Présentation

La section 13 adopte le 20 avril 1793 une Adresse, conservée aux Archives départementales des Bouches du Rhône sous forme imprimée, dans laquelle nous trouvons exposé, de façon succincte, les thèmes majeurs du mouvement sectionnaire. Il y est en effet question de la souveraineté du peuple qui donne tout pouvoir aux sections sur leurs mandataires, de la défense de la Patrie, de l’appel à la justice et de la guerre contre l’anarchie. Qui plus est, cette adresse prend le contre-pied de la campagne de dénonciation de « l’aristocratie des riches » par les Jacobins en préconisant l’union du riche et du pauvre dans la défense de la Patrie. Ainsi sont affirmés conjointement les principes démocratiques des sections et leur modérantisme social.

Cependant, le thème de la solidarité entre les moins aisés et les plus aisés n'est pas nouveau. Une affiche intitulée, "La Municipalité aux citoyens négociants de Marseille", faite donc à Marseille le 26 août 1792 précise aussi que "les concitoyens de la classe la moins aisée /.../ méritent la bienveillance de la Patrie" pour leurs sacrifices. la Municipalité fait donc appel, en ce qui concerne "l'objet des subsistances", aux commerçants de Marseille qui "ont donné des marques de patriotisme" pour l'aidrer à prendre des mesures efficaces en vue de l'approvisionnement hivernal. Et d'en conclure; "Tous les habitants de l'Empire se doivent mutuellement des efforts pour le bien de patrie" (Jacques Guilhaumou).

Texte

Extrait des registres des délibérations de la section treize. Du 20 avril 1793, l’an second de la République.

Les Citoyens composant la Section 13, légalement assemblée en permanence, le Président ayant ouvert la séance, il a été fait lecture d’une Adresse de la Section, conçue en ses termes :

ADRESSE D’un Sans-culotte de la Section 13 aux Citoyens de la même section

Alerte ! Alerte ! Citoyens, prenons garde de nous livrer à une molle indolence. Les ennemis nous environnent de toutes parts : le royaliste, le modéré, l’égoïste, l’ambitieux nous ont juré une guerre éternelle ; ce n’est qu’en les observant continuellement que nous pourrons faire échouer leurs complots.

Ne craignons pas l’homme libre qui nous dit ouvertement ce qu’il pense : il peut être dans l’erreur ; faisons lui connaître la vérité, il nous aidera bientôt à soutenir la bonne cause. Redoutons ces hommes timides par tempérament et méchants par caractère : ce sont des lâches qui n’osent se montrer à découvert ; ils trament dans les ténèbres leurs coupables projets ; ils nous flagorneront tant qu’ils croiront avoir à craindre notre énergie ; ils nous plongeraient le poignard dans le sein, si nous cessions de les observer.

Craignons encore tous les chercheurs de places ; ils crient de toutes leurs forces au patriotisme ; ils savent qu’ils ont besoin de crier pour se faire remarquer. Ne jugeons pas les hommes par leurs paroles, mais par leurs actions. Sollicitons nous-mêmes des récompenses pour ceux qui ont bien mérité de la patrie, livrons à la honte du mépris, celui qui ne cherche qu’à satisfaire sa cupidité.

Ne nous laissons pas séduire par ceux qui voudraient anéantir tous les riches, par la raison qu’ils sont riches. N’oublions pas que nous avons beaucoup de citoyens à soudoyer sur nos frontières ; qui paiera les frais de la guerre s’il ne nous reste que des pauvres ? Le pauvre paye de sa personne, c’est l’usage, le riche doit payer de son argent, c’est la justice.

Ne molestons pas le riche qui sait faire des sacrifices proportionnés à sa fortune ; faisons lui aimer la Révolution, il deviendra bon patriote s’il ne l’est déjà. Ne ménageons pas l’avare qui préfère son argent au salut de sa Patrie ; exigeons de lui tout ce que la bienséance et le besoin des circonstances peuvent exiger ; mais ne tuons jamais la poule qui peur pondre des œufs d’or.

Soyons soumis aux autorités constituées, tant qu’elles sauront respecter les limites de leur pouvoir ; et opposons-nous de toutes nos forces aux actes du despotisme. Quelque confiance que nous puissions avoir de nos Administrateurs, souvenons-nous qu’ils ne sont que nos mandataires. LE PEUPLE EST SOUVERAIN. PERSONNE NE PEUT LUI RAVIR SA SOUVERAINETE ; IL NE PEUT PAS MÊME Y RENONCER.

Ne faisons jamais servir la chose publique de prétexte à notre vengeance particulière. Si notre ennemi nous a outragé, faisons valoir nos droits par des voies légales, mais ne compromettons jamais le repos des citoyens pour nos intérêts personnels.

Soumettons-nous aux lois, si nous voulons qu’elles nous protègent. La liberté n’est pas la licence, l’anarchie détruit nécessairement l’union qui doit régner parmi les républicains

Soyons toujours unis avec les autres sections : si quelqu’un s’écartait des principes, ayons le courage de les lui rappeler. Si, par malheur, nous venions à nous en écarter nous-mêmes, ayons la noble franchise d’avouer notre erreur, et profitons des conseils utiles de nos Frères.

Fréquentons les assemblées de la Société des Amis de la République : ce foyer vivifiant échauffera nos âmes, il entretient dans nous le feu sacré de la Liberté.

L’Assemblée, après avoir vivement applaudi à l’Adresse ci-dessus, a unanimement délibéré par acclamation de l’adopter en tout son contenu, de la soumettre à l’impression, et d’en faire hommage à toutes les autres sections, ainsi qu’à la Société des Amis de la République ; pour leur donner une preuve des sentiments qui animent les membres qui la composent, et qu’il en sera affiché 100 exemplaires.

Allemand, Président ; J. Equis, Secrétaire