La loi Pécresse ou les Lumières ? Actuel
samedi 24 novembre 2007"Courbés sous le joug de l'autorité, autant que vous le permet la flexibilité de votre échine ; péniblement serrés dans une forme de pensée artistement imaginée (...) à force d'avoir plié sous les plans d'autrui, à force d'avoir obéi à tous les besoins du corps" : c'est ainsi que Fichte décrivait en 1793 les conservateurs allemands, en homme des Lumières, dans ses Contributions pour rectifier le jugement du public sur la Révolution française. Il y a là quelque analogie avec le conservatisme new look de sept présidents d'universités parisiennes ("Défendre l'université", Le Monde du 15 novembre). Prenant la défense de la loi Sarkozy-Pécresse du 10 août, ces derniers oublient de préciser qu'un de ses traits - et un de ses défauts - majeurs est d'augmenter démesurément leurs pouvoirs. Véritables managers à la tête de conseils d'administration resserrés et affadis, ils pourront, directement ou par l'intermédiaire des CA, embaucher des contractuels, disposer d'un droit de veto sur le recrutement des enseignants-chercheurs statutaires, "moduler" les services de ces enseignants-chercheurs, traiter avec les pouvoirs locaux et les entreprises, etc. Nos universitaires d'en haut ont oublié que l'esprit des Lumières supposait un minimum de distance critique à l'égard de ses appétits de pouvoir et de ses intérêts les plus étroits. Quand des grains de sable cheminots font grincer la machine à contre-réformes néolibérales, on parle d'"archaïsme corporatiste". Quand une infime couche bureaucratique promeut ses privilèges, contre le reste des collectivités universitaires, on parle de "modernité" et d'"intérêt général". Ainsi vont les mécanismes d'auto-illusion !". Philippe Corcuff, ''Le Monde'', 21 novembre 2007.