Par Regina Pozzi, Università di Pisa

Après avoir publié L'Ancien Régime et la Révolution en 1856 et jusqu'à sa mort en 1859, Tocqueville travaille à une histoire de la Révolution dont restent de nombreux travaux préparatoires. Un examen attentif de ces matériaux montre que, parmi les obstacles que l'auteur rencontra sur son chemin, et qui l'empêchèrent de terminer son ouvrage, nous pouvons attribuer un rôle capital à ses hésitations d'ordre interprétatif quant à la nature même de la Révolution. Car dans le volume de 1856, il avait beau jeu à distinguer deux phases dans son histoire, une révolution de la liberté en 89, ensuite une révolution de l'égalité porteuse de néfastes conséquences, dont il n'avait pas daté avec précision la naissance, tout en affirmant qu'elle l'avait vite emporté sur la première. Par contre en poursuivant son travail il s'éloigne de plus en plus de cette interprétation héritée des historiens libéraux et il tend à attribuer une date très précoce à la révolution égalitaire, dont il découvre les prémisses dans la culture politique prérévolutionnaire même. Cette nouvelle clef de lecture entre toutefois en contradiction avec son projet politique d'alliance de l'égalité et de la liberté, tel qu'il l'avait soutenu dans La Démocratie en Amérique et dans sa carrière de député sous la Monarchie de Juillet; et c'est pourquoi Tocqueville oscille entre deux schémas interprétatifs sans pouvoir trouver un fil suivi pour son récit (résumé de l'auteure).

Lire l’article dans la revue électronique Cromohs, article que l’auteure a publié par ailleurs dans Storia della storiografia, 41, 2002, puis repris dans son ouvrage récent Tocqueville e i dilemmi della democrazia (Pisa, Plus, 2006).