Mythologies contemporaines : Révolution française et cultures populaires dans le monde aujourd’hui Annonces
mercredi 8 février 2012Colloque international interdisciplinaire, Musée de la Révolution française – Domaine de Vizille, Université Stendhal-Grenoble 3 – UMR LIRE-CNRS
Mercredi 21, jeudi 22 et vendredi 23 mars 2012
Organisé par Alain Chevalier et Martial Poirson
« Sans ce drapé extravagant, propre à tous les grands révolutionnaires, (…) la Révolution n’aurait pu être cet événement mythique qui a fécondé l’Histoire et toute idée de la Révolution. L’écriture révolutionnaire fut comme l’entéléchie de la légende révolutionnaire : elle intimidait et imposait une consécration civique du Sang » (1). Rares sont les événements historiques ayant, au point de la Révolution française, engendré leur propre mythologie spontanée, conditionnant pour les siècles qui ont suivi sa perception fantasmatique et projective qui est encore dans une large mesure la nôtre aujourd’hui. Scène primitive à l’efficacité rituelle et symbolique inégalée ; mythe fondateur à vocation d’édification nationale et de légitimation institutionnelle ; fiction patrimoniale dont l’héritage nous est transmis en partage ; matrice d’un consensus qui n’est pas toujours unanime sur les valeurs démocratiques et républicaines ; source d’inspiration d’une production artistique tantôt critique et subversive, tantôt conformiste et consensuelle ; matière dont s’emparent les cultures populaires à travers toutes sortes de représentations et surtout, de médiations symboliques, parfois inattendues, la Révolution française n’a peut-être jamais été aussi présente qu’aujourd’hui, à la fois dans le discours, en régime de « mythocratie », et dans les objets, qui fonctionnent comme un système de signes, autrement dit, comme un « mythe moderne », au sens de Roland Barthes (2).
Souvent analysée en terme de « légende » (3), insistant sur son caractère d’avènement fondateur, la Révolution l’est moins comme une « mythologie » propre à notre temps. Une telle notion s’avère pourtant féconde pour envisager les réappropriations et détournements de son imaginaire symbolique, en particulier au sein des cultures populaires et de leurs relais médiatiques de masse. La plupart du temps à dominante essentiellement visuelle, alors que la connaissance érudite et historiographique est plutôt fondée sur des ressources textuelles, ces représentations populaires, parfois très documentées, entretiennent sciemment (transgression, falsification, travestissement) ou inconsciemment (ignorance, clichés, stéréotypes), des effets de distorsion avec la culture savante et le discours officiel de consécration républicaine. Or ce sont précisément ces « idées fausses » qui, selon la perspective adoptée ici, sont dignes d’intérêt dans la perspective d’une histoire sociale et culturelle de l’imaginaire révolutionnaire contemporain. Une attention toute particulière sera accordée aux phénomènes de transferts, de réinterprétations et de représentations, dans les cultures étrangères et aires géographiques les plus diverses, de ce mythe national fondateur souvent considéré comme emblématique. Plus affranchies d’un certain devoir de mémoire nationale, soustraites, en partie au moins, aux batailles historiographiques qui président à l’affrontement idéologique autour de l’histoire officielle, les cultures populaires, a fortiori lorsqu’elles proviennent de cultures étrangères, sont en effet souvent plus à même de se saisir de ce patrimoine et de sa puissance de germination symbolique pour parfois en renouveler la perception aussi bien que les usages.
Si l’historiographie de la Révolution française a bénéficié, depuis un certain nombre d’années, de travaux novateurs et de perspectives de recherche fécondes, interrogeant les discours de savoir qui lui sont consacrés, tel est moins le cas du processus de mémoire sélective et de réinvestissement symbolique au fondement de nos représentations sociales et culturelles contemporaines, qui innervent jusqu’aux cultures du quotidien et se cristallisent dans des objets issus de la société et de la culture de masse. Le réinvestissement de patrimoine historique est en effet devenu une pratique courante concernant la Révolution, non seulement au sein du discours politique et médiatique, mais encore au sein des formes dérivées de cultures et de pratiques populaires, qui peut adopter les manifestations les plus diverses, depuis l’objet décoratif jusqu’à l’image animée ou la performance. Leur analyse et leur conservation sont d’autant plus urgentes que leurs supports, considérés comme impurs et partie prenante de processus de diffusion massifiée et de consommation à grande échelle, sont particulièrement altérables, périssables et sujets aux modes de conservation aléatoires ou arbitraires de collectionneurs privés, évoluant aux gré des modes et des mythologies personnelles. En effet, leur patrimonialité ne va pas de soi, impliquant une conception élargie de l’historiographie révolutionnaire et prenant parfois la forme d’un patrimoine culturel immatériel. On cherchera donc à constituer comme objets scientifiques entièrement légitimes les idées et représentations, parfois fausses sur le plan historiographique, de ces imaginaires révolutionnaires profondément enracinés dans une diffuse conscience collective, nourrissant une opinion commune stéréotypée, mais aussi fantasmatique, source d’une interrogation renouvelée sur les représentations de l’Histoire.
(1) Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture, « Ecritures politiques », in Œuvres complètes, Paris, Seuil, 2002, volume I, pp. 134-135.
(2) Roland Barthes, Mythologies, « Le mythe aujourd’hui », Paris, Seuil, 1957, pp. 193-247.
(3) Christian Croisille et Jean Ehrard (dir.), La légende de la Révolution, Presses de l’université de Clermont-Ferrand, 1988 ; Jean-Claude Bonnet et Philippe Roger (dir.), La légende de la Révolution au XXe siècle, de Gance à Renoir, de Romain Rolland à Claude Simon, Paris, Flammarion, 1989.
PROGRAMME DU COLLOQUE
Mercredi 21 mars 2012 Musée de la Révolution française - Domaine de Vizille
9h : Ouverture du colloque
Isabelle Pailliart, Vice-présidente du conseil scientifique de l’Université de Grenoble 3 ; Yves Citton, directeur du L.I.R.E.-CNRS ; Chantal Massol, directrice de l’École doctorale de l’université de Grenoble 3 ; Géraldine Garin, secrétaire générale de la MC2 Grenoble.
9h15 : Introduction au colloque
Alain Chevalier (Musée de la Révolution française) et Martial Poirson (Université de Grenoble 3, LIRE-CNRS), « L’héritage révolutionnaire : détournement patrimonial et réappropriations populaires »
9h30 : Conférence inaugurale de Michel Delon (Université Paris 4 -La Sorbonne)
Répondant : Jean Sgard (Université de Grenoble 3)
Session 1 : La Révolution française dans les discours politiques d’émancipation
Présidence : Daniel Lançon (Université de Grenoble 3)
10h10 : Sadek Neaimi (Université de Mounofeyeh, Égypte), « Comment la révolution égyptienne redéfinit le mot ‘peuple’ »
10h30 : Amel Ben Amor (Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis, Tunisie), « Appropriation des valeurs de la Révolution française dans le discours de la révolution du 14 janvier en Tunisie et distanciation culturelle
10h50 : Pascale Pellerin (LIRE-CNRS) « La Révolution française : un modèle pour les indépendantistes algériens ? »
11h10 : Sara Harvey (Université Paris Ouest-Nanterre-La Défense), « L’utopie pirate : des révolutions à l’épreuve de l’Histoire »
11h30 : Débat
Session 2 : La Révolution française dans le discours politique et médiatique institutionnel
Présidence : Isabelle Pailliart (Université de Grenoble 3 et GRESEC)
11h50 : Michel Biard (Université de Rouen, Président de la Société des études robespierristes), « ’Vous ressemblez à Saint-Just ! Vous êtes prêt à faire marcher la guillotine ?’ Les références à la Révolution dans les débats parlementaires français des années 2000 »
12h10 : Serge Bianchi (Université de Rennes 2), Représentations de la Révolution française dans les établissements scolaires de l’Académie de Versailles lors du bicentenaire de 1789 (mobilisations ; pratiques ; bilan)
12h30 : Stéphanie Loncle (Université de Caen), « Le journal communiste L’Humanité et la Révolution française : année 2009 »
12h30 : Débat
Session 3 : L’autre mémoire de la Révolution française
Présidence : Gilles Bertrand (Université de Grenoble 2)
14h30 : Jean-Clément Martin (Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne), « Mythologies, histoire et mémoire : la Contre-révolution, Vendée, chouannerie, Tyrol »
14h50 : Paul Chopelin (Université de Lyon 3), « ’Les bienheureux martyrs devant leurs juges’ : élaboration et diffusion d’une imagerie catholique contre-révolutionnaire (XIXe-XXIe siècles) »
15h10 : Débat
Session 4 : La Révolution française dans les arts du récit
Présidence : Florent Gaudez (Université de Grenoble 2, EMC2-LSG)
15h30 : Gérard Gengembre (Université de Caen, New York University), « Le roman historique contemporain et la Révolution française »
15h50 : Isabelle Durand-le-Guern (Université de Bretagne Sud), « Usages et représentations de la Terreur dans le roman policier historique contemporain »
16h00 : Débat
16h20 : Pause
Session 5 : Marie-Antoinette, icône pop
Présidence : Isabelle Krzywkowski (Université de Grenoble 3)
16h40 : Catriona Seth (Université de Nancy), « Marie-Antoinette, manipulations, modélisations et médiatisations »
17h : Dorothée Polanz (Université du Maryland, États-Unis), « Marie-Antoinette, icône suprême de la pop-culture du XXIe siècle »
17h20 : Guy Spielmann (Georgetown University, États-Unis), « Initiales M. A. »
Suivi d’une exposition-performance
17h40 : Débat
Synthèse de la journée : Jean Sgard (Université de Grenoble 3)
18 h : Le Procès de Charlotte Corday, lecture-spectacle, par Benoît Lepecq (auteur, metteur en scène et comédien) et Jeanne-Marie Garcia (comédienne)
19 h 15 : Visite de l’exposition Jean-Jacques Rousseau du Musée, Alain Chevalier
Jeudi 22 mars 2012
Musée de la Révolution française - Domaine de Vizille
Session 6 : La Révolution française vue du Japon
Présidence : Chantal Massol (Université de Grenoble 3)
9h30 : Nathalie Alzas (TELEMME, Université d’Aix en Provence), « Du Roman feuilleton à ‘l’animé’ japonais, l’image mythique du peuple en Révolution »
9h50 : Tomoko Takase (Université Meiji, Tokyo, Japon), « La Rose de Versailles, ou la Révolution de la femme dans l’univers des manga »
10h10 : Christophe Cave (Université de Grenoble 3, LIRE-CNRS) et Norio Mihara (Institut National des Sciences Appliquées de Lyon) : « De La Rose de Versailles à Lady Oscar de Jacques Demy : film et manga, représentations révolutionnaires et histoires de réception »
10h30 : Cyril Triolaire (CHEC, Université de Clermont Ferrand 2), « Lady Oscar. Révolution française, shôjo manga et série animée de masse ».
10h50 : Débat
11h10 : Pause
Session 7 : La Révolution française dans les arts du spectacle
Présidence : Yves Citton (Université de Grenoble 3, LIRE-CNRS)
11h30 : Jacqueline Razgonnikoff (Comédie-Française), « Une héroïne paradoxale : Théroigne de Méricourt, de Sarah Bernhardt à Mary Marquet, de Michelet à Élisabeth Rudinesco »
11h50 : Agathe Sanjuan (Bibliothèque Musée de la Comédie-Française) et Olivia Voisin (Université Paris Sorbonne - Paris IV), « Scènes de Terreur, la Révolution mise en scène à la Comédie-Française, 1831-1931 »
12h10 : Benoît Lepecq (Comédien, auteur), « Comment j’ai écrit Le Procès de Charlotte Corday »
12h30 : Débat
Session 8 : Musique, chanson, célébrations
Présidence : François Genton (Université de Grenoble 3)
15h30 : Pascal Dupuy (Université de Rouen), « La Révolution française dans la musique populaire ou l’instrument symbolique sans frontière (1950-2010) »
15h50 : Nathalie-Barbara Robisco (Lycée Paul Vincensini, Bastia), « La ‘Marseillaise’, présence et absence dans la culture contemporaine »
16h10 : Débat
16h30 : Synthèse de la journée : Yves Citton (Université de Grenoble 3, LIRE-CNRS)
Cinémathèque de Grenoble
Session 9 : « La mort d’un père, 6ème épisode des Nuits révolutionnaires de Charles Brabant (1989), d’après Rétif de la Bretonne »
20h : Présentation, projection et discussion avec Laurent Loty et Martial Poirson
Projection du 6ème épisode, La mort d’un père, sur la Terreur et la mort du roi (55 mn)
Vendredi 23 mars 2012
Université Stendhal-Grenoble 3, Grande salle des colloques
9h : Conférence : Jean-Claude Bonnet (CELLF-CNRS de l’Université Paris 4 – La Sorbonne), « Les ‘Marseillaises’ d’Abel Gance : Bonaparte et la Révolution (extraits de films de Gance, Griffith, Sacha Guitry) »
Répondant : Jean Serroy (Université Grenoble 3)
Session 10 : La Révolution française dans les arts de l’image
Présidence : Jean Serroy (Université Grenoble 3)
10h : Philippe Bourdin (Université de Clermont-Ferrand 2) ; « La Révolution française et la bande dessinée : Les Patriotes selon Giroud et Lacaf »
10h20 : Michel Porret (Université de Genève, Suisse), « Les vignettes de l’égalité: la Révolution dans la BD franco-belge »
10h40 : Laurent Loty (CELLF-CNRS de l’Université Paris 4 – La Sorbonne), « Les nuits révolutionnaires, du texte de Rétif au film de Brabant (1789-1989) : entre chronique et fiction, regard et projection, la Révolution en question »
11h : Romain Buclon (Université de Grenoble 2, Università degli studi di Napoli L’Orientale), « La publicité impériale. L’image de Napoléon dans la publicité de 2000 à 2011 »
11h20 : Joël Mak dit Mack (Lycée polyvalent François Mansart de Thizy), « Une curieuse absence : la révolution française dans les jeux vidéo ou comment interpréter la non représentation des événements historiques de 1789 à 1805 dans l’industrie vidéo-ludique ? »
11h40 : Débat
14 h - 16 h :
Session 11 (Visioconférence) : La Révolution française vue dans les médias d’Amérique du Nord / The French Revolution and Global Popular Culture Today
En partenariat avec le congrès annuel de l’American Society for Eighteenth Century Studies
Présidente : Stéphanie Génand (Université de Rouen, Institut universitaire de France)
Répondants : Alain Chevalier et Martial Poirson
Julia Douthwaite (University of Notre Dame, États-Unis), « Le martyre de Marat : une légende mise à jour pour l’année 2012 »
Dan Smith (University of Illinois at Chicago, États-Unis), « La Mort et l’immortalité : Comment fuir la Terreur dans la culture populaire anglaise et américaine »
16 h : Synthèse-conclusive et clôture du colloque : Alain Chevalier et Martial Poirson
Comité d’organisation : Alain Chevalier (directeur du Musée de la Révolution française) et Martial Poirson (Université de Grenoble 3, LIRE-CNRS).
Présidents du comité scientifique : Daniel Roche (Collège de France) ; Robert Darnton (Library of Harvard University).
Comité scientifique : Antoine de Baecque (Université Paris Ouest-Nantere-La Défense) ; Baczko Bronislaw (Université de Genève, Suisse) ; Jacques Berchtold (Université Paris 4 - La Sorbonne) ; Gregory Brown (University of Nevada, Las Vegas, États Unis) ; Alain Chevalier (Musée de la Révolution française) ; Yves Citton (Université de Grenoble 3, LIRE-CNRS) ; Jean-Marie Goulemot (Université François Rabelais-Tours) ; Pierre Frantz (Université Paris 4 – La Sorbonne) ; Sarga Moussa (LIRE-CNRS) ; Philippe Régnier (LIRE-CNRS) ; Martial Poirson (Université de Grenoble 3, LIRE-CNRS) ; Jean Sgard (Université de Grenoble 3) ; Jeffrey Ravel (Massachusetts Institut of Technology, Boston, États Unis) ; Pierre Serna (Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne, Institut d’histoire de la Révolution française).
Partenaires : Musée de la Révolution française-Domaine de Vizille ; UMR LIRE-CNRS ; Conseil scientifique et école doctorale de l’Université Stendhal-Grenoble III ; American Society for Eighteenth Century Studies ; Bibliothèque nationale de France ; Comédie-Française ; Institut d’histoire de la Révolution française ; Société française d’études sur le dix-huitième Siècle ; Groupe d’études du XVIIIe siècle (UNIGE, Suisse) ; Société des études robespierristes ; Voltaire Foundation ; MC2 Grenoble ; Espace 600 ; Cinémathèque de Grenoble.