Le 28 juillet 1793, l’armée autrichienne occupait le nord de la France et y rétablit l’Ancien Régime. La guerre contre les monarchies européennes avait été entreprise par l’Assemblée législative, sous l’impulsion des Brissotins contre lesquels s’étaient opposés une partie des membres de la Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité (Robespierre, Billaud-Varenne, Marat). Elle avait ensuite été poursuivie par la Convention girondine contre l’avis de certains Montagnards. Par ailleurs, la multiplication des recrutements d’hommes pour les armées avait entraîné la Vendée dans la guerre civile. À la fin du mois de mars 1793, la guerre de conquête avait tourné à la débâcle et le décret du 13 avril matérialisa la transformation de cette guerre de conquête en guerre défensive. À partir du mois de juin, pour la Convention montagnarde, la victoire de la guerre défensive devint l’objectif unique (1).

Pour libérer le territoire, écarter tout danger de conquête et voir triompher la Révolution, un important mouvement avait alors demandé à la Convention nationale à ce que tous les citoyens participent, selon leurs facultés, à l’effort de guerre. Le 10 août 1793, la « levée du peuple en masse » fut ainsi requise par les délégués des assemblées primaires de tout le pays et par les sections parisiennes, puis, le 23 août, décrétée, sur la proposition de Barère, au nom du Comité de salut public (2).

La Convention montagnarde inaugurait ainsi une nouvelle politique d’effort de guerre, déjà entamée dès le mois de juin, à laquelle allaient participer tous les citoyens. Dès les débuts de la Convention montagnarde, les communes jouaient un rôle central dans l’exécution des lois (3). Cette décentralisation administrative s’est institutionnalisée avec la mise en place du « Gouvernement révolutionnaire » dont le décret d’application avait confié l’exécution des lois aux communes (4) .

Comment le décret du 23 août 1793 fut-il appliqué par la Commune de Paris ?

Cette étude ne pouvant aborder tous les aspects de l’effort de guerre, elle se limite donc à la question de la production de guerre qui concernait l’habillement et l’équipement des troupes, ainsi que les armes et munitions. Elle se propose d’étudier à qui la Convention montagnarde et la Commune ont confié cette production de guerre et qui l’a dirigée.

Une production de guerre dirigée, mais par qui ?

Si l’histoire de la Commune de Paris en 1793 et 1794 n’a pas encore été faite (5), plusieurs historiens ont successivement abordé la question de l’organisation de la production de guerre de cette période (6). Pour Albert Mathiez, en mettant en place des « ateliers publics », la Convention montagnarde retirait les ouvriers de la dépendance économique des artisans qui possédaient un atelier : « L’établissement des ateliers est favorable à l’égalité, en retirant les ouvriers qui n’avaient pas d’ateliers ou qui étaient peu fortunés de la dépendance de ceux que ci-devant ils appelaient maîtres, là ils peuvent entreprendre à leur compte ; ils sont aussi chez eux, ils sont maîtres à leur tour (7)» . Par ailleurs, Albert Mathiez défendait l’idée de la nature démocratique du Gouvernement révolutionnaire. Il insistait sur le fait que les lois n’étaient pas appliquées par un gouvernement séparé de la société civile mais que tous les citoyens y participaient : « Le Comité de salut public eut le souci constant d’associer à son œuvre le peuple des sans-culottes. Il n’appelait pas seulement et à tout instant le contrôle de la Convention sur ces actes, il sollicitait la collaboration de tous les bons citoyens. Il avait dans le bon sens populaire une confiance entière et c’était dans la collaboration de tous, collaboration ouverte et franche, qu’il cherchait le succès de ses mesures »(8).

Albert Soboul a été l’un des premiers historiens à mettre en lumière l’existence d’une « révolution populaire parisienne » autonome dans ses expressions et ses modes d’action (9). Le « mouvement populaire » a ainsi critiqué la politique de la Convention girondine qui avait confié la production de guerre aux entrepreneurs qui possédaient un capital suffisant pour la mettre en œuvre. Ces derniers fixaient ainsi les conditions de travail de ceux qu’ils employaient. Considérant le travail comme un droit, le « mouvement populaire » pensait que c’était à la société d’en pourvoir ceux de ses membres qui n’en avaient pas (10). Ainsi, il souhaitait que l’ouvrage soit réparti entre toutes les sections qui le répartiraient entre tous les citoyens (11). Il demandait également à ce que les matières premières soient équitablement réparties entre tous les artisans par la République (12). Enfin, pour éviter que les artisans qui ne possédaient pas d’atelier retombent sous la dépendance de ceux qui en possédaient un, certaines assemblées générales de sections avaient mis en place des ateliers publics dès le début de l’année 1793 (13).

Se plaçant dans le schéma interprétatif qui fait de la Révolution française une « révolution bourgeoise », Albert Soboul a pourtant présenté cette période comme celle d’une lutte entre le Gouvernement révolutionnaire, qui aurait défendu les intérêts de la « bourgeoisie », et le « mouvement populaire », qui aurait représenté une classe régrotrade du sens de l’histoire (14). Pour s’assurer la victoire politique, le Gouvernement révolutionnaire aurait mis en place une « dictature centralisatrice ». Par ailleurs, Albert Soboul pensait que le Gouvernement révolutionnaire confia directement la production de guerre à la « bourgeoisie » : « La nationalisation n’ayant été adoptée que pour la fabrication des armes. Soucieux d’efficacité, le Comité de salut public était porté à concentrer les commandes aux mains de quelques grands entrepreneurs ou d’hommes d’affaire, au lieu de les disperser en de multiples petits ateliers. Ainsi s’opposèrent deux conceptions de l’organisation de l’économie, mais aussi politiques, gouvernementale et revendications populaires »(15).

Au contraire, Jean-Pierre Gross, qui a étudié la politique des députés en mission dans le sud-ouest de la France en l’an II, a montré l’existence d’une « économie mixte » et d’une « production démocratique » (16). Ainsi, les manufactures privées ont été placées sous le contrôle d’ingénieurs civils ou détachés de l’armée, d’autorités constituées décentralisées (districts ou communes), de députés en mission ou de représentations ouvrières. Par exemple, la manufacture d’armes de Tulle est mise sous la surveillance de la Commune de cette ville.

D’autres historiens, qui ne se placent plus explicitement dans le schéma interprétatif de la Révolution française comme « révolution bourgeoise », ont repris la thèse de la « centralisation administrative » du Gouvernement révolutionnaire. Ainsi, ils pensent que la production de guerre aurait été dirigée par une administration centralisée. Haim Burstin décrit ainsi la fourniture des armes comme « un effort d’organisation centralisé, exemple particulier de dirigisme appliqué à l’économie de guerre » (17) . Si elle décrit « la mobilisation des administrations locales en l’an II » et « l’importance des sociétés populaires » (18), Nathalie Alzas, qui a étudié l’effort de guerre dans le Département de l’Hérault, parle pourtant également « d’une activité typique d’une économie de guerre menée par l’Etat » (19) .

Citons enfin la thèse de Jeff Horn qui a donné lieu à un article dans l’ouvrage Les politiques de la Terreur. S’il admet qu’il n’y a pas eu de centralisation administrative, il reprend en partie la thèse d’Albert Soboul, puisqu’il pense que la politique montagnarde relative à la production de guerre aurait été une suite de manœuvres politiques visant à « désarmer toute opposition émanant du mouvement populaire » (20).

Ainsi les historiens qui ont étudié la production de guerre mise en place par la Convention montagnarde ont pensé que cette dernière a favorisé la « bourgeoisie » aux dépens du « mouvement populaire ». D’autres, ont repris l’idée de la prétendue « centralisation administrative » du Gouvernement révolutionnaire pour défendre l’idée que la production de guerre aurait été dirigée par une administration centralisée. Seuls Albert Mathiez et Jean-Pierre Gross ont insisté sur le caractère démocratique et favorable aux ouvriers de la politique de la Convention montagnarde.

La distribution du travail

Que disent les sources de l’histoire de la Commune de Paris ? Montrent-elles une forme de mise sous contrôle de la distribution du travail par la "bourgeoisie" ? Les ouvriers des ateliers sont-ils placés sous le contrôle de "l’État" ? Peut-on parler d’une "centralisation administrative" de la production de guerre ?

Les deux thèmes principaux des sources que nous avons dépouillées sont, d’une part, la question de la distribution du travail et, d’autre part, celle de l’accès aux matières premières et aux outils de travail.

Avant même le vote du décret du 23 août 1793, la Convention montagnarde avait souhaité réorganiser la production de l’habillement des troupes. Le 25 juillet, le ministre de la Guerre, Jean-Baptiste-Noël Bouchotte, propose au maire de la Commune de Paris, Jean-Nicolas Pache (21), de réunir les assemblées générales des quarante-huit sections parisiennes pour leur demander de délibérer sur le mode d’organisation de la confection de l’habillement des troupes :

« Je sais, citoyen maire qu’il existe des difficultés entre les sections et les atteliers de l’administration d’habillement (22) que je désirois bien voir cesser pour le bien du service. Plusieurs fois les ouvriers sont venus me porter des plaintes et chaque fois j’ai écrit à l’administration de régler la distribution du travail de manière que les ouvriers soient contentés et de prendre pour cela le mode qu’agreeront le plus grand nombre pour ramener le calme dans les atteliers il me semble que le meilleur moyen seroit de consulter les sections sur ce qui conviendroit le mieux pour contenter le plus grand nombre, de prendre cela pour règle de conduite dans les atteliers. Je vous prie de vouloir bien vous occupez de ces propositions  »(23) .

Le lendemaine, Pache propose alors aux sections de délibérer sur cet objet :

« Je vous prie de prendre en considération l’objet de la lettre du ministre de la Guerre dont je vous fais passer copie et d’aviser au moyen de faire cesser les réclamations des ouvriers qui travaillent pour l’administration de l’habillement. Je pense que le plus efficace seroit d’adopter l’ordre de distribution du travail qui conviendroit au plus grand nombre »(24) .

À la suite de cette lettre, les sections décident d’élire des commissaires pour rédiger une pétition collective portée au Conseil général de la Commune de Paris (25) . Cette pétition, lue le 30 juillet, demande « la répartition du travail entre les sections » (26). Le Conseil général nomme alors dans son sein trois commissaires pour la soutenir auprès du Conseil exécutif. Il est très probable que Bouchotte en ait fait part à la Convention nationale, puisque, quelques jours plus tard, elle prend un décret conforme aux demandes des assemblées générales des sections. Le 9 août, elle décrète l’organisation de six grands ateliers de coupe dans Paris afin de répartir les ouvrages à confectionner en proportion des besoins de chaque section. Le 30, elle porte le nombre des bureaux de distribution des ouvrages à trente-six et décrète que les assemblées générales des sections nommeront chacune un commissaire pour surveiller la distribution et la livraison des effets à confectionner (27). Les assemblées générales des sections ont nommé leurs commissaires et qu’elles ont effectivement pris en charge la direction de la production de l’habillement des troupes (28). Dans le reste du pays, le Comité de salut public confie cette production aux districts, administration locale élue (29).

De même, avant le vote du décret du 23 août 1793, Bouchotte et la Commune de Paris avaient également commencé à confier la fabrication des armes aux sections. Par exemple, le 24 juin, Pache écrit aux assemblées générales des quarante-huit sections pour qu’elles distribuent la réparation des armes de l’Arsenal entre les artisans de leur arrondissement :

« Citoyens, Jamais le besoin d’armes n’a été aussi pressent ; tous les jours il en arrive pour être réparées ; et les salles de l’Arsenal en sont pleines. Je vous en conjure donc, citoyens, d’invoquer le patriotisme de tous les armuriers, fournisseurs, serruriers établis sur votre Section, et de les engager au nom du salut de la Patrie ; à suspendre tout autre travail, pour ne s’occuper qu’à remettre en état de service les fusils déposés à l’Arsenal. Ils leur seront délivrés sur le certificat de la Section » (30) .

Le 14 août, il demande aux assemblées générales des sections de requérir les artificiers de Paris :

« Citoyens, Le citoyen Dupin, adjoint au ministre de la Guerre, vient de me prévenir, que le ministre a mis en réquisition tous les artificiers de Paris, pour s’occuper uniquement, à préparer les matières combustibles destinées à détruire les repaires des brigands de la Vendée. Je vous prie, citoyens, de seconder de tout votre pouvoir, et sans perdre un moment, le succès de cette mesure essentielle, et d’employer tous les moyens que vous croirez les plus propres à exciter le zèle et l’activité des artificiers de votre arrondissement » (31).

Cette pratique est ensuite confirmée par le Comité de salut public. Le 1er octobre 1793, il requiert « tous les ouvriers de Paris en état de travailler à la fabrication des fusils ». Ces derniers devaient passer un marché avec l’administration générale et le ministre de la Guerre (32). Et, le 11 octobre, il charge les sections de requérir les ouvriers de leur arrondissement (33). Le 22 frimaire an II – 12 décembre 1793, il demande aux comités révolutionnaires des quarante-huit sections de recenser ces derniers pour répartir équitablement le travail : « Un moyen prompt pour en obtenir (des fusils) estoit d’avoir le recensement des ouvriers de chaque section pour répartir l’ouvrage entre tous » (34).

Par la suite, les artisans qui souhaitaient passer un marché avec l’administration, pour fabriquer des armes, devaient s’adresser au Département de Paris. Les assemblées générales des sections devaient nommer des commissaires pour vérifier si ces artisans étaient vraiment « actuellement sans travail » (35). Le Comité de salut public a également confié aux assemblées générales des quarante-huit sections, de concert avec les autorités constituées de la République, le soin de fixer le prix des différentes pièces fabriquées (36).

Le ministère de la Guerre faisait également appel aux sections pour recruter des employés. Par exemple, le 21 septembre 1793, Pache écrit aux quarante-huit comités révolutionnaires des sections dans ce but : « Citoyens je vous prie de vouloir bien former ou faire former une liste de patriotes de votre Section connaisseurs en chevaux et en voitures parmi lesquels puisse être choisi un inspecteur des charrois pour les armées » (37). D’autres ministères que celui de la Guerre ont également fait appel aux sections pour recruter des artisans. Par exemple, le 3 pluviôse an II – 22 janvier 1794, Pache et les officiers municipaux de la Commune de Paris arrêtent « que les sections sont invitées à prendre les noms et demeures des charpentiers, voiliers et ouvriers de professions et arts maritimes et à faire passer les listes de ces ouvriers à la commune qui les enverra au ministre de la marine » (38).

Ce mode de distribution du travail par la Commune et les assemblées générales des sections a également été adopté pour la fabrication des souliers. Les cordonniers souhaitaient en effet être les seuls fournisseurs pour la troupe. Le 1er octobre 1793, une députation des cordonniers demanda à la Convention nationale à ce qu’elle n’engage pas de soumissionnaires privés pour cet objet (39). Le 4 brumaire an II – 25 octobre 1793, la Convention nationale reprit cette proposition en décrétant que : « Pendant trois mois consécutifs, à compter du 15 du courant, tous les cordonniers de la république seront tenus de remettre à la municipalité ou section de leur résidence cinq paires de souliers par décade, et pareille quantité par chaque garçon qu’ils occupent. Les souliers devront être de bonne qualité et conformes à l’instruction annexée à la présente loi » (40).

Le 29 brumaire – 19 novembre, Pache et les officiers municipaux de la Commune de Paris prennent un arrêté pour mettre ce décret à exécution. Les comités révolutionnaires des sections sont chargés de recenser les cordonniers et les ouvriers employés et d’envoyer cet état au secrétariat de la Commune, qui le ferait passer à l’administration de l’habillement, « pour le mettre à même de vérifier la quantité de souliers » (41). Comme le prévoyait la loi, les souliers seraient payés aux cordonniers par l’administration.

Enfin, l’extraction du salpêtre a été confiée par la Convention montagnarde et la Commune de Paris à tous les citoyens (42). Le 14 frimaire an II – 4 décembre 1793, la Convention nationale requiert tous les citoyens de lessiver eux-mêmes leurs bâtiments : « Tous les citoyens, soit propriétaires, soit locataires, exceptés ceux dont les habitations sont comprises dans l’arrondissement d’un salpêtrier, et dont il sera parlé ci-après, sont invités à lessiver eux-mêmes le terrain qui forme la surface de leurs caves, de leurs écuries, bergeries, pressoirs, celliers, remises, étables, ainsi que les décombres de leurs bâtimens » (43).

Le salpêtre recueilli par les citoyens était payé par la régie des poudres (44). Le 13 nivôse an II – 2 janvier 1794, le Conseil général de la Commune s’occupe de mettre ce décret en exécution. Une partie des membres propose d’abord de charger les comités révolutionnaires des sections de cette tâche mais, comme le portait la loi, Pache conseille de laisser l’initiative de l’extraction du salpêtre aux citoyens eux-mêmes : « Il n’est pas ici question de salpêtre raffiné, c’est de salpêtre brut qu’il s’agit de trouver, toutes les caves de Paris en sont pleines, il faut que tout se fasse de bon accord : inviter les citoyens à descendre eux-mêmes dans leurs caves, et à y dégager la superficie de la terre » (45).

Sur la proposition du maire, le Conseil général arrête que chacun de ses membres sera invité dans sa section à engager tous ses concitoyens à extraire le salpêtre de leurs caves et autres lieux et à leur donner à cet effet lecture d’une instruction rédigée par le Comité de salut public.

Ainsi, la Convention montagnarde et le Comité de salut public ont chargé la Commune de Paris et les assemblées générales des quarante-huit sections parisiennes de répartir équitablement entre tous les artisans les fournitures dont l’administration avait besoin pour équiper les armées. Néanmoins, pour être économiquement indépendants, tous les artisans devaient avoir accès directement aux matières premières et aux outils de travail.

L’accès aux moyens de production

Pour la fabrication de l’habillement, c’était l’administration qui distribuait équitablement les matières premières entre les sections qui les répartissaient ensuite entre les ouvriers de leur arrondissement. Les matières premières pour la fabrication des armes et des souliers ont également été réparties entre les artisans par la Commune et les sections.

Pour fournir à l’administration générale les matières premières nécessaires à la fabrication des armes, le 13 septembre 1793, le Comité de salut public ordonne que le plomb, le cuivre, l’étain, le fer, l’acier, la fonte et le métal des cloches des maisons nationales seront recueillis (46). Cet arrêté est appliqué par la Commune et les sections. Ainsi, le 17 brumaire an II – 7 novembre 1793, Pache demande aux comités révolutionnaires et aux commissaires aux accaparements des sections de le mettre à exécution (47). Par la suite, le Comité de salut public mit plusieurs matières premières en réquisition et chargea de nouveau la Commune et les sections de les obtenir. Par exemple, le 4 pluviôse an II – 23 janvier 1794, Pache requiert le cuivre des comités révolutionnaires : « La Commission des armes vient de me prévenir que d’après l’ordre du Comité de salut public et l’urgence des besoins que nous avons de cuivre jaune en feuille ou en planche elle vous a écrit pour vous inviter à mettre toutes les matières de ce genre en réquisition elle vous a fait sentir combien une mesure semblable étoit nécessaire . Je ne puis que vous engager à secourir de tous vos efforts les mesures du Comité de salut public » (48).

Ces cuivres devaient ensuite être transférés à l’hôtel Maupeou. L’hôtel Maupeou était un des trois magasins nationaux établis par la Convention nationale. Il renfermait les matières premières distribuées aux artisans qui passaient des marchés avec l’administration sous le contrôle des sections. Un autre magasin contenait des outils et un autre du charbon de terre (49).

De même, la loi du 4 brumaire an II – 25 octobre 1793, sur la fabrication des souliers, chargeait les communes de fournir les cuirs aux cordonniers qui n’en auraient pas. Les districts fourniraient les communes en requérant les tanneurs, les marchands et tous les autres détenteurs de cuirs en les leur payant au prix fixé par la loi (50).

Le 19 frimaire – 9 décembre, Pache et les officiers municipaux mettent cette partie de la loi à exécution. Ils arrêtent, d’une part, le recensement de tous les cuirs de la capitale par les comités révolutionnaires des sections : « Tous marchands, Tanneurs, Corroyeurs, Cordonniers, ou autres citoyens Détenteurs de cuirs sont tenus de faire sous cinq jours, et par écrit revêtu de leurs signatures au Comité Révolutionnaire de leur Section respective, la déclaration de la quantité et de qualité de cuirs qu’ils ont chez eux, ou en fossés à Paris » (51).

Ces états devaient ensuite être envoyés à la Commune. La Commune et les sections pouvaient ainsi répartir les cuirs entre les cordonniers qui en manquaient. Dans ce but, le Corps municipal mit en place un système de bons : « Nul Détenteur de cuirs ne pourra en vendre n’y en céder à qui que ce soit, autrement que sur un bon du Comité Révolutionnaire de sa Section, lequel bon spécifiera la quantité et la qualité de cuirs, et le nom du porteur du bon  » (52).

L’accès aux ateliers

Si les matières premières et les outils étaient fournis par la République aux artisans, certains d’entre eux ne possédaient même pas d’atelier et risquaient par conséquent de se retrouver également en situation de dépendance économique. C’est dans le but d’y remédier que, dès le début de l’année 1793, certaines assemblées générales de sections avaient mis en place des ateliers pour la confection de l’habillement et de l’équipement des armées. C’est le le cas dans la Section des Tuileries le 4 février 1793 (53). Des « ateliers publics » ont également été mis en place pour la fabrication des armes et pour l’extraction et le lessivage du salpêtre. Pour les artisans qui avaient passé un marché de fabrication des armes avec l’administration générale et qui ne possédaient pas d’atelier, le Comité de salut public et la Commune de Paris mirent en placent des ateliers nationaux à Paris. Ainsi, le 19ème jour du 1er mois de l’an II – 10 octobre 1793, le Comité de salut public écrivit aux assemblées générales des quarante-huit sections : « Tous les ouvriers qui ont des atteliers à eux pourront y entreprendre et y travailler des pièces séparées du fusil et y rassembler le plus grand nombre d’artistes qu’il leur sera possible d’avoir. Et pour faire participer au bénéfice et à l’utilitée de l’entreprise ceux qui n’ont point d’établie, forges, enclumes, étaux on construit des atteliers publics où ils trouveront tou (tes) les commodités convenables » (54).

D’après l’arrêté du Comité de salut public du 22 frimaire — 12 décembre, les ouvriers recevaient du ministère de la Guerre « les matières et les outils qui leur seront nécessaires » (55). Pour la construction de ces édifices, le Comité de salut public agit de nouveau de concert avec la Commune de Paris. Le 3 septembre 1793, il écrivit ainsi à Pache : « Les citoyens chargés de la construction des forges et atteliers nécessaires à la fabrication des armes de Paris, pourront employer à ces édifices, tous les citoyens maçons, charpentiers, menuisiers, platriers, etc. dont ces travaux exigeront l’industrie et les fournitures. Nous invitons tous les ouvriers, amis du bien public ; et qui veulent sincèrement le salut de leur patrie, de se réunir pour contribuer à faire accélérer ces travaux importants » (56).

Le Comité de salut public confia l’administration de ces ateliers aux ouvriers eux-mêmes sous le contrôle du ministre de la Guerre ; « Et attendu la nécessité de faire inspecter ces mêmes travaux d’une manière directe, le Comité invite le ministre à vouloir bien se faire indiquer par les artistes de chaque atelier trois sujets propres à être directeurs, et parmi lesquels il est autorisé à en choisir un » (57).

Pour l’extraction et le lessivage du salpêtre, la Convention montagnarde et la Commune de Paris mirent encore en place des ateliers publics dirigés par les assemblées générales des sections. Le 3 pluviôse an II – 22 janvier 1794, le secrétaire-greffier de la Commune, Coulombeau, donna lecture au Conseil général d’une lettre circulaire du Comité de salut public pour accélérer l’extraction du salpêtre. Une discussion s’ouvrit sur cet objet. Un membre observa que cette mesure était « entièrement de la compétence des maçons » (58) et il proposa qu’il soit nommé une commission dans chaque section pour la recherche et l’extraction du salpêtre. Un autre suggéra de nouveau que les comités révolutionnaires soient chargés de l’application de cette mesure et que dans ce but « ils mettent en réquisition toutes les caves » (59). Mais Pache, qui clôt la discussion, souhaite de nouveau laisser l’initiative de la production de guerre aux citoyens eux-mêmes, comme le portait la loi : « Il est infiniment important que les citoyens s’occupent incessamment et sans relâche de la recherche des terres salpêtrées et de l’extraction du salpêtre » (60).

Au cours de la discussion, Rémy, Heusse et Gadeau, membres de la Commune, avaient indiqué que certaines sections, respectivement celles de la Montagne, des Droits de l’Homme et de Montmartre, avaient mis en place, chacune dans leur arrondissement respectif, un « atelier commun » pour extraire le salpêtre. C’était mettre en application l’article 3 du décret du 14 frimaire an II – 4 décembre 1793 qui portait « (qu') afin de suppléer au travail de ceux qui ne pourraient pas s’y livrer par eux-mêmes, les municipalités sont invitées à former un atelier commun destiné à lessiver les terres, ou à faire évaporer les lessives que les citoyens y feraient transporter » (61). Lors de la séance du Conseil général du 3 pluviôse an II – 22 janvier 1794, Remy et Lubin avaient suggéré d’établir un atelier commun à la Commune de Paris. Mais Pache propose, au contraire, de généraliser le principe des ateliers sectionnaires à toute la capitale. Les assemblées générales éliraient une commission pour les administrer : « Que les sections seront invitées à nommer dans la séance du quintidi, si elles ne l’ont déjà fait, une commission pour vérifier les terres salpêtrées qui se trouveront dans l’étendue de la section, et présider à l’extraction des salpêtres » (62).

Cette proposition fut votée par le Conseil général. Ces commissions ont effectivement été élues par les assemblées générales des sections devant lesquelles elles devaient rendre des comptes et elles employèrent des ouvriers pour réaliser le travail dont elles étaient chargées . Le Conseil général allait également nommer dans son sein six commissaires qui seraient chargés de surveiller la fabrication du salpêtre. Cette commission rendrait des comptes à la Commune, elle-même étant tenue de rendre compte au Comité de salut public. Le 9 pluviôse – 28 janvier, elle fut confirmée par le Comité de salut public (64).

Conclusion

Dans le but d’assurer une indépendance économique à chaque artisan qui passait un marché avec l’administration, la Commune et les sections de Paris ont été chargées par la Convention et le Comité de salut public d’établir une juste répartition des matières premières, d’en fournir ceux qui n’en avaient pas et de créer des ateliers communs, administrés par les sections ou les ouvriers eux-mêmes de concert avec le ministre de l’Intérieur. Le travail a ainsi été réparti entre tous les artisans.

Depuis le mois de juin 1793, et surtout depuis le décret du 23 août sur la « levée du peuple en masse », la production de guerre semble donc avoir été dirigée, à Paris, par les assemblées générales des quarante-huit sections, composées des citoyens qui débattaient et décidaient entre eux. Pache et la Commune, composée des commissaires des quarante-huit sections, ont joué un rôle médiateur entre ces assemblées générales, d’une part, et la Convention, le Comité de salut public et l’administration, d’autre part. Cette production de guerre n’a donc pas été placée entre les mains ni de la « bourgeoisie », ni d’une « administration centralisée » comme on l’a souvent écrit. Cette étude rejoint les intuitions d’Albert Mathiez et prolonge le travail de Jean-Pierre Gross sur la mise en place d’une « production démocratique » de guerre par les députés en mission dans le sud-ouest de la France en l’an II.

On a ici un exemple de la manière dont l’action des Montagnards (ou du moins d’une partie d’entre eux) rejoint le programme politique et sociale du mouvement populaire et de la sans-culotterie. Les uns comme les autres considéraient que le but de la société était de maintenir les droits naturels de l’homme et que le premier d’entre eux était le droit à l’existence. Ils pensaient eux aussi que le droit au travail était un droit naturel que la société devait garantir . Pour que la société puisse garantir le droit naturel à l’existence, certains Montagnards posent ainsi le principe selon lequel tout ce qui assure l’existence est une « propriété commune à la société entière » et chaque homme a droit à sa part (66).

La liste des « objets de première nécessité » — dont l’accaparement est puni de mort et qui sont soumis au maximum (67) — établie par la Convention les 26 et 27 juillet 1793 ne se limite pas aux subsistances, elle contient également les matières premières nécessaires aux artisans (68). Les outils de travail, comme les ateliers, faisaient également partie des « propriétés communes » que la société devait garantir aux artisans pour leur assurer les moyens d’exister.

Cette conception de l’économie, défendue par une partie de la Montagne, la Commune et les sections de Paris n’est pas inédite. Elle se retrouve dans les pratiques et dans la conception du droit développée par les corps des arts et métiers depuis longtemps (69). Les artisans se réunissaient en assemblées pour rédiger les statuts de leur métier et élire des jurés chargés de les faire respecter (70). Toute une réglementation avait pour but d’empêcher la concentration des moyens de production. On retrouve certaines de ces prescriptions en l’an II. Par exemple, des corps de métiers choisissent de répartir équitablement les matières premières (71). Les produits les plus chers pouvaient être achetés collectivement dans le but de les redistribuer ensuite entre tous les membres de la communauté. Enfin, certains corps de métiers pouvaient posséder un outillage collectif.

La politique menée par la Commune de Paris à propos de la production de guerre rejoint tant le programme économique populaire que celui de Montagnards. L’absence d’études sur la Commune de Paris à cette période, joue probablement un rôle dans l’ignorance de ce lien puisqu’elle avait pour principale fonction de faire la médiation entre la Convention nationale et les assemblées générales des sections.

Notes

(1) Sur toutes ces questions, voir Marc BELISSA, Fraternité universelle et intérêt national (1713- 1795). Les cosmopolitiques du droit des gens, Paris, Kimé, 1998.

(2) Albert SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l'an II. Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire. 2 juin 1793 - 9 thermidor an II, 1958 rééd. Paris, Librairie Clavreuil, 1981, p. 238. Gazette nationale ou Le Moniteur Universel, n°237, du 25 août 1793, décret du 23 août 1793, article 1. Tous les hommes de dix-huit à vingt-cinq ans non mariés ou veufs sans enfants étaient réquisitionnés pour l'armée.

(3) Isabelle FOURNERON, « La décentralisation de l'administration des subsistances. Pache et la Commune de Paris, février-septembre 1793 », Annales Historiques de la Révolution Française, Paris, 1996, n°306, p. 649-673.

(4) « L’application des lois révolutionnaires et des mesures de sûreté générale et de salut public est confiée aux municipalités et aux comités de surveillance ou révolutionnaires (…) », Jean-Baptiste DUVERGIER, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglements, et avis du Conseil d'Etat..., Paris, A. Guyot, 1934, t. 6, p. 347, décret du 14 frimaire an II – 4 décembre 1793, section II, article 8.

(5) Il n’existe que deux ouvrages abordant l’histoire de la Commune de Paris de l’an II. Un court ouvrage de Paul Sainte-Claire Deville, fondé sur peu de sources et une biographie de Pierre-Gaspard Chaumette, procureur général syndic de la Commune de Paris, par Nicole Bossut. Aucun de ces ouvrages n’aborde la question de l’effort de guerre. Voir Paul SAINTE-CLAIRE DEVILLE, La Commune de l'an II. Vie et mort d’une assemblée révolutionnaire d'après de nombreux documents inédits, Paris, Plon, 1946 et Nicole BOSSUT, Chaumette, porte-parole des sans-culottes, Paris, Ed. du CTHS, 1998.

(6) L'ouvrage de Camille Richard, Le Comité de Salut public et les fabrications de guerre sous la Terreur, Paris, Reider, 1921 est avant tout une compilation de lois et d'arrêtés. Il ne comporte pas vraiment d'interprétation de ce phénomène si ce n'est qu'il parle de "dictature".

(7) Albert MATHIEZ, La victoire en l'an II, esquisses historiques sur la défense nationale, Paris, Librairie Félix Alcan, 1916, p. 163.

(8) Ibid., p. 169.

(9) Albert SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l'an II, op. cit.

(10) Sur le droit au travail, Ibid., p. 491-493.

(11) Ibid., p. 477 et 480.

(12) Ibid., p. 480.

(13) Albert SOBOUL, Les soldats de l'an II, Paris, le club français du livre, 1959, pp. 154 et 156.

(14) Voir à ce sujet : Florence GAUTHIER, « Critique du concept de " révolution bourgeoise " appliqué aux Révolutions des droits de l'homme et du citoyen du XVIIIè siècle », Révolution Française.net, mis en ligne le 13 mai 2006, http://revolution-francaise.net/2006/05/13/38-critique-revolution-bourgeoise-droits-homme-citoyen.

(15) Albert SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l'an II, op. cit., p. 477 et 478.

(16) Jean-Pierre GROSS, Egalitarisme jacobin et Droits de l’homme, 1793-1794. La Grande famille et la Terreur, Paris, Arcantères, 2000, p. 331.

(17) Haim BURSTIN, Une révolution à l'oeuvre : le faubourg Saint-Marcel : 1789-1794, Seyssel, Champ Vallon, 2005, p. 705.

(18) Ibid., titre du chapitre V.

(19) Nathalie ALZAS, La liberté ou la mort ! L’effort de guerre dans le département de l’Hérault, Aix, PUP, 2006, p. 75, p. 87.

(20) Jeff HORN, « Mille fusils par jours. L’économie politique de la production militaire à Paris durant l’ère de la Terreur », dans Michel BIARD (dir.), Les politiques de la Terreur, 1793-1794 : actes du colloque international de Rouen (11-13 janvier 2007), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 282.

(21) Pache a été maire de la Commune de Paris du 14 février 1793 au 21 floréal an II – 10 mai 1794, voir Aurélien LARNE, Pache, maire de la Commune de Paris en l’an II : la démocratie communale au service du droit à l’existence, mémoire de Master 2, dirigé par Florence Gauthier, Paris VII Denis Diderot, 2012.

(22) L’administration de l’habillement, créée par la Convention girondine, avait mis en place en juin 1793, à Paris, des ateliers de coupes, Albert SOBOUL, Les soldats de l'an II, op. cit., p. 156.

(23) B. N. F., N. A. F. 2668 : Section de la Butte des Moulins.

(24) Ibid.

(25) La Commune de Paris était composée d’un maire, d’un procureur général syndic et de deux adjoints, qui étaient chargés de contrôler le bon fonctionnement de la Commune, tous élus par les assemblées primaires des quarante-huit sections, et d’un Conseil général de 144 membres, qui comprenait un Corps municipal de 48 membres, également élu à raison de trois membres par section.

(26) Albert SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l'an II, op. cit., p. 478. Rappelons ici que les séances de la Commune de Paris étaient publiques.

(27) Jean-Baptiste DUVERGIER, Collection complète des lois…, op. cit., pp. 79 et 138. Voir aussi Albert SOBOUL, Les soldats de l'an II, op. cit., p. 154.

(28) A l’encontre de toute sa thèse, Albert Soboul parle à propos de cette législation « d’une formule originale de production » : « Nommant les commissaires et les révoquant, déterminant leur traitement et fixant le prix des confections, vérifiant la comptabilité et réglant les dépenses, recevant les plaintes des ouvriers, l’assemblée générale était vraiment maîtresse de l’entreprise qui correspondait ainsi à l’idéal populaire en matière d’organisation de la production et du travail », Albert SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l'an II, op. cit., p. 479. Mais il n’évoque pas l’action de Bouchotte et de la Commune de Paris pour la mettre en place, puisqu’il pensait qu’elle leur avait été imposée par le « mouvement populaire ».

(29) Arrêté du 12 pluviôse an II - 31 janvier 1794, François-Alphonse AULARD, 'Recueil des actes du Comité de Salut public avec la correspondance officielle des représentants en mission et le registre du Conseil exécutif provisoire, Paris, Imprimerie nationale, 1889-1910, t. 10, p. 564 à 566. Les districts reçoivent le droit de réquisitionner les matières premières nécessaires à cette production qu’ils devaient ensuite répartir entre les ouvriers de leur arrondissement. L'administration de l'habillement était chargée de leur verser les fonds nécessaires pour payer les matières premières et le salaire des ouvriers.

(30) Lettre de Pache à la Section de la Butte des Moulins du 24 juin 1793, B. N. F., N. A. F. 2668.

(31) Lettre de Pache aux assemblées générales des quarante-huit sections du 14 août 1793, B. N. F., Ms 799, fol. 59.

(32) Extrait des registres du Comité de salut public du 1er octobre 1793. Il est signé de Robespierre, C. A. Prieur, Jeanbon Saint-André, Carnot, Saint-Just, Prieur (de la Marne), Collot-d’Herbois, Billaud-Varenne et Hérault. Il est envoyé aux comités civils des quarante-huit sections, B. N. F., M. F. 8606, microfilm 5698 : Section de l’Homme armé.

(33) Lettre du Comité de salut public aux assemblées générales des quarante-huit sections du 11 octobre 1793, B. N. F., M. F. 8606, microfilm 5698. Elle est signée de Carnot, Barère, Robespierre, Saint-Just, Billaud-Varenne, Collot-d’Herbois et de Hérault. Les ouvriers devaient faire des soumissions de travaux « analogues à leur genre d’industrie et à leur intelligence ».

(34) Arrêtés et délibérations du Comité des Douze de la Section Le Peletier (4 septembre 1793 - 24 ventôse an II), A. N., F/7*/2478. La lettre du Comité de salut public est signée de Carnot et C. A. Prieur. Albert Soboul a bien vu que l’administration fournissait des avances et des matières premières à des artisans. Par exemple, le 24 août 1793, le citoyen Bridin s’était engagé à fournir 100 fusils et reçu une avance de 6000 livres et trois voies de charbon de terre, Albert SOBOUL, Les soldats de l'an II, op. cit., p. 136 et 137.

(35) Lettre du procureur général syndic du Département de Paris, Lullier, aux présidents des quarante-huit assemblées générales de sections du 11 frimaire an II – 1er décembre 1793, B. N. F., N. A. F. 2652.

(36) Par exemple, le 26 août 1793, il demande aux assemblées générales des sections de nommer chacune un forgeron, un maréchal, un serrurier, un taillandier. Les cent quatre-vingt-douze citoyens ainsi nommés devaient se réunir à l’Evêché et nommer à leur tour vingt-quatre commissaires qui délibéreraient avec le Département et la Commune de Paris et douze artisans nommés par le ministère de la Guerre. Lettre du Comité de salut public à l’assemblée générale de la Section du Marais du 26 août 1793, B. N. F., M. F. 8606, microfilm 5698 : Section de l’Homme armé. La lettre est signée de Robespierre, Thuriot, Saint-Just, Carnot, B. Barère, C. A. Prieur, et Couthon.

(37) B. H. V. P., Ms 741, fol. 167. Raymonde Monnier en donne d’autres exemples, Raymonde MONNIER, L'espace public démocratique. Essai sur l'opinion à Paris de la Révolution au Directoire, Paris, Kimé, 1994, p. 107-109.

(38) Extrait du registre des délibérations du Corps municipal du 3 pluviôse an II - 22 janvier 1794 signé de Pache et Coulombeau, B. N. F., N. A. F., 2663, fol. 140.

(39) Albert SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l'an II…, op. cit., p. 480.

(40) Gazette nationale ou Le Moniteur Universel, n°37, du 7 brumaire an II – 28 octobre 1793. Le délai de trois mois fut prolongé à plusieurs reprises par la Convention nationale.

(41) Extrait du registre des délibérations du Corps municipal du 29 brumaire an II – 19 novembre 1793, B. N. F., LB/40- 1181 (A). Cet arrêté est signé de Pache et de Coulombeau. Haim Burstin a vu que de tels recensements ont été exécutés dans le faubourg Saint-Marcel, mais il ne mentionne pas l’arrêté de la Commune de Paris, Haim BURSTIN, Une révolution à l'oeuvre…, op. cit., p. 704.

(42) Le salpêtre ou nitrate de potassium était l’élément essentiel pour fabriquer de la poudre. Ce dernier pouvait être obtenu en lessivant le sol des habitations.

(43) Jean-Baptiste DUVERGIER, Collection complète des lois..., op. cit. t. VI, p. 397, article 1.

(44) La régie des poudres avait été créée en 1775.

(45) Journal de la Montagne, n°52, du 15 nivôse an II – 4 janvier 1794 et Affiches de la Commune de Paris, n°187, du 14 nivôse an II – 3 janvier 1794.

(46) Albert SOBOUL, Les soldats de l'an II, op. cit., p. 142.

(47) Délibérations du Comité de surveillance révolutionnaire de la Section des Tuileries, A. N. F/7*/2471.

(48) Lettre de Pache au Comité des Douze de la Section Le Peletier du 4 pluviôse an II – 23 janvier 1794, A. N., F/7*/2478. Le cuivre est une matière essentielle à la fabrication des canons. Haim Burstin mentionne plusieurs exemples de telles réquisitions, mais il ne fait pas référence à l’action de la Commune de Paris pour les mettre en place, Haim BURSTIN, Une révolution à l'œuvre, op. cit., p. 787.

(49) Voir le rapport de Carnot à la Convention nationale du 13 brumaire an II - 3 novembre 1793, Gazette nationale ou Le Moniteur Universel, n°210, du 15 brumaire an II – 5 novembre 1793.

(50) A Paris, il n’y avait pas de district. La Commune en a eu les fonctions jusqu’au décret du 14 frimaire an II – 4 décembre 1793 qui les a confiées au Département.

(51) Extrait du registre des délibérations du Corps municipal du 19 frimaire an II – 9 décembre 1793, B. N. F., LB/40- 1181 (A), article 1. Cet arrêté est signé de Pache et Coulombeau.

(52) Ibid.

(53) Albert SOBOUL, Les soldats de l'an II, op. cit., p. 154. La législation montagnarde sur cette partie de la fabrication de guerre permet ensuite la généralisation des ateliers sectionnaires, ibid., p. 156.

(54) Lettre du Comité de salut public à la Section Le Pelletier du 19ème jour du 1er mois an II – 10 octobre 1793, A. N., F/7*/2478. Cette lettre est signée de Carnot, Barère, Robespierre, Saint-Just, Billaud-Varenne, Collot-d’Herbois et d’Hérault de Séchelles.

(55) François-Alphonse AULARD, Recueil des actes du Comité de Salut public, op. cit., t. 9, pp. 347 et 348. Cet arrêté est signé de Robespierre, Carnot, C.-A. Prieur, Barère, Billaud-Varenne et R. Lindet.

(56) Lettre du Comité de salut public à Pache du 3 septembre 1793, A. N., D/XLII/1. Cette lettre est signée de Thuriot, Carnot et Prieur.

(57) François-Alphonse AULARD, Recueil des actes du Comité de Salut public, op. cit., t. 9, pp. 187 et 188. Cet arrêté est signé de Robespierre, Carnot, Billaud-Varenne, C.-A. Prieur, B. Barère et R. Lindet. Jeff Horn cite ainsi l’élection de six contremaîtres par les ouvriers de l’atelier des Capucins, Jeff HORN, « Mille fusils par jours… », art. cit., p. 287.

(58) Journal de la Montagne, n°72, du 5 pluviôse an II – 24 janvier 1794.

(59) Ibid.

(60) Ibid.

(61) Jean-Baptiste DUVERGIER, Collection complète des lois…, op. cit., t. VI, p. 397. Le salpêtre extrait serait également payé aux municipalités par la régie. Albert Soboul a ainsi retrouvé l’existence de tels ateliers dès le mois de nivôse an II. Par exemple, le 11 nivôse – 31 décembre, la Section de l'Unité avait établi une commission des salpêtres, Albert SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l'an II…, op. cit., p. 392.

(62) Journal de la Montagne, n°72, du 5 pluviôse an II – 24 janvier 1794.

(63) Ici encore, les historiens qui ont étudié le fonctionnement de ces commissions n’ont jamais mentionné l’action de Pache et de la Commune pour les mettre en place. Voir Ernest MELLIE, Les Sections de Paris pendant la Révolution Française (21 mai 1790-19 vendémiaire an IV). Organisation - Fonctionnement, Paris, au siège de la Société de l'histoire de la Révolution française, 1898, chapitre VIII : " Commission des salpêtres ", p. 262-268, Camille RICHARD, Le Comité de Salut public et les fabrications de guerre..., op. cit., chapitre XII : L'extraction révolutionnaire du salpêtre à Paris ", p. 447-468, Albert SOBOUL, Les sans-culottes parisiens en l'an II…, op. cit., pp. 389-393 et 919 et Les soldats de l'an II, op. cit., pp. 148 et 149 et Haim BURSTIN, Une révolution à l'oeuvre…, op. cit., p. 786-789.

(64) Journal de la Montagne, n°77, du 10 pluviôse an II – 29 janvier 1794 et n°78, du 11 pluviôse an II – 30 janvier 1794.

(65) Voir, par exemple, le projet de Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de Robespierre, adopté par la Société des Amis de la Liberté et de l’Egalité et présenté à a Convention le 24 avril 1793, Florence GAUTHIER, Triomphe et mort du droit naturel en Révolution, 1789-1795- 1802, Paris, PUF, 1992, p. 77. C’est également ce que pense par exemple Billaud-Varenne, voir le travail de Françoise BRUNEL éd., Jacques-Nicolas Billaud-Varenne, Principes régénérateurs du système social, Paris, Publications de la Sorbonne, 1992.

(66) C’est ainsi que parle Robespierre, à la Convention nationale, le 2 décembre 1792, Yannick BOSC, Florence GAUTHIER et Sophie WAHNICH, Robespierre. Pour le bonheur et pour la liberté. Discours, Paris, La Fabrique, 2000, p. 183.

(67) Gazette nationale ou Le Moniteur Universel, n°210, du 29 juillet 1793. Les sections sont chargées de nommer des commissaires aux accaparements pour veiller à l’application de la loi. Pierre CARON, Commission de recherche et de publication des documents relatifs à la vie économique de la Révolution. Le Maximum général. Instruction, recueil de textes et notes, Paris, E. Leroux, 1930, p. 32 à 35.

(68) La liste des objets de première nécessité a d’ailleurs été progressivement complétée et les outils nécessaires aux artisans y ont également été ajoutés, Archives parlementaires, tome LXXV, p. 634, décret du 1er octobre 1793.

(69) Emile Coornaert a réalisé une sociologie des corporations du Moyen-âge à la Révolution française et Steven L. Kaplan a étudié la fin du régime corporatif, voir Emile COORNAERT, Les corporations en France avant 1789, Paris, Editions ouvrières, 1968 et Steven L. KAPLAN, La fin des corporations, Paris, Fayard, 2001.

(70) Emile COORNAERT, Les corporations…, op. cit., p. 237. Comme dans les assemblées générales des sections parisiennes, à l’époque de la Révolution française, les femmes n’étaient pas exclues de ces assemblées.

(71) Ibid., p. 243.


Aurélien Larné, « La Commune de Paris et la production de guerre, 1793-1794 », Révolution Française.net, Juin 2014, http://revolution-francaise.net/2014/06/20/581-la-commune-de-paris-et-la-production-de-guerre-1793-1794