Des intentions et de leur réception : à propos de « notre terreur » Actuel
lundi 13 septembre 2010Par Yannick Bosc, GRHIS, Université de Rouen
Notre terreur, création collective de la troupe d'ores et déjà mise en scène par Sylvain Creuzevault, est centrée sur Robespierre et les derniers mois du Comité de Salut Public. Créée l'an passé à La Colline la pièce est reprise du 9 au 30 septembre 2010 dans ce même théâtre pour la 39e édition du Festival d'Automne.
Disons d'emblée que ce spectacle porté par d'excellents acteurs frappe principalement par l'écart entre les intentions affichées et la réception des spectateurs.
Les intentions sont claires : « Que reste-t-il des révolutionnaires de l’an II dans l’imaginaire populaire ? Du sang. Sur quelle tête cet imaginaire se concentre-t-il ? Robespierre. Les 9 et 10 thermidor an II de la République marquent son arrestation et sa mort. Notre terreur interroge et dénonce cette transmission que d’ores et déjà interprète comme une censure thermidorienne, comme la fabrication de l’homme à abattre, comme le terroriste » (voir la présentation du spectacle sur le site de La Colline ).
La réception, elle, n'est guère à la mesure de cette dénonciation de l'imaginaire sanguinaire puisque l'on trouve par exemple cette lecture sur le site spécialisé Les Trois Coups.com : « (…) le collectif (d'ores et déjà) choisit de questionner les révolutions, ces mouvements qui renversent les ordres sociaux existants. Comment la Ière République, symbole de la démocratie, a-t-elle pu se transformer en dictature ? Comment ces utopistes aux buts si humanistes ont-ils pu faire de la terreur un des ressorts de leur gouvernement ? Comment le siècle des Lumières a-t-il pu ainsi s'achever dans le sang ? ». Pour sa part, Le Monde du 24 Septembre 2009 évoque une « création collective sur ces journées de 1793 et 1794 qui virent les idéaux révolutionnaires se dévoyer dans la Terreur, au nom de la fidélité à ces mêmes idéaux ». Après le spectacle les discussions rendent le même écho : « c'était certainement comme ça, des types complètement perdus qui se raccrochent à la vertu », cette dernière n'étant visiblement pas considérée comme « amour de l'égalité » (ainsi la définissaient Montesquieu ou Robespierre) mais un puritanisme. Le message n'est visiblement pas passé.
De fait, si la première partie de la pièce montre un Robespierre plus complexe qu'à l'accoutumée, qui tente de tenir des principes démocratiques dans une situation extraordinairement violente de guerre généralisée, on n'échappe finalement pas aux stéréotypes : ni à la raideur, ni au masque blanc, ni à la chasteté, ni au sang en contrepoint. Lorsque Robespierre est en slip (au sens littéral), le spectacle attendu commence.
Aussi n'est-ce pas seulement le spectateur qui apporte ses représentations et trouve ce qu'il a apporté : la dictature, le dogmatisme et le sang qui semblent devoir accompagner toute révolution. Elles imprègnent également ceux-là mêmes qui voudraient pourtant les mettre à distance. Comme l'écrit le metteur en scène, Sylvain Creuzevault, dans le livret qui accompagne la pièce, « le mouvement dominant de la transmission de l'histoire du gouvernement révolutionnaire de l'an II est aujourd'hui encore, et presque continûment (depuis lui), thermidorien en France, il est contre-révolutionnaire ». Nous y sommes.
A lire en .pdf le dossier de presse dont un entretien avec Sylvain Creuzevault qui présente ce projet collectif passionnant mais inaccompli.