Représenter l'événement

Le Dix-Août de Bertaux, œuvre à la fois de reconstitution historique et d'imagination, est marquée par des tensions multiples. On sait que selon la pensée académique dominante à Paris à la fin du XVIIIe siècle, l'événement met à l'épreuve la doctrine de la hiérarchie des genres et donc de la représentation picturale. Le tableau de Bertaux confronte cette tradition exclusive, mais aussi en intègre certains codes de narration et de figuration. De plus, le caractère spécifique de l'événement républicain, son sens historique et politique, introduit une préoccupation nouvelle qui subvertit l'autorité des règles académiques. L'événement du 10 août 1792 agite un discours symbolique qui se distingue évidemment d'une cérémonie royale, mais aussi de la prise de la Bastille. Enfin, il est patent que le contexte révolutionnaire met la peinture à l'épreuve de l'esthétique de la gravure.

Le pinceau qui esquisse librement peut parvenir à exprimer l'énergie de la Révolution, mais peine à en saisir la complexité qui transparaît dans la pensée et les écrits de l'époque. Quant au pinceau qui décrit minutieusement les faits sociaux et politiques, il ne peut rivaliser avec la gravure dans sa pratique la plus moderne, celle qui répond aux réalités commerciales du moment. Poussés par une volonté d'adhérer au nouvel ordre social et par la nécessité économique d'y trouver leur place, les peintres, même s'ils continuent à mépriser les artistes-artisans qui gravent, ne peuvent que jalouser leur capacité d'adaptation aux circonstances et les profits qu'ils en tirent. A la différence de David composant le Serment du Jeu de Paume en 1790-1791 comme une peinture d'histoire, Bertaux adopte certains critères de la représentation gravée de l'événement lorsqu'il peint le lDix-Août (voir plus loin). Selon l'orthodoxie académique de l'ancien régime, il s'agit indéniablement d'une défaite de la peinture.

Grâce aux études consacrées à la prise de la Bastille en tant qu'action collective symbolique, on comprend comment l'événement accède véritablement au cœur de l'histoire révolutionnaire, comment dans le rapport à cet événement ont pu s'exprimer un ensemble de positions politiques, sociales et culturelles. (4) Mais il faut aussi convenir que le monument-symbole parasite la représentation gravée : la forteresse domine dans les images comme dans l'imaginaire. L'événementiel - l'action des protagonistes - s'en trouve souvent réduit presque à néant.

Par ailleurs, lorsqu'un peintre d'histoire avec ses principes académiques s'attaque au sujet - sur-le-champ il n'y en a qu'un à oser, François-André Vincent - il élimine la forteresse encombrante, du moins son profil caractéristique. Privant ainsi le thème de son emblème, il le dépolitise. En résulte une scène pathétique à la Greuze dont le sens révolutionnaire est dilué. Que Vincent abandonne sont projet est peut-être l'aveu d'une impasse. Ainsi l'événement de la prise de la Bastille ne parvient jamais à se fixer sur la toile de manière stable : l'action est éclipsée par le monument-symbole ou réduite à un incident violent et dramatique, presque anecdotique. (5)

Les images des événements révolutionnaires attendent toujours une analyse globale. On sait qu'un événement ne devient alors une référence qu'à l'issue d'un processus complexe et progressif d'interprétation et d'appropriation. Dans le cas de la prise de la Bastille, le rôle des représentations gravées a pu être précisé. L'historien qui voudrait élargir son champ aurait à distinguer entre les événements qui ont été peints, ceux en plus grand nombre qui ont été gravés et enfin ceux constitués par les récits mais n'ayant pas été représentés. Quiconque a eu besoin d'illustrations pour un ouvrage sur la Révolution sait qu'il n'y a pas d'adéquation entre le récit historique et l'imagerie de l'époque. De plus, il faudrait introduire des distinctions typologiques, car la représentation d'une victoire militaire n'obéit pas aux mêmes impératifs que celle d'une journée populaire. (6)

Cela dessine les contours d'un recensement et d'une analyse difficiles à réaliser parfaitement, mais dont l'intérêt pour une meilleure connaissance de l'art et l'histoire de la période est démontré par les premiers résultats du travail collectif sur les gravures des Tableaux historiques. En écho à cette entreprise focalisée sur l'estampe, la réflexion qui suit explore la pratique picturale de l'époque. A partir de projets et de réalisations majeurs, il s'agira de préciser comment les peintres appréhendent l'événement. Parce que la peinture jouit du statut d'art libéral, elle est l'objet de commentaires nombreux, dont certains portent pertinemment sur cette question.

Peintres d'histoire à l'épreuve de la Révolution

Une semaine avant la réunion des États généraux, Louis-Jacques Durameau, peintre d'histoire de l'académie royale, et en même temps peintre docile et sans histoires, écrivait à son patron, le directeur des Bâtiments du roi, chargé des commandes officielles :

"Vous savez que la peinture est un miroir qui nous représente nombre de sujets, les uns sont intéressants pour le pittoresque, d'autres pour la vérité ou la couleur, et enfin par les sujets purement historiques dont l'importance seulement en a déterminé l'exécution ; telle est, je crois, la représentation de l'assemblée prochaine des États généraux, qui n'offrira sans doute que le portrait exact de la dite assemblée et qui sera, je crois, le premier tableau de ce genre."(7)



Cette déclaration d'intention - de peindre l'événement extraordinaire qui allait se produire - s'annonce d'une simplicité désarmante : la peinture serait un miroir. A mon sens, Durameau cherche en fait à exorciser la complexité inquiétante de son entreprise, inédite même de son propre aveu : il prétend peindre "le premier tableau de ce genre". Le nouveau genre serait celui du "portrait exact" de l'événement, une métaphore qui voudrait faire accroire que le peintre puisse représenter la scène d'actualité avec la maîtrise propre à la pratique du portrait. De son projet Durameau écarte le "pittoresque", c'est-à-dire l'invention artistique, et la "vérité ou la couleur", c'est-à-dire l'interprétation, donc toute ambition de donner un sens au sujet. Cette tentative de neutraliser l'événement semble une réponse angoissée du pouvoir et de ses artistes confrontés à une actualité imprévisible et brûlante.

La revendication de nouveauté et de primauté appelle d'autres remarques. Les brillantes cérémonies royales, les réceptions d'ambassadeurs qui régissaient la politique internationale sous l'ancien régime, les rites aristocratiques et les victoires sur le champ de bataille, avaient souvent été peints à la demande des monarques soucieux de conserver le souvenir des grands moments de leur règne. De même, la municipalité parisienne commandait régulièrement des toiles mettant le bureau de la ville en scène. Peu de temps avant que Durameau ne formule son projet, des dessinateurs et des graveurs - Moreau le Jeune notamment - avaient tracé l'image de l'Assemblée des notables.

La différence que souligne Durameau tient par conséquent au statut de "tableau" de son projet et aux ambitions que cela implique. Il s'agit bien d'une reconstitution et d'une chronique (un siècle plus tard on dira, un reportage), mais sans doute à l'échelle de la peinture d'histoire, justifié par "l'importance" du sujet. Probablement sans s'en rendre compte, Durameau introduit une faille dans l'ordre de l'ancien régime : ce n'est plus l'histoire immuable de la monarchie qui produit l'événement, mais l'événement aléatoire et imprévu qui produit l'histoire. Le peintre s'aperçoit-il qu'en affirmant peindre un tableau d'un genre "inédit", il renforce l'idéologie de renouveau et de régénération que les partisans des réformes articulent sans relâche en ce printemps 1789 ?

Placer ainsi l'histoire contemporaine avantageusement sur le plateau de l'iconographie académique, c'était prendre le risque de fausser tout l'équilibre du système traditionnel attribuant la prééminence aux sujets anciens. Pour apprécier combien ce système était alors protégé, il faut se rappeler avec quelle prudence à la fin des années 1770 le directeur des bâtiments du roi y avait introduit l'histoire nationale.



En 1787, l'interdiction faite à Jean-Baptiste Robin d'exposer au Salon le portrait de Lally-Tollendal, ôtant le crêpe funèbre du buste de son père récemment réhabilité, témoigne de la volonté des autorités royales de repousser la pression que l'actualité commençait à exercer sur la peinture.(8) Cette tension dans le monde des arts est amplifiée par les contentieux, autrement retentissants, qui surviennent lorsque l'opinion prétend influer sur les instances de décision politique, tels le conseil du roi ou l'assemblée des notables. C'est que la pression de l'actualité mine la régularité du temps de l'ancien régime : les événements de l'été 1789 n'auraient dû être que des accidents de l'histoire, vite oubliés comme les émeutes qui avaient lieu sporadiquement depuis vingt ans. Elle mine également l'exclusivisme de la peinture d'histoire, attachée à représenter les grands moments du passé, qui par leur caractère exemplaire ou sublime auraient conservé à travers les siècles leur pouvoir de fascination. En vérité, la résistance que la peinture officielle oppose à l'actualité dans les décennies qui précèdent la Révolution est efficace : tandis que les graveurs et les marchands d'estampes s'inspirent des faits divers et des polémiques politico-religieuses et s'adressent directement à l'opinion, les peintres majeurs demeurent en retrait, plongés dans des rêveries antiques, travaillant à d'ambitieuses compositions qui au mieux subliment les aspirations nouvelles de leurs contemporains et au pire les laissent indifférents.

L'esquisse de l'ouverture des États généraux que Durameau expose en septembre 1789 au Salon, sans attirer le moindre commentaire de la part des critiques, est perdue ; son grand tableau n'a jamais été réalisé. Dans cette composition du "peintre du roi", titre que portaient tous les académiciens, Louis XVI devait sans doute tenir le beau rôle, mis en valeur par l'ordonnance de l'architecture et le décor symbolique de la salle des Menus-Plaisirs.(9) Peut-être le roi était-il le seul personnage actif de la scène, à l'instar de la même scène gravée par Jean-Baptiste Patas.(10) Ce graveur s'est laissé impressionner par le faste du cérémonial royal, justement conçu pour éblouir, mais pas au point de négliger l'essentiel, qui en quelques jours s'était précisé : la rivalité politique opposant le Tiers aux autres forces en présence. Une ligne verticale, tracée dans le champ de la perspective, sépare le Tiers, à droite, des ordres privilégiés qui font alliance avec le roi et la cour, à gauche. Les figures individualisées des députés du Tiers, les forces vives de la nation, se distinguent de celles du clergé et de la noblesse, figées et dépersonnalisées, exclues du rapport de forces qui s'instaure entre le Tiers et le roi.

Selon les convenances, la représentation des États généraux ne pouvait que s'attacher à la scène du discours royal. L'immobilité des députés renvoie à l'esthétique dominante (d'inspiration winckelmannienne), mais aussi à l'histoire monarchique qui au fond ne requiert d'autres acteurs que le roi. On comprend dès lors ce que la représentation d'une action autonome affirme : que l'histoire est faite par les hommes. Suivant l'idéologie des Lumières qui animait l'opinion et portait l'ambition artistique depuis les années 1770, le peintre concevait volontiers une histoire des grandes figures historiques ayant pris leur destin en main. Si le graveur pouvait montrer la foule de sujets anonymes sans devoir tenir compte des réalités sociales, ce n'était pas le cas du peintre d'histoire qui conférait à la moindre de ses figures une dignité chargée de revendications. Il faut ici revenir à l'exemple de Vincent, qui avait tenté de faire entrer la prise de la Bastille dans le cadre théorique de la peinture d'histoire : en montrant des acteurs qui font le bien, en moralisant la scène d'insurrection populaire, il l'avait banalisée et dénaturée. Il faut reconnaître, en forçant la métaphore politique, que la représentation de l'événement révolutionnaire, dont le fondement est démocratique, s'accommode mal des codes de la peinture d'histoire, dont le principe est exclusif, autrement dit aristocratique.

On sait que Jacques-Louis David, le plus talentueux et audacieux peintre de l'époque, a voulu résoudre cette contradiction et peindre le serment du Jeu de Paume. L'analogie entre le Serment des Horaces et le Serment du Jeu de Paume est un lieu commun de l'histoire de l'art : David traite le sujet révolutionnaire à la manière de l'histoire ancienne, estimant pouvoir s'appuyer sur la culture du public, son éducation classique dans un cas, son civisme patriotique dans l'autre. L'efficace de sa tentative est d'ailleurs reconnue par certains critiques qui littéralement entrent en transe devant la scène.(11) Certains contemporains pourtant trouvent que sa composition n'a aucun sens : "Mais quel est l'objet de ce serment, dans quel instant a-t-il été prêté, quels étaient les dangers qu'on couraient en le prêtant : c'est ce dont le dessin ne dit mot, cependant le point capital était de le dire."(12)

L'auteur de cette critique aurait désiré que la composition fasse mieux comprendre l'enjeu de la scène, que l'artiste ait adopté une démarche plus objective, fondée sur des indices iconographiques aisément repérables. Car à la différence de Durameau, qui se proposait de tracer le "portrait" des États généraux, et des nombreux dessinateurs et graveurs qui se vantaient d'illustrer les événements révolutionnaires, David récuse l'idée d'offrir un témoignage véridique. Sa représentation de l'événement est fondée sur le principe qu'elle ne doit pas illustrer l'histoire mais en expliciter le sens. (13)

A l'instar de David, Lebarbier, lorsqu'il compose un hommage à Désilles, héros et victime de l'affaire de Nancy, s'efforce d'interpréter l'événement révolutionnaire dans les termes de la peinture d'histoire (voir). Conformément à la conception qui accorde à l'individu exceptionnel, au grand homme, un rôle historique déterminant, il célèbre le sacrifice héroïque du jeune soldat, qui avait tenté d'empêcher un violent conflit opposant des soldats à leurs officiers. Les particularités de l'événement, qui fournissent le cadre de l'action héroïque, ne sont qu'une réalité accessoire, un élément de décorum pictural. Toutefois, l'enjeu politique que devient l'interprétation de l'événement sous la Révolution rend un tel détachement difficile à tenir. Lebarbier doit réviser sa composition à la suite des polémiques qu'inspire l'affaire de Nancy : quand la mutinerie se reformule en rébellion légitime, que devient l'action de celui qui voulait empêché que le sang ne coule ? Vouloir appliquer les règles de la peinture d'histoire à l'événement révolutionnaire, dont l'interprétation peut fluctuer, c'est prendre le risque de se retrouver avec un sujet qui n'a pas de sens commun.

Charles Villette écrivait en 1791 : "On est un peu surpris de ne voir au Salon qu'un seul tableau des grands événements de la Révolution. Les artistes ne sont-ils donc pas élevés à sa hauteur ?"(14) Car si l'on passe en revue les peintures qui s'attachent aux événements du début de la Révolution, on trouve surtout des œuvres d'artistes anonymes ou mineurs, tel Lallemand, auteur d'une série sur les journées de l'été 1789 étroitement inspirée par les estampes. C'est la gravure qui entraîne alors la peinture et non l'inverse. A partir de 1792 seulement, quelques jeunes peintres, malgré leur formation académique, adhèrent à l'esthétique descriptive de la gravure, sans doute parce qu'ils comprennent à quel point cela répond à une attente du public. Par exemple, peu avant la chute de la royauté, Charles Thévenin peint dans cet esprit une Fédération du 14 juillet 1790, aujourd'hui au Musée Carnavalet.

La peinture des événements révolutionnaires est alors encouragée par le débat sur les arts et leur place dans une société régénérée. Dès le début de l’année 1791, plusieurs voix appellent à la réalisation de tableaux “représentant les événements mémorables d’une révolution qui fera, jusqu’à la fin des siècles, l’étonnement et l’admiration de l’univers”. (15) Le premier prospectus pour les Tableaux historiques, diffusé à cette époque, adopte cette position : “Beaucoup d’écrits contiennent les faits et les événements arrivés depuis le 14 juillet 1789. Un artiste célèbre (David) exerce son pinceau sur la journée mémorable du serment de l’assemblée nationale dans le Jeu de Paume à Versailles. Ce sujet était bien digne de l’auteur du tableau de Brutus. Les artistes dans ce moment doivent consacrer leurs talents à transmettre à la postérité tous les événements qui ont préparé, accompagné et suivi la conquête de la liberté française et la régénération du plus beau royaume de l’univers.” (16)

L’articulation de l’argument est ici particulièrement suggestive d’un changement dans les manières de penser. L’événement, en premier lieu, est appréhendé à travers les écrits qui légitiment son importance. Ensuite, l’initiative singulière de David, grâce à sa réputation artistique et politique, est présentée comme un exemple que tous sont incités à suivre. Dans les années 1793-1794, l'histoire de la Révolution finit par s'incarner dans la succession d'événements. (17) S'expriment alors des positions esthétiques plus radicales, critiquant le “respect superstitieux” pour la “mascarade antique”, et exhorant les artistes à illustrer les “faits héroïques” et les “événements fameux” de la Révolution.

Chez le sculpteur Espercieux, l’idéologie démocratique inspire la répartition des sujets républicains entre “les faits qui sont l’ouvrage du peuple tout entier”, les journées révolutionnaires destinées à être célébrées dans l’espace public, et les “faits particuliers”, les actions vertueuses des citoyens qui inspirent des images peintes et gravées destinées à être contemplées dans un cadre privés. Ces positions, qui se durcissent au printemps 1794, sont de plus surdéterminées par celles qui visent à réduire la distinction entre peinture d’histoire et peinture de genre. L’idée que la moralité de l’œuvre et la sincérité de l’artiste importent plus que le sujet est implicite dans l’invitation faite aux artistes par le Comité de Salut public en avril 1794 de “représenter, à leur choix, les époques les plus glorieuses de la Révolution française”, appel dont les termes évitent soigneusement de réduire l’histoire à l’événementiel. A la différence des concours de sculpture et d’architecture, aucun sujet précis n’est proposé aux peintres. C’est une manière de dire qu’il n’y a plus officiellement de hiérarchie entre les sujets, ce que comprennent les artistes en rendant des représentations d’événements majeurs, des allégories et des actions héroïques et civiques, à peu près dans des proportions égales. (18)

Le cas du Dix-Août

Ces différents points - les principes contraignants de la peinture d'histoire, l'émergence de discours mettant en cause sa suprématie, l'instabilité de l'iconographie révolutionnaire, les différences entre les pratiques des peintres et des graveurs, les difficultés et les efforts d'adaptation des peintres confrontés au nouvel ordre social - aident à appréhender le tableau du Dix-Août signé Bertaux.

On sait que l'insurrection du 10 août 1792 a été immédiatement perçue comme une journée révolutionnaire, une seconde révolution qui mettait fin à la monarchie française et instaurait le régime républicain. Aujourd'hui les historiens reconnaissent le rôle primordial des sections parisiennes et des fédérés de province, la pression des sans-culottes, ce que Jacques Godechot naguère avait compris contre l'interprétation marxiste dominante, de Mathiez à Soboul, qui majorait la responsabilité de Robespierre et des futurs Montagnards. (19)

Deux événements distincts et deux sites distincts ont marqué cette journée. Très tôt le matin, le château des Tuileries où résident le roi et la famille royale, défendu par environ quatre mille hommes, dont neuf cents Suisses, est assiégé par les sectionnaires et les fédérés, réclamant la déchéance du traître qui soutenait la Contre-Révolution et compromettait l'effort de guerre. Menacé, le roi accepte de se mettre sous la protection de l'Assemblée, qui est installée au Manège, à proximité des Tuileries. Ceux qui avaient orchestré ce scénario voulaient contraindre le roi au rappel des ministres girondins et désamorcer le conflit sanglant qui s'annonçait entre les gardes des Tuileries et les sections. Nonobstant, un combat violent s'engage après le départ du roi. Des incidents et des revirements se succèdent : des scènes de fraternisation, puis des coups de feu meurtriers qui embrasent le palais et ses abords, des scènes d'humanité et beaucoup de scènes de cruauté. L'assaut a lieu avec l'appui de canons apportés dans la cour royale et dirigés contre la façade principale du château, où s'étaient retranchés les partisans du roi. Quelque trois cents morts chez les insurgés, quelque cinq ou six cents chez les défenseurs des Tuileries : les pertes sont lourdes des deux côtés. Après que les représentants des sections victorieuses se rendent à l'Assemblée, celle-ci prononce la suspension du roi et la convocation d'une Convention nationale.

C'est cette ultime scène que le peintre François Gérard choisit de traiter en réponse aux termes du concours de l'an II cités plus haut. L'élève de David adapte aux exigences politiques de l'an II le parti du Serment du Jeu de Paume de son maître. Le peuple en armes, moins vainqueur que martyr, imite les gestes des députés du Tiers, non pour s'unir mais pour accuser de trahison la famille royale et les Girondins de l'assemblée. Cette invention de l'artiste - car en réalité ce ne sont pas les combattants mais les représentants des insurgés qui se rendent au Manège - témoigne de la modération de Gérard. Le désordre populaire est contenu, l'autorité de la représentation nationale est préservée. A la différence des députés qui au Jeu de Paume avaient pris leur destin en main, le peuple ici est une force politique immergé dans un jeu complexe dont les acteurs sont les députés, le président et le bureau de l'assemblée, les spectateurs et même la famille royale, dont la position extrême inverse et neutralise celle du peuple. Cette interprétation des événements du 10 août n'était pas pour déplaire aux républicains modérés : jusqu'en 1799, l'administration du Directoire encourage Gérard à réaliser en grand sa composition. (20)

Si l'aspirant peintre d'histoire veut donner un sens politique à cette journée, les imagiers en revanche n'en retiennent que le drame militaire : la bataille des Tuileries. Manifestement, tous les graveurs ayant à traiter ce thème avaient à l'esprit l'assaut de la Bastille trois ans plus tôt.(21) Des groupes serrés de petites figures au premier plan, vues de dos, pointent fusils et canons en direction du palais, d'où l'ennemi invisible tire ses salves, agression que matérialisent d'épaisses fumées. Les flammes qui consument les bâtiments de la cour royale rappellent également l'effet qu'avaient exploité les gravures de la prise de la Bastille. Le château des Tuileries était imposant et sa toiture distinctive, mais il n'était pas chargé d'une puissance symbolique forte. Sans doute parce que la famille royale n'avait investi les Tuileries que depuis les journées d'octobre 1789, dans l'imaginaire des patriotes la monarchie restait associée plutôt au château de Versailles, dont certains réclamaient la démolition. (22)

Dans les gravures représentant le Dix-Août, on ne peut exclure une fascination résiduelle pour l'apparat monarchique, effet de l'efficace de l'architecture classique, qui conduit crescendo le regard vers le pavillon central, le plus imposant de tous, symbole transparent du souverain. C'est le décor de la composition dessinée par Prieur en l'an II, qui inspire la soixante-septième planche des Tableaux historiques, gravée par Pierre-Gabriel Berthault et annoncée dans la presse en août 1796. Cette scène se trouve dans le choix de "Tableaux historiques" sur le site du Musée de Vizille. Ici les scènes de corps à corps, sur le devant à droite, se fondent dans le panorama de l'assaut généralisé.

Par conséquent, un aspect qui frappe dans le tableau de Bertaux est le choix de minorer l'architecture royale. Le château a perdu de sa superbe : rien ne laisse deviner son ampleur véritable, ni sa fonction exacte. L'attention est dirigée sur les combats : les Suisses sont sur le seuil de l'entrée, bien reconnaissables à leurs vestes rouges ; ils se sont même aventurés dans la cour, où plusieurs ont déjà péris ou sont sur le point d'être abattus. Une eau-forte anonyme, hardie mais maladroite, intitulée Fondation de la République le 10 août 1792, adopte un parti semblable. Il est probable que le graveur, voulant profiter de l'actualité du sujet, ait achevé son travail avant que Bertaux ne termine son tableau (on sait seulement qu'il l'avait terminé en juin 1793). Quoi qu'il en soit, peintre et graveur partagent une démarche artistique commune. Dans les deux compositions on retrouve les mêmes incidents au premier plan - le Suisse achevé à terre, le cavalier brandissant son sabre, le blessé secouru - de même que la fascination quelque peu obsédante pour le pavage de la cour.

Chez Bertaux, les cadavres sont nombreux, mais ils sont des deux camps : rouges et bleus sont également victimes de la violence des combats. La partie gauche de la composition montre un véritable carnage. Notons aussi que les sectionnaires marchent sous un drapeau semé de fleurs de lys. A une époque où l'on s'acharnait à faire disparaître toute trace de l'emblème royal, cela confine à la provocation. Le sens politique de la scène s'en trouve brouillé : c'est faire croire que les assaillants étaient encore partisans de la monarchie constitutionnelle, alors qu'ils agissaient pour instaurer une république. La composition, avec ses incidents épars, s'inscrit dans la tradition de la "bataille sans héros" (jolie expression inventée par Fritz Saxl), qui remonte à Aniello Falcone à Naples au XVIIe siècle et qui s'épanouit en Italie grâce notamment à Jacques et Guillaume Courtois. (23)

Au XVIIIe siècle en France, Francesco Casanova et Philippe-Jacques de Loutherbourg pratiquent le genre avec succès, en lui donnant un tour plus pittoresque. Le motif du cavalier au premier plan du Dix-Août, que la plupart des graveurs n'emploient pas, est une figure essentielle du genre. En somme, la démarche de Bertaux est le contraire de celle de Gérard. Il a représenté le Dix-Août comme une scène de bataille, cherchant à traduire en peinture l'énergie de l'événement, mais retenu par son inclination pour l'approche descriptive des peintres de genre et des graveurs.

Le Salon ouvre en août 1793 dans un contexte de crise : proscription des Girondins, défaites aux frontières, assassinat de Marat. Peu de critiques trouvent opportuns de s'exprimer à cette occasion et on doute que l'exposition ait attiré beaucoup de visiteurs. Pourtant, l'un des rares critiques à éditer un compte rendu s'intéresse au Dix-Août de Bertaux :

"Tous ceux qui ont été témoins de cet événement conviendront avec nous, qu'il ne s'est jamais livré aucune action où il y ait eu plus de confusion et de tumulte. Cependant l'auteur fait avancer avec la froideur d'un mouvement mesuré, les combattants disposés par pelotons. On n'y sent point cet enthousiasme, cette chaleur de composition qui doit inspirer l'effroi. Point de ces tons chauds qui brûlent la toile, point de ces expressions dans les figures, de ces efforts dans les attitudes, de ces contrastes de situation qui impriment le mouvement à tous les objets." (24)

Bertaux se voit ainsi reprocher une conception trop descriptive, trop peu picturale, et implicitement un désintérêt pour la portée historique de la journée. Le critique est nettement plus ému devant l'œuvre, aujourd'hui perdue, d'un certain Desfonts illustrant la même scène. La différence entre les titres des deux tableaux est éloquente. Tandis que Bertaux annonce La journée du Dix-Août, Desfonts propose Le siège des Tuileries par les braves sans-culottes, titre que complète le livret : "qui, conduits par la Liberté, renversent la tyrannie, malgré les efforts du fanatisme". Cette explication est sans ambiguïté.

Comme l'a souligné Régis Michel, on ne peut pas en dire autant du tableau de Bertaux. (25) Le critique du Salon de 1793 qualifie de "maladresse" le fait d'avoir placé au premier plan un incident cruel : "Un Suisse renversé, sur lequel se précipitent deux patriotes, les armes à la main." Enfin, il reproche à Bertaux d'avoir voulu traité un sujet ne convenant pas à son génie, la peinture de bataille exigeant moins de fini que la peinture de genre : "Au reste, comme nous avons remarqué que l'auteur avait de la netteté, du soigné dans le pinceau, nous lui conseillons de l'employer dans des sujets où ces qualités ne sont pas des défauts." (25)



Au regard de ces quelques cas, qui ont en commun de donner prise à l'incertitude et à l'incompréhension, nul doute que les peintres ressortent généralement échaudés de leur confrontation avec l'événement révolutionnaire. Il doit leur apparaître comme le domaine de prédilection de dessinateurs et de graveurs moins embarrassés par des considérations doctrinales. Jusqu'à ce qu'un héros occupe de nouveau le devant de la scène - le général Bonaparte qui se métamorphose en Napoléon Empereur - les peintres ont bien des difficultés, on l'a vu, à transformer l'actualité en histoire. Cependant, ces mêmes cas confirment que l'idéologie de renouveau et de régénération transforme le statut de l'artiste, plus enclin à présent - et parfois contraint par les circonstances - à pratiquer des genres différents, peinture d'histoire, peinture de genre, illustration, gravure...

Les ouvertures et les passages, d'un sujet à l'autre, d'une technique à l'autre, d'une pratique à l'autre, sont l'une des clés de la vitalité artistique de l'époque. L'hésitation quant à l'auteur du tableau de Bertaux (voir note 1) n'est qu'un indice supplémentaire du vent de liberté qui souffle sur les arts durant la Révolution : des inconnus, des obscurs, des marginaux parviennent à se placer au premier plan de la scène artistique, parfois si fugitivement que l'histoire de l'art peine à les saisir.

N.B. Communication présentée en juin 1998 à l’université de Giessen, traduite et publiée en allemand : “Die Darstellung des revolutionären Ereignisses oder Die Herausforderung der Malerei durch die Graphik”, Bildgedächtnis eines welthistorischen Ereignisses. Die ‘Tableaux historiques de la Révolution française’, éd. Christoph Danelzik-Brüggemann et Rolf Reichardt, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2001, p. 17-34.

Notes

(1) Je réserve à une étude complémentaire l'examen du problème de l'identification de cet artiste. Cette précision n'a pas seulement un intérêt philologique. Elle éclaire la dialectique entre la représentation peinte et la représentation gravée sous la Révolution : le Dix-Août de Bertaux, est-il le fruit de l'imagination d'un peintre ou d'un graveur ? La restauration du tableau, entreprise en 2008, a révélé la signature complète de Jacques Bertaux. Il sera exposé et nouvellement étudié dans le cadre d’une exposition-dossier sur les représentations du Dix-Août, à l’été 2010 au Musée de la Révolution française (Vizille).

(2) Un exemple parmi d'autres de ce positivisme : "Bertaux's picture accurately depicted the outcome as a people's victory", Albert Boime, Art in an Age of Revolution 1750-1800, Chicago et Londres, 1987, p. 445.

(3) Bien que la représentation de l'événement n'y soit pas abordée, voir l'étude de Klaus Herding, "Codes visuels dans la gravure de la Révolution française", Politique et Polémique. La Caricature française et la Révolution, 1789-1799, catalogue d'exposition, University of California, Los Angeles (UCLA), 1988, p. 87-105. Ce texte a d'abord paru en allemand : voir de l'auteur, Im Zeichen der Aufklärung. Studien zur Moderne, Francfort-sur-Main, 1989, p. 95-126, 204-211 ; on trouvera p.238 une note sur les éditions du texte.

(4) Hans-Jürgen Lüsebrink et Rolf Reichardt, The Bastille. A History of a Symbol of Despotism and Freedom, Durham and London, 1997 (éd. originale allemande, 1990) ; William H. Sewell, Jr., "Political Events as Transformations of Structures : Inventing Revolution at the Bastille", History and Theory, 25 (1996), p. 841-881.

(5) Le dessin de Vincent est reproduit dans Philippe Bordes, Le Serment du Jeu de Paume de Jacques-Louis David. Le Peintre, son milieu et son temps de 1789 à 1792, Paris, 1983, fig. 13. Pour d'autres représentations peintes, voir François Macé de Lépinay, "Autour de La Fête de la Fédération, Charles Thévenin et la Révolution 1789-1799", Revue de l'Art, n° 83 (1989), p. 53, fig. 5 et 6. Pour des représentations gravées, voir R. Reichardt (éd.), Die Bastille - Symbolik und Mythos in der Revolutiongraphik, catalogue d'exposition, Landesmuseum, Mayence, 1989.

(6) Sur le concept de "journée révolutionnaire", voir la notice de Denis Richet dans Dictionnaire critique de la Révolution française, éd. F. Furet et M. Ozouf, Paris, 1988, p. 113-125.

(7) William Olander, Pour transmettre à la postérité : French Painting and the Revolution, 1774-1795 (Ph.D. New York University, 1983), Ann Arbor, UMI, 1984, p. 109.

(8) Sur cette affaire, voir Robert Herbert, David, Voltaire, Brutus and the French Revolution : an essay in art and politics, Londres, 1972, p. 59-60. Le tableau de Robin est récemment entré dans les collections du Musée de la Révolution française.

(9) En mars 1794, un agent de police dénonce "l'exposition d'un tableau au bas du Pont-Royal, tableau représentant une revue du ci-devant Roi, devant lequel les citoyens s'arrêtent et dont l'aspect est propre à altérer l'esprit public", qui ne tarde pas à être saisi et à valoir au marchand qui l'exposait un décret d'arrestation (Alexandre Tuetey, Répertoire général des sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, X, Paris, 1912, p. 425, n° 1932). Mais même avant l'instauration de la censure républicaine, la figure royale éclipsait largement l'intérêt de l'événement.

(10) Estampe reproduite dans Premières collections, Vizille, Musée de la Révolution française, 1985, p. 18, n° 3.

(11) "Français, accourez, volez, quittez tout, précipitez-vous pour assister au serment du jeu de paume, et si vous n'êtes pas brûlés, consumés du feu patriotique à ce foyer ardent, assurez-vous bien que vous n'êtes pas digne de la liberté." Bordes, Le Serment du Jeu de Paume ...,op. cit., p. 72.

(12) Bordes, Le Serment du Jeu de Paume ..., op. cit., p. 73.

(13) David fait préciser le sens de sa démarche dans la presse : "Ce tableau sera l'histoire de notre révolution, quoique le sujet paraisse circonscrit dans la première époque ; et le peintre, employant cet art dont les grands poètes de l'Antiquité nous ont fourni le modèle, a su lier à son sujet, par d'heureux épisodes, les traits qui ont le plus honoré la philosophie de ce siècle et signalé les progrès de la raison et des lumières." Bordes, Le Serment du Jeu de Paume ..., op. cit., p. 163.

(14) Bordes, Le Serment du Jeu de Paume ..., op. cit., p. 69.

(15) H.J. Jansen, Projet tendant à conserver les arts en France, en immortalisant les événements patriotiques et les citoyens illustres, Paris, 14 janvier 1791 ; cité par Edouard Pommier, L'art de la liberté. Doctrines et débats de la Révolution française, Paris, 1991, p. 61.

(16) Prospectus comprenant une référence à une démarche auprès de l'Assemblée nationale le 13 janvier 1791, joint à deux exemplaires des Tableaux historiques de la Bibliothèque nationale de France (Imprimés La32-18 et La32-19 (C1)); cité par Chun-Lan Liu, Les graveurs des Tableaux historiques de la Révolution française, thèse de doctorat, Université Paris IV, 1999, I, p. 500.

(17) Dans le programme de la fête de la Réunion, prévue pour le 10 août 1793, David prévoit qu'il "sera construit un vaste théâtre où seront représentés, par des pantomimes, les principaux événements de notre révolution" (D. et G. Wildenstein, Louis David. Recueil de documents, Paris, 1973, p.54, n°459).

(18) Sur ce débat des années 1793-1794, voir Udolpho Van de Sandt, "«Grandissima opera sarà l'istoria». Notes sur la hiérarchie des genres sous la révolution", Revue de l'Art, n°83 (1989), p. 73-74 ; et E. Pommier, L'art de la liberté..., op. cit., p. 192-202.

(19) Les positions les plus actuelles sont consacrées par l'article de Leigh Whaley, "Political Factions and the Second Revolution : The Insurrection of 10 August 1792", French History, 7 (1993), n° 2, p. 205-224.

(20) Sur le dessin de Gérard, voir Régis Michel, Le beau idéal ou l'art du concept, Paris, Musée du Louvre, 1989, p. 122-125.

(21) Voir la sélection d'estampes dans Michel Vovelle, La Révolution française. Images et récit, Paris, 1986, III, p. 144-145, 151 ; et les notices dans Marcel Aubert et Marcel Roux, Bibliothèque nationale. Département des Estampes. Collection de Vinck. Inventaire analytique, III, Paris, 1921 (réimp. 1970), p. 184-188.

(22) "Ce qu'il faut faire du château de Versailles", Révolutions de Paris, n°209, 6-20 juillet 1793, p. 665-667 ; attribué à S. Maréchal par Maurice Dommanget, Sylvain Maréchal, Paris, 1950, p. 253.

(23) Fritz Saxl, "The Battle Scene without a Hero. Aniello Falcone and His Patrons", Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 3 (1939-1940), p. 70-87. Sur ce genre, voir par exemple Battaglie. Dipinti dal XVII al XIX secolo delle Gallerie fiorentine, catalogue d'exposition, Florence, Palais Pitti, 1989.

(24) Explication par ordre des numéros ou Jugement motivé des ouvrages de peinture, sculpture, architecture et gravure, exposés au Palais national des Arts, Paris, s.d. (1793), p. 22-23 ; Bibliothèque Nationale de France (Estampes), Collection Deloynes, XVIII, n°458.

(25) "Il n'est sûr que /le tableau de Bertaux/ soit beaucoup plus qu'une scène de bataille : le sujet seul est patriotique./.../ Mais sa composition ne laisse pas de surprendre : ce que Bertaux montre, c'est moins l'élan victorieux des sans-culottes que les signes négatifs du combat, témoignage manifeste de guerre civile. /.../ Apologie des insurgés, qui ne meurent pas - leur cause est immortelle -, ou plaidoyer pour les défenseurs, qui meurent jusqu'au dernier - leur mort est un martyre ?" Régis Michel, "L'art des Salons", Aux armes et aux arts. Les arts de la Révolution 1789-1799, éd. Ph. Bordes et R. Michel, Paris, 1988, p. 41-42.