Les catéchismes politiques français (1789-1914) Etudes
dimanche 15 décembre 2013Par Jean-Charles Buttier, IHRF-Paris1
Nous publions ici la soutenance de thèse de Jean-Charles Buttier (9 mars 2013). Nous renvoyons également le lecteur au colloque qu'il a organisé avec Emilie Delivré à Florence en 2006, dont les actes sont publiés sur La Révolution française. Cahiers de l'IHRF.
L’hypothèse de départ de ce travail est que les 815 catéchismes politiques qui constituent les sources de cette recherche forment un genre particulier de la littérature politique du long XIXe siècle. La thèse ici défendue est que l’unité et l’enracinement de ce genre s’expliquent par la large diffusion d’une pédagogie, véritable socle de cette écriture destinée à permettre la vulgarisation politique. Cet exposé débutera par l’explication de la construction de l’objet historique « catéchisme politique. » Il a été créé pour répondre à une problématique qui a elle-même été influencée par la connaissance de plus en plus précise de cet objet. L’analyse de ce corpus d’ouvrages et du discours que leurs auteurs ou éditeurs tenaient sur ces derniers permet de retrouver la perception que les contemporains avaient du catéchisme politique. Il s’agira ensuite de présenter les méthodes d’analyse choisies, la diversification des approches tant matérielles que textuelles ayant pour but de multiplier les angles d’approche. L’unité des catéchismes analysés l’emportant sur leur diversité, considérer les catéchismes politiques comme un genre littéraire à part entière est une approche fructueuse.
Les auteurs de catéchismes politiques ont utilisé une pédagogie qui révèle un projet partagé : celui de la vulgarisation politique. Ce projet a connu d’importantes évolutions liées au contexte politique mais aussi aux transformations du public visé sur une période aussi longue.
L’invention d’un objet historique inédit : le catéchisme politique
Des ouvrages jamais étudiés dans leur ensemble
Mon mémoire de maîtrise, soutenu en 1997, portait sur les manuels élémentaires de morale et d’instruction civique de l’époque révolutionnaire à l’IHRF sous la direction de Catherine Duprat. Ce travail a eu comme point de départ un répertoire de livres scolaires de la Révolution française élaboré par le Service d’Histoire de l’Education de l’INRP (1). Parmi l’ensemble des manuels révolutionnaires étudiés, une catégorie est ressortie par son homogénéité et le fait que plusieurs articles lui avaient été spécifiquement consacrés : les catéchismes révolutionnaires ou, plus précisément, les catéchismes publiés pendant la Révolution française. Le contexte historiographique du Bicentenaire explique que les catéchismes révolutionnaires furent étudiés dans une perspective d’histoire de l’éducation qui excluait de fait les ouvrages qui n’étaient pas destinés aux enfants. Au cours du dépouillement des sources, j’ai toutefois repéré de nombreuses rééditions postérieures à la Révolution d’ouvrages écrits pendant celle-ci. Des catéchismes politiques inédits furent aussi écrits pendant tout le XIXème siècle illustrant une diversification des opinions vulgarisées. Il s’agissait de catéchismes républicains, socialistes, royalistes, bonapartistes, etc.
Un travail de définition nécessaire
Considérer ces divers catéchismes comme un ensemble homogène et tenter d’en saisir toute la diversité a été l’objet d’un mémoire de DEA soutenu en 2004 sous la direction de Jean-Clément Martin. L’enjeu fut alors de définir ce qu’est un catéchisme politique et d’élaborer un corpus de sources correspondant à cette définition. Créer l’expression « catéchisme politique » revient à postuler une proximité entre des livres d’époques, d’usages et de contenus très divers. L’hypothèse liée à ce travail de dénomination est l’existence d’un genre de la littérature politique clairement identifiable. Construits sur le même modèle rhétorique, ces livres partagent dans la majorité des cas un même objectif : être des ouvrages élémentaires et pratiques destinés à un public politiquement peu cultivé. Ce travail de définition de l’objet historique a débouché sur une recherche bibliographique approfondie qui n’était chronologiquement pas bornée au départ. Le dépouillement des différents catalogues et en particulier du catalogue général de la Bibliothèque nationale de France montre que les catéchismes politiques sont réellement apparus avec la Révolution française et qu’il devient quasiment impossible de repérer des nouveautés après 1914. Voici pourquoi j’ai choisi d’étudier les catéchismes politiques français de la Révolution française à la Première Guerre mondiale dans le cadre d’une thèse de doctorat. Le travail de repérage bibliographique a abouti à la constitution d’un corpus de 392 catéchismes politiques différents ce qui représente 815 livres au total en y ajoutant leurs rééditions parfois très nombreuses.
Pourquoi s’intéresser au catéchisme politique ?
Alors que dans un premier temps la question du transfert de sacralité était centrale, l’analyse des ouvrages a fait émerger l’idée d’un transfert pédagogique. Le catéchisme politique est le fruit d’un glissement qui s’opère de la catéchèse chrétienne, vaste entreprise de vulgarisation religieuse à l’époque des Réformes, vers une entreprise de vulgarisation politique qui s’ouvre avec la Révolution française. La définition de vulgariser est double : il s’agit d’une part de répandre largement, de faire entrer dans les habitudes du grand public, de l’ensemble d’une société. Vulgariser, c’est aussi et surtout mettre à la portée de tous, des notions, des théories de différents domaines du savoir.
Le but de l’étude des catéchismes politiques est de voir comment s’articulent un objectif partagé de vulgarisation politique à destination du peuple et l’utilisation d’une écriture élémentaire. Chaque catéchisme est un cas particulier à la rencontre entre la volonté de l'auteur ou de l’éditeur, de l’attente (réelle ou supposée) du lecteur et du contexte éditorial du moment. Toutefois, ces cas particuliers font sens lorsqu'ils sont replacés dans leur contexte de production. Ainsi, la Révolution française, la Seconde République ou encore les années d’enracinement de la Troisième République ont particulièrement encouragé l’écriture de tels ouvrages.
Le choix de nombreux auteurs, dans des contextes bien déterminés, d’utiliser une même rhétorique réputée adaptée à un lectorat non expert induit un projet partagé de politisation par le livre. Cela pose immédiatement la question de l’efficacité de cette rhétorique et donc celle de la réception de ces ouvrages, d’autant plus que les travaux existants sur les catéchismes dressent un portrait globalement négatif de cette littérature considérée comme vulgaire plus qu’élémentaire. Le travail de dénomination avait aussi pour objectif de s’affranchir d’une perception péjorative des catéchismes dont la rhétorique était jugée incompatible avec tout projet d’émancipation politique.
Le plan du mémoire de doctorat est le reflet d’une multiplication et d’une diversification des approches méthodologiques devant permettre de répondre à ce questionnement.
Croiser les méthodes d’analyse pour contextualiser le corpus
Il s’est avéré nécessaire de varier les méthodes permettant l’analyse d’un corpus aussi riche et diversifié. L’étude matérielle de l’objet livre a été menée en parallèle avec une analyse textuelle du catéchisme. Pour ce faire, une approche quantitative et sérielle permet d’objectiver au maximum l’étude de cette source littéraire. Une place centrale a donc été accordée à l’outil informatique que ce soit lors du dépouillement des sources ou bien lors de l’analyse de contenu.
Replacer les catéchismes politiques dans leur contexte de production
La conception d’une base de données relationnelle a permis de rationaliser le travail de dépouillement tout en replaçant les catéchismes politiques dans leur contexte de production. Cette thèse d’histoire se fonde sur un travail minutieux de collecte et de classement des données matérielles et textuelles, complété par une patiente recherche de données externes permettant d’éclaircir le mieux possible le contexte d’écriture et d’édition de chaque catéchisme. Cela concerne par exemple une étude biographique des 245 auteurs répertoriés mais aussi des 446 noms que compte ma table des éditeurs, qu’il s’agisse d’imprimeurs, d’imprimeurs-libraires, de libraires, d’éditeurs ou encore d’associations ou de sociétés prenant en charge l’édition d’un catéchisme.
1-Répartition des auteurs en fonction de la profession exercée au moment de l’écriture de leur catéchisme politique :
2-Classement des éditeurs en fonction de leur statut professionnel :
Cette recherche s’appuie donc sur un travail d’édition de sources mêlant typologie et contextualisation afin de répondre à un questionnement précis. Le travail préalable de typologie a été particulièrement important pour historiciser le contenu des catéchismes. La première étape a été de reprendre chronologiquement le corpus des 815 livres afin de voir le rythme de production.
3-Répartition chronologique du genre du catéchisme politique :
4-Répartition chronologique des 392 titres nouveaux avec une date de parution :
Le catéchisme politique est le fruit d’un transfert pédagogique qui s’opère entre les années 1770, celles de la laïcisation et les premières années de la Révolution française marquées par la politisation de cette rhétorique. Le genre est à partir de 1794-an II (apogée du temps de l’écriture), quasiment cantonné au domaine scolaire comme le montre sa reconnaissance officielle en 1796-an IV et la large diffusion des catéchismes primés sous le Directoire (apogée du temps de la diffusion).
5-Répartition chronologique des manuels scolaires :
1848 est marquée par la transmission de textes révolutionnaires et de catéchismes des années 1830 et surtout par l’utilisation du catéchisme pour former les nouveaux électeurs.
6-Répartition chronologique des catéchismes électoraux inédits :
Les auteurs républicains écrivent des catéchismes pour défendre et enraciner la Troisième République. Cette littérature n’est pas le monopole des Républicains comme le montre la diversification des opinions politiques défendues et en particulier l’importance tardive des catéchismes socialistes. Le catéchisme politique fut un moyen de propagande étroitement lié aux périodes révolutionnaires et républicaines ce qui fait du Premier Empire, de la Restauration et du Second Empire des creux dans son histoire éditoriale. Les chronologies s’emboîtent en fonction du contexte politique mais aussi du contexte d’usage. La perception que les auteurs et les éditeurs avaient de leur ouvrage est un élément fondamental puisqu’ils partagent dans leur ensemble l’idée que le catéchisme est un ouvrage élémentaire de circonstances comme l’atteste l’absence de spécialisation d’auteurs ou d’éditeurs dans le catéchisme politique. Il s’agit donc d’un projet partagé d’éducation politique dans un contexte d’instabilité institutionnelle, que ce soit pendant une Révolution ou bien lors de l’enracinement de la République. L’autre élément important est le fait qu’il s’agisse d’une écriture de circonstances qui se justifie par son efficacité plus que par sa qualité littéraire propre.
Les méthodes d’analyse de contenu
La richesse et la diversité des catéchismes ont débouché sur une étude de contenu intégrant des méthodes empruntées à l’analyse littéraire (esthétique de la réception et intertextualité). Cette approche a été croisée avec une analyse lexicométrique pour étudier systématiquement les titres, avertissements et tables des matières. Le travail de typologie effectué au préalable a abouti à la constitution d’un échantillon représentatif de 44 catéchismes qui ont été analysés lexicométriquement dans leur intégralité. L’étude de cet échantillon a permis de voir la place particulière de la morale et de la politique dans ces textes, ensuite d’analyser en détail les contours de la citoyenneté et de finir par la place particulière de la notion de révolution.
7-Répartition chronologique des fréquences absolues des formes « politique » et « morale » dans les titres. Courbe générée par le logiciel Lexico 3 :
L’analyse lexicométrique du contenu confirme l’hypothèse de la constitution progressive d’un genre littéraire dont le fondement est une mémoire intertextuelle faite de références internes au corpus. On observe un jeu de transmission des textes de la Première à la Deuxième puis à la Troisième République avec un moment clé dans les années 1830. Parler de genre littéraire ne veut pas dire qu'il y ait unicité de l'objet mais que l'hétérogénéité n'empêche pas que des faisceaux de correspondances se rejoignent. Les auteurs se citent, se plagient, se font mutuellement référence en inscrivant leur écriture dans un genre bien défini. Roger Chartier a ainsi insisté sur « l’analyse sérielle de corpus fermés » ce qui justifie une analyse lexicométrique des catéchismes afin d’isoler ce que ce dernier appelle « l’infléchissement des motifs à l’intérieur d’un genre donné » (2). Les livres se situant à la croisée de l’intention de l’auteur et de la demande du lecteur pour reprendre la théorie de la réception (3), l’analyse de cette littérature devient un point d’observation sur la politisation du peuple au XIXème siècle. En choisissant d’étudier de façon exhaustive un genre littéraire, il était difficile de multiplier les sources. Toutefois, cette analyse pourra ensuite être mise en comparaison avec d’autres supports ou médias de vulgarisation politique à condition de le faire à une autre échelle : sur une période plus courte ou bien dans un espace géographique plus limité.
Une analyse de la réception de ce genre littéraire
La multiplication des points de vue et des méthodes visaient à estimer la réception du catéchisme politique. L’enracinement de ce type d’ouvrages qui a perduré pendant tout le long XIXème siècle est le principal témoignage de l’adéquation du genre avec l’attente du public visé. Il existe pour cela des indices matériels que sont les rééditions et les retirages. Cela a été confirmé par un travail de collecte de « témoignages » externes sur la réception des catéchismes politiques : articles de dictionnaires ou d’encyclopédies, cotes de bibliothèques, mais aussi travaux d’historiens. A la fin de notre période chronologique, dans les années 1880-1890, alors qu’il n’y a plus beaucoup d’auteurs pour écrire des catéchismes politiques, ceux datant de la Révolution deviennent objets d’histoire, dans la continuité des articles encyclopédiques qui ont pu y être consacrés. L’histoire du catéchisme politique a été complétée par l’histoire de l’histoire du catéchisme politique qui a donné une perception largement négative de ce type d’ouvrages jugés dogmatiques. Les indices sont pourtant multiples d’une réception en profondeur de ce genre au XIXème siècle. Cette perception historiographique péjorative a empêché la définition de l’objet historique d’une part mais aussi d’appréhender la pédagogie politique qui sous-tend le genre. Le mémoire se conclut par l’étude d’un point d’observation : deux succès par leurs rééditions mais qui ne sont pas devenus des classiques. Ils ont permis de comprendre quelles étaient les attentes du public face à ce genre littéraire.
8-Répartition chronologique des rééditions de La morale de l’Enfance de Morel de Vindé et du Catéchisme républicain, philosophique et moral de Poisson de La Chabeaussière :
Pédagogie catéchistique et perception du lectorat populaire au cours du long XIXème siècle
Insister sur le transfert pédagogique entre la catéchèse traditionnelle et le catéchisme politique a fait ressortir le caractère élémentaire du genre. Voici pourquoi j’ai choisi de m’intéresser à la pédagogie politique à l’œuvre dans les catéchismes politiques. C’est une approche qui permet de voir la relation entre la mise en forme rhétorique du message politique d’une part et le public visé d’autre part. La pédagogie est l’ensemble des méthodes dont l’objet est d’assurer l’adaptation réciproque d’un contenu de formation et des individus à former. Le catéchisme politique s’adapte au public visé en se « vulgarisant » mais il doit en retour mettre le public en situation de recevoir une éducation politique à même de le transformer en citoyen. La question fondamentale est de savoir dans quelle mesure le lecteur a lui aussi connu une adaptation pour être réceptif au message ainsi développé. Cela expliquerait l’importance de la réception en profondeur du catéchisme politique. Le lecteur est mis en situation de recevoir ce discours puisque la construction en une succession de questions et de réponses permet de se repérer facilement dans le texte. L’argument qui revient le plus souvent sur l’efficacité de la pédagogie catéchistique est l’importance de l’apprentissage par cœur. L’ouvrage devient ainsi un support de mémorisation mais aussi d’enseignement (lorsque le public visé est scolaire) ou de lecture collective, utilisation souvent prônée ou rendue possible par une évolution du format (l’In-folio par exemple). L’objet livre est en adéquation avec ce projet de large diffusion par son prix modeste lié au fait qu’il s’agisse de brochures en général, au nombre de pages limité et qui ne comportent pas d’illustrations dans l’écrasante majorité des cas.
9-Evolution chronologique de la part respective des différents formats de catéchismes politiques :
Il s’est produit une adaptation réciproque du contenu et du lectorat. L’adoption de cette pédagogie élémentaire est à relier au fait que le genre se définit avant tout comme populaire. Le choix de l’écriture est le reflet d’un projet de vulgarisation politique qui ne passe pas forcément par une simplification (mettre à la portée des non-spécialistes) mais aussi par l’utilisation d’une pédagogie jugée propice à répandre largement une idée ou un texte comme par exemple dans le cas des catéchismes constitutionnels. La pédagogie catéchistique a été mise au service d’un projet d’émancipation puisque la domination des catéchismes progressistes en fait un genre démocratique. Cela pose la question de l’éducation politique du peuple, qu’il soit encore enfant (projet de régénération par l’école) ou adulte. La question centrale est celle de la position à adopter face à un public qui n’est pas expert. Les auteurs ont partagé un projet de vulgarisation dont la chronologie nous renseigne sur le niveau de compétence politique du public visé. Avec la Révolution française apparaît le citoyen d’où la nécessité de lui faire découvrir les textes fondamentaux qui sont mis en questions et réponses. En 1794-an II, lorsque le projet de régénération entraîne le développement d’une vaste pédagogie politique dont les catéchismes ne sont qu’un des vecteurs, les auteurs ont intégré l’idée qu’il faut s’adresser aux adultes mais aussi, et surtout, aux enfants qui formeront la future génération de citoyens. Sous le Directoire, l’institutionnalisation de certains catéchismes comme véritables manuels scolaires officiels arrime cette écriture à la sphère scolaire. A partir des années 1830, la poussée du catéchisme politique intégré à la propagande républicaine s’adresse cette fois aux adultes en réactivant la mémoire de la Révolution française ce qui se traduit par la réédition de catéchismes révolutionnaires.
10-Répartition chronologique des catéchismes républicains :
L’instauration du suffrage universel masculin en 1848 entraîne le développement de catéchismes électoraux car les auteurs ont le sentiment qu’il faut expliquer de façon urgente le geste du vote. La vulgarisation politique ne peut plus s’adresser à un public d’enfants. Dans la continuité des catéchismes républicains des années 1830, le catéchisme oscille entre un manuel pratique électoral et le support d’une argumentation militante. Le contexte de la lutte pour l’établissement de la République puis de son enracinement dans les années 1870 marquées par des crises électorales est propice à l’écriture de catéchismes formant le support d’une controverse politique comme par exemple en 1877. Il ne s’agit plus d’apprendre comment voter, ce qui montre une élévation du niveau de compétence des électeurs, mais de les convaincre pour qui voter. Une fois la crise du 16 mai 1877 passée, le catéchisme électoral disparaît progressivement. Le dernier groupe de catéchismes cohérents est le fait de militants socialistes liés à Jules Guesde, auteur lui-même d’un catéchisme en 1878.1 Ce dernier institue un corps de doctrine à vulgariser d’où la rédaction de catéchismes guesdistes destinés aux ouvriers et paysans. Ces livres sont destinés aussi aux militants traduisant une dernière évolution du public visé : du peuple-enfant de la Première République, au citoyen-électeur de la Seconde-République et enfin au militant politique lié à un parti sous la Troisième République. Cela explique aussi le glissement de la moralisation à la politisation (comme l’a montré l’analyse lexicométrique) lié à une citoyenneté en actes qui s’impose progressivement dans les années 1830 et surtout à partir de 1848. On peut poser comme hypothèse qu’une fois ces différentes évolutions ayant eu lieu, les auteurs n’ont plus eu recours à la pédagogie catéchistique. Cette écriture vulgarisatrice était fortement concurrencée par la presse et tout particulièrement la presse militante portée par les partis politiques. Le catéchisme politique est le témoin d’une progressive éducation politique qui explique l’abandon progressif de cette dimension élémentaire de la propagande. La disparition de cette pédagogie est aussi liée au monopole que les Républicains des années 1880 accordent à l’école primaire pour politiser par le livre les futurs citoyens. Le catéchisme est une pédagogie qui est critiquée par les pédagogues républicains par son origine religieuse et son inefficacité (contrairement à l’argumentation des auteurs de la Révolution française). La question de la place respective de la morale et de la politique reste pourtant centrale puisque la nouvelle instruction civique poursuit le projet de vulgarisation politique lancé à la Révolution française et largement porté par le catéchisme politique.
Ce texte reprend la présentation faite lors de la soutenance de thèse de Jean-Charles Buttier qui a eu lieu le 9 mars 2013 devant un jury composé de Jean-Clément Martin (directeur de thèse), de Sylvie Aprile, d’Yves Déloye, de Michèle Riot-Sarcey et de Pierre Serna (président).
Notes :
(1) Michel Manson, Les livres pour l’enfance et la jeunesse sous la Révolution, Paris, INRP, 1989, 272 p.
(2) Roger Chartier, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétudes, Paris, Albin Michel, 1998, p. 57.
(3) Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 2002 (1978), p. 69.
Jean-Charles Buttier, "Les catéchismes politiques français (1789-1914)", Révolution Française.net, Décembre 2013, http://revolution-francaise.net/2013/12/15/557-les-catechismes-politiques-francais-1789-1914