Jean-Baptiste Jean nous raconte la vie de Toussaint Louverture depuis sa participation à l’insurrection de 1791 jusqu’à son arrestation et sa mort au Fort-de-Joux en 1803. Un très beau tableau d’Eddy Jacques peint l’esprit de l’insurrection des esclaves au moment où Sonthonax proclame la liberté générale et distribue des armes aux nouveaux libres, au Cap, le 29 août 1793. La résistance victorieuse à la tentative de Bonaparte de restaurer l’esclavage en 1802, suivie de la proclamation de la République d’Haïti en 1804, sont largement représentées avec la Bataille de la Ravine à Couleuvres en février 1802 et celle de la Crète-à-Pierrot en mars 1802 par Michel-Mercier Obin, L’arrestation de Louverture en 1802 par Henri-Claude Obin et la grande victoire de Verrières le 18 novembre 1803, par Jean-Baptiste Jean. Une étrange peinture de Toussaint Louverture le précurseur, en esprit marin à queue de poisson enracinée dans la mer, auréolé de poissons volants, raconte l’histoire de la formation du peuple haïtien et de son drapeau, par Madsen Mompremier.

La dernière partie de l’exposition rappelle des épisodes de l’histoire d’Haïti de 1804 jusqu’à aujourd’hui. On notera un tableau du président de la République Pétion recevant Bolivar en 1816, par Alfred Altidor, qui rappelle les efforts que fit Haïti pour trouver des alliés qui aboliraient l’esclavage, à l’occasion du vaste cycle des indépendances des colonies de la couronne d’Espagne. Mais l’attente d’Haïti fut trompée et c’est ainsi qu’elle se retrouva, seule sur le continent américain, à mettre en pratique la liberté générale durant tout le XIX e siècle, ce qui ne facilita pas ses rapports avec ses voisins esclavagistes.Frantz Augustin a peint plusieurs évocations de l’occupation d’Haïti par les Etats-Unis, de 1915 à 1934, dont un émouvant hommage à ceux qui sont morts pour la liberté d’Haïti, de Louverture à Charlemagne Péralte, crucifié par l’armée états-unienne.

Divers épisodes de l’histoire récente marquée par les trahisons successives des élites politiques, l’accélération de l’exode rural et de la misère, sont illustrés par de nombreux tableaux d’Edouard Duval-Carrié, Cameau Rameau, Eddy Jacques, Préfète Duffaut, Jean-Claude Sainte-Croix, Max Gerbier et bien d’autres, qui tous révèlent qu’en Haïti, le peuple qui vit à, ou qui vient de, la campagne a été appelé par ces élites « peyi an deyo » (1), « le pays en dehors » ! Le pays qui n’a pas d’existence politique, le pays qui a été mis à l’écart par la classe dominante et ne participe pas à l’exercice des pouvoirs publics, le Pays crucifié comme l’a peint Mécène Brunis parce qu’il faut le dire, parce qu’il faut que cela change.

Un très beau catalogue est disponible : Jean-Marie Drot, Haïti/500 ans d’histoire, Roma, Carte Segrete, 2010. Cette exposition a voyagé du Musée du Montparnasse à l’UNESCO en février et mars 2010.

(1) Voir Gérard Barthélemy, Dans la splendeur d’un après-midi d’histoire, Port-au-Prince, éditions Henri Deschamps, p. 280.