Notre hypothèse est que dans le deuxième XVIIIe siècle français se met en place en France une doctrine de l'émancipation comme non-domination qui place au centre de ses préoccupations la question sociale et celle de la distribution des biens produits. On ne saurait considérer le langage républicain indépendamment de son contexte d’énonciation, qui comprend non seulement les débats intellectuels de l’époque, mais également, et peut-être avant tout, ce qui les suscite et les alimente, à savoir le paysage social et politique d’ensemble de la France d’Ancien Régime, qui se centre à partir de cette époque autour des problèmes économiques : controverses autour du blé, qui débouchent dans les années 1770 sur la guerre des farines, affirmation politique de la propriété privée des sols. Cette situation est, pour une grande part, ce qui rend possible et génère une nouvelle manière de parler des sources d'oppression et des moyens de s'en libérer.
Dans cette période le langage républicain n’est pas seulement celui de la libération des citoyens par l’empire de la loi, mais se marque aussi, en France, par l'élaboration d'une doctrine forte de la souveraineté populaire et de la maîtrise publique sur la production, la gestion et la distribution des ressources avec les prémisses balbutiantes de l'État et de la propriété sociaux. On pourra donc se demander comment souveraineté populaire et question sociale sont liées l'une à l'autre dans les doctrines des penseurs républicains de cette séquence historique et philosophique cruciale, puisqu’elle débouche, comme on sait, sur les bouleversements de la décennie révolutionnaire. On tâchera ainsi de dégager les caractéristiques d’une forme originale, nationale si l’on peut dire, de républicanisme social, qui aboutit chez certains auteurs au socialisme républicain, avec un projet d’abolition définitive de la propriété privée. Il s’agira de déterminer le degré d’indépendance de ce courant, lui-même pluriel, avec la tradition républicaine atlantique décrite par l’Ecole de Cambridge et ses épigones. Dans ce cadre le contrôle par le politique de la répartition des richesses pourrait apparaître à la fois comme la condition et la conséquence de la souveraineté populaire, c'est-à-dire aussi d'une pensée politique non plus centrée sur l'individu mais sur les collectifs, leur organisation et les relations de pouvoir qui les structurent.
Le colloque s'efforcera de croiser les approches dans une perspective interdisciplinaire en faisant appel à des contributeurs historiens, politistes et philosophes; la participation d'éminents chercheurs venus d'Angleterre et des Etats-Unis permettra également de confronter les points de vue des traditions de pensée « continentale » et anglo-saxonne.

Responsable scientifique :
Bertrand Binoche, professeur (CHSPM)

Organisateurs :
Stéphanie Roza, doctorante en philosophie politique à Paris I (Panthéon-Sorbonne, CHSPM) sous la direction de M. Bertrand Binoche et ATER à Paris I.
Pierre Crétois, doctorant en philosophie politique à Lyon II (Laboratoire LIRE) sous la direction de Mme Juliette Grange et ATER à l'université d'Aix-Marseille

Programme :

Vendredi 1er juin, salle D631 :

14h : Accueil des participants. Présidence : Céline Spector (MCF, philosophie, Université de Bordeaux III) :

14h15 : Yannick Bosc (MCF, histoire, IUFM de Rouen): « Républicanisme et protection sociale : l'opposition Paine-Condorcet »

15h00 : Françoise Brunel (MCF honoraire, histoire, Paris I) : « La politique sociale de l'An II : un république de « collectivisme individualiste »? »

15h45 : Pause café

16h00 : Jean-Numa Ducange (MCF, histoire, Université de Rouen) : « Fonder le républicanisme socialiste : Jean Jaurès et la Révolution Française »

16h45 : Juliette Grange (Professeur, philosophie, université de Tours) : titre à préciser.

17h30 : Discussion de la première session.

Samedi 2 juin, salle Cavaillès :

9h15 : Accueil des participants. Présidence : Bertrand Binoche (Professeur, philosophie, Paris I)

9h30 : Pierre Crétois (Doctorant, philosophie, Lyon II), « Rousseau : souveraineté et égalité ».

10h15 : Vincent Bourdeau (MCF, philosophie, Université de Besançon), « Economie politique ou économie morale des républicains ? Débats historiographiques et questions philosophiques au sujet de l'économie politique dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle ».

11h00 : Christophe Miqueu (MCF, philosophie, IUFM de Bordeaux), titre à préciser.

11h45 : Christopher Hamel (Post-doctorant, philosophie, Université Libre de Bruxelles), « Diderot et le commerce des blés : la critique de la liberté illimitée ».

12h30 : Déjeuner

14h00 : Troisième session. Présidence : Michael Sonenscher (Professeur, histoire, Cambridge University)

14h15 : Johnson Kent Wright (Professeur, histoire, ) : «L'exception qui confirme la règle : l'Ecole de Cambridge et la France »

15h00 : Stéphanie Roza (Doctorante, philosophie, Paris I) : « L'exercice de la souveraineté populaire, de Rousseau à Babeuf ».

15h45 : Pause café

16h00 : Thomas Boccon-Gibod (Docteur, philosophie, Paris X-Nanterre): « De la volonté générale au service public : continuités et ruptures du républicanisme social français »

16h45 : Arnault Skornicki (MCF, Sciences politiques, Paris X-Nanterre) : « Le moment néo-machiavélien dans l'économie politique des Lumières : de Forbonnais à Necker »

17h00 : Discussion générale