Lorsque M. D** trouve chez moi nos papiers publics, il veut en être le lecteur. Jamais il ne témoigne plus de satisfaction, que quand je ne lui épargne point les réprimandes, sur le petit nombre de défauts qui lui échappent. Il est devenu l’admirateur passionné de l’éloquence simple et vigoureuse de quelque Membre de notre Sénat. La force, la clarté, la majesté des discours du Lord Chatam (2), l’adresse et la facilité de ceux du Colonel Barrey (3) et de M. Burke (4) ; la noblesse et la fermeté des réponses que Milord North (5) fait aux attaques du parti qui lui est opposé par système, lui plaisent également.

Nous n’avons point d’éloquence en France, me disait l’autre jour M. D**, nous ne connaissons qu’une rhétorique vaine et artificielle, que nous avons bien raison de définir, l’art de parler. Vous, Monsieur, vous seuls possédez celui de persuader et de convaincre : il semble que nos âmes soient trop faibles pour admettre ces impressions fortes et impérieuses qui les subjugueraient : par les habitudes que leur ont fait contracter notre ordre politique et nos usages moraux, il faut s’insinuer, plaire ou éblouir. Ainsi nos Orateurs en sont réduits ou aux adresses, ou au clinquant. Je crois, lui répliquai-je, pouvoir, sans une partialité bien grande, recevoir cet éloge pour quelques-uns de mes éloquents Compatriotes ; mais cette disette d’Orateurs véritables que vous trouvez chez vous, est assurément le fruit des circonstances, bien plus que l’ouvrage de la nature. Ceux que vous admirez avec raison, unissent à des talents naturels, très rares et très grands, l’avantage de pouvoir traiter, avec toute liberté, des sujets d’une importance majeure et générale. Leur position leur donne la plus riche et la plus intéressante des matières, puisqu’ils sont les défenseurs de l’intérêt de tous et de celui de chacun, et qu’aucune entrave ne s’oppose au développement de leurs vastes et graves sujets. Tous ces moyens là, et l’occasion de les employer, sont ravis parmi vous, à ceux que leur état met dans le cas de parler en public : vous n’avez pas notre genre d’éloquence, parce que vous ne pouvez pas l’avoir ; mais votre capacité et cette belle et claire unité, ce coulant, cette marche naturelle de votre Langue, vous donneraient des Orateurs au moins égaux aux nôtres dans des circonstances égales. – Je vois, Monsieur, que nous allons en revenir à une question qui fut agitée il y a long-tems pour la première fois. Comment donc ? – nous allons entamer un problème littéraire ; savoir si l’éloquence peut fleurir dans les États monarchiques, autant que dans les Républiques. – Cette question-là, répondis-je, me paraît insoluble dans un sens absolu, comme presque toutes les questions du monde. On fut très éloquent à Athènes et à Rome ; on l’est très peu à Venise et à Amsterdam. Tout ici bas dépend de bien des circonstances : je ne vois pas pourquoi une Monarchie n’aurait point d’excellents Orateurs, quand surtout les Princes y sont amis de la vérité ; et j’ai lu plusieurs fois, avec admiration les Remontrances de vos Parlements de France, elles m’ont paru des chefs-d’œuvre comparables en dignité et en énergie, à tout ce que l’amour de la liberté et de la Patrie inspira jamais dans notre Chambre des Pairs et dans nos Communes. – Voilà certainement un cas qui prouve ce que vous disiez tout à l’heure : l’éloquence s’agrandit par le sujet et par les circonstances ; mais comme il n’est point journalier parmi nous, et qu’il n’échet qu’à un Corps, cette source est fermée pour tous les Particuliers. Chez vous, au contraire, un nombre considérable d’individus peut en faire son étude et son objet. La grande éloquence y doit être plus commune et plus répandue. J’ajouterai encore une remarque, c’est qu’elle doit y avoir plus de vigueur, parce qu’elle a l’occasion journalière de s’y exercer, et qu’elle est plus prompte et moins symmétrisée. Je n’appelle point un homme éloquent, parce qu’il pense fortement, et parce qu’au fond de son cabinet, il écrit avec chaleur, avec énergie, quoiqu’il y joigne même les grâces et la pureté : je veux qu’il ait encore l’éloquence de l’extérieur et celle du moment. Or je soutiendrai que ces deux dernières s’acquièrent par la pratique, et fuient devant la gêne : il faut donc écarter les entraves et multiplier les occasions : voilà les moyens que vous avez continuellement dans votre Parlement, et qui sont bien circonscrits dans la Cour de Justice, à qui nous donnons le même nom à Paris. Je suis persuadé que si les deux Nations voulaient mettre de côté leur amour-propre et leurs sentiments exclusifs de préférence, et s’en rapporter aux étrangers, ces derniers prononceraient en général en votre faveur. Un Membre des Communes, qui a profité dans la discussion des affaires publiques, de tous les moments qui pouvaient donner du développement à sa sagacité et à sa façon de ramener à son sentiment ou à ses fins par l’adresse et le pathétique de l’expression, doit paraître, dans les voyages et dans les négociations, un homme bien supérieur à celui dont le langage s’est toujours traîné entre les lieux communs du discours familier, ou qui n’en est sorti que pour s’enluminer du fard académique. – Je ne sais, répartis-je, si cette audace, fille de la liberté et de l’esprit public, qui règne dans nos discours, ne fait point plutôt un mauvais effet dans la carrière épineuse où vous venez d’embarquer notre Sénateur britannique. Dans les Cours, toutes les impressions sont prévenues ; il ne s’agit point là de persuader, il faut s’insinuer, au contraire ; c’est le seul chemin à la réussite des affaires. Le talent d’insinuer, disait un homme (*) qui eut au suprême degré le talent des Cours, qui le plus souvent est celui des intrigues, le talent d’insinuer est plus en usage que celui de persuader, parce l’on peut insinuer à tout le monde, et qu’on ne persuade presque jamais personne. En effet, tout éloquents qu’ils sont, nos Orateurs échauffent plus qu’ils ne persuadent ; et pour faire cet effet hors de chez eux, il faudrait qu’ils emportassent l’esprit inflammable de la multitude qui les croit Apôtres de ses intérêts, et qu’ils le communiquassent à ceux auprès de qui ils ont à traiter. Et quelle différence de la glace qu’ils ont à fondre dans les Cours étrangères, et de la circonspection, de la défiance qu’ils ont à décevoir, aux matières combustibles, qu’il ne s’agit souvent que d’allumer ? Monsieur, cette espèce d’éloquence publique est très bonne où elle est : il ne faut point la promener ; et si j’étais à la tête du cabinet de quelque Souverain, je me mettrais plus en garde contre la manière polie de serpenter d’un Français, que contre l’élocution d’un Anglais qui aurait brillé en Parlement. – Monsieur, j’admets en partie cette réponse : je sens que vous avez parmi vous des Tribuns du Peuple qui ne sont bons qu’à cela ; mais ce n’est point là l’espèce que j’ai en vue : je suppose, et avec raison sans doute, qu’il se trouve dans la Chambre Basse des Membres honnêtes et désintéressés, ou même des hommes qui, sans avoir l’intention de faire triompher la vérité et le bien public, sont capables de les démêler à travers les sophismes et les suppositions des partis qui veulent faire dominer leurs opinions et leurs vues. Or combien ne doivent-ils pas s’y former par l’habitude d’entendre, d’analyser et de répliquer ! Que de lumières ne doivent-ils pas recueillir ! Et quelles habitudes de souplesse et de force ne doivent-ils point emporter de ces rixes, où tout est mis en usage, la véhémence, la ruse, l’adresse ! Quel homme doit être, à plus forte raison, un Ministre toujours combattu par système, contredit sans cesse par principe, et le plus souvent victorieux ! En effet, pour y parvenir, il est dans la nécessité d’éblouir les faibles, de réfuter les forts, et de ne déconcerter de rien. Je sens combien rapidement il doit s’élever au-dessus d’un Administrateur que la flatterie assaillit, que le mensonge assiège, et autour duquel l’intérêt de quelques Particuliers peut tirer une ligne éternelle, entre sa vue et les objets, entre ses pensées et les faits qu’il est si important, si indispensable de connaître. Aussi toutes les fois que cette place est remplie chez vous, par un homme d’un génie borné, dont l’affection du Maître a mal mesuré la portée, son règne est bien court et bien passager. Bientôt il s’embarrasse, il chancelle, il succombe. De quoi une semblable école ne doit-elle pas rendre un mortel capable, si le Ciel l’a favorisé de quelques-uns de ses dons ! – Monsieur, nous nous écartons un peu ; mais pour répondre à votre dernière observation, je crois votre Cour, un lieu où l’on fait un bien meilleur et plus prompt apprentissage d’adresse et d’habileté pratique dans les affaires. Sans contredit la Chambre des Pairs et celle des Communes ont formé de très grands hommes ; mais si vous parlez des talents pour les affaires du cabinet, Versailles est, à mon sens, une école bien plus raffinée que les salles de Westminster. Encore un coup on échauffe un Public, et l’on chemine par des obliquités dans les Cours. – Eh bien, Monsieur, si vous vous obstinez à nous laisser ce mérite là, ne m’empêchez pas au moins d’admirer ceux que vous avez d’ailleurs, les moyens journaliers d’y acquérir. être l’homme d’un grand Peuple ! – Oh ! ce grand personnage est un masque, ou n’est les trois quarts du temps que celui d’une faction. De loin, l’on nous voit par les beaux côtés ; on a de nous une opinion aussi fausse que celle que nous concevons quelque fois de votre existence politique et morale, quand nous vous voyons légèrement et à une distance égale. L’émulation que répand en France le désir de la confiance et de la faveur du Maître, développe autant d’aptitude et de talents dans ceux qui sont à portée d’y parvenir, que les occasions de signaler son patriotisme en font éclore en Angleterre. Le gros de la Nation est peut-être un peu mieux instruit parmi nous, parce qu’il a une liberté de parler, qui lui inspire la démangeaison de l’examen ; mais pour la classe supérieure, je ne sens pas nos avantages comme vous. – Vous m’inspirez, me dit alors poliment M. D.**, le désir d’aller voir moi-même si je me trompe dans l’idée que je m’en fais, et personnellement vous êtes fait pour fortifier mes préjugés à cet égard. Voilà, répliquai-je, un tour oratoire, dont aucun de nos éloquents Sénateurs ne se serait jamais avisé ! Il n’est pas un homme en Angleterre qui sache dire une chose flatteuse avec autant de grâce.

Il me semble, dit M. D**, que notre conversation prend la même route que toutes celles où l’affluence des idées amène rapidement, l’un après l’autre, des objets bien divers, par une liaison imperceptible pour ceux qui parlent. Nous voilà loin de l’éloquence nationale et des talents très disparates de nos Orateurs Parlementaires, et de nos Aigles du Barreau, comparés les uns aux autres. Pour que vous puissiez jouir du plaisir de connaître et d’observer par vous-mêmes l’état de l’éloquence parmi nous, il faut que vous alliez dans nos Temples, et que vous fréquentiez le Palais. Nous n’avons pas d’éloquence publique ni politique, comme en Angleterre : c’est donc un point de comparaison, dont il serait inutile et injuste de partir. On ne parle ici en public que dans la Chaire et au Barreau : dans l’une l’éloquence est souvent travestie ; dans l’autre elle est presque toujours sèche et stérile : des causes presque inévitables communiquent ces caractères aux discours qu’on y entend. Allons entendre plaider, nous analyserons ensuite les raisons de la médiocrité et de l’enfance perpétuelle où se traîne l’art de parler, dans des lieux où l’on ne fait que discuter continuellement des intérêts obscurs, et traiter des matières arides.

Dès le lendemain, mon cher Babillard, nous suivîmes quelques Plaidoyers relatifs à des affaires qui faisaient beaucoup de bruit : ils étaient faits et prononcés par les Avocats les plus célèbres : la vérité me force à dire qu’ils ne m’inspirèrent qu’une assez faible opinion de leurs talents.

Le premier que j’entendis, attaquait la validité d’un codicille, qui révoquait un testament antérieur : le fond de la cause était mauvais, en ce que la lettre de la Loi rendait vains tous les moyens dont l’Orateur s’avisa pour la soutenir : il n’en accumula que de faibles et de languissants, et les exposa avec une désolante prolixité. Sa diffusion me parut souverainement maladroite : j’eus la patience néanmoins de suivre ses redites pendant deux matinées ; on aurait imaginé qu’il pensait remporter la victoire à force de longueur et d’ennui ; déçu sans doute par l’espoir d’effrayer les Juges, à la vue d’une multitude intarissable de motifs qui pouvaient changer le cas juridique, il substituait l’enflure à l’abondance : trop occupé de ce soin perfide, il ne s’apercevait pas qu’il endormait au lieu de convaincre : sa verbeuse éloquence me parut on ne peut plus propre à produire cet effet, accompagnée, comme elle l’était, d’une prononciation lourde et monotone. Sa chute uniforme et sourde avait, pour assoupir, la même aptitude que le bruit répété et mourant d’une cascade qui tombe au loin, ou d’une machine qui d’abord écarte le sommeil par ses coups alternatifs, et puis le rend plus lourd et plus profond.

Un jeune homme, antagoniste du premier, montra de plus heureuses dispositions : clarté, netteté, correction, chaleur bien placée, bel organe. Le mouvement qu’il excita dans l’assemblée, me convainquit que la réunion de tant de talents divers y offrait une nouveauté : il fut précis et lumineux, court, serré, plein de nerf. Le sujet n’était point susceptible de véhémence, aussi n’en fit-il point paraître mal à propos. Il discuta, parce qu’il n’y avait qu’à discuter. L’applaudissement fut général et son triomphe complet.

Nous sortîmes, après avoir raisonné avec quelques personnes que nous rencontrâmes, sur cette cause qui faisait l’événement du jour, M. D** me dit : voilà notre éloquence, quand il s’agit de nos fortunes ; vous n’avez plus à connaître que celle qui regarde notre salut. Raisonnons un peu sur la première. A Rome, le noble et brillant emploi de défendre ses Concitoyens des traits de l’oppression et des ruses de la fraude, était l’épreuve et la première école par où passaient les hommes destinés à être un jour les Pères de la Patrie. Ici, c’est le partage de tout pauvre diable qui a de quoi faire son Droit, et qui, faute de pouvoir financer pour une Charge, se voit réduit à vivre au Palais des sottises d’autrui (6). Il est rare que ces Messieurs fassent des efforts de génie : et comme l’argent est bien plus leur récompense que la gloire, il arrive journellement que le mortel à qui sa faconde a donné quelque vogue, n’est pas fort scrupuleux sur le choix des causes qu’il entreprend de défendre, et que la mieux payée paraît toujours la meilleure. La véritable éloquence que ces Messieurs prisent bien moins que leurs honoraires, est bien fille de l’esprit : mais elle tient aussi un de ses caractères du cœur : elle n’a jamais toute sa force et son énergie, si elle ne part de conviction, et si elle n’est soutenue par une vérité bien sentie.

Deux ou trois noms respectables, parce qu’ils retracent à la fois la capacité et la vertu, sont encore des signaux d’émulation au Barreau. Néanmoins ils ne servent qu’à remplir la bouche et à fournir un terme de comparaison à la plupart de ceux qui marchent dans cette carrière, sans suivre des exemples qui contraindraient trop leur cupidité. A la fois Jurisconsultes, Orateurs et Citoyens d’une probité révérée, Cochin (7) et Le Normand (8) n’ouvrirent jamais leurs lèvres sans être assurés de vaincre. Leur éloquence était toujours l’égide de la bonne foi et du bon droit bien approfondi. Celui-ci prêtait à son tour un fondement solide à leur élocution victorieuse ; il était le garant de toutes leurs tentatives en faveur de la justice et de l’innocence. Les Juges les écoutaient avec confiance, et le Public les entendait avec respect. Vous auriez trouvé alors des traces de l’art que Cicéron porta à sa perfection, mais les déclamations brillantes, le bavardage sophistiqué ont pris la place, et vous êtes venu dans un mauvais moment.

Ne regrettez-vous point, répliquai-je en souriant, le terrible Orateur que ses malheurs contraignirent à chercher un asyle chez nous ? (9) – Il ressemblait à ces hommes illustrés au Barreau, comme un Forban ressemble à un Conquérant auguste et légitime : des facultés naturelles, du courage, des ressources dans l’imagination, une diction étincelante ; mais tous ces talents étaient continuellement prostitués sans pudeur, et mis en œuvre avec une chaleur frénétique. Il aurait pu être quelque chose de mieux qu’un brouillon éloquent, qu’un satyrique furieux, qu’un déclamateur sans suite et sans ordre, si chez lui le cœur et le sens commun avaient pu prendre le pas sur une imagination déréglée. Ce n’est point là où vous reconnaîtrez l’éloquence, avec un esprit aussi raisonnable que le vôtre. Il faut donc, répliquai-je que je fasse l’essai de celle qui fait retentir les voûtes de vos Temples. Je veux connaître vos Prédicateurs. Si les Avocats ont changé de méthode, ceux-ci du moins n’ont aucune raison apparente de parler de Dieu autrement que ne le firent les Apôtres. Quelle méprise ! me répliqua mon ami, y eut-il jamais Feuille des Bénéfices dans la primitive église ? Comptez-vous pour rien les vues de l’intérêt, sans parler des prétentions de la vanité.

Ne vous fâchez pas, mon cher Babillard, de la critique un peu vive qui est répandue dans cette Lettre. Je n’aurais jamais osé en hasarder les traits, d’après mon propre jugement, c’est un des vos Compatriotes qui a parlé. Je me défiais trop de mes yeux, pour m’en servir dans cette occasion : prenez-vous-en au guide que vous m’avez donné, si vous trouvez sa censure outrée.

Si je prends la liberté de vous dire quelque chose sur les Pères élégants de l’Église moderne, ce sera encore M. D**, qui sera mon inspirateur et ma boussole.

Je suis, etc.

Le Voyageur Anglais.

NOTES

(*) Le Cardinal de Retz dans ses Mémoires.

(1) Le Babillard, n° 57, 15 octobre 1778, III, p. 129-144. « C’est encore mon Voyageur Anglais qui va entretenir mes Lecteurs. J’espère qu’on voudra bien l’écouter avec autant d’indulgence, qu’on en a eue jusqu’ici, pour tout ce que ses idées ont pu offrir de contraire aux nôtres ».

(2) William Pitt, 1er comte de Chatham (1708-1778), député aux Communes puis à la Chambre des Lords, célèbre pour son grand talent oratoire, pour son patriotisme et son énergie dans la crise américaine.

(3) Isaac Barré (1726-1802), officier britannique né à Dublin d’un réfugié français. A servi en Amérique et participé à la prise du Québec en 1759, où il fut blessé. Membre du Parlement depuis 1761, premier ministre de 1770 à 1792. Brillant orateur, célèbre pour sa défense de la cause américaine et son discours d’opposition au Stamp Act en 1765, dans lequel il nomme les Américains « Sons of Liberty », titre adopté par la suite par des associations et des clubs patriotiques.

(4) Edmund Burke (1729-1797), philosophe et homme d’état whig né à Dublin, plus connu pour ses idées sur le beau et le sublime (1757) et ses Reflections on the Revolution in France (1790). Brillant orateur au Parlement britannique pendant 30 ans, défenseur de la Glorious Revolution de 1688 et de la révolution américaine. Citons, parmi ses discours les plus fameux aux Communes, On conciliation with the Colonies.

(5) Lord Frederick North, 2e comte de Guilford (1732-1792), chancelier de l’échiquier, puis premier ministre de 1770 à 1782, ministère dominé par les problèmes liés à la guerre d’indépendance des colonies d’Amérique, jusqu’à la défaite de Yorktown en octobre 1781 qui met fin au conflit armé avant la paix de Paris. La politique du gouvernement de Lord North et de George III fut attaquée avec violence dans The Letters of Junius, parues anonymement dans le Public Advertiser.

(6) Sur l’évolution du Barreau et de la pratique du droit dans les années 1760, sous la pression d’avocats-écrivains qui, comme Linguet et Falconnet, sont partisans d’une ouverture de la profession et mettent en pratique un nouveau mode d’éloquence républicaine dans la sphère publique, David Bell, Lawyers and Citizens. The Making of a Political Elite in Old Regime France, New-York, Oxford, Oxford University Press, 1994, 280 p.

(7) Henri Cochin (1687-1747), célèbre avocat du Parlement de Paris. Œuvres, 6 vol. 1751-1759. Dans son Tableau de l’éloquence judiciaire (13e éd., Paris, Corrêa, 1943, p. 109-111), Maurice Garçon souligne ce qui fit son immense réputation au 18e siècle : l’art de persuader par la simplicité de l’exposé et la rapidité de la démonstration ; quand la narration est terminée, la discussion devient inutile. En osant l’improvisation, il sut garder la forme pure de l’éloquence sans atténuer la spontanéité des sentiments.

(8) Alexis-François Le Normand, avocat et orateur réputé. Au moment de la crise janséniste, il mène les négociations de l’ordre des avocats de Paris dans l’Affaire des avocats (1730-31), qui aboutit à un compromis avec le pouvoir et assure l’indépendance de l’ordre. Alors que l’éloquence classique perd du terrain, il est amené à refuser en 1733, sous la pression de ses collègues, l’entrée à l’Académie française, couronnement de sa carrière d’orateur du barreau (David Bell, Lawyers and Citizens, op. cit., p. 109). Sur les effets des controverses ouvertes au sein du catholicisme sur la crise de la monarchie absolue, Dale K. Van Kley (1996, Yale University Press), Les origines religieuses de la Révolution française. 1560-1791, Paris, Seuil, 2002, 576 p.

(9) Il s’agit de Linguet. Simon Nicolas Henri Linguet (1736-1794), avocat au Parlement de Paris, défenseur de plusieurs causes célèbres dans les année 1770. Rayé du Barreau, il se lance dans le journalisme politique ; il doit s’exiler après l’interdiction du Journal de Politique et de Littérature en 1776, et édite en Angleterre son journal le plus connu, les Annales politiques, civiles et littéraires du XVIIIe siècle. André Damien voit en lui le fondateur de l’éloquence judiciaire moderne (Les avocats du temps passé, 1973, 568 p.).