Introduction du volume par Blaise Bachofen et Céline Spector

Jean-Jacques Rousseau, la guerre et la paix

Rousseau et la question des « relations externes » des États

La question des relations interétatiques semble à première vue former, dans la pensée de Rousseau, une zone aveugle (1) . C’est du moins ainsi que le philosophe lui-même présente les choses. Le Contrat social est bordé, en amont et en aval, par des considérations qui en délimitent le champ de pertinence et l’inscrivent dans une visée plus large, dont il ne constituerait que la réalisation partielle et inachevée. L’ouvrage est précédé de l’« Avertissement » suivant : « Ce petit traité est extrait d’un ouvrage plus étendu, entrepris autrefois sans avoir consulté mes forces, et abandonné depuis longtemps. Des divers morceaux qu’on pouvait tirer de ce qui était fait, celui-ci est le plus considérable, et m’a paru le moins indigne d’être offert au public. Le reste n’est déjà plus » (2) . Les Confessions indiquent que l’« ouvrage plus étendu » dont le Contrat social n’est qu’un « extrait » aurait dû s’intituler Institutions politiques (3) . Par ailleurs, le chapitre conclusif du Contrat social précise les objets qu’aurait abordés cet ouvrage : « Après avoir posé les vrais principes du droit politique et tâché de fonder l’État sur sa base, il resterait à l’appuyer par ses relations externes ; ce qui comprendrait le droit des gens (4) , le commerce, le droit de la guerre et les conquêtes, le droit public, les ligues, les négociations, les traités, etc. Mais tout cela forme un nouvel objet trop vaste pour ma courte vue ; j’aurais dû la fixer toujours plus près de moi » (5) . Quelques lignes du chapitre XV du livre III complètent ces indications. Rousseau écrit : « Tout bien examiné, je ne vois pas qu’il soit possible au Souverain de conserver l’exercice de ses droits si la Cité n’est très petite. Mais si elle est très petite, elle sera subjuguée ? Non. Je ferai voir ci-après comment on peut réunir la puissance extérieure d’un grand Peuple avec la police aisée et le bon ordre d’un petit État ». Et il précise en note : « C’est ce que je m’étais proposé de faire dans la suite de cet ouvrage, lorsqu’en traitant des relations externes, j’en serais venu aux confédérations. Matière toute neuve et où les principes sont encore à établir » (6) . On peut rapprocher ces textes du Contrat social du passage de l’Émile où est évoquée l’instruction politique de l’élève. Alors que le sommaire de cette instruction détaille ce qui concerne le droit interne de l’État, il se réduit à des considérations programmatiques lorsqu’on en vient aux « rapports » entre les sociétés politiques :

Après avoir considéré chaque espèce de société civile en elle-même, nous les comparerons pour en observer les divers rapports : les unes grandes, les autres petites ; les unes fortes, les autres faibles ; s'attaquant, s'offensant, s'entre-détruisant . (…) N’est-ce pas cette association partielle et imparfaite qui produit la tyrannie et la guerre, et la tyrannie et la guerre ne sont-elles pas les plus grands fléaux de l’humanité ? Nous examinerons enfin l’espèce de remèdes qu’on a cherché à ces inconvénients par les ligues et confédérations, qui, laissant chaque État son maître au dedans, l’arme au dehors contre tout agresseur injuste. Nous rechercherons comment on peut établir une bonne association fédérative, ce qui peut la rendre durable, et jusqu’à quel point on peut étendre le droit de la confédération sans nuire à celui de la souveraineté (7).

La question des « relations externes » des États forme donc, selon Rousseau, la moitié du problème des Institutions politiques, ce vaste ouvrage dont il a « abandonné » le projet. Le philosophe, tout en soulignant à plusieurs reprises l’importance cruciale de cette problématique des relations interétatiques (8) , donne à cet abandon l’explication suivante : il aurait renoncé à la traiter en raison de ses « forces » intellectuelles insuffisantes ou encore de sa « courte vue ». On pourrait s’en tenir là, et croire Rousseau sur parole : s’il se reconnaît le mérite d’avoir apporté une contribution à ce qu’il nomme le « droit politique », il semble laisser à d’autres la tâche de fonder le droit « externe ».

En réalité, le problème est beaucoup plus complexe. Un indice est révélateur : Rousseau, qui sait bien que les questions des « relations externes » ont été abondamment traitées avant lui, laisse entendre qu’elles l’ont été de façon insatisfaisante. Il écrit que l’un des aspects de cette problématique, celle des « confédérations », est une « matière toute neuve et où les principes sont encore à établir ». Et si les Institutions politiques avaient originellement pour objets, outre le droit politique, le droit des gens, les questions du commerce et des conquêtes, etc., c’est sans doute parce que Rousseau considérait que les ouvrages existants ne les avaient pas traités de façon adéquate : il ne renvoie jamais ses lecteurs à ce qu’il considérerait comme des acquis hérités des théoriciens du droit des gens (9) . Ce qui se donne, de prime abord, comme une zone aveugle pourrait donc désigner autre chose. Certes, Rousseau n’a jamais fait des relations interétatiques l’objet d’un ouvrage spécifique, qui formerait avec le Contrat social un diptyque circonscrivant toutes les questions relatives aux fondements du droit. Mais l’inachèvement des Institutions politiques ne tient pas seulement à des raisons accidentelles, circonstancielles ou psychologiques : on peut y voir la conséquence d’une élucidation approfondie de la question des relations interétatiques.

Que Rousseau ait travaillé à une telle élucidation, c’est ce que révèlent de nombreux textes, notamment ceux qui font l’objet de la présente édition. Le fait qu’ils se donnent à lire dans son œuvre de façon dispersée, parfois elliptique voire inachevée, et que leur statut théorique soit souvent plus problématique que celui d’autres textes plus « canoniques », ne doit pas conduire à les négliger. Est-ce parce qu’il a pris la mesure de la complexité, peut-être aporétique, d’une entreprise de juridicisation des relations interétatiques que Rousseau a en définitive renoncé à élaborer un système du droit interétatique ? On peut à tout le moins découvrir dans son œuvre une théorisation approfondie des conditions de possibilité de ce que l’on nomme aujourd’hui le « droit international » (10) : non une doctrine du droit international, mais une critique du droit international.

Les trois textes que nous publions et commentons dans ce volume présentent un intérêt tout particulier pour comprendre cet apport de Rousseau à la question des relations interétatiques. Ce sont en effet les seuls textes qu’il ait exclusivement consacrés à cette question ; ils illustrent l’importance du travail qu’il a effectué à ce sujet entre 1755 et 1761 – et pour l’essentiel durant l’année 1756 (11) . Il reviendra à notre commentaire de montrer en quoi ce travail a été plus fructueux qu’on ne pourrait le supposer à première vue, mais aussi d’interroger les raisons pour lesquelles son résultat est resté marginal dans l’œuvre publiée. S’agissant du manuscrit inachevé des Principes du droit de la guerre, le fait qu’il soit pour la première fois publié en volume dans sa version restaurée (après une première édition en 2005, en article, dans les Annales Jean-Jacques Rousseau) (12) est un nouvel élément que devront intégrer les études rousseauistes. Même si les parties constitutives de cet ouvrage inachevé étaient connues depuis assez longtemps, elles étaient considérées jusqu’alors comme de simples ébauches ou fragments (réunis dans les Œuvres complètes sous les titres « Que l’état de guerre naît de l’état social » et « Guerre et état de guerre »). Le commentaire de cet ouvrage inachevé, redécouvert dans son intégrité, doit modifier en profondeur le jugement sur les enseignements que l’on peut en tirer : si ce n’est pas tout à fait un nouveau livre inédit de Rousseau, cela se révèle être un travail déjà très construit et approfondi, dont l’essentiel, c’est-à-dire précisément les principes, est acquis et méthodiquement articulé : il ne lui manquait plus grand chose pour être un livre de plus à mettre au compte de Rousseau (13). Pourtant son auteur n’est jamais allé jusqu’au terme, ne conservant du texte, dans son œuvre publiée, que quelques courts passages intégrés au Contrat social. Les deux écrits (Extrait et Jugement) sur le Projet de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre possèdent également un statut particulier, quoique pour d’autres raisons : textes quant à eux achevés, et dont Rousseau a souhaité la publication, ils n’obéissent pas au même type d’impératif théorique que celui qui guide le philosophe lorsqu’il cherche à établir, sur tel ou tel objet, ses propres principes (comme il le fait dans le Discours sur l’inégalité, dans les Principes du droit de la guerre, dans le Contrat social ou dans l’Émile). Ici, le projet paraît de prime abord moins personnel : travail effectué sur l’œuvre déjà écrite d’un auteur, il s’agit en outre – au moins pour l’Extrait – d’un travail « de commande » (14) ; on lui demande de mettre son talent d’écrivain au service de l’exposition des thèses d’un autre auteur. En réalité, cela n’a pas empêché Rousseau d’y trouver l’occasion d’une réflexion personnelle, et ce, non moins dans l’Extrait que dans le Jugement.

Les commentaires proposés ici établiront donc notamment que, si Rousseau s’est intéressé à la question des relations interétatiques, ce n’est certainement pas de façon occasionnelle, à la suite de la lecture de Saint-Pierre. Non seulement il y a toutes les raisons d’inverser sur ce point la chronologie habituellement retenue (15) , mais la lecture des Principes du droit de la guerre tels qu’ils se présentent dans leur logique interne et tels qu’ils s’inscrivent dans le reste de l’œuvre, ainsi qu’une relecture des textes sur Saint-Pierre et d’autres textes touchant la problématique de la paix européenne, montrent que Rousseau place ces questions au cœur de sa réflexion tout au long de son œuvre, à la fois en amont et en aval du travail sur Saint-Pierre.

Position des problèmes

Les Principes du droit de la guerre témoignent de ce que Rousseau a lu de près deux auteurs qui, avant lui, ont théorisé la guerre et la paix : Grotius et Hobbes. À l’un comme à l’autre, il fait la critique majeure de n’avoir pas su comprendre la nature même de la guerre – et cette critique porte selon lui, au-delà de ces deux auteurs fondateurs de la pensée moderne du droit, sur tous « les philosophes » et « les jurisconsultes » qui se sont inspirés d’eux (16) . Aucun d’entre eux n’a compris le véritable rapport entre guerre et institution étatique, donc entre guerre et droit. La guerre, selon Rousseau, apparaît avec l’État : cette thèse modifie profondément la question des règles qui la régissent et qui pourraient la limiter ou la supprimer. Hobbes est l’adversaire désigné comme le représentant paradigmatique des sophismes sur l’origine « naturelle » de la guerre. En revanche, c’est dans un dialogue polémique avec Grotius que Rousseau reprend à nouveaux frais la question d’un droit interétatique, qu’il soit compris comme droit de la paix, c’est-à-dire tentative d’établir la paix par le droit, ou comme droit de la guerre (jus belli), c’est-à-dire ensemble de règles définissant un droit à faire la guerre (jus ad bellum) ou encadrant les pratiques guerrières (jus in bello).



La réfutation que propose Rousseau du droit des gens dans sa version jusnaturaliste, et plus précisément grotienne, repose sur le geste inaugural du Discours sur l’inégalité : dès lors qu’il est question de droit et de politique, la référence à la « nature » n’apporte aucun éclairage, ni sur le problème, ni sur sa solution (17) . De même que les hommes ne sont pas par nature dans un rapport conflictuel exigeant une pacification par le droit, de même la pacification, lorsqu’elle s’avère nécessaire, ne peut pas reposer sur les ressources qu’offre la nature. Une formule qui revient de façon récurrente chez Rousseau est ici particulièrement éclairante : s’agissant de l’institution du droit, dit-il, « on en a fait trop ou trop peu » (18). « Trop », au sens où c’est le droit qui, consacrant des rapports d’inégalité et de dépendance, produit une situation de lutte pour la vie entre les hommes. « Trop peu », au sens où cette lutte, dont la guerre est un des effets les plus évidents, ne peut trouver de solution que dans un approfondissement de l’institution politico-juridique, et non dans un retour à l’état de nature ou dans une hypothétique inclination naturelle à la paix. C’est dans le Manuscrit de Genève (première version du Contrat social) que Rousseau en fait la démonstration : l’idée d’un « traité social dicté par la nature » est une « chimère » (19) . Il n’y a pas de sociabilité naturelle, au sens d’une inclination à respecter les droits d’autrui suffisamment puissante pour empêcher les conflits : or cela vaut entre les sociétés aussi bien qu’entre les individus (20). Ce n’est, précise Rousseau, que par « de nouvelles associations » – des artifices politico-juridiques à inventer – que nous pouvons corriger « le défaut de l’association générale » (21) , c’est-à-dire l’insociable société qui lie si mal le genre humain.

Les conditions de l’institution politico-juridique à l’échelle d’un peuple particulier sont l’objet du Contrat social. Rousseau conçoit-il la possibilité d’une telle institution à un niveau interétatique, soit à l’échelle du genre humain, soit du moins à l’échelle européenne ?

Les Principes du droit de la guerre montrent le sens très particulier et problématique que le philosophe donne à l’idée d’un droit régissant la guerre entre États. Ni droit naturel, ni droit supra-étatique, le droit de la guerre dont Rousseau cherche à élaborer les principes trouve sa source dans la nature interne de l’État : les obligations auxquelles les États sont soumis lorsqu’ils se font la guerre dérivent de la finalité propre de celle-ci, à savoir la nécessité de défendre le principe de leur souveraineté contre ce qui le menace dans son existence même. Il en résulte des principes qui relèvent à la fois de la légitimité et de la nécessité factuelle, et qui trouvent dans cette nécessité interne leur seule force contraignante.

Cependant cette analyse laisse entier le problème du droit des gens comme droit de la paix, c’est-à-dire comme droit instituant une paix perpétuelle entre les États. Là encore, la seule solution concevable pour Rousseau est à chercher dans une certaine modalité de l’artifice politico-juridique. D’où l’intérêt que devait représenter pour lui le projet de l’abbé de Saint-Pierre, proposant de fonder la paix non sur un droit naturel, mais sur un droit positif édicté et garanti par une institution supra-étatique ou inter-étatique : cette solution est celle de la confédération. Mais quelle valeur Rousseau a-t-il réellement accordée au projet de Saint-Pierre ?

La question n’est pas seulement celle du crédit à accorder à une œuvre « de commande ». Elle engage plus profondément la philosophie de Rousseau : en théorisant une souveraineté absolue, indivisible et inaliénable, le philosophe n’exclut-il pas la possibilité d’un art politique fondant un contrat interétatique entre les peuples souverains ? S’il n’existe pas de société générale du genre humain et si la volonté générale, source des règles de justice, ne prend sens qu’à l’échelle du corps politique, peut-on concevoir une institution associant légitimement les États ? La question peut également être posée à partir d’une réflexion sur la nature de la fédération ou de la confédération – la distinction n’étant pas opérée à l’époque (22) . Sa constitution ne suppose-t-elle pas comme préalable, ainsi que le préconisait Montesquieu (23) et comme le stipulera Kant, la républicanisation des États qui la constituent ? En d’autres termes, la solution de la « contradiction manifeste » dans laquelle se trouve le genre humain (24) suppose-t-elle l’homogénéité politique des fédérations, et leur restriction aux républiques – auquel cas Rousseau aurait de lui-même envisagé l’articulation de ses principes du droit politique et des principes du droit des gens ?

Afin de répondre à ces questions, il convient d’établir dans quelle mesure Rousseau a épousé en son nom propre la solution confédérative. Faut-il relever une évolution entre les textes sur le Projet de paix perpétuelle qui jugent impraticable la solution confédérative entre différentes formes d’États d’Europe (monarchies absolues et républiques), et certains textes postérieurs qui présentent la confédération défensive comme voie possible pour les petites républiques (25) ? Certes, il ne faut pas confondre la confédération européenne préconisée par Saint-Pierre et la confédération défensive de petites républiques qu’envisageront l’Émile et le Contrat social. Sur ce point, Rousseau ne reprend pas à son compte les éléments théoriques élaborés par Machiavel (26) , Pufendorf (27) ou Montesquieu (28) . La question se pose néanmoins : dans quelle mesure l’auteur de l’Extrait et du Jugement sur le Projet de paix perpétuelle donne-t-il pour conjoncturel le jugement relatif à l’impossibilité de fonder, sur une base contractuelle, l’Union européenne ? Existe-t-il certaines conditions politiques et historiques qui permettraient d’ouvrir la voie, dans l’avenir, à la confédération européenne conçue comme association des peuples et reconduction, à un niveau supérieur, du modèle du contrat social ?

Ces quelques pistes annoncent la double direction que prendra, dans ce volume, notre questionnement. Il s’agira en premier lieu de comprendre comment Rousseau conçoit l’origine de la guerre et la justice dans la guerre ; et, en second lieu, de nous interroger sur la façon dont il envisage la possibilité de garantir la paix grâce à l’institution d’une confédération à l’échelle de l’Europe. Ce travail se fera en quatre étapes, chaque contribution étant signée par un auteur principal mais résultant d’un travail collectif, à ce titre co-signée par ceux qui y ont contribué. Nous proposons d’abord un commentaire suivi des Principes du droit de la guerre (Blaise Bachofen), suivi d’une étude sur la théorie de la guerre dans l’ensemble de l’œuvre (Florent Guénard), étude qui pose notamment la question suivante : si la tendance belliqueuse n’est pas inhérente à la nature de l’homme, comment Rousseau pense-t-il la généalogie des passions susceptibles de conduire à la guerre ? Le commentaire de l’Extrait et du Jugement sur le Projet de paix perpétuelle de Saint-Pierre (Céline Spector) est complété par une réflexion sur la question de l’Europe (Bruno Bernardi) : quelle conception de la civilisation européenne peut-on découvrir dans l’anthropologie historique et philosophique de Rousseau ? La sortie de l’état de guerre suppose-t-elle la transformation de la « société civile » européenne, jusqu’alors corrompue et dominée par l’amour-propre ?

Ce commentaire collectif invite donc à poser la question de la possibilité de la rationalité (d’une recherche des « principes ») dans le domaine du droit de la guerre et de la paix, sans la séparer d’une analyse des passions et d’une réflexion sur l’État. Si Rousseau mène le plus loin possible l’hypothèse de la rationalité, contre la « sottise routinée » de ses contemporains, il se révèle également réaliste, c’est-à-dire sensible à la question des résistances irréductibles du réel (de la nature des choses ou des États comme de la nature de l’homme, modifiée par son histoire). C’est ce dont témoigne le contraste entre l’achèvement des principes du droit politique et le caractère de chantier inachevé que présente sa réflexion sur le droit interétatique.

NDLR : Sur la question de la paix perpétuelle et du droit des gens, voir sur Révolution Française.net, le texte de Marc Belissa Kant idéaliste ? Le débat sur la paix perpétuelle 1795-1801 ; voir également en ligne,"Une utopie fédéraliste au siècle des Lumières" dans Fédéralisme et fédérations dans les Amériques : utopies, pratiques, limites, sous la direction d'Elise Marienstras, Marie-Claude Strigler et Samia Nacouzi, Paris, Institut Charles V, Nuevo Mundo/Nouveau Monde, juin 2008. On peut aussi se reporter aux autres travaux de Marc Belissa, notamment :
- Fraternité Universelle et Intérêt National (1713-1795). Les cosmopolitiques du droit des gens, Paris, Kimé, 1997.
- "Droit des gens et constitutionnalisme dans la pensée des Lumières" dans Revue Historique de Droit français et étranger, avril - juin 1998.
- "Kant, le droit cosmopolitique et la société civile des nations" (avec Florence Gauthier) dans Annales Historiques de la Révolution française, juillet-septembre 1999, n° 3.
- "Montesquieu, L'Esprit des Lois et le droit des gens" dans Le Temps de Montesquieu, Actes du colloque de Genève pour le deux cent cinquantenaire de L'Esprit des Lois, publié par M. Porret et C. Volpilhac-Auger, Genève, Droz, 2002.

NOTES

(1) En témoigne la relative rareté des travaux sur cette question, au regard de l’immense bibliographie rousseauiste. Il existe cependant des exceptions notables et l’on doit souligner un regain d’intérêt pour cet objet, notamment chez les théoriciens des relations internationales. Les références bibliographiques permettant de proposer un état de la question seront mentionnées par la suite dans les notes ainsi que dans la bibliographie située en fin de volume.

(2) Du Contrat social (désormais CS), « Avertissement », in Œuvres complètes, Paris, Gallimard-Pléiade, 1959-1995 (désormais OC), III, p. 349.

(3) Confessions, IX, OC I, p. 404-405.

(4) L’expression « droit des gens » (traduction du latin jus gentium) signifie traditionnellement « droit des nations » (gentes), et non droit des hommes. Elle renvoie globalement au même contenu que ce que l’on désigne aujourd’hui par l’expression « droit international », dans son double aspect de droit public (droit de la guerre, droit des ambassades, etc.) et de droit privé (droit du commerce, droit des pélerins, etc.). Rousseau fait de cette expression un usage assez courant, en soulignant parfois son équivocité, mais sans jamais la définir explicitement ni lui donner un sens restrictif identifiable.

(5) CS, IV, 9, OC III, p. 470.

(6) Ibid., III, 15, OC III, p. 431.

(7) Émile, V, OC IV, p. 848.

(8) Voir notamment Émile : « (…) cette action et réaction continuelle (entre les sociétés civiles) fai(t) plus de misérables et coût(e) la vie à plus d’hommes que s’ils avaient tous gardé leur première liberté » (ibid.)

(9) Comme il le fait par exemple en renvoyant à Montesquieu pour l’histoire du droit politique (ibid., p. 836-837).

(10) L’expression n’existe pas encore à l’époque de Rousseau : elle est utilisée pour la première fois en 1780 par Jeremy Bentham (« international law »), dans les Principes de la morale et de la législation. Voir E. Jouannet, « Droit des gens », in Dictionnaire de la culture juridique, D. Alland et St. Rials (dir.), Paris, PUF, 2003, p. 466.

(11) Sur la datation de ces textes, voir l’introduction philologique de B. Bernardi et G. Silvestrini.

(12) Sur l’édition de ce texte, voir l’introduction de B. Bernardi et G. Silvestrini.

(13) Il existe d’ailleurs, sur ce point, un mystère : certains passages, dans le manuscrit, sont barrés par un trait horizontal ; ce qui est toujours la marque utilisée par Rousseau pour reconnaître, dans ses brouillons, les passages qu’il a recopiés pour les intégrer dans des ouvrages plus aboutis ou même destinés à la publication. Or la plupart de ces passages ne se retrouvent dans aucun ouvrage publié. Il a donc sans doute existé une version encore plus aboutie de ce texte, ou un texte intégrant ses acquis à un ouvrage plus vaste, resté à l’état de manuscrit et disparu depuis.

(14) L’examen des œuvres de Saint-Pierre résulte d’une demande de Mme Dupin. Voir l’introduction de B. Bernardi et G. Silvestrini, ainsi que la contribution de C. Spector.

(15) L’écriture des Principes du droit de la guerre a certainement précédé les travaux sur le Projet de paix perpétuelle. Sur ce point, voir l’introduction de B. Bernardi et G. Silvestrini.

(16) Voir PDG, p. 69 et les commentaires de B. Bachofen et de F. Guénard, infra.

(17) Sur ce point, voir notamment B. Bachofen, La Condition de la liberté. Rousseau, critique des raisons politiques, Paris, Payot, 2002, ch. I et II.

(18) Voir PDG, p. 70 ; Extrait, p. 564, p. 88 ; Émile, V, OC IV, p. 848.

(19) Manuscrit de Genève, I, II, OC III, p. 284.

(20) « Ou donnez-moi des garants contre toute entreprise injuste, ou n’espérez pas que je m’en abstienne à mon tour. La preuve que c’est ainsi qu’eût raisonné l’homme éclairé et indépendant est, que c’est ainsi que raisonne toute société souveraine qui ne rend compte de sa conduite qu’à elle-même » (ibid., p. 285).

(21) Ibid., p. 288.

(22) Sur ce point, on lira, outre les travaux encore classiques de L. Le Fur, M. A. Cattaneo, « Considerazioni sull’idea di repubblica federale nell’Illuminismo francese », Studi sassaresi, s. II, 31, 1967, p. 79-100 ; C. Malandrino, Federalismo. Storia, idee, modelli, Rome, Carocci, 1998, p. 29-32. Voir également B. Voyenne, Histoire de l’idée européenne, Paris, Payot, 1964, et Histoire de l’idée fédéraliste, Nice, Presses d’Europe, 1976, t. I.

(23) Selon Montesquieu, « plus la confédération approche de la démocratie, plus elle est parfaite. C’est ainsi qu’étaient les sociétés des Achéens, des Aétoliens, des Thébains, des Latins, des Volsques, des Herniques… » (Ms 2506, in L’Atelier de Montesquieu. Manuscrits inédits de La Brède, C. Volpilhac-Auger éd., avec la collab. de C. Bustarret, Naples, Liguori, 2002, p. 50). Voir EL, IX, 2 et C. Spector, « Montesquieu, critique du Projet de Paix Perpétuelle ? », dans Montesquieu et l’Europe, J. Mondot, R. Ritz et C. Taillard éd., Bordeaux, Académie Montesquieu, 2006, p. 139-175.

(24) Voir PDG, p. 70; Extrait, p. 564, p. 88; Émile, p. 848.

(25) Voir infra, la contribution de C. Spector.

(26) Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live, trad. T. Guiraudet, Paris, Berger-Levrault, 1980, II, 3, p. 166-169.

(27) Pufendorf propose le principe d’une confédération où les États, pratiquant une politique étrangère collective, feraient « dépendre de leur commun consentement l’exercice de certaines parties de la souveraineté » (Le Droit de la nature et des gens, trad. J. Barbeyrac, Caen, Centre de philosophie politique et juridique de l’Université de Caen, 1987, VII, 5, § 18). Préférant éviter toute atteinte au caractère indivisible de la souveraineté, il est favorable à la règle de l’unanimité dans les délibérations collectives, plutôt qu’à celle de la pluralité des voix. Cependant il n’exclut pas le recours à la contrainte contre un État réfractaire qui trahirait la cause commune (§ 20).

(28) Sur Montesquieu, voir l’analyse de C. Spector, infra.

(29) L’expression est de Rousseau, dans le Jugement sur la Polysynodie de l’abbé de Saint-Pierre (OC III, p. 635).

TABLE DES MATIÈRES

Introduction par B. BACHOFEN et C. SPECTOR
Présentation de l’édition par B. BERNARDI et G. SILVESTRINI

TEXTES

Principes du droit de la guerre et Fragments sur la guerre

Principes du droit de la guerre (version mise au net)

Extrait du Projet de Paix perpétuelle de M. l’abbé de Saint-Pierre

Jugement sur la Paix perpétuelle

COMMENTAIRES

Les raisons de la guerre, la raison dans la guerre. Une lecture des Principes du droit de la guerre par B. BACHOFEN, avec la collaboration de B. BERNARDI, F. GUÉNARD, G. LEPAN et C. SPECTOR

Puissance et amour de soi. La théorie de la guerre dans la pensée de Rousseau par F. GUÉNARD, avec la collaboration de B. BACHOFEN, B. BERNARDI, G. LEPAN, C. SPECTOR et G. WATERLOT

Le Projet de paix perpétuelle : de Saint-Pierre à Rousseau par C. SPECTOR, avec la collaboration de B. BACHOFEN, B. BERNARDI et F. GUÉNARD

Rousseau et l’Europe : sur l’idée de société civile européenne par B. BERNARDI, avec la collaboration de B. BACHOFEN, F. GUÉNARD et C. SPECTOR

Bibliographie

Index des noms