis 1789.

On aura remarqué qu’aucune de ces définitions n’évoque la forme du gouvernement. Certaines déclarent même explicitement que la forme du gouvernement importe peu, pourvu que les conditions en matière de souveraineté ou en absence de pouvoir arbitraire soient réunies. Une monarchie où le roi détient la souveraineté est certes exclue, mais l’Assemblée constituante entérine le transfert de souveraineté du roi à la nation en 1789 et les révolutionnaires prétendent construire un État libre. Autrement dit, la France est, ou au moins, tend vers la république, selon toutes les définitions courantes à cette époque, dès 1789.

Pourquoi tous les acteurs n’en conviennent pas ? Pourquoi et comment le terme de « république » devient-il tabou ? En un mot, c’est surtout qu’il y a loin des principes déclarés de la souveraineté nationale et des droits de l’homme et du citoyen à la constitution positive que vote l’Assemblée. L’Assemblée exclut les pauvres, nommés « citoyens passifs » des droits politiques et donc de leur part de souveraineté, elle donne au roi des prérogatives comme le veto qui lui accorde une part du pouvoir législatif – qui y introduit l’arbitraire, diraient les républicains « classiques ». Ce sont ceux dans l’Assemblée qui se donnent le nom de « modérés », autant et plus que le côté droit, qui sont le fer de lance de la plupart de ces entorses aux principes. Ce sont également ces « modérés » – et leurs alliés dans la presse – qui ont cherché à faire un épouvantail du terme de « république ». Ils tâchaient de délégitimer tous ceux qui s’opposaient aux violations de la Déclaration des droits inscrites dans la constitution en les dépeignant comme des « républicains », ennemis de cette constitution désormais qualifiée de « monarchique ». Les premiers à créer une nouvelle définition de la « monarchie constitutionnelle » par opposition à la république sont donc les « modérés » et non pas les « républicains ».

Ainsi, selon ces modérés, ceux qui souhaitent voir réaliser les principes proclamés en 1789 – ou même ceux qui voudraient leur donner n’était-ce qu’une certaine extension – sont des « républicains », synonyme chez eux de « factieux ». Ces « républicains » seraient soit des fous dangereux, soit des agents de la contre-révolution qui risqueraient sciemment ou par inconséquence de subvertir toute espèce d’ordre et de créer l’« anarchie » qui, fléau en elle-même, favoriserait aussi la contre-révolution.

Face à cette offensive, les patriotes – pour reprendre un terme de l’époque, dont le caractère vague n’est pas un défaut dans ce cas, car il permet l’inclusion de bien des nuances d’opinion – ont le choix. D’un côté, ils peuvent affirmer hautement leur républicanisme et défendre contre vents et marées leur définition de la république (quelle qu’elle soit). De l’autre, ils peuvent prendre leurs distances d’avec ceux qui se réclament du républicanisme – le plus souvent tout en signalant que ceux qui blâment le républicanisme se trompent sur sa vraie nature, voire en défendant le républicanisme et ses partisans déclarés.

Certains accomplissent cette distanciation en affirmant que le peuple français n’est pas encore mûr pour la république, d’autres en prétendant s’occuper des choses au lieu des mots qui cachent les vrais enjeux, d’autres encore en affirmant que la constitution en cours d’élaboration a des composantes républicaines, qu’ils renoncent par contre à faire étendre dans un avenir proche.

Afin de mieux comprendre ces diverses approches, leurs significations et comment elles se déploient, nous examinerons trois des journaux patriotes les plus en vue avant, pendant et après la « crise de Varennes » : le Patriote français de Brissot, les Révolutions de France et de Brabant de Camille Desmoulins (8) et les Révolutions de Paris, entreprise collective sous la direction de l’éditeur et propriétaire Prudhomme, qui ne laissait pas ses rédacteurs signer leurs articles (on sait pourtant que les principaux à cette époque étaient Sylvain Maréchal, Chaumette et Sonthonax – jusqu’au 25 juillet 1791 – puis François Robert). A ces trois journaux, il convient d’ajouter l’éphémère Républicain, dont le principal rédacteur fut Condorcet, et dont seuls quatre numéros parurent dans la première quinzaine de juillet 1791. Comme il s’agit d’un échantillon très incomplet, c’est peu de dire que le chantier reste ouvert ! Néanmoins, l’examen de ces journaux peut bien nous donner une idée des opinions courantes sur le républicanisme chez les journalistes patriotes.

Prendre l’une des approches dont il s’agit ci-dessus vis-à-vis du républicanisme n’exclut pas forcément les autres. Pour Brissot, on pourrait presque dire qu’il existe à cette époque trois républicanismes distincts : l’épouvantail des modérés et des aristocrates, les « formes républicaines » que renferment la constitution sur le point d’être achevée et enfin une république idéale pour laquelle les Français ne sont pas encore assez « éclairés et vertueux ». Brissot ne définit d’ailleurs pas bien nettement cette dernière, au-delà d’impliquer qu’elle supposerait l’extension des « formes républicaines » déjà présentes dans la constitution de 1791.

Ainsi, dans son n° 625, le Patriote français publie, sans commentaire, une lettre de Pétion où le député met en garde contre les « journalistes (qui) semblent s’être ligués pour crier au républicanisme, à la destruction de la monarchie ». Ce sont des « mots vides de sens », car il « y a souvent plus de différence entre une monarchie et une autre, qu’il n’en existe entre telle monarchie et telle république » et d’ailleurs, les « bons principes appartiennent à tous les bons gouvernemens, quelques noms qu’on leur donne ». On ne dénonce la république qu’afin d’« égare(r) les esprits simples » et « (jeter) de la défaveur sur les opinions et sur les personnes(9) ».

Brissot, pour sa part, un mois plus tard, demeure d’accord avec Pétion sur la fausseté des accusations lancées par Duport contre « un certain parti » qui chercherait à « républicaniser » et donc, selon ce dernier, à « reverser la constitution(10) ». Une semaine après, en reprochant à Desmoulins sa défense de Barnave et des Lameth, il appelle même l’accusation de républicanisme une « hypocrite calomnie(11) ». Dans son numéro du 9 juin, c’est encore un « épouvantail » qu’agitent des députés comme Duquesnoy, et une « chimère (12)».

Pour Brissot pourtant, le terme « république » n’est pas vide de sens ; il renvoie plutôt à des façons concrètes d’organisation institutionnelle, ce qu’il appelle des « formes républicaines ». Un État est plus ou moins républicain selon que sa constitution comprend plus ou moins de ces formes. Or, « Notre constitution a sans doute beaucoup de formes républicaines » qui en faisaient partie même « avant la naissance de ce prétendu parti, auquel M. Duport fait allusion(13) ». C’est pour cette raison que le républicanisme ne peut être subversif de la constitution : il y est déjà inscrit.

Par contre, Brissot s’autorise à parler pour tous ceux que Duport qualifie de « républicains », qu’il défend par l’assurance que ceux-ci ne pensent en aucune manière à étendre ces « formes républicaines » ou à modifier de quelque façon que ce soit la constitution avant la convocation d’une nouvelle « convention », renvoyée à un avenir vague.

Il renchérit même dans son n° 670, où tout en affirmant croire « dans (sa) conscience » que la république est « le seul état politique convenable à l’homme, mais à l’homme éclairé et vertueux », il blâme la précipitation supposée de Lavicomterie et de « ceux qui soutiennent le même système » à vouloir l’appliquer en France, sans réfléchir assez aux conditions de son applicabilité.

La république à laquelle Brissot veut atteindre un jour a effectivement plus de conditions qu’elle n’a de caractéristiques bien définies. On peut affirmer avec certitude pour la période d’avant Varennes, seulement que cette république idéale impliquerait un changement de constitution – qu’il serait « criminel » d’entreprendre par d’autres moyens que des « constitutionnels » – et que cette constitution républicaine ne devrait en aucun cas comporter de ratification des lois par les assemblées primaires prônée par Lavicomterie et François Robert dans leurs projets de république. Cette idée de ratification par les assemblées primaires est le résultat selon Brissot d’un malentendu de la part des « défenseurs du peuple » qui « confondent ici la constitution (…) avec les lois ordinaires (14) ».

Il n’y a même rien dans le propos de Brissot à cette époque qui indique positivement que l’abolition de la royauté est une condition nécessaire de cette république. Certes, il l’oppose au « monarchisme » d’un Adrien Duquesnoy, mais ce monarchisme-là défend la monarchie moins contre l’abolition de la royauté que contre la suppression des prérogatives octroyées au roi par la constitution de 1791. Pour ces « monarchistes », la monarchie n’existerait déjà plus sans ces prérogatives, d’où leur dénonciation d’une volonté de « républicaniser » la constitution de la part de tous ceux qui s’opposent à ces prérogatives. Un républicanisme opposé à ce genre de monarchisme pourrait bien prôner la suppression entière de tout office de roi, mais cette position n’est pas la conséquence nécessaire d’une telle opposition.

Brissot ne précise pas ses vues sur ce sujet à cette époque. Sous la constitution de 1791, le roi tient son pouvoir du peuple souverain, comme Brissot le rappelle à Bureaux de Pusy dans son numéro du 8 juin 1791 (15). Si Brissot suivait les définitions ayant cours avant la Révolution et qui liait le républicanisme à la question de la souveraineté, il ne serait pas impossible qu’il ait considéré le fait même de « constitue(r) et prot(éger) le pouvoir du roi » comme une « forme républicaine » quand c’est le peuple souverain qui choisit de le faire (16). Il ne publie rien dans le Patriote français avant Varennes qui permette de trancher, soit par une indétermination de pensée, soit par une volonté de rester dans le vague afin de ne pas donner prise aux accusations de subversion de la constitution.

La première hypothèse n’est pas improbable, mais la seconde est surtout confirmée par les protestations réitérées de sa croyance en la culpabilité de « tout homme qui ne se soumet pas à la constitution décrétée, et qui songe à en changer quelque partie que ce soit, par d’autres moyens que les moyens constitutionnels(17) ». Son renvoi de la république à une époque où « presque tous les François (seront) instruits de leurs droits et de leurs devoirs, (où) les mœurs (seront) bonnes » et « l’aisance (…) générale », époque qu’il n’envisage clairement pas comme prochaine, ne fait que renforcer cette impression (18).

La réticence de Brissot devant le passage à sa république idéale tient pourtant autant à sa conception de cette république qu’à la tactique. Il n’en décrit pas les caractéristiques, mais les conditions qu’il y fait laissent apercevoir ses priorités. Brissot veut que tous ceux qui se réclamaient de la république méditent aux moins sept questions sur la situation géographique, démographique, économique, diplomatique et morale de la France, à laquelle il ajoute une huitième qui est pour lui « le plus délicat à résoudre » : Comment « Faire que, dans la république de France, ou l’on a assez de mœurs pour se passer d’un gouvernement bien puissant, ou qu’à défaut de mœurs, le gouvernement ait assez de force pour faire exécuter la loi » ? Brissot démontre en mettant tant d’emphase sur cette question, que ce qu’il craint avant tout est la désobéissance aux lois, ou, dans les termes de l’époque, qu’il craint plus l’anarchie que le despotisme.

La nécessité de bonnes mœurs dans une république est certes un lieu commun au XVIIIe siècle, mais il y a plus d’une façon de l’entendre. Chez Brissot un peuple a besoin de bonnes mœurs pour qu’il obéisse au gouvernement et non pour qu’il soit apte à le surveiller. Cela est si vrai que même s’il est préférable d’avoir de bonnes mœurs, on peut s’en passer en ayant recours à la force, pourvu que les lois – que le peuple n’a pas le droit de censurer – soient obéies. C’est là la condition absolue de tout régime pour Brissot, et en l’absence de la certitude qu’elle soit remplie, il est prêt à retarder indéfiniment l’avènement de la république – qui ne serait de toute façon pas la sienne autrement. Dans la mesure où une telle position est républicaine, il s’agit sans aucun doute du républicanisme minimaliste dont parle Jacques Guilhaumou, ou, si l’on veut un républicanisme élitaire – par opposition au républicanisme populaire que l’on va voir maintenant chez Camille Desmoulins et dans les Révolutions de Paris (19).

Le positionnement de Camille Desmoulins vis-à-vis du républicanisme est beaucoup plus simple que celui de Brissot. Il n’a qu’à se défendre des attaques des « monarchistes » et non pas à avertir son public contre les prétendus inconvénients du républicanisme. Très tôt, Desmoulins adopta l’équivalence entre république, liberté et souveraineté populaire du républicanisme classique adapté notamment par Rousseau et Mably (20).

Dans un de ses moments plus pessimistes sur l’état de l’esprit public et face aux tentatives de faire du « républicanisme » un épouvantail, il recula brièvement dans le sens d’une définition implicitement formaliste :

(…) et l’on parle de république, et l’on nous accuse de vouloir ériger la France en république. Ah ne nous croyez pas si aveugles pour vouloir faire une république des 83 départemens ! nous ne sommes pas dignes d’être républicains ! plus on observe et ce peuple et son assemblée nationale, et plus on doute si nous sommes même dignes d’une monarchie limitée. (21)

Même dans ce cas, où Desmoulins va jusqu’à invoquer le lieu commun de l’impossibilité d’une grande république pour se distancier du républicanisme, il n’est pas clair que la république signifie l’absence d’un roi. A-t-on une monarchie limitée au lieu d’une république sous la constitution de 1791 parce qu’il y a un roi, ou plutôt parce que le peuple ne possède pas le plein exercice de sa souveraineté ?

Quoi qu’il en soit, lorsque Desmoulins reparle du républicanisme trois semaines plus tard, il change de tactique. Le mot de « république » ne vaut que par ce qu’il recouvre, c’est-à-dire l’« État libre » du républicanisme « classique ». On peut donc soit écarter ce terme, soit l’utiliser à condition de rappeler son contenu, selon les besoins de la discussion. Ainsi le « système » de Robespierre

nous mène non pas à la république, mot insignifiant dont se servoit François I, qui disoit la république de France, dans ses ordonnances aussi bien que Charlemagne dans ses capitulaires, mot auquel personne de nous ne tient, mais à la liberté à laquelle nous marchons tous (22).

Mais à peine quelques pages plus loin, quand il devient nécessaire de déployer le terme de république pour pouvoir disputer de la nécessité de la vertu pour les républiques – question sur laquelle Desmoulins se contredit par ailleurs – il n’hésite pas à le faire, en prenant soin d’en donner sa définition. Aussi précise-t-il entre parenthèses que « par république j’entends un état libre, avec un roi ou un stathouder, ou un gouverneur général, ou un empereur, le nom n’y fait rien », avant d’affirmer que les « colonnes » de la constitution sont plutôt « d’ordre républicain que d’ordre monarchique(23) ». Sans doute fait-il allusion à la Déclaration des droits, « base » de la constitution, et non plus à la lettre de cette constitution qui en est une violation continuelle.

Que disent les Révolutions de Paris sur cette question ? Pour ce journal, quelques éléments que la république puisse recouvrir par ailleurs, elle est explicitement liée à l’abolition de la royauté(24). Ce n’est toutefois peut-être pas l’unique enjeu de son affirmation qui si l’on avait consulté les Parisiens sur le sort de la royauté le 18 avril 1791, jour du voyage avorté de la famille royale à Saint-Cloud, Paris serait une république. Est-ce le seul rejet de la royauté qui définit la république ou le roi ne constituerait pas tout simplement le dernier obstacle à la république dans l’hypothèse d’une reprise du pouvoir constituant par le peuple ? On notera que cette république hypothétique est parisienne et non pas française. Ne serait-on pas fondé à croire qu’elle n’aurait pas pour cadre la constitution de 1791 ?

Sans doute que les Révolutions de Paris ne proposent pas sérieusement que Paris se déclare république autonome : l’enjeu n’est pas là. Ce qu’il importe de souligner c’est l’implication de cette république parisienne comme hypothèse. Paris serait une république et non pas la France, parce que c’est le peuple parisien qui reprendrait le pouvoir constituant dans cette hypothèse. D’un seul coup il se déferait d’une part du roi et de l’autre de l’Assemblée nationale et sa constitution corrompue. Encore un indice que si pour les rédacteurs des Révolutions de Paris, à la différence de leurs concurrents, l’abolition de la royauté est une condition nécessaire de la république, elle n’est pas pour autant suffisante.

De toute façon, c’est peut-être parce que les Révolutions de Paris soutenaient ouvertement l’abolition de la monarchie que ce journal, inaccessible à la calomnie sur ce point, ne prend pas la peine de s’en défendre en faisant des définitions élaborées de la république. Il semble d’ailleurs que si les Révolutions de Paris ne considèrent pas forcément la république et la démocratie comme synonymes à l’instar de François Robert dans le Républicanisme adapté à la France (1790), les deux sont pour le moins antonymes de la monarchie. Ainsi dans un article contre la rééligibilité, ce journal oppose le désintéressement, possible en démocratie, à la corruption nécessaire des députés en présence d’un roi doté d’une liste civile :

Une pareille abnégation de soi-même pourroit peut-être s’obtenir dans un gouvernement purement démocratique, où il ne se trouve aucun individu, aucun pouvoir qui ait de grands moyens de séduction ; mais dans une monarchie où les droits du peuple sont perpétuellement balancés par la prérogative royale, où les agens du pouvoir exécutif entretiennent perpétuellement un foyer de corruption pour le gouvernement représentatif, cela devient absolument impossible (25).

Comme chez Robert, la royauté est dangereuse surtout par sa capacité de corrompre le pouvoir législatif. En l’absence de la volonté politique de supprimer ce « foyer de corruption », des mesures palliatives, comme la non-rééligibilité des députés, s’imposent.

Même chez les opposants à la royauté, la question centrale reste celle qui a été au cœur de la Révolution depuis 1789 : comment fonder et préserver un État libre (qu’on l’appelle ou non « république »). Pour les opposants à la royauté, celle-ci est intrinsèquement un obstacle à la préservation de la liberté ; pour d’autres ce n’est pas l’existence d’un roi en soi qui pose problème, mais les prérogatives que l’Assemblée lui a octroyées.

Il y a une certaine artificialité à vouloir définir un mouvement « républicain » distinct du mouvement patriote. D’un côté, ceux que l’historiographie appelle « républicains » – que ce nom s’impose, comme chez Robert ou Desmoulins qui s’en réclament eux-mêmes, ou qu’il s’avère être plus discutable comme chez Brissot qui affirme que la république est théoriquement le meilleur des régimes tout en se distanciant de ceux qui prétendraient « républicaniser » la France dans un prochain avenir – ont des idéaux souvent très disparates. Il y a souvent plus de différence entre eux qu’entre patriotes « républicains » et certains de ceux qui ne se réclament pas de ce titre.

De l’autre, l’idée que la ligne de clivage central au printemps 1791 s’établit entre monarchistes et républicains est, comme on l’a vu, une invention de ceux qui se réclament de cette première appellation. En effet, ces « monarchistes » se servent de cette opposition pour discréditer leurs adversaires.

Il y a un sens dans lequel les « monarchistes » autoproclamés n’avaient pas tort : la division fondamentale en ce printemps de 1791 s’établit effectivement entre ceux qui défendaient la lettre de la constitution et ceux qui en défendaient les principes, parfois, il est vrai, en allant jusqu’à suggérer que le seul moyen de les conserver serait de tout recommencer. Les « monarchistes » innovaient, comme on l’a vu, en dénommant cette constitution selon laquelle le roi, malgré ses prérogatives étendues, n’est plus souverain, monarchique. Ils ne se trompaient pas non plus en appelant « républicains » leurs ennemis. Défendre la Déclaration des droits et la souveraineté populaire qui sont les bases de cette constitution est, selon les définitions ayant cours avant la Révolution, faire acte de républicanisme.

C’est une bonne partie de l’historiographie qui s’y méprend. Elle prend souvent d’abord pour seuls républicains ceux qui se réclament explicitement du républicanisme. Ensuite, par une logique téléologique, elle fait de ce groupe relativement restreint les avant-coureurs des républicains et des républiques à venir, en assimilant « républicanisme » et « antimonarchisme », qui auraient été de tous temps équivalents.

Cette approche empêche la compréhension des enjeux du républicanisme avant la République. Il faut au contraire comprendre que les porteurs des divers projets explicitement républicains, qu’ils se soient prononcés spontanément ou sous la pression des tentatives de faire un épouvantail du républicanisme, font partie du mouvement plus large des défenseurs des principes de la Déclaration de droits et de la souveraineté populaire. Le républicanisme, quelque définition qu’on lui donne, était proposé comme un moyen d’atteindre cet horizon d’attente commun. Les républicains ne se trompaient pas en faisant l’éloge de ce qui reste du côté gauche de l’Assemblée, qui ne prononçait pas le mot de république ou qui, comme Pétion, en parlait comme d’une distraction des véritables enjeux ; pas plus que les modérés ne se trompaient en comprenant ce côté gauche dans son anathème antirépublicaine.

Si l’on veut ensuite identifier les divergences dans la presse patriote, il convient de le faire selon le poids que donne tel ou tel écrivain aux divers éléments de l’État libre. Avant Varennes, les Révolutions de Paris privilégient l’anti-royalisme et la question sociale, celles de France et de Brabant le contrôle du peuple sur ses élus et les institutions qui permettraient ce contrôle. Ces deux journaux s’accordent de même sur l’inaliénabilité du pouvoir constituant. Le Patriote français, pour sa part, se limite à souhaiter l’élection de meilleurs députés à la prochaine législature et à terme que le peuple soit assez éclairé pour qu’une convention prochaine puisse réformer les abus dans la constitution de 1791, dont la royauté héréditaire.

Définir et défendre la république au cœur de la crise de Varennes

Que change la fuite du roi à cette situation ?

Faute de place, on devra passer sur les réactions immédiates, comme sur les positions à l’égard de ce qu’il fallait faire de la personne du roi une fois celui-ci ramené à Paris. Quant à la question de la forme du gouvernement, constatons tout de suite que les journaux examinés ici préconisent tous idéalement l’abolition de la royauté, mais que les Révolutions de Paris et surtout le Patriote français sont prêts dans une plus ou moins grande mesure à accepter une régence sous certaines conditions.

Ce régime peut-il être compatible avec la république ? Ou est-ce que la république était désormais exclusivement synonyme d’un État sans roi ? Et lorsque l’antimonarchisme et le républicanisme commencerait à se confondre, est-ce qu’il serait signe d’une généralisation de la définition formaliste de la république ou marque-t-il la croyance que la royauté ne peut plus coexister, si elle a pu jamais le faire, avec la république ? En d’autres termes, dans l’affirmation qu’une monarchie ne peut être une république, faut-il lire l’inverse, que tout État qui n’est pas une monarchie est une république – par défaut, en quelque sorte ?

Il y a certes des formules qui laissent penser qu’antimonarchisme et républicanisme étaient effectivement devenus synonymes. Ainsi, pour les Révolutions de Paris, la fuite du roi signifiait que l’Assemblée « peut aborder la république(26) ». Desmoulins parle du « nouveau caractère républicain, à la dignité duquel les Français s’élèvent peu-à-peu ». On peut pourtant se demander s’il est nouveau parce qu’il date du 21 juin 1791, ou parce qu’il date de 1789 (27). Pour Brissot, « substituer le gouvernement républicain » est le corollaire naturel d’« Abolir la royauté » et il caractérise cette position par l’énoncé de « Plus de roi, soyons républicains(28) ». Le Républicain oppose à plusieurs reprises les systèmes, les constitutions ou les gouvernements républicains et monarchiques (29).

En quoi consiste pourtant cette opposition ? Comment définit-on la république ? Sa définition est-elle devenue purement négative : un État sans roi qui attend qu’on lui donne un contenu qu’il ne trouvera par la suite que dans l’expérience révolutionnaire, comme le veut cette historiographie adepte de l’« exception française » ? Il n’en est rien. Cependant, les définitions de la république qu’emploient les différents auteurs peuvent différer substantiellement tout en paraissant proches, et les conséquences qu’ils en tirent encore davantage.

Pour Thomas Paine, dans l’une de ses deux lettres insérées dans le Républicain, la république est avant tout un mot qui « exprime parfaitement l’idée que nous devrions avoir du gouvernement en général : Res-publica, les affaires publiques d’une nation. » C’est parce qu’il serait absurde de croire qu’un seul individu puisse bien veiller à la res publica que la monarchie – qui n’est autre que « le pouvoir d’un seul individu » – est incompatible avec la république. Le « vrai système républicain » consiste dans un gouvernement « par élection et représentation », parce qu’il est « le seul moyen possible » de bien gouverner tout un pays.

L’absence de monarchie ne suffit pas pour avoir une république, sinon les « états appelés jusqu’à présent républiques, comme la Hollande, Gènes (sic), Venise, Berne, etc. » en seraient, alors que pour Paine « non-seulement (ils) sont indignes de ce nom, mais encore ils sont contraires au principe républicain ». Il précise que ces pays sont « à proprement parler, sous un esclavage aristocratique ».

La « représentation élective » est pour sa part nécessaire mais non suffisante pour faire une république, qui consiste finalement dans « l’empire des lois, fondé sur les grands principes républicains de la représentation élective et des droits de l’homme ». Tous ces éléments ensemble sont nécessaires pour former une constitution républicaine (30).

Est-ce que cette définition du républicanisme est partagée par tous les rédacteurs du Républicain ? On pourrait être tenté de le penser, puisque les autres articles ne signalent pas de désaccord explicite avec la définition de Paine ni ne donnent de définition alternative. En fait, à part dans les lettres de Paine, le Républicain ne définit pas explicitement ce qu’il entend par république.

Il reste pourtant des indices qui laissent penser que pour Condorcet, rédacteur principal du journal, la république est plus strictement affaire de l’organisation de l’exécutif. Ou du moins, que l’organisation de l’exécutif est le seul point qui sépare le gouvernement établi par la constitution de 1791 de la république. À ceux qui doutent de la possibilité de former une « grande république », les « philosophes » répondent : « Quoi (…), il est impossible d’établir un bon gouvernement pour un grand peuple, sans le secours d’une institution dont l’absurdité frappe les esprits les moins éclairés (…) (31) ? » Si la république n’est pas forcément tout entière dans son gouvernement, même dans ce gouvernement sans l’institution absurde de la « monarchie héréditaire » et sa liste civile corruptrice que Condorcet préconise, la question du gouvernement est pourtant centrale pour lui (32).

Que propose Condorcet ? Son projet prévoit un « conseil de gouvernement » de sept membres (ou alternativement de cinq)(33). Élu pour dix ans, contre deux pour les législatures, et « par les mêmes électeurs que les membres des législatures », ce conseil exécutif primerait sur le législatif(34). À la législature reviendrait, il est vrai, le droit de déterminer la liste des éligibles au conseil, mais après la première législature, les suivantes n’aurait que celui de la compléter, et ce uniquement à la fin de leur mandat(35). La législature aurait de même le droit de destituer les membres du conseil, mais uniquement au début de son mandat, « par un scrutin personnel » et « sans aucune discussion préalable(36) ».

De toute façon, « Toutes les affaires se décideront au nom du conseil(37) », formule vague mais qui laisse pour le moins ambigu le rôle de la législature dans ce projet où c’est l’exécutif qui prend les décisions. Un peu plus loin, Condorcet donne l’impression que ce rôle se limiterait presque à légitimer le pouvoir du conseil exécutif(38). Quant à celui-ci, il doit disposer d’une grande force, force qui aurait pour base la confiance(39).

Effectivement, si le projet de Condorcet garde la représentation élective qui est un des piliers de la république de Paine, il ne tourne pas autour du même axe. La clé de la république de Paine est la défense du droit naturel contre le despotisme aristocratique et royal ; celle de la république de Condorcet semble au contraire être la défense du bon gouvernement par des hommes à « réputation » – que « leur première éducation, leurs premiers emplois avoient préparés à des fonctions importantes » – contre l’anarchie(40).

Mis à part les motifs de l’absurdité de l’hérédité et de la corruption suscitée par la liste civile que Condorcet a en commun avec tous les républicains, son premier chef d’accusation contre la monarchie est qu’étant incapable d’inspirer la confiance, loin d’être despotique, elle ne constitue pas un exécutif assez fort et suscite ainsi l’anarchie .

Si Condorcet fait mention de « l’égalité des droits » que blessent l’hérédité et la liste civile, le droit (naturel ?) est au mieux périphérique à ses arguments. On ne doit pas craindre les « choix populaires » dans les élections parce que « l’expérience » (en l’occurrence l’histoire de Rome et d’Athènes) montre que le peuple sait faire de bons choix : « Ni en France, ni ailleurs il n’entrera dans la tête du peuple d’appeler à une place importante un homme sans réputation (42) ». Nulle part n’est-il question des droits ou de la souveraineté du peuple. D’ailleurs, si le peuple possède bien des droits chez Condorcet, ils ne comprennent manifestement pas celui de surveiller son gouvernement ; ils seraient au contraire de ceux que c’est au gouvernement à protéger.

En cette tendance à craindre plus l’anarchie que le despotisme, on voit sans surprise que Condorcet rejoint la conception de la république au gouvernement fort que défendait déjà Brissot avant la fuite du roi. Mais quel effet cette fuite a-t-elle eu sur le rapport de Brissot au républicanisme ?

Brissot continue de combattre l’utilisation de la république comme épouvantail par les modérés, et notamment par Alexandre Lameth, qui aurait averti un autre député « que M. Clavière et moi, nous avions fait partir des couriers (sic) pour les 83 départemens, chargés de dépêches pour les engager à demander la république. » Il nie le fait, mais plus intéressant est son commentaire : « On cherche à égarer les esprits sur le projet de faire de la France une république, sans penser qu’à cet égard l’empire obéira bien plus à la force des choses, qu’à celle des hommes(43). »

Ce fatalisme est-il neutre, ou indique-t-il une croyance en l’inévitabilité de l’établissement à terme de la république en France ? Son numéro du 2 juillet fait pencher pour cette dernière explication : le républicanisme « gagne » dans l’opinion publique « et gagnera de jour en jour ; c’est le propre de la vérité.(44) » Dans ce cas, cette république semblerait correspondre avec celle, idéale, que Brissot attendait avant Varennes, face à la précipitation supposée de Lavicomterie, des transformations de la situation matérielle et morale de la France.

La différence, c’est que Brissot ne renvoie plus la république à un avenir indéterminé. La vérité est en marche et elle « ne marche plus qu’à pas de géant(45) ! » En effet, les circonstances obligent à prendre des mesures pour restructurer l’exécutif. Il paraît que pour Brissot, c’est le seul élément qui manque à la constitution, qui serait déjà à cinq sixièmes républicaine – c’est-à-dire représentative, conception que Brissot partage avec les rédacteurs du Républicain(46). Il s’agit simplement de convertir cette dernière fraction. La sixième « monarchique » de la constitution est composée du roi et du ministère nommé par lui. Il importe surtout de remplacer ce ministère par un conseil électif, idéalement en abolissant la royauté, mais ce n’est pas essentiel : « Les Jacobins ne veulent de roi qu’à cette condition. Ils ne veulent pas cependant passer pour des républicains. Ne disputons point sur les termes. Je ne veux pas d’autre république que cette monarchie. Les Jacobins sont des républicains sans le savoir(47) ».

Cette profession suggère ce que le fait de considérer la royauté comme le dernière obstacle à la république ne contredit pas : que Brissot n’est pas plus que Paine et peut-être moins que Condorcet un républicain « formaliste ». Dans son numéro du 3 juillet 1791, il publie une définition du républicain qui confirmerait ce jugement, si l’on pouvait être sûr qu’il la partageait :

on entend par républicain un homme attaché aux droits de l’homme, base de la constitution françoise, et à tout gouvernement qui, par sa nature, ne tend pas à les anéantir, soit en mettant la volonté d’un seul, ou de quelques-uns, à la place de celle de tous, soit en n’offrant aux individus aucun moyen paisible et sûr d’arrêter les infractions au pacte social, quel que soit le coupable(48).

Mais est-ce que Brissot partage forcément cette définition, très proche de celle de Paine – même si la dernière clause pourrait donner lieu à plusieurs interprétations – puisqu’il l’imprime ? La république de Brissot repose-t-elle avant tout sur le droit naturel ou lui donne-t-il une autre définition ? C’est ce que l’on examinera par la suite.

Pour l’instant, remarquons que Brissot a raison de souligner, comme il le fait dans sa « profession de foi sur la monarchie et sur le républicanisme », que s’il existe de ligne de démarcation, elle ne sépare pas les « patriotes monarchistes » des « patriotes républicains »(49).

Contrairement à une idée reçue de l’historiographie(50), Brissot ne s’identifie pas aux républicains, tout en les défendant. Il se positionne comme l’arbitre entre ceux-ci et les « patriotes monarchistes » et présente le républicanisme comme le lieu d’un débat philosophique dont le seul but serait la recherche de la vérité, proposé par des républicains qui « ne veulent employer que la raison » afin de persuader les monarchistes de leur point de vue(51). Cependant, il précise d’emblée que les deux camps ont tort de s’opposer parce « qu’ils sont d’accord sur tous les points, hors un seul ; et, sur ce dernier, ce n’est qu’un mal entendu qui les sépare. » Il suffit donc de bien définir la république pour sortir d’embarras.

La définition que donne Brissot de la république ne s’oppose pas à la définition du républicain qu’il a publié, mais elle se fonde sur d’autres bases. Là où le républicain se définit par son attachement « aux droits de l’homme » et « à tout gouvernement qui ne tend pas à les anéantir », la république serait « un gouvernement où tous les pouvoirs sont, 1°. délégués ou représentatifs ; 2°, électifs dans et par le peuple, ou ses représentans ; 3°. temporaires ou amovibles(52). »

S’agit-il de compléter la définition du gouvernement auquel s’attache le républicain en précisant que seul un gouvernement qui comprend tous ces caractéristiques ne tendrait pas à anéantir les droits de l’homme(53) ? On peut le supposer. Si tel est le cas, la définition que donne ici Brissot de la république n’est formaliste qu’en apparence, et certainement pas dans un sens qui ferait de tout État sans monarque une république.

En effet, les « républiques anciennes » n’étaient pas des républiques selon la définition de Brissot. Il souligne ainsi que les « Etats-Unis d’Amérique sont les seuls qui offrent l’image parfaite d’une pareille république : les autres Etats libres en ont plus ou moins approché ; mais aucune des républiques anciennes n’a réuni les trois conditions que j’ai proposées(54). » Brissot emploie le terme d’« États libres » d’à peu près la même façon que Desmoulins parle des « peuples libres » : tous les États ou tous les peuples sont plus ou moins libres selon qu’ils s’approchent plus ou moins des principes de la liberté. Les deux journalistes diffèrent pourtant sur la nature de ces principes.

Si personne ne rejette la représentation, d’une forme ou d’une autre, en ce qui concerne la France, chez Desmoulins elle n’est pas de tout temps et dans tous lieux une condition nécessaire à la liberté. Pour lui, la démocratie même « pure » ne s’oppose pas à la liberté, qui ne consiste que dans le droit naturel et la souveraineté populaire. La démocratie pure n’est pas praticable en France parce que tout le peuple ne peut pas se réunir sur la place publique, mais elle n’est pas un mal en soi, au lieu que chez Brissot, elle est « le pire de tous les gouvernements (55)». Le « système représentatif » sert chez Brissot à parer aux « inconvéniens » de la démocratie : « Les intérêts de tous sont réunis entre les mains de quelques-uns. Les discussions doivent être plus calmes, plus profondes ; les décisions moins précipitées, plus justes et mieux recueillies(56). »

Brissot ignore ou fait semblant d’ignorer cette distinction qui le sépare de son collègue, distinction qui nuirait à son objectif de démontrer qu’au fond tous les patriotes sont d’accord. Pour lui, le fait qu’aucun patriote « ne veut ressusciter les démocraties anciennes, et tous veulent le gouvernement représentatif » signifierait – en contradiction avec les écrits de Desmoulins et de Robert, notamment – que tous rejettent en principe la démocratie. Il ne serait même pas saugrenu de penser que Brissot ferait comprendre sous cette désignation les conceptions de la représentation qui garderaient au peuple un rôle politique au-delà de la nomination des représentants.

Selon Brissot donc, le malentendu sur le républicanisme viendrait de ce que les républicains adopteraient sa définition de la république, alors que les monarchistes croiraient que les républicains veulent transformer la France en Rome ou Athènes. En établissant ce récit de malentendu, pourtant, Brissot remplace une division factice par une unité factice ; les patriotes ne s’accordent pas entre eux, comme on l’a vu, sur les caractéristiques d’un État libre. D’ailleurs, si ceux qui se réclament du titre de « monarchiste » craignent certainement la démocratie, non seulement ce n’est pas le cas de tous ceux qui se disent « républicains », il n’en est même pas des patriotes qui rejettent l’une et l’autre appellation.

Créer cette fiction d’unité permet à Brissot de présenter son propre avis comme le seul raisonnable, un compromis entre deux camps qui au fond voudraient la même chose. Il n’y aurait vraiment que deux questions à résoudre :

1°. Doit-on étendre réellement sur la royauté le système représentatif, ou en d’autres termes, doit on (sic) abolir la royauté héréditaire ? 2°. Si on la conserve, ne convient-il pas au moins de l’entourer d’un conseil électif et représentatif(57) ?

Seule la première de ces questions serait vraiment en dispute ; sur la seconde « patriotes monarchistes et républicains, tous sont d’accord » selon Brissot(58) .

Dans son numéro suivant, du 6 juillet 1791, Brissot expose les raisons que mettent en avant les républicains pour abolir la royauté : les risques de conserver « un office abandonné au hasard, et auquel le hasard peut appeler un idiot, un scélérat, comme un homme habile ou vertueux », « les dépenses qu’il entraîne », la corruption inévitable des cours, la possibilité d’« avoir un excellent pouvoir exécutif, sans avoir de roi » et enfin les dangers de la royauté dans « la circonstance actuelle », à savoir que le manque de confiance en Louis XVI créerait l’anarchie et son remplacement par un autre roi donnerait lieu à une guerre civile entre les partisans de Louis XVI et ceux du nouveau roi(59). Tous ces arguments, écrit Brissot, « valent, ce me semble, la peine d’être discutés (60) ». Il traite cependant les conclusions à tirer au sujet de l’abolition de la royauté en question ouverte qu’il faut encore éclaircir.

Comme Condorcet, Brissot met plus d’emphase sur la nécessité de pouvoir accorder sa confiance à l’exécutif. C’est cet argument qui doit entraîner selon lui tous les patriotes, monarchistes ou républicains. Il est en effet impossible de « faire exécuter les lois par un roi méprisé et par des ministres choisis par ce roi, ou bien par un régent suspect » sans entraîner la « défiance (…) générale » et, de ce fait, « la désobéissance perpétuelle (61) ».

C’est pour cette raison que, si l’on conserve « la royauté, soit au roi, soit à son fils », il faut impérativement « les entourer d’un conseil électif et amovible ». Rétablir Louis XVI en particulier, sans ce conseil, « c’est semer l’anarchie et la discorde ; car qui peut obéir à un homme qu’il méprise(62) ? » Une fois de plus, Brissot suppose que tous les patriotes craignent avant tout « l’anarchie » et qu’ils croient tous qu’un État libre se caractérise par la possibilité d’avoir confiance dans le gouvernement. C’est pourquoi tous ceux qui raisonnent bien devraient se trouver d’accord sur l’institution d’un conseil exécutif électif pour remplacer le ministère.

Quant à l’abolition de la royauté, elle est un « produit nécessaire » de la constitution, « républicaine dans les cinq sixièmes de ses élémens » et « cet office ne peut subsister à côté de la déclaration des droits », mais « il faut attendre des progrès de la raison et de l’éclat de l’évidence l’abolition légale de la royauté ». Brissot prétend que tous les républicains sont d’accord sur ce point – contre les affirmations de certains d’entre eux – et « ne veulent point (…) précipite(r) » cette abolition. Dans l’immédiat, cette question serait presqu’indifférente : « En un mot, point de roi, ou un roi avec un conseil électif amovible. Telle est, en deux mots, ma profession de foi(63). »

Cette conclusion n’empêcha nullement Brissot d’affirmer dès le lendemain, 7 juillet, que « Les courtisans ont beau faire, le peuple est mûr pour la république. Les gens éclairés sont républicains par système, les autres le sont par instinct(64). » En dehors de la prise de position « officielle » de sa « profession de foi », en effet, Brissot cesse de se montrer tellement précautionneux sur la possibilité de la république.

Il alla jusqu’à trouver blâmables chez Duport, le 16 juillet 1791, les doutes qui lui-même avait émis avant la fuite du roi sur l’applicabilité du républicanisme en France, à l’égard de ses mœurs et de sa situation matérielle(65). Il les balaya dans ce numéro en invoquant le peuple « qui commence à prendre des mœurs » et aussi « l’expérience », censée prouver « que plus les états se rapprochent de la constitution républicaine, plus le commerce y est florissant(66)» .

Desmoulins faisait preuve pour sa part d’une hésitation sur l’aptitude du peuple Français au républicanisme, mais chez lui – et c’est un point crucial – la république se confond avec la Révolution. Là où chez Brissot la question de la république était essentiellement une question de savoir si la France est prête à franchir le pas et faire d’un gouvernement majoritairement représentatif un gouvernement entièrement représentatif, quand Desmoulins interrogeait la possibilité de la république, c’était le destin de la Révolution même qu’il interrogeait.

C’est sans doute pour cela qu’il prenait si mal toute indication de servilité dans l’esprit public et qu’au contraire il se réjouissait tant des « progrès de l’esprit public, ou de l’esprit républicain ; car ces mots sont évidemment synonymes(67) », quoiqu’il se méfiât des conversions subites. Il était d’ailleurs particulièrement soupçonneux du républicanisme des Brissot et Condorcet, au point de les croire, à tort ou à raison, soldés, ou au moins influencés par La Fayette :

M. Mottié, toujours Moitié Monck et Moitié Cromwel, semble donner à Brissot, Condorcet, écrivains actifs, pour mot de l’ordre, la République ; et à la Gazette universelle, Duquesnoy, Beaulieu, et autres écrivains passifs, pour mot de l’ordre, Monarchie(68).

Du reste, Desmoulins n’avait pas besoin de refaire sa définition de la république suite à la fuite du roi. Plus d’une année plus tard, la république restait pour lui ce qu’elle avait été quand il publia son n° 25, c’est-à-dire la « souveraineté du peuple(69) ». Le seul changement dans son républicanisme depuis Varennes est dans son refus absolu de la royauté. Louis XVI, par sa fuite et la trahison qu’elle impliquait, avait révélé que souveraineté populaire et monarchie ne sauraient coexister et donc que si l’on voulait réellement la république, on ne pouvait conserver la royauté.

Les Révolutions de Paris ne disent pas autre chose. Ce journal définit la république comme « le gouvernement d’un peuple qui fait déclarer et exécuter sa volonté, par un sénat, sous la réserve du veto national(70). » La première et la dernière clause de cette phrase figurent la souveraineté populaire. La deuxième indique que la modalité de cette souveraineté populaire, appliquée à la France, est le gouvernement représentatif – mais surtout pas un gouvernement représentatif auquel le peuple accorde sa confiance ; plutôt celui dont il juge les actes afin de veiller à ce qu’ils soient conformes à sa volonté.

Cette conception de la représentation s’appliquait non seulement à la constitution à mettre en place, mais encore à la situation immédiate. Ainsi les Révolutions de Paris dénoncent l’Assemblée qui n’a pas attendu pour prendre une « décision sur la forme de gouvernement à donner à l’état, avant que les 83 départements eussent émis leur vœu » et pour avoir ainsi la « témérité » de prétendre ne pas « être sujette de l’opinion publique » et même de suspendre « les rassemblemens des membres du souverain, afin, dit-elle, qu’il ne soit pas porté atteinte aux bases de la représentation(71) ».

La république s’oppose dans les Révolutions de Paris et à la monarchie et à la démocratie, mais non pas pour les mêmes raisons que dans le Républicain ou le Patriote français. Le gouvernement représentatif est effectivement, comme pour Brissot ou Condorcet, ce qui sépare la république de la démocratie, mais les rédacteurs des Révolutions de Paris ne méprisent pas celle-ci. La démocratie n’est tout simplement pas praticable dans un grand État(72). La monarchie, pour sa part, n’est pas compatible avec la république parce qu’elle constitue un danger pour l’existence de celle-ci, principe dont se doutaient déjà les rédacteurs de ce journal depuis plusieurs mois lorsque la fuite du roi vint le leur confirmer.

Ainsi, la fuite du roi mit la discussion de la république et du républicanisme à l’ordre du jour dans la presse patriote. Elle impulsa la création de nouvelles publications comme le Républicain et encouragea celles qui existaient déjà — mais qui avaient montré quelque réticence envers le républicanisme, comme le Patriote français ou dans une moindre mesure les Révolutions de Paris — à préciser leurs positions. Aucun des journaux qu’on vient d’examiner ne définit la république comme l’absence d’un roi, mais toutes les définitions qu’ils en donnent post-Varennes marquent un refus (plus ou moins absolu) de la royauté en général, et de Louis XVI en particulier, comme incompatibles avec les principes soit du droit naturel, soit de la représentation élective, soit de la souveraineté populaire, et dangereux en pratique. Chez les auteurs qui s’étaient déjà définis comme républicains, comme Desmoulins, ou antimonarchistes comme les rédacteurs des Révolutions de Paris, la crise de Varennes ne fit que confirmer leurs vues – et pour les Révolutions de Paris leur caractère explicitement républicain.

Toutes les définitions comprennent de même un élément de représentation, mais celle-ci n’est la caractéristique centrale de la république que chez Condorcet et Brissot, Paine mettant l’emphase sur le droit naturel et Desmoulins et les rédacteurs des Révolutions de Paris sur la souveraineté populaire, qui n’est d’ailleurs aussi qu’une conséquence du droit naturel(73).

Soulignons également que le gouvernement représentatif ne signifie pas la même chose chez tous les auteurs. Si Paine n’a pas de place dans ses brèves lettres publiées dans le Républicain pour expliciter la nature de sa théorie de la représentation, pour ce qui est des autres auteurs, il est clair que celle de Desmoulins et des rédacteurs des Révolutions de Paris s’oppose une fois de plus à celle de Brissot et Condorcet. Pour ces derniers, dans une république bien constituée, le peuple élit ses représentants et ensuite leur accorde sa confiance, alors que les premiers considéraient que le droit et la nécessité pour le peuple de surveiller et approuver les actes de ses représentants ne disparaissent jamais, car ce sont ces actes qui constituent la souveraineté inaliénable du peuple et donc la république même.

La crise de Varennes permit de dégager ces lignes de démarcation en suscitant une discussion des principes. En ce faisant, elle a fait voir que, au-delà de l’usage explicite ou non du terme de « république », la question fondamentale à l'été 1791 demeurait ce qu’elle avait été en 1789 : Qu’est-ce qui caractérise l’État libre et est-il possible de l’établir en France ? La question de la royauté, devenue un moment centrale par son urgence lorsque le roi s’enfuit, n’en demeure pas moins une question secondaire, un élément parmi tant d’autres dans la question de la définition de l’État libre ou « république ». Dès avant Varennes, se dessinaient des approches élitaires et populaires du républicanisme. Les débats de l’été 1791 servirent surtout à les mettre en relief.

En guise de conclusion, un épilogue sur le devenir du républicanisme chez nos écrivains patriotes après la crise de Varennes.

Le Républicain cessa de paraître avec le décret du 15 juillet 1791, qui innocentait Louis XVI et lui offrait de nouveau le trône à condition d’accepter la constitution. Le journal de Camille Desmoulins tomba victime de la répression peu après – son dernier numéro sortit fin juillet.

En ce qui concerne les deux qui restaient, le Patriote français et les Révolutions de Paris, leur attitude après le décret du 15 juillet illustre mieux que toute la divergence dans leurs conceptions de la république. Pour Brissot, ce décret, et l’acceptation de la constitution par Louis XVI qui s’ensuit, changea tout : l’Assemblée avait parlé. On pouvait regretter sa décision, mais il fallait la respecter. Faire autrement ne pourrait que susciter l’anarchie. La prochaine assemblée, seulement législative et non pas constituante, n’avait pas non plus le droit d’y remédier. La république était donc reléguée à un avenir incertain et peut-être lointain, à moins qu’une nouvelle trahison du roi ne précipitât les choses.

Pour les auteurs des Révolutions de Paris, en revanche, le décret du 15 juillet ne changea rien. Il n’était pas plus légitime que tous les autres décrets contraires aux principes, issus de l’Assemblée constituante. Il fallait espérer en la prochaine assemblée, il fallait espérer qu’elle reforme la constitution, car la souveraineté étant inaliénable, le pouvoir constituant l’est aussi. D’ailleurs, le peuple n’avait pas ratifié la Constitution de 1791. Sans cette ratification, elle était nulle. Le combat pour une constitution qui respecte les principes de la souveraineté populaire et du droit naturel – autrement dit, pour la république – se poursuivait…

Notes

(1) Le second, par l’avocat Pascal Wilhelm, vient de sortir début janvier 2015 ; le premier, de Jacques Janssens et d’une ampleur autrement plus grande, date de 1973. Jacques JANSSENS, Camille Desmoulins. Le premier républicain de France, Paris, Perrin, 1973, 781-(16 p.) ; Pascal WILHELM, Camille Desmoulins. Le premier républicain de France, Paris, Grancher, 2015, 280 p.

(2) Séance des Amis de la Constitution du 13 juillet 1791, Maximilien ROBESPIERRE, Œuvres de Maximilien Robespierre, Paris, Phénix éditions, 2000, t. VII, p. 552.

(3) Œuvres de Maximilien Robespierre, op. cit., t. III, p. 68.

(4) Pour une discussion plus complète de ces différentes définitions de la république avant la Révolution, voir notre communication de mai 2014, Suzanne LEVIN, « L’Antiquité, modèle dans le « moment républicain » de 1791 ? », Révolution-Française.net, octobre 2014, <http://revolution-francaise.net/2014/10/06/585-l-antiquite-modele-dans-le-moment-republicain-de-1791>.

(5) J. G. A. POCOCK, The Machiavellian Moment, Princeton, Princeton University Press, 1975, 602 p. ; Quentin SKINNER, Liberty before Liberalism, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 1998, 142 p.



(6) Charles-Louis de Secondat, baron de MONTESQUIEU, De l’Esprit des lois, Victor GOLDSCHMIDT, éd., Paris, Flammarion, 2008, t. I, p. 131 et sq. ; « RÉPUBLIQUE » (Jaucourt) in Jean le Rond D’ALEMBERT et Denis DIDEROT, éd., Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, ATILF (CNRS) et le projet ARTFL (Université de Chicago).



(7) Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, BERNARDI Bruno, éd., Paris, GF Flammarion, 2001, p. 78 ; Gabriel Bonnot de MABLY, Des droits et des devoirs du citoyen, Kell, 1789, ; voir aussi Florence GAUTHIER, Triomphe et mort de la Révolution des droits de l’homme et du citoyen, Paris, Éditions Syllepse, 2014 (éd. originale 1992), p. 33-40.

(8) A partir de son n° 73, ce journal change de nom. Pendant notre période, il s’appelle plutôt Révolutions de France et des Royaumes, qui, demandant une Assemblée Nationale et arborant la cocarde, mériteront une place dans ces fastes de la liberté. Nous continuerons pourtant de l’appeler par son premier titre par commodité.

(9) « LETTRE de J. Pétion au rédacteur de l’Ami des Patriotes » in Patriote français (PF), n° 625, 25 avril 1791, p. 449.

(10) PF, n° 650, 20 mai 1791, p. 553.

(11) PF, n° 657, 27 mai 1791, p. 586.

(12) PF, n° 670, 9 juin 1791, p. 637.

(13) PF, n° 650, 20 mai 1791, p. 553.

(14) PF, n° 670, 9 juin 1791, p. 639.

(15) PF, n° 669, 8 juin 1791, p. 635.

(16) Ibid.

(17) PF, n° 670, 9 juin 1791, p. 639 ; voir aussi n° 650, 20 mai 1791, p. 553.

(18) PF, n° 670, 9 juin 1791, p. 639.

(19) Jacques GUILHAUMOU, L’avènement des porte-parole de la République (1789-1792), Villeneuve-d’Ascq (Nord), Presses universitaires du Septentrion, 1998, p. 162-63.

(20) Révolutions de France et de Brabant (RFB), n° 25, (15 mai 1790), Œuvres, t. III, p. 576-77.

(21) RFB, n° 75, (30 avril 1791), p. 472-73.

(22) RFB, n° 78, (21 mai 1791), p. 624-25.

(23) RFB, n° 78, (21 mai 1791), p. 638.

(24) Voir Révolutions de Paris (RP), n° 93, 23 avril 1791, p. 66.

(25) RP, n° 97, 21 mai 1791, p. 289.

(26) RP, n° 103, 2 juillet 1791, p. 580.

(27) RFB, n° 84, (9 juillet 1791), p. 280.

(28) PF, n° 686, 25 juin 1791, p. 712.

(29) Le Républicain, n° 1, p. 9 ; n° 3, p. 44, p. 52-53 ; n° 4, p. 76.

(30) Le Républicain, n° 1, p. 7-11. Voir aussi « LETTRE DE THOMAS PAINE, A M. L’ABBÉ SYEYES » in n° 3, p. 52-53 : « Je n’entends point par républicanisme ce qui porte ce nom en Hollande et dans quelques états de l’Italie. J’entends simplement un gouvernement par représentation, un gouvernement fondé sur les principes de la déclaration des droits ; principes avec lesquels plusieurs parties de la constitution françoise se trouvent en contradiction. Les déclarations des droits de France et d’Amérique ne sont qu’une seule et même chose en principes, et presque en expressions ; et c’est là le républicanisme que j’entreprends de défendre contre ce qu’on appelle monarchie et aristocratie. »

(31) « SUR L’INSTITUTION D’UN CONSEIL ÉLECTIF » in Le Républicain, n° 4, p. 57.

(32) Ibid., p. 58.

(33) « FORMATION d’un Conseil de Gouvernement. », article premier, Ibid., p. 61.

(34) « FORMATION d’un Conseil de Gouvernement. », art. II et IX, Ibid., p. 61.

(35) « FORMATION de la liste des éligibles », articles I et II, Ibid., p. 64.

(36) « FORMATION d’un Conseil de Gouvernement. », art. X, Ibid., p. 61.

(37) « FORMATION d’un Conseil de Gouvernement. », art. XIII, Ibid., p. 64.

(38) « FORME D’ÉLECTION », art. II, Ibid., p. 68 : « La loi peut donner aux membres de ce conseil toute l’activité nécessaire, sans craindre qu’ils en abusent contre la liberté, puisqu’ils sont destituables par la volonté du peuple ; car ses représentans, lorsque nouvellement élus par lui, ils n’ont pu encore ni se réunir en partis, ni céder à des influences particulières, peuvent être regardés comme ses véritables interprètes. »

(39) Ibid., p. 67-68.

(40) Ibid., p. 72.

(41) Ibid., p. 67-69. Voir aussi le discours que Condorcet prononce le 12 juillet 1791 au Cercle social, « De la République, ou Un roi est-il nécessaire à la conservation de la liberté ? » in Œuvres de Condorcet, Arthur CONDORCET-O’CONNOR et François ARAGO, éd., Paris, Firmin-Didot, 1847, t. XII, p. 233 : « C’est, au contraire, l’existence d’un chef héréditaire qui ôte au pouvoir exécutif toute sa force utile, en armant contre lui la défiance des amis de la liberté, en obligeant à lui donner des entraves qui embarrassent et retardent ses mouvements. » Nous remercions Jean-Claude Gaudebout pour nous avoir communiqué cette référence.

(42) Ibid., n° 4, p. 72.

(43) PF, n° 687, 26 juin 1791, p. 714 ; voir aussi n° 689, 28 juin 1791, p. 724 ; n° 691, 30 juin 1791, p. 730 et 732, où Brissot conseille « aux calomniateurs du républicanisme » de lire une adaptation de Milton par Mirabeau : « Théorie de la Royauté, d’après la doctrine de Milton ; traduit de l’anglois par Mirabeau » ; n° 693, 2 juillet 1791, p. 7.

(44) PF, n° 693, 2 juillet 1791, p. 6.

(45) Ibid.

(46) PF, n° 696, 5 juillet 1791, p. 19.

(47) PF, n° 690, 29 juin 1791, p. 727.

(48) PF, n° 694, 3 juillet 1791, p. 12.

(49) PF, n° 696, 5 juillet 1791, p. 18.

(50) Voir notamment le Dictionnaire des législateurs, qui affirme que Brissot « s’engage résolument en faveur de la République en publiant sa Profession de foi sur la monarchie et le républicanisme », formulation qui ne prend pas en compte, à notre sens, l’ambiguïté de sa démarche, Edna Hindie LEMAY, dir., Dictionnaire des législateurs. 1791-1792, Ferney-Voltaire, Centre international du XVIIIe siècle, 2007, t. I, p. 96.

(51) PF, n° 696, 5 juillet 1791, p. 18.

(52) Ibid., p. 19.

(53) Ces droits sont-ils des droits naturels ou des droits de l’homme « en société » ? Brissot ne le précise pas, mais d’autres passages de son journal laisse penser qu’il n’était pas de ceux qui pensaient que les droits naturels se perdent à l’entrée en société. Voir PF, n° 688, 27 juin 1791, p. 717 : « Eh ! que dire de cette ridicule citation, faite par M. Thouret, de l’histoire de France ? Si l’on ne peut faire que ce qu’ont fait nos pères, M. Thouret doit craindre l’échafaud, avec tous les patriotes, mais nous avons le droit naturel et le bon sens ».

(54) PF, n° 696, 5 juillet 1791, p. 19.

(55) PF, n° 694, 3 juillet 1791, p. 10.

(56) PF, n° 696, 5 juillet 1791, p. 19.

(57) Ibid., p. 20.

(58) Ibid.

(59) PF, n° 697, 6 juillet 1791, p. 23.

(60) Ibid.

(61) Ibid.

(62) Ibid., p. 24.

(63) Ibid.

(64) PF, n° 698, 7 juillet 1791, p. 26 bis.

(65) PF, n° 670, 9 juin 1791, p. 639.

(66) PF, n° 706, 16 juillet 1791, p. 67.

(67) RFB, n° 84, (9 juillet 1791), p. 281.

(68) Ibid.

(69) RFB, n° 25, (15 mai 1790), t. III, p. 577. Voir aussi notre mémoire de Master 1, op. cit., p. 73-74.

(70) RP, n° 102, 25 juin 1791, p. 558.

(71) RP, n° 104, 9 juillet 1791, p. 656.

(72) Voir RP, n° 102, 25 juin 1791, p. 558.

(73) Voir Florence GAUTHIER, Triomphe et mort, op. cit., p. 38-40.