Gabriel Bonnot de Mably est né le 14 mars 1709 à Grenoble.(2) Son père, Gabriel Bonnot de Mably, issu de la haute bourgeoisie venait d’entrer dans la noblesse de robe provinciale. Sa mère, née Catherine de la Coste, appartenait à une famille fortunée. Son père qui termina sa carrière professionnelle avec le poste influent de Secrétaire du Roi au Parlement de Grenoble était assez riche pour acheter plusieurs seigneuries dans la région, notamment parmi elles celle de Mably en Forez d’où vient le nom de son deuxième fils. Le frère aîné Jean de Mably, qui devait reprendre l’héritage paternel, s’éleva jusqu’au poste de Prévôt Général de la Maréchaussée à Lyon. En 1740, il engagea Jean-Jacques Rousseau comme précepteur pour ses enfants.(3) Les deux jeunes frères, Gabriel Bonnot de Mably et Etienne Bonnot de Mably, qui fut plus tard le philosophe sensualiste de premier plan des Lumières, étaient comme le voulait la tradition, destinés à la carrière ecclésiastique. Gabriel Bonnot de Mably alla au Collège de la Marche des Jésuites à Lyon, entra par la suite au séminaire des Jésuites de Saint Sulpice à Paris qu’il quitta en 1735 à l’âge de 26 ans en tant que sous-diacre.(4) Bien qu’il fût formé pour la carrière ecclésiastique, il ne fut jamais, tout comme son frère Condillac, ordonné et il appartenait à la couche sociale des abbés qui furent si centraux pour la vie sociale et intellectuelle des Lumières françaises. Son attitude religieuse resta secrète. Il n’avait manifestement ni la conviction ni l’ambition de faire carrière dans l’église. Il s’intéressait de plus en plus à l’histoire et à la politique, tout particulièrement au développement de la politique intérieure et extérieure de la France dans une perspective historique. Il acquit peu à peu dans ce domaine la réputation d’un érudit politique.

On connaît très peu de choses sur le cercle d’amis et de connaissances qu’il eut pendant ses études à Paris dans les années 1730. L’accès à différents cercles en province et à Paris lui a été sans doute facilité par ses contacts avec le salon de son frère Jean de Mably à Lyon et aussi grâce à sa formation au séminaire Saint Sulpice. Ainsi s’ouvrait à lui le salon de Madame Tencin, qui après des scandales dans sa jeunesse, entre autres la naissance de son fils naturel Jean d’Alembert, était devenue une organisatrice de salons des plus renommées de la moitié du siècle. Mably et Condillac furent acceptés dans cette société qui accueillit à différents moments l’écrivain Fontenelle, son élève Marivaux, Marmotel, l’historien Duclos, l’écrivain Prévost, l’abbé de Saint-Pierre mais aussi Montesquieu et Voltaire. Des membres importants des Lumières comme Helvétius ainsi que des invités étrangers tels que Bolingbroke et Lord Chesterfield étaient des hôtes fréquents. La fréquentation du salon de Madame Tencin, dont la famille habitait dans les environs de Lyon, permit à Mably d’entrer dans le monde de la politique étrangère. Le frère de Madame Tencin, devenu ministre des Affaires Etrangères en 1743 dans le gouvernement de Fleury, engagea Mably comme secrétaire. L’élaboration du projet du gouvernement français pour la paix de Breslau (1743) est attribuée à Mably. Il fut aussi associé aux négociations de Breda (1746).(5) L’expérience acquise par sa pratique de la politique lui fut certainement essentielle. Ses connaissances intimes des relations politiques et socio-économiques en Europe par lesquelles il se différentie des autres penseurs des Lumières furent à la base de sa pensée politique et de son argumentation.(6)

Dans les années 40, Mably avait non seulement acquis une certaine réputation littéraire en France et à l’extérieur du pays, mais il était aussi prêt à une carrière politique au service de la monarchie bourbonienne. Pourtant, en 1747, il rompt avec Tencin et renonce à son poste. Les raisons de cet abandon surprenant de sa carrière politique sont controversées.(7) Après s’être retiré de son service diplomatique et avoir renoncé aux prébendes qu’il devait à Tencin, Mably se retira principalement à Marly, un petit village dans les environs de Paris où se trouvait la résidence estivale du roi de France. C’est là qu’il se consacra surtout à ses études politiques.(8) Mais il s’intéressa aussi à l’histoire, la jurisprudence et la philosophie morale. Pendant la période située entre la rupture avec Tencin et l’élaboration de l’œuvre « Des droits et des devoirs du citoyen » en 1758, Mably conçut les premiers contours d’une théorie politique qui devait désormais déterminer sa pensée. Le représentant d’un absolutisme éclairé devint un protagoniste d’une monarchie qui se voulait au moins « constitutionnelle ». Ce changement était dû notamment à de nouvelles idées théoriques. Mably reprit les arguments du « républicanisme classique » (9), du droit naturel moderne (10) et de la nouvelle interprétation de la passion humaine.(11) Sa confrontation théorique avec la politique ne l’empêchait pas de rester attentif aux événements politiques.

On ne sait aussi que très peu de choses sur ses fréquentations après 1747.(12) Dans les années 1760, Mably a changé de domicile pour retourner à Paris.(13) Il semble y avoir pris activement part à la vie intellectuelle et conviviale et était un hôte toujours bienvenu dans des cercles de styles complètement différents – auprès de la noblesse conservatrice et réformatrice comme dans la haute bourgeoisie -. Il fréquenta notamment les salons de Mme Vassé à Marly-le-Roi, d’Helvétius, de Mme de Geoffrin, de Mme de Chastenay et de Mme du Boccage où il rencontra David Hume, Walpole, Condorcet, Lord Chesterfield et Franklin. Il avait aussi un contact étroit et cordial avec la famille Julien de la Drôme. S’ajoutent les soirées en société de Madame Du Deffrand, chez qui se réunissaient entre autres la Maréchale du Luxembourg, l’abbé Barthélemy, le duc de La Vallière, Choisieul, Président Hénault et des diplomates étrangers. Il fréquenta les salons de Mme d’Epinay, de Mademoiselle Lespinasse et le cercle à tendance janséniste de la Comtesse de Froulay. Il était hôte du cercle formé autour de la famille Foncemagne où se retrouvait la « société des savants », tels que Malesherbes, Desmarets, Bachaumont, Quiret de Margency, Grosley et rencontra aussi pendant son séjour à Paris Edward Gibbon. Mably avait noué des contacts vraiment étroits avec la famille princière de La Rouchefoucault. Il ne reçut pas seulement une pension par la duchesse d’Enville mais il exerça aussi la fonction de conseiller auprès de son fils. En tant qu’hôte permanent de l’hôtel de La Rochefoucault à Paris, il prit part aux soirées en société ainsi qu’aux repas servis en cercles réduits. L’hôtel de la famille était le point de rendez-vous de la couche dirigeante de la noblesse française avec des représentants de la culture et des sciences ainsi que les ambassadeurs des pays européens, des savants et des Lumières étrangères de renom.(14) Grâce à ses relations avec le duc de La Rochefoucault, Mably prit part aux discussions du Duc de Choiseul au domaine de Chanteloup. Là, il pouvait raviver et continuer les relations amicales qu’il avait nouées à l’époque de son activité publique. Contrairement à l’image souvent répandue du savant retiré du monde, Mably n’avait manifestement jamais interrompu ses relations avec le cercle des fonctionnaires bourgeois et nobles enclins aux réformes. De nombreux détails laissent supposer que, dans ce cercle, son avis sur les questions politiques, historiques et diplomatiques était recherché.(15) La collaboration avec des historiens de l’époque qui avaient des fonctions diplomatiques, en particulier avec Claude Carloman de Rulhière, va aussi dans ce sens.

D’un autre côté, il est clair que Mably n’était pas intégré dans toutes les différentes institutions de la société française des Lumières.(16) Selon l’état actuel de la recherche, il est difficile de savoir si cela était une volonté consciente d’indépendance ou si cette distance était due au fait que ses buts et ses théories n’étaient souvent pas compatibles avec ceux des philosophes. Cependant, sa confrontation avec quelques représentants importants des Lumières laisse supposer qu’il devait posséder une certaine influence sur l’opinion publique.

Les quelques sources conservées sur les revenus de Mably prouvent, en comparant avec les familles nobles et bourgeoises aisées, un niveau de vie relativement modeste,(17) sans pouvoir, comme le souligne Jean Sgard, pour autant le qualifier de pauvre.(18) Sa façon de vivre correspondait à une modération vertueuse qu’il développait et propageait dans ses œuvres. Après la rupture avec Tencin, ses revenus étaient composés des intérêts des biens de ses parents et d’une rente d’une modeste fonction ecclésiastique qu’il obtint en 1743. Ses revenus d’un montant de 2100 livres doublèrent lorsque Mably, vingt ans plus tard, grâce à l’intervention de la duchesse d’Enville, reçut une pension ecclésiastique. Mais, même après, ses rentes n’ont jamais dépassé 6100 livres par an.

Les éditions posthumes de son œuvre intégrale qui parurent pendant la Révolution Française constituent 15 tomes.(19) Elles comprennent des œuvres plus modestes (tome 14 et 15) mais elles excluent le premier ouvrage de Mably « Parallèle des Romains et des Français » paru en 1740 avant sa nomination comme secrétaire du cardinal Tencin. Il s’était ensuite distancé des positions théoriques – la confiance dans le progrès, l’orientation à la monarchie absolue et la défense du rôle social du commerce. Ses œuvres traitent exclusivement de sujets politiques. Les seuls thèmes auxquels il portait un intérêt sérieux étaient le gouvernement, l’état et la société. Cela ne signifiait pas pourtant une réduction des questions ou une limitation de son orientation. Les œuvres politiques de Mably sont au contraire caractérisées par une multitude impressionnante de thèmes et de genres. Malgré une recherche systématique qui a seulement commencé ces derniers temps, le manque de sources, de manuscrits, de correspondance et d’autres écrits rend la reconstruction des phases et la chronologie de son développement intellectuel difficile. C’est ainsi par exemple que les longs intervalles entre le premier essai de nombreuses œuvres et leur publication finale rendent un nouveau remaniement des premières versions possible. Inversement, il devient presque impossible de dater les différents travaux.

Les publications de Mably, environ une trentaine, peuvent être grosso modo réparties en quatre catégories. Les toutes premières publications appartiennent à quelques détails près au genre de l’historiographie philosophique qui avait été introduite par les « Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence » de Montesquieu en 1734. L’œuvre publiée en 1740 « Parallèle des Romains et des Français » dont Mably se détacha par la suite comme il a été mentionné plus haut en faisait partie. Néanmoins, il resta fidèle à l’historiographie philosophique en tant que forme de pensée politique. En 1749 paraissent les « Observations sur les Grecs » et deux ans plus tard les « Observations sur les Romains », dans lesquelles il modifie ses idées sur l’histoire ancienne et, orienté aux modèles antiques, plaide pour une constitution mixte participative. En 1764, il présente une version complètement retravaillée de l’histoire de la Grèce : « Observations sur l’histoire de la Grèce ». On a l’impression que Mably a modifié ses idées juste après la toute première parution et en a commencé le remaniement. Il publia en 1765, sous le titre « Observations sur l’histoire de France », les deux premières parties d’une histoire de France qui présente ses idées sur la tâche des Etats Généraux et essaie de prouver la chute d’une constitution mixte comme elle avait existé sous Charlemagne jusqu’au XIVe siècle. La troisième partie qui parut à titre posthume en 1788 suivait l’évolution des Etats Généraux jusqu’au XVIIe siècle, jusqu’à l’ascension de la monarchie absolue. La critique anti-absolutiste contenue dans cette œuvre, son plaidoyer pour une réforme radicale de la monarchie française vers une monarchie constitutionnelle, furent condamnés sévèrement par les cercles de la Cour. Il semblait y avoir une opposition aussi dans les cercles parlementaires. La parution fut interdite et une partie des exemplaires fut même brûlée.

Un deuxième groupe de publications représentent les études sur les droits des peuples. Le livre publié au milieu des années 1740 « Le droit public de l’Europe, fondé sur les traités » provient de travaux préliminaires et de l’expérience de sa fonction diplomatique comme secrétaire du cardinal Tencin. Sa présentation de l’histoire de la politique étrangère des cabinets européens depuis le Traité de Westphalie (1648) comble une lacune dans la littérature existante jusque-là. Cette publication lui procura une publicité dans toute l’Europe. Elle fut traduite de nombreuses fois, fut complétée par Mably en 1748 et en 1764, et elle fut publiée une nouvelle fois après remaniement. Il renonça par la suite à d’autres modifications. Les « Principes des Négociations » qui parurent en 1757 étaient prévus comme introduction à sa présentation des relations politiques des états d’Europe. Cet essai de vouloir analyser plus systématiquement présentait une première approche scientifique de l’histoire de la diplomatie dans une intention théorique et marque en même temps le début de la nouvelle période des pensées politiques de Mably dans laquelle il se penche en tant que réformateur politique et social sur les mouvements philosophiques et politiques existants. Dans la dernière version de son « Droit public de l’Europe » et dans les « Principes de négociations » Mably critiqua pour la première fois dans la forme qui plus tard se retrouvera souvent dans ses œuvres mûres.

Un grand nombre de ses œuvres étaient des dialogues philosophiques. L’œuvre « Des droits et des devoirs du citoyen » composée en 1758, mais seulement publiée après sa mort en 1790, doit être considérée comme un de ses travaux le plus important non seulement à cause de la présentation précise de ses propres plans réformateurs mais aussi à cause de son influence sur la pensée politique de la Révolution Française. Avec les « Entretiens de Phocion », qui parurent en 1763, Mably intervint consciemment dans le débat théorétique des Lumières françaises et chercha à donner une base systématique à sa théorie politique à travers le devoir moral de la politique dans le sens de l’Antique. La discussion précise de la communauté des biens et la critique acerbe et lucide des conséquences sociales de la propriété privée dans « De la législation » (1776) lui apporta la réputation d’un utopiste, d’un socialiste. « Les principes de morale », écrits en 1774, se rattachaient aux argumentations du « Phocion » et les complétèrent. Un trait caractéristique pessimiste est néanmoins indéniable. Aux yeux de Mably, seules quelques personnes pouvaient avoir accès aux vertus, ce qui lui donna la réputation de prophète du malheur.

Enfin, un nombre d’œuvres spécialisées et conçues à différentes occasions peuvent être rassemblées en une quatrième partie. Elles l’engagèrent dans des controverses qu’il essayait pourtant aussi prudemment que possible d’éviter. Les « Doutes proposés aux philosophes économistes », déjà publiés en 1768, étaient une attaque virulente de la physiocratie, en particulier de l’œuvre principale de Mercier de la Rivière. Parmi les nombreux opposants aux physiocrates, Mably faisait partie des plus systématiques. On peut lire à travers leurs réactions qu’ils prirent Mably au sérieux. Ce sujet fut repris plus tard par Mably dans l’essai publié posthume en 1790 « Du commerce des grains ». Parmi les œuvres rédigées pour certaines occasions se trouve le manuel, un enseignement historico-politique pour le prince Ferdinand de Parme, conçu en 1761 et publié en 1775 sous le titre « De l’étude de l’histoire » concernant les études d’histoire. C’était une partie d’un enseignement plus général de son frère Condillac qui avait un poste de précepteur de 1758 à 1767 à la résidence princière de Parme. Pendant les dernières années de sa vie, à la demande de proches, Mably publia deux œuvres « Du gouvernement et des lois de la Pologne » (1781) et « Observations sur le gouvernement et les Lois des Etats Unis d’Amérique » (1784). Dans ces œuvres, il réfléchit aux possibilités de réformes politiques dans deux régions différentes du monde. Dans son plan de Constitution de la Pologne établi pour la confédération de Bar, qui s’oppose aux propositions de réformes pour la Pologne faites au même moment par Rousseau, il conseilla pour assurer l’indépendance polonaise une monarchie héréditaire. Le plan de réforme de Mably fait preuve de la connaissance de ce qui est possible politiquement et fait apparaître le « réformateur radical » comme un « réaliste pragmatique ». En 1784, une année avant sa mort, Mably transmit ses réflexions sur les différentes constitutions des divers Etats américains à l’ambassadeur américain John Adams. Elles étaient empreintes d’un scepticisme profond en ce qui concerne les chances de réussite des nouveaux états. Ses sombres pronostics n’ont à priori pas dû correspondre aux attentes de ses amis américains et français.

Dans la seconde moitié du siècle, face à la crise de l’Etat qui s’annonçait, Mably intervint dans les discussions à tendance idéologique et dans les débats politiques des Lumières françaises pour attirer l’attention sur l’évolution politico-sociale en échec. Aucune des différentes tendances de la philosophie des Lumières ne fut, pendant toute sa carrière en tant qu’écrivain politique, épargnée par sa critique. Les « Doutes proposés aux philosophes économistes » étaient une critique des concepts socio-politiques des physiocrates y compris le concept du despotisme éclairé.(20) Les « Entretiens de Phocion » se dirigeaient contre les positions d’Helvétius.(21) Et les « Principes de morale » réagissaient de façon critique aux théories d’Holbach.(22) Son œuvre « De la manière d’écrire l’histoire » provoquait par sa critique des historiens Hume, Robertson, Gibbon et surtout Voltaire des réponses véhémentes dans la presse des Lumières.(23) Les trois tomes des « Observations sur l’histoire de France », une de ses œuvres les plus importantes politiquement, se dirigeait contre l’historiographie bourgeoise de Dubos ou celle aristocratique de Montesquieu. C’est ainsi que Mably fit un des apports les plus importants à la controverse idéologique majeure de l’époque, c’est-à-dire le débat sur l’histoire de la monarchie française.(24) Dans sa critique, il n’exclut finalement pas les Anglophiles et les enthousiastes de l’Amérique.

Mably était connu du grand public jusqu’à la fin des années 1770.(25) Sa résonance politique s’estompa quelque peu par la suite. Mais il devait tout de même disposé d’une autorité non négligeable dans les années 80 dans les cercles de la capitale qui étaient intéressés à la politique, car Marmontel croyait devoir prier le deuxième ambassadeur américain Philipp Mazzei de faire un démenti de haute qualité de l’œuvre de Mably sur l’Amérique.(26) Néanmoins Mably payait un prix fort pour la distance critique, choisie par lui-même, vis-à-vis des mouvements philosophiques et culturels dominants de son époque, car il passa les dernières années de sa vie dans un isolement intellectuel de plus en plus grand, isolement aussi dû à la maladie.(27)

Après la mort de Mably, sa résonance qui s’amenuisait se transforma en une approbation croissante. C’est après la publication posthume du troisième tome de ses « Observations sur l’histoire de France » et en particulier « Des droits et des devoirs du citoyen », qui 30 ans plus tôt avaient développé un pronostic étonnamment clairvoyant du véritable déroulement de la crise de l’Ancien Régime qui s’aggravait et de la « prérévolution » que la réputation de Mably grandit.(28) Ce revirement s’explique sûrement par la constellation politique modifiée de la crise aiguë dans les années 80 de l’Ancien Régime pour laquelle la prophétie de Mably semblait se vérifier. Les deux œuvres posèrent les fondements d’un culte révolutionnaire autour de Mably avec par exemple la production de bustes et de souvenirs publics lors des fêtes révolutionnaires. Mably, l’écrivain politique presque oublié, devint pendant les années de la Révolution française un des pères de la nation française. Pendant les différentes phases du processus révolutionnaire, Mably avait un écho remarquable dans les différents groupes politiques.(29) Pendant le régime de Thermidor, tout autant le révolutionnaire radical et protosocialiste Babeuf que les protagonistes de ce régime qui excluaient les démunis, ceux qui n’avaient pas de biens, de l’activité politique se référèrent à Mably. Le fait que certains éléments et traits dans la pensée de Mably correspondaient avec certaines phases et positions en partie opposées de la Révolution française se retrouve aussi dans les controverses de la recherche.

C’est seulement après la Deuxième Guerre mondiale que des recherches scientifiques intensives des œuvres de Mably commencèrent.(30) Depuis, il ne peut plus être considéré comme un « auteur oublié ». Les recherches présentes sont empreintes d’une forte opposition. D’un côté, Mably est interprété comme un auteur réformiste voire conservateur ; d’un autre côté, ses idées progressives, émancipatrices et socialistes sont mises au centre du débat.

G. Procacci (31) fut l’un des premiers qui essaya d’interpréter Mably comme un moraliste conservateur et comme un défenseur d’ordres traditionnels et hiérarchiques. Il supposa qu’une influence théologique (non vérifiable) lors de la formation de Mably au collège des Jésuites et au séminaire des prêtres fut décisive. Et encore dans les pensées de Mably à un âge mûr, il vit des traces scolastiques et thomastiques. Et puis Procacci exclut Mably des Lumières, principalement à cause de sa distance vis-à-vis des principaux « philosophes » et à cause de sa critique constante de leurs oeuvres. Une telle interprétation ne suppose pas seulement une chrétienté traditionnelle non prouvée, mais oublie aussi en même temps la reprise consciente des positions théoriques de John Locke et du sensualisme de son frère Condillac. Encore récemment, Thomas Schleich (32) essaie d’interpréter le Mably radical comme une construction idéologique qui serait contraire aux propres intentions de Mably et à son véritable rôle pendant sa vie. Selon Schleich, Mably appartient, par sa naissance, son influence et son penchant, au milieu socio-culturel de la noblesse de robe active en politique et de la haute bourgeoisie, une élite politiquement conservatrice et religieusement portée sur la culture. Si Schleich interprète Mably comme un penseur conservateur, c’est parce qu’il se repose sur l’écho que provoquèrent les œuvres de Mably. Ce mode d’interprétation de Schleich a apporté énormément à l’élargissement des connaissances sur la propagation des œuvres de Mably dans la société contemporaine, mais il excluait dès le départ et en même temps une interprétation des écrits de Mably. La raison de l’exclusion de Mably des Lumières s’explique dans la thèse de Schleich par le fait que les Lumières n’auraient pas provoqué la Révolution, mais plutôt que la Révolution aurait provoqué les Lumières.

Malgré les controverses certainement nombreuses avec les Lumières, un grand nombre de chercheurs place Mably dans le réformisme modéré des Lumières françaises. A. Maffey (33) est caractéristique pour cette interprétation. Après de nombreuses études préliminaires importantes, il a décrit, dans sa monographie, Mably comme un réformiste réaliste, tout en critiquant ses positions radicales et utopiques. Mais pour Maffey, Mably était un modéré non pas par conservatisme, mais par intelligence politique. Il défend l’idée que les débats intensifs de Mably sur le concept de la « communauté des biens » – de telles réflexions pouvant se retrouver dans les œuvres de presque tous les théoriciens des Lumières, même chez les plus modérés – ne sont que des divertissements intellectuels. Finalement, cette interprétation fut soutenue par des scientifiques qui ont analysé les connaissances précises de Mably de l’histoire et de la pratique de la diplomatie européenne, ses apports à la discussion intensive sur la physiocratie, sur la liberté du commerce des grains, sur ses propositions de Constitution pour la Pologne et l’Amérique et surtout son intervention décisive dans les débats sur l’histoire française.(34)

Les deux interprétations excluent pourtant en grande partie les éléments de la pensée de Mably qui ont forgé son culte révolutionnaire et sa réputation en tant que penseur radical et protosocialiste. Parmi ces éléments, il y avait l’intérêt politique dominant de Mably de réformer radicalement la monarchie bourbonienne absolutiste, voire la dépasser ou au moins la remplacer par une « monarchie constitutionnelle ». Et d’autre part, il y avait aussi sa critique générale de la libre disponibilité de la propriété privée comme source centrale pour l’inégalité sociale et les charges sociales, politiques et morales qui en découlent. A côté des chercheurs de l’Europe de l’Est, ce fut surtout R. Composto (35) qui chercha à mettre en évidence les tendances radicalement démocratiques et égalitaires de Mably. Même si Mably n’a pas élaboré un véritable communisme, les théories de Mably étaient, pour Composto, une expression authentique des intentions révolutionnaires qui pouvaient inspirer le « sans-culottisme » et le babouvisme. Galliani (36) tout comme J. L. Lecercle,(37) qui insistait pour prendre au sérieux les pensées communistes de Mably comme il l’avait fait lui, argumentèrent de la même façon.

Giovanni Stiffoni (38) souligna certes les aspects modérés de Mably tout comme son sens tactique remarquable, mais insista aussi dans le même temps, à l’inverse de Maffey, sur le fait que Mably dans ses propositions de réformes politiquement modérées devrait rester incompréhensible sans ses idées fondamentales, égalitaires et sociales. A long terme, selon Stiffoni, même les plus petites et plus modestes phases de réforme devraient contribuer dans un avenir lointain à la réalisation d’un système social communiste. B. Coste,(39) H.U. Thamer (40) et L. Lehmann (41) présentèrent en qualité et appréciation différentes des interprétations semblables. Thamer a placé les éléments de théorie socialistes au cœur de sa théorie. Et Lehmann interpréta la théorie de Mably comme une philosophie émancipatrice qui est certes encore limitée à travers son cadre théorique préindustriel et qui devrait être vu comme un premier pas dans le développement de la théorie socialiste.

Les différentes interprétations concordent, malgré toute leur opposition, dans le fait que la pensée politique de Mably et son argumentation ne possèdent pas d’unité fondamentale, mais ressemblent plutôt simplement à un creuset de différents thèmes et positions théoriques sans cohérence. Toutes ces interprétations ont ainsi provoqué un manque d’intérêt pour la vie et les oeuvres de Mably.

Récemment Keith Baker (42) a ajouté une nouvelle dimension aux différentes interprétations dominantes. Il développe une théorie en s’appuyant sur le rôle central que l’histoire classique et la politique ont joué dans la conscience politique de Mably. Il proposa d’interpréter ses textes comme une variante française du « républicanisme atlantique classique ».(43) Kent Wright (44) a repris ce point de départ et l’a explicité. Il considère Mably comme un des plus importants représentants du « républicanisme classique » en France. Il fait ressortir comme catégorie centrale de la pensée politique de Mably le concept de constitution mixte (« res publica mixta »). Comme ses caractéristiques spécifiques, il considère, auprès du moment participatif fort, l’exigence d’une régulation sociale de l’économie et de la propriété privée tout comme l’éducation politique de tous les citoyens. Des critères centraux de l’argumentation de Mably sont auprès des éléments du « républicanisme classique » aussi des éléments du droit naturel moderne et une anthropologie pessimiste qui se base sur le sensualisme de son frère Condillac. C’est sur ces éléments théoriques que la cohérence de la pensée politique de Mably est fondée selon Kent Wright.

De nouvelles interprétations ne vont pas être ajoutées à cette liste. Le but de la sélection des extraits de textes de Mably, qui n’a pas écrit de texte central appartenant aux classiques de la pensée politique, est la présentation des importantes facettes du théoricien politique Mably qui se mettent peu à peu en place. Sa pensée politique comme assimilation intellectuelle de la crise politico-sociale spécifique de l’Ancien Régime depuis 1750 va être présentée dans l’ordre chronologique à l’aide de textes importants nés dans différents contextes politiques. Une interprétation qui pose sa pensée politique et son argumentation comme une simple suite de réponses à différents événements extérieurs ne se suffit pas. Bien que ses intérêts et idées politiques semblent être diversifiés, il gardait un fil conducteur : Son œuvre politique fait un tout par un projet de programme, réalisable et fondé théoriquement, un programme de réformes politiques en France et dans l’Europe de l’Ancien Régime qui adoucit et même abolit les conséquences sociales des inégalités excessives.

Mably lui même a désigné ce programme sur lequel se réfèrent ses théories et argumentations, dans une des ses œuvres importantes, comme un programme d’une « révolution ménagée », orientée à la révolution anglaise du 17e siècle.(45) « Une révolution, au contraire, menagée par la voie que je vous ai indiquée, seroit d’autant plus avantageuse que l’amour de l’ordre et des lois, et non d’une liberté licencieuse, en seroit le principe ».(46)

NDLR : Ce point bibliographique s’arrête en 2000. Sur Révolution française.net, lire l'extrait de l’édition de Marc Belissa de G. B. de Mably, Du Gouvernement et des Loix de la Pologne, suivi de De la situation politique de la Pologne en 1776 et Le Banquet des politiques, Paris, Kimé, 2008. Voir également de Marc Belissa, édition, introduction et notes de G. B. de Mably, Les Principes des négociations pour servir de préface au Droit Public de l’Europe (1757), Paris, Kimé, 2001.

NOTES

(1) Une description détaillée se trouve dans l’introduction de Mably, sur la théorie du pouvoir politique (cf. note 5 de l’avant-propos)

(2) Pour la biographie de Mably voir en particulier Aldo, Maffey, Il pensiero politico del Mably, Turin 1968, Giovanni, Stiftoni, Utopia e ragione in G. Bonnot de Mably, Lecce 1975 et Thomas, Schleich, Aufklärung und Revolution. Die Wirkungsgeschichte Gabriel Bonnot de Mably in Frankreich (1740-1914), Stuttgart 1981; cf. aussi Jean, Sgard, „Profils de Mably“, Colloque Mably. La politique comme science morale, vol. 1, Bari 1995, p. 19-27; Peter, Friedemann, „Neues zur Biographie Mablys: Seine „materiellen Verhältnisse“, Francia 1 (1972), p. 361-368; ibid.,“ Neue Wege der biographischen Mably-Forschung“, Mably, Table Ronde, Bochum 1987, p. 17-25.

(3) Cf. Louis, Aurenche, Jean-Jacques Rousseau chez Monsieur de Mably, Paris 1934.

(4) Cf. A. Maffey, T. Schleich, tout comme J. Sgard, P. Friedemann (cf. note 2.)

(5) Cf. Johnson Kent Wright, A Classical Republican in Eighteenth-Century France. The Political Thought of Mably, Stanford, CA 1997, p. 37.

(6) Cf. les travaux de Jean-Louis Lecercle sur cet aspect.

(7) Les sources dont on dispose actuellement ne permettent pas de confirmer les différentes interprétations exprimées sur son changement de carrière.

(8) On peut se référer à l’itinéraire à la fin de cet ouvrage pour avoir une vue d’ensemble sur les différents domiciles et séjours de Mably, reconstitués à l’aide de correspondance.

(9) Pour une vue d’ensemble cf. Daniel T. Rogers, “Republicanism: The Career of a Concept”, The Journal of American History 79 (1992), p. 11-38. L’ouvrage de référence de la recherche sur le „Républicanisme classique“ John G.A. Pocock, The Machiavellian Moment. Florentin Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Princeton 1975. Cf. en outre Jack H. Hexter, “Republic, Virtue, Liberty, and the Political Universe of J.G.A. Pocock”, ibid., On Historians, Cambridge, Mass. 1979, p. 255-303 ainsi que Jain Hampser-Monk, “Review Article: Political Languages in Time – The Work of G.A. Pocock, The Machiavellian Moment Revisted: A Study in History and Ideology”, The Journal of Modern History 53 (1981), p.49-72. Important aussi, avec une autre orientation, Franco Venturi, Utopia and Reform in the Enlightenment, Cambridge 1971; cf. David Wootton (Ed.), Republicanism, Liberty, and Commercial Society 1649-1776, Stanford 1994.

(10) Cf. comme vue d’ensemble Karl-Heinz Ilting, „Naturrecht“, dans: Otto Brunner, Werner Conze, Reinhart Koselleck (Edit.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, tome 4, Stuttgart 1978 p. 245-313; pour l’évolution continentale européenne cf. aussi Knud Hakonssen, Natural Law and Moral Philosophy. From Grotius to the Scottish Enlightenment, Cambridge 1996; cf. aussi Lester G. Crocker, Nature and culture. Ethical thought in the French enlightenment, Baltimore 1963, ibid., An age of crisis. Man and world n the eighteenth century. French thought, Baltimore 1959.

(11) Pour un contexte différent à cette discussion cf. Albert Hirschman, The Passions and the Interests : Political Arguments for Capitalism before its Triumph, Princeton 1977; cf. aussi Hans-Jürgen Fuchs, Entfremdung und Narzißmus. Semantische Untersuchungen zur Geschichte der “Selbstbezogenheit” als Vorgeschichte von französisch “amour propre”, Stuttgart 1977.

(12) Le manque d’informations sur la nouvelle orientation théorique de Mably est vivement regretté dans tous les travaux de recherche.

(13) Cf. Jean-Luc Malvache, « Correspondance inédite de Mably à Fellenberg 1763-1778 », Francia 19 (1992), p. 47-93 (lettre 1).

(14) Cf. Schleich (note 2), p. 62f.

(15) Ibidem, p. 65.

(16) Selon l’état actuel des travaux de recherche, il n’existe pas d’informations sur le fait que Mably ait été membre de sociétés de Lumières, d’académies, de loges etc.

(17) Cf. Peter Friedemann (1972), (note 2, p. 361-368).

(18) Cf. Jean Sgard (note 2, p. 22).

(19) Cf. Gabriel Bonnot de Mably, Collection complète des œuvres. Publiée par Guillaume Arnoux en 15 tomes, Paris 1794-1795 (il existe aussi maintenant une réimpression avec une introduction, une bibliographie et un index, éditée par Peter Friedemann, Aalen 1977).

(20) Pour le contexte cf. Hans-Ulrich Thamer, « Mably und die Anti-Physiokraten. Zur Ambivalenz der Modernisierung“, dans: Frank-Lothar Kroll (Ed.), Neue Wege der Ideengeschichte. Festschrift für Kurt Kluxen zum 85. Geburtstag, Paderborn et al. 1996, p. 199-215.

(21) Cf. Kent Wright (comme note 5), p. 201; cette position est controversée dans la recherche, cf. Schleich (note 2, p. 35).

(22) Cf. ibid., p. 201.

(23) Cf. ibid., p. 187.

(24) Concernant ce débat, toujours indispensable Elie Carcassonne, Montesquieu et le problème de la constitution française au XVIIIe siècle, Paris 1927 ; une bonne vue d’ensemble se trouve dans Harold Ellis, « Montesquieu’s Modern Politics : the Spirit of the Laws and the Problem of Modern Monarchy in Old Regime France », History of Political Thought 10 (1989), p. 665-700.

(25) Schleich (note 2) propose un grand nombre d’éléments, son interprétation n’est toutefois pas reprise dans ces textes choisis.

(26) Cf. F. Mazzei, Memoria della vita e delle peregrinazioni del Fiorentini F. Mazzei, édité par A. Aquarone, Mailand 1970, 2 tomes, tome 1, p. 302-309.

(27) Cf. Schleich (note 2), p. 82f.

(28) Cf. Schleich, op. Cit., p. 117ff.

(29) Cf. Schleich, op. Cit., p. 150ff.

(30) Cf. la vue d’ensemble la plus complète dans Schleich, ebd., p. 11ff. et Johnson Kent Wright (note 5), p. 9ff. ainsi que la bibliographie des travaux parus après 1945 en annexe.

(31) Cf. Guiliano Procacci, “L’Abate Mably nell’Illuminismo”, Revista storica italiana 63 (1951), p. 216-44.

(32) Thomas Schleich (note 2).

(33) Aldo Maffey (note 2).

(34) Outre Jean-Louis Lecercle, on peut aussi citer quelques auteurs qui ont publié dans les deux tomes du colloque récemment parus (cf. avant-propos, note 4 et bibliographie en annexe).

(35) Renato Composto, “Le teorie sociali dell’abate Mably”, Belfagor 10 (1955), p. 468-476.

(36) Cf. Renato Galliani, L’abbé de Mably et l’histoire du XVIIIe siècle, Thèse Univ. Lettres, Bordeaux 1965.

(37) Cf. surtout J.L. Lecercle, « Utopie et réalisme politique chez Mably », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 26 (1963), p. 1049-1070.

(38) Giovanni Stiffoni, Utopia e ragione in G. Bonnot de Mably, Lecce 1975.

(39) Cf. Brigitte Cost, Mably : Une utopie du bon sens, Paris 1975.

(40) Cf. Hans-Ulrich Thamer, Revolution und Reaktion in der französischen Sozialkritik des 18. Jahrhunderts. Linguet, Mably, Babeuf, Frankfurt/M. 1973.

(41) Cf. Lutz Lehmann, Mably und Rousseau. Eine Studie über die Grenzen der Emanzipation des Ancien Régime, Bern und Frankfurt/M. 1975.

(42) Cf. Keith Baker, “A Script for a French Revolution. The Political Consciousness of the abbé Mably”, Eighteenth Century Studies 14 (1980/81, p. 235-263); aussi dans: ibid., Inventing the French Revolution. Essays on French Political Culture in the Eighteenth Century, Cambridge 1990, p. 86-106. Cette approche est reprise par Peter Friedemann, « Culture politique et Etat constitutionnel moderne chez Mably », Colloque Mably, tome 2, p. 77-105 (cf. avant-propos, note 4).

(43) Pour le contexte cf. Chantal Grell, Le Dix-huitième siècle et l’antiquité en France 1680-1789. 2 tomes, Oxford 1995 ; pour un point de vue politico-théorique voir plutôt Luciano Guerci, Libertà degli antichi e libertà dei moderni : Sparta, Atene e i « philosophes » nella Francia del ‘700, Napoli 1979 et Elizabeth Rawson, The Spartan Tradition in European Thought, Oxford 1969.

(44) Cf. Wright (note 5) qui ébauche dans son dernier chapitre une synthèse de la variante française du « républicanisme classique ».

(45) Cf. Ulrich Ricken, Sprachauffassung, Anthropologie, Philosophie in der französischen Aufklärung, Berlin 1982 ainsi que Isabel F. Knight, The Geometric Spirit. The Abbé Condillac and the French Enlightenment, London 1986.

(46) Mably, Des Droits et des devoirs du citoyen, Edition complète, tome XI, p. 440.