Abordés en termes d’enseignement, c’est donc tout un faisceau de questions que soulèvent ces deux phénomènes. Constituer les pauvres et la pauvreté comme objet d’enseignement suppose en effet la possibilité de les assimiler soit à des notions soit à des événements porteurs de sens historique, et pas seulement historique mais également civique, puisque telle est l’une des finalités attribués à l’enseignement de l’histoire en France. C’est précisément cette question des finalités qui détermine dans une large mesure, et malgré le poids bien réel également de l’historiographie dans de tels choix, la formation d’un phénomène historique comme objet d’enseignement, comme objet didactique.

Il s’agit donc de soulever trois grandes questions dans le cadre de ce débat. La première consiste à rechercher à quel titre les pauvres et la pauvreté peuvent prétendre à constituer un objet d’enseignement. La deuxième à analyser qu’elle est la place effective de cet objet dans les programmes de l’enseignement secondaire français. La troisième à proposer des éléments de réflexion sur ce qui en dernière instance fait des pauvres et de la pauvreté un non lieu de l’enseignement de l’histoire.

Les possibles figures du pauvre et de la pauvreté

La définition des programmes de l’enseignement secondaire, si elle répond à des impératifs et à des logiques complexes, ne saurait être pensée en dehors d’une relation première et forte avec l’état de la recherche historique. Cette affirmation peut sembler relever du truisme, mais l’exploration des contextes historiographiques n’est pas un vain exercice pour saisir le poids relatif de tel ou tel objet dans l’enseignement de l’histoire (1). Les évolutions majeures de ces dernières années se situent entre les programmes de 1985 et ceux de 1995. Nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur le sens de ces évolutions, à partir de l’exemple de l’histoire moderne et de la Révolution française dans les programmes de 4e et de 2de. Or la question de la pauvreté tranche dans une certaine mesure sur cette évolution générale, qui conduit, pour faire court, d’une histoire économique et sociale, à la fois « classique » et réinvestie par l’approche de l’histoire sociale des mentalités, en 1985, à une histoire politique relevant en partie d’une histoire sociale des représentations, acclimatée par l’histoire culturelle, et tendant même parfois vers une histoire conceptuelle du politique (2).

Cerner les contours de ce double phénomène constitué par les pauvres et la pauvreté comme figures possibles de l’enseignement suppose d’aborder trois dimensions complémentaires de l’historiographie contemporaine de l’élaboration des programmes de 1985 et 1995. Précisons, cependant, qu’il ne s’agit pas pour nous de faire un état de la question, mais bien de repérer les éléments de cette historiographie pouvant relever de la construction de la pauvreté comme objet didactique. À cette fin, nous retiendrons trois niveaux d’analyse de ces phénomènes. Le premier consiste à « saisir le pauvre » dans sa réalité propre, si l’on peut ainsi s’exprimer. Le deuxième porte sur l’analyse des actions et réactions de la société vis-à-vis des pauvres et de la pauvreté,, des manières dont ceux-là sont perçus et des traitements sociaux de la pauvreté. Enfin se pose, renversement de l’approche précédente, la question du pauvre comme acteur social et politique. On reconnaîtra là le programme tracé par Jean-Pierre Gutton en 1974 relativement à l’analyse de la place des pauvres et de la pauvreté dans les sociétés de l’Europe moderne (3). Programme auquel on ajoute ici la dimension politique dans une logique qui rappellera celle avancée par Roger Dupuy plus récemment (4).

Saisir le pauvre, c’est d’une part définir les critères de la pauvreté, les caractéristiques qui s’attachent à elle, éventuellement donc identifier et isoler un groupe social déterminé ; c’est, d’autre part, le situer dans les hiérarchies sociales et même identifier des hiérarchies internes, ou, sinon des hiérarchies de la pauvreté, du moins des strates et des situations diversifiées. Disons, pour faire court, et en nous en tenant à ce qui relève d’une possible inscription didactique de cet objet historique, que trois critères peuvent intervenir : un critère, de prime abord le plus évident, de richesse, et donc une définition économique de la pauvreté ; une approche sociale de la pauvreté visant à situer le pauvre dans des structures sociales déterminées et historiquement situées ; enfin, le moins immédiat sans doute, un critère politique qui pose sous une autre forme la question de la place du pauvre dans la cité et renvoie donc davantage à la deuxième partie du programme énoncé par Jean-Pierre Gutton. Ajoutons que les deux premières approches, et la première encore davantage, relèvent d’une histoire économique et sociale que nous pourrions qualifier faute de mieux de « classique », tandis que la troisième, et partiellement à nouveau la deuxième, ressortiraient d’avantage d’une histoire sociale des représentations et d’une histoire culturelle du politique. En somme, qu’à une approche « économique » de la pauvreté se présentant comme « objective » (au sens où elle produit une objectivation du phénomène et lui applique des critères de définition qui n’en dépendent pas exclusivement), il serait possible d’opposer une approche « idéologique » de la pauvreté, de celles qui mettent en œuvre les ressources interprétatives des acteurs eux-mêmes et trouvent dans leur description du phénomène ses critères de typification. Ou encore, et nous arrêterons là le jeu de l’emboîtement des nomenclatures, qu’à une approche « matérielle » on opposerait une approche « spirituelle » de la pauvreté.

Mais prenons garde de ne pas glisser du pauvre à la pauvreté, puisque nous avons voulu distinguer ces deux phénomènes dans la perspective d’analyse que nous avons adoptée. Il s’agit bien dans un premier temps d’identifier le pauvre comme membre d’un groupe social isolable dans l’ensemble des sociétés européennes de l’époque moderne. Or que l’on aborde la question d’une manière ou d’une autre, d’un regard externe fondé sur des critères quantifiables ou d’une prise en compte des représentations sociales de la pauvreté et de leur efficience, c’est précisément cette identification qui se révèle ardue.

Certes, les historiens se livrent, par nécessité pratique et parce qu’elles constituent une part de l’enjeu interprétatif de l’approche historique de la pauvreté, au jeu de telles définitions. Mais dans ce moment même, ils en avouent la complexité et les fluctuations. Jean-Pierre Gutton dit bien qu’il faut « montrer comment ces sociétés produisent des pauvres, combien elles en produisent et de quel type » (5). Mais il soulève immédiatement le problème du vocabulaire sur la foi d’exemple d’enquêtes sur la pauvreté menées en France et en Angleterre à partir du XVIIe siècle et des hésitations des sources administratives. Il souligne que les rôles de taille en France par exemple confondent « pauvres », « gueux » et « mendiants ». Ce qui n’empêche de voir se dessiner, dans les enquêtes susnommées, deux grandes approches de la pauvreté, susceptibles de produire des critères « objectifs » de définition. D’une part, une appréciation « économique » qui trouve dans des seuils de revenu annuel le point critique de la pauvreté, en Angleterre en 1688 comme en France en 1790, dans le travail du comité de mendicité de l’Assemblée nationale constituante (6). Un pauvre peut ensuite se comprendre en fonction de la situation qui est la sienne en termes, dirions-nous aujourd’hui, de degré « d’intégration sociale ». Ce sont alors soit le rapport à la propriété à la possession d’un bien, et en valeur suffisante (Dictionnaire universel de Furetière), soit le rapport au travail, perçu comme « seul patrimoine du peuple » et donc à l’obligation qu’il représente pour lui, qui constituent les signes tangibles de l’appartenance au monde des pauvres ou des indigents (7).

L’historiographie n’échappe du reste pas à cette incertitude du vocabulaire. Alfred Cobban juxtapose ainsi en 1964 les « couches les plus pauvres », les « classes inférieures », et le « peuple » dans leur opposition au « riche », sans chercher à en démêler les divergences éventuels de sens (8). On pourrait enfin ajouter un dernier critère de différenciation du pauvre au sein de la société, critère moral qui conduit le pauvre sur la pente fatale de la criminalisation, processus qui retentit dans l’espace politique pour y invalider en dernière instance son intervention (9). Ce qui ne signifie pas que la pauvreté se confonde d’emblée avec la marginalité. Comme le rappelle d’entrée Jean-Pierre Gutton, « En France, les pauvres, les mendiants même, font partie de la société, et Loyseau leur fait une place dans son Traité des ordres. Il en va autrement de ceux que l’on nomme les “sans aveu (10)” ».

De ces tentatives de définitions et de leurs fluctuations, nous retiendrons, dans l’optique qui est ici la nôtre, qu’elles nous invitent surtout à percevoir à quel point, loin de former un groupe isolable dans la société, les pauvres, masse constamment non négligeable, tant en ville que dans les campagnes ,et aux limites fluctuantes, traduisent cette « vie fragile » des catégories les plus humbles (11). « La pauvreté peut, du moins provisoirement, frapper un large éventail de la population locale en cas de maladie et de chômage. Loin de former une classe distincte, la majorité des indigents est constituée par des familles ordinaires, bien intégrées dans la société locale, provisoirement obligées de recourir à des expédients pour ne pas mourir de faim (12) ».

Ce qui nous conduit au deuxième volet de notre propos, à la rencontre de la manière dont la société intègre ou rejette la pauvreté, dont elle élabore et applique les traitements qui lui paraissent adaptés. Pas plus que dans notre retour sur les tentatives pour cerner la figure du pauvre, nous ne prétendons à une appréhension exhaustive du travail historiographique effectué sur ce sujet. De ce point de vue, le mouvement est bien connu qui, d’une pauvreté évangélique qui ne va pas, très tôt, sans contestation et sans inquiétude, conduit au « grand renfermement » de l’âge classique, incarné dans la création de l’hôpital général en France, à Paris dès 1656, et dans une moindre mesure par les Workhouses anglaises, selon une expression popularisée par Michel Foucault (13). Mais Jean-Pierre Gutton a montré les limites de ce « grand renfermement », limites dans son extension d’une part, dans sa durée de l’autre, en y opposant les politiques diversifiées envisagées au XVIIIe siècle. Il mesure tout d’abord l’ampleur du phénomène. « Le XVIIIe siècle s’est passionné pour les problèmes du paupérisme. Dans tous les pays d’Europe, on constate un foisonnement de brochures et d’opuscules consacrés aux pauvres, à l’assistance, aux hôpitaux » (14). Et il insiste sur l’infléchissement qui lui fait écrire que « la charité ecclésiastique est généralement dénoncée comme mauvaise (…) car là réside finalement le point capital : l’État doit assurer, contrôler, voir diriger l’assistance » (15).

La question du traitement social de la pauvreté, dont on peut suivre les fluctuations dans des contextes profondément modifiés, depuis le XVIIe siècle jusqu’aux grandes enquêtes de la monarchie de Juillet (Villeneuve Bargemont, etc.) et jusqu’aux différentes réflexions sur l’extinction du paupérisme qui traversent le second empire, au XIXe siècle, débouche ainsi sur un troisième aspect qui met en jeu d’une part le caractère proprement politique des implications des solutions proposées et rappelle d’autre part que le pauvre peuple fait entendre, et parfois de manière plus insistante, sa voix. Jean-Pierre Gutton le rappelle relativement aux mémoires laissées par le XVIIIe siècle : « dans l’ensemble, c’est bien l’organisation sociale qui était mise en cause par la plupart » (16).

La question des formes de l’intervention politique des pauvres est quant à elle plus délicate, dans la mesure où l’identification de leur présence comme celle de leurs revendications propres, ou de leur part dans des revendications populaires qui ne relèvent pas toutes, loin de là, de la pauvreté, ne laisse pas d’être problématique. Cette question est en effet plus encore que celle de la visibilité des pauvres dans l’espace social, liée à la nature des sources qui permettent de « saisir le pauvre ». Découvrir le pauvre comme acteur politique et social ne peut se faire qu’incidemment, au détour de sources qui permettent une fois de plus de le retrouver sujet de l’intérêt social. C’est-à-dire lorsqu’il recourt aux moyens de l’assistance, quelles qu’en soient les formes, ou lorsque s’appesantit sur lui le regard de la société et que se dessinent les formes de la répression d’une pauvreté devenue criminelle ou redoutée comme telle. En définitive, le plus souvent, le pauvre « n’émerge de l’obscurité que lorsqu’il enfreint la loi ou qu’il tombe malade et est inscrit sur les registres de l’hôpital ou du dépôt de mendicité (17) ». Et cependant, sa présence est attestée en maintes occasions d’agitations sociales qui peuvent prendre une tournure plus nettement politique. Certes, Alan Forrest a pu écrire que les « luttes politiques entre Girondins et Jacobins laissent la plupart des pauvres indifférents, alors que la Terreur passe à côté d’eux (18) ». Certes encore, Jean-Pierre Gutton souligne qu’aux « trois siècles de l’époque moderne, les émeutes proprement sociales – soulèvement des pauvres – existent, mais à un nombre d’exemplaire finalement restreint ». Mais c’est pour ajouter immédiatement que « ce qui est en revanche beaucoup plus fréquent, c’est la participation des pauvres à ces agitations endémiques que l’on nomme “émotions populaires”. Dans la France d’Ancien régime, il n’est guère d’émeute frumentaire sans leur présence souvent massive (19). » Et Roger Dupuy a pu se lancer sur les traces d’une « politique du peuple (20) ».

La place des pauvres et de la pauvreté dans les programmes : la portion congrue

Si nous passons maintenant à l’examen des programmes rédigés entre 1985 et 2001 (dernière mise à jour du programme de première, qui nous intéresse parce qu’il intègre désormais une large part du XIXe siècle), c’est une « part du pauvre » beaucoup restreinte que celle qui est la sienne dans les sociétés de l’Europe moderne que l’on doit constater (21). Pourtant, bien des passages de ces mêmes programmes laissent ouverte la possibilité d’évoquer la figure du pauvre, même si tel n’est pas le cas de manière explicite dans les accompagnements, malgré l’ampleur parfois des considérations relatives aux équilibres et aux tensions sociales qu’ils renferment. Nous nous en tenons pour cette analyse à l’Europe moderne et des débuts de l’industrialisation, du XVIIe au XIXe siècle largement taillés, qui correspondent pour l’essentiel aux programmes de 4e ainsi qu’à une partie des programmes de 2de et de 1re.

L’Europe moderne tout d’abord, celle dont nous avons à grands traits rappelé certains aspects de l’historiographie relative à la place des pauvres et de la pauvreté. Bien que d’un volume restreint, notamment en 1995, les deux derniers programmes de 4e nous offrent quelques éléments de réflexion, en particulier par l’effacement de la figure du pauvre relativement à d’autres figures sociales, qui pourtant, en termes purement quantitatifs, lui cèdent le pas dans la société des XVIIe et XVIIIe siècles. Plus encore, la pauvreté, comme phénomène social endémique et comme phénomène historique, est quasiment absente des présentations et mises en œuvre des programmes. Et c’est là une constante que le glissement d’une histoire économique et sociale, marquée par le projet incarné entre autres par les Annales ESC et imprégné d’un vocabulaire que l’on qualifierait sans doute approximativement, et parfois abusivement, de « marxiste », à une histoire politique, pour laquelle on ne peut pas parler de simple retour tant elle est restée l’armature générale des programmes depuis que l’histoire est matière d’enseignement de l’école républicaine, n’affecte en rien.

Lapidaires comme toujours, les énoncés du programme de 1985 relatifs à la période moderne laissent une large part au choix des enseignants. Le cadre général rapidement brossé, affiche d’emblée la lecture sociale dominante qu’il faut en faire : « Les élèves étudient les grands traits de l’histoire du XVIIe au XIXe siècle. Ils ont une attention particulière pour la prépondérance de l’Europe, le rôle de la France, la montée de la bourgeoisie ». Pour l’Europe moderne, si le « chapeau » général renvoie d’emblée à la dimension politique de cette histoire : « L’Europe absolutiste » ; le premier des deux thèmes qui en divisent l’étude renverse l’ordre des priorités en s’intitulant : « L’Ancien régime en France : aspects économique, social, religieux, culturel et politique (22) ». Si nous retenons les différents éléments de l’historiographie des pauvres dont nous avons considéré qu’ils étaient propres à structurer une approche didactique, c’est-à-dire visant à donner aux élèves les premiers éléments d’une compréhension historique des phénomènes sociaux et politiques, les possibilités ouvertes par ce programme ne sont pas…indigentes !

Il invite en effet à aborder aussi bien la question des hiérarchies sociales que celle des tensions qui traversent les sociétés européennes, et en premier lieu la société française d’Ancien régime, ainsi que leurs traductions politiques dans le second volet de cette étude qui porte sur « l’absolutisme et ses remises en causes (23) ». Conjonction d’histoire sociale et politique qui trouve son achèvement dans la deuxième section du programme portant sur la Révolution française et l’Empire et que nous annexons pour les besoins de notre propos à l’histoire moderne, nous réservant d’aborder la dernière section de ce programme de 4e, correspondant au XIXe siècle, dans un deuxième temps (24).

Sur le premier point, celui des hiérarchies sociales, les accompagnements du programme sont assez fournis. Recherchant le principe de cohérence qui permet de réunir les trois siècles couverts par le programme, les auteurs en examinent quatre successivement, la place de l’histoire nationale, qui est traitée en sus, ressortissant à la fois de ces quatre principes. Ceux-ci sont, exposés dans une succession qui ne doit rien au hasard et dans laquelle se montre encore une fois le poids d’un cadre politique considéré implicitement comme le meilleur repère pour la formation de l’esprit historique : la prépondérance de l’Europe, le progrès scientifique et technique, la construction de l’état moderne et la montée de la bourgeoisie (25). L’histoire nationale apparaît, sur le même plan bien que non énoncée comme telle, comme couronnement de cette hiérarchie. Les deux derniers principes sont du reste d’abord conçus en fonction de cette histoire, qui trouve son achèvement dans l’accomplissement de la Révolution. Cette orientation générale, jointe à une lecture sociale dominante alors de la Révolution française, est propice à un examen approfondi des hiérarchies sociales. Mais en même temps, et par le fait précisément d’une lecture qui accomplit le XVIIIe siècle dans le Révolution, l’analyse des hiérarchies sociales de l’Ancien régime privilégie le groupe qui apparaît comme porteur « naturel » du progrès politique et social. Cela se traduit d’une part par le lien qui est ostensiblement établi entre la « montée de la bourgeoisie » et le « progrès scientifique et technique ». Il est dit de la première qu’elle est « inséparable » du second (26). Dans ces conditions, c’est la bourgeoisie, et la bourgeoisie seule, qui absorbe l’analyse sociale. C’est elle dont on examine attentivement les stratifications internes dans le souci de la présenter dans toute sa diversité (« commerçants, marchands, manufacturiers, médecins et apothicaires, hommes de loi »), diversité dont on précise qu’elle ne fera que s’accentuer avec la révolution industrielle (27). En regard, et comme pour corriger l’effet de cette diversité, on insiste sur ce qui la constitue comme « classe », bien que le mot ne soit pas prononcé : le partage de valeurs communes : « esprit de famille, goût de la vie privée et de la sociabilité urbaine, volonté de parvenir et d’entreprendre, appétit des biens matériels comme du savoir et de l’instruction, sens de l’ordre ».



Le pauvre n’a pas ici sa place alors que les lieux ne manquent pas où il pourrait se nicher. En effet, la partie réservée à l’explicitation du thème sur la France de l’Ancien régime présente un panorama dont il ne saurait être a priori absent. Parmi les deux éléments de définition de cet ancien régime tout d’abord, exprimé comme « principe de gouvernement » et comme « système d’organisation sociale ». Un système dont on sait que les contemporains n’excluent pas le pauvre, du moins le pauvre sédentarisé (28). Par ailleurs, lorsque les auteurs du programme veulent justifier, dans une logique qui ressortit de l’exposé des finalités d’un enseignement qui ne peut se concevoir sans elles, la place faite à l’étude de cet Ancien régime, c’est par les survivances dans la mémoire collective, les attitudes et les comportements qu’ils le font. Ils distinguent alors, dans un balancement que n’eût pas renié Michelet, les « survivances psychologiques » et les « vestiges matériels (29) » Si, au chapitre des premières, à l’encontre du jugement de Jean-Pierre Gutton (30), ce sont les survivances de l’état absolutiste qui sont évoquées (« style du pouvoir, méthodes centralisatrices et interventionnistes de l’administration, attitudes des Français par rapport à l’État »), les seconds, lorsqu’ils rappellent, aux côtés du « découpage régional », du « tracé des routes royales », « l’ordonnance de nos paysages » et le « dessin de beaucoup de nos villes », laissent ouverte la possibilité d’un retour sur le social dans lequel les pauvres peuvent ne pas être ignorés (31). À cela s’ajoute la mention des cadres institutionnels et sociaux de toute nature au sein desquels les pauvres pourraient figurer. Si « la Cour » ne relève évidemment pas d’une histoire des pauvres, le « gouvernement » et les « Parlements » n’y sont pas étrangers, eux qui promeuvent dans bien des cas les politiques d’encadrement, d’assistance et de répression. Les « corporations » interrogent la place des pauvres en creux et la « seigneurie » est de nature à les intégrer (32).

Or cette lecture sociale dominante exclue paradoxalement la possibilité d’une place explicite réservée à la question de la pauvreté, ce que l’étude des tensions sociales et politiques à l’approche de la Révolution, ne permet pas de corriger. Le mouvement qui anime le tableau jusqu’ici un peu figé de l’histoire nationale du XVIIe siècle à la Révolution française,ne laisse en effet que peu de place, à nouveau, à la question de la pauvreté. Des trois moments forts de cette histoire avant la Révolution : la France de Richelieu, le règne de Louis XIV et la France du XVIIIe siècle ; le premier seul mentionne les « révoltes paysannes », et comme un élément, aux côtés des « guerres » et des « complots », d’une toile de fond qui laisse à l’avant plan trois grands affrontements : « le pouvoir monarchique et les Grands, la majorité catholique et la minorité protestante, l’influence espagnole et l’intérêt national (33) ».Le « triomphe de la monarchie administrative » et l’affirmation de la société civile » sont l’expression des deux autres moments, le dernier seul revenant à la question sociale, mais pour évoquer une « mobilité sociale accrue ». La Rébellion française reste aux marges de l’histoire enseignée (34).

Or l’étude de la Révolution française n’apporte pas davantage d’acuité à la question de la pauvreté comme sujet d’enseignement. Deux des points abordés par les commentaires du programme pourraient ouvrir vers cette question : la désignation des acteurs et l’interrogation sur les transformations engendrées par la Révolution. Pour les acteurs, la préférence est accordée au portrait individuel, non dans un esprit de mise en évidence du « grand homme », mais dans celui de leur représentativité sociale. Mais la combinaison des critères retenus : origines sociales, formation reçue et appartenance à une génération, s’appliquant aux acteurs politiques, écarte de fait le pauvre. En revanche, l’allusion aux « réactions instinctives » et aux « manifestations de psychologie collective » nous en rapprocherait (35). Quant aux transformations, elles se comprennent en regard de ce fil conducteur annoncé d’emblée par le programme : la montée de la bourgeoisie. Lorsque l’on évoque ces transformations c’est pour insister sur « l’importance des transferts de propriété » et sur le « renouvellement des classes dirigeantes » dont on précise qu’il profite davantage aux « hommes de loi, avocats, titulaires de petits offices, qu’aux hommes d’affaires et aux entrepreneurs (36) ».

Si nous passons de l’Europe moderne et de la période révolutionnaire à l’industrialisation du XIXe siècle, dernière étape du programme de 4e qui pose en des termes nouveaux la question de l’origine de la pauvreté et des critères de pauvreté d’une part, celle du regard de la société sur ses pauvres, du traitement social de la pauvreté et de l’irruption des pauvres dans l’espace politique, de l’autre, la situation n’apparaît guère différente. Deux sujets d’étude semblent pouvoir accueillir ces questions : celui qui porte sur « les transformation de la société » et celui qui ramène à l’histoire nationale en traitant de la France de 1815 à 1914.

Le premier de ces sujets est compris dans un ensemble qui lie évolutions sociales et révolution industrielle, puisque tel en est encore le terme employé dans ces programmes, dans une perspective d’histoire globalisante. « Fait de civilisation, la révolution industrielle a une dimension sociale. » Telle est l’affirmation qui introduit l’exposé de ces transformations. Cette dimension est explicitée en raison des profonds bouleversements des équilibres, en particulier entre monde industriel et urbain, qui voit se former d’importantes concentrations ouvrières, et monde rural. C’est le phénomène de l’exode rural qui est mis en avant, analysé en termes de « déracinements » dont on nous précise qu’ils « créent une nouvelle société et de nombreux problèmes », expression susceptible d’ouvrir vers une réflexion, bien ancrée dans les préoccupations des contemporains, sur le paupérisme et la misère de la classe ouvrière. Le parallèle est du reste esquissé entre le renouvellement de l’usage des mots au XVIIIe siècle et au XIXe siècle. Mais c’est alors le monde ouvrier organisé qui entre en scène, sur fond de développement des pensées politiques qui réfléchissent ce monde nouveau de l’âge industriel. Les « mots nouveaux ou dont le sens est renouvelé » auxquels on s’attache sont : socialisme et capitalisme (on en précise l’apparition dans le Larousse en 1867), masse et prolétariat (Dictionnaire de l’Académie 1828). Certes l’image de la misère peut s’attacher à ce dernier vocable. Mais la suite du propos, qui vise à atteindre les idées derrière les mots, renvoie à un tout autre ordre des choses : « on montrera, derrière ce nouveau vocabulaire, le développement de nouvelles idées – le libéralisme, le socialisme – et la montée progressive d’un mouvement ouvrier (les syndicats) (37) ».

Les développements consacrés à la France de 1815 à 1914 confirment l’absence de fait de la figure du pauvre à l’horizon de la réflexion sur la société française et ses transformations à l’âge industriel. Au chapitre des réalités sociales, c’est l’idée d’une « société déjà moderne » qui est retenue, société dont on nous explique que les témoignages sont encore « largement présents dans notre environnement et notre mémoire collective ». Et l’expression retenue pour incarner ce moment de la société française, ou plutôt la manière dont elle imprègne nos mémoires, est celle de « Belle époque » dont on conviendra, outre son caractère fort restrictif au regard d’un long XIXe siècle, qu’elle est peu propice à de longs développements sur la pauvreté (38).

Les programmes de 1995 et leurs aménagements de 2001-2002 pour le lycée, apportent cependant, dans un cadre général maintenu, quelques inflexions notables à cette situation. Situation paradoxale à première vue si l’on songe à l’évolution générale dans laquelle elle s’inscrit, et qui conduit à un effacement d’une histoire sociale a priori plus apte à accueillir une réflexion sur les pauvres et la pauvreté au profit d’une histoire politique renouvelée.

Pour la classe de 4e, dont les grands équilibres ne sont pas modifiés puisque le programme couvre toujours le XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, le remplacement de l’étude de l’Ancien régime par celle de la « monarchie absolue en France », relègue à l’arrière-plan la société d’Ancien régime qui n’apparaît plus que comme un « rappel de l’organisation de la société en trois ordres ». Tout aussi elliptique est le sujet d’étude qui ouvre ce programme par une « présentation de l’Europe moderne » au sujet de laquelle l’enseignant est invité notamment à mettre en évidence les « contrastes politiques, économiques, sociaux, culturels et religieux de l’Europe », ce qui introduit plus sûrement à une comparaison entre les organisations sociales de l’Europe atlantique et de l’Europe orientale par exemple, qu’à une mise à jour des différenciations sociales à l’intérieur de chacune d’entre-elles (39). La période révolutionnaire suggère une approche plus dynamique des phénomènes sociaux, d’une part dans la présentation des principales phases de l’événement révolutionnaire pour laquelle on doit insister sur « la signification politique et sociale de chacune des phases retenues », de l’autre quand on passe de la France à l’Europe pendant cette même période, changement d’échelle qui doit permettre par comparaison de mettre en évidence « les transformations de tous ordres introduites dans les structures politiques et la société (40) ». Ce sont donc les dynamiques sociales qui l’emportent désormais sur la présentation des organisations. La question sociale est abordée en termes d’équilibre et de transformations plutôt qu’en termes de structures et de hiérarchies.

Le texte d’accompagnement de ces nouveaux programmes traduit le même parti pris. Concernant la société d’Ancien régime, il précise que « l’état de la France à la veille de la Révolution se lit dans les événements de 1789 et non dans un tableau préalable ». Quant aux relations entre les « remises en causes de l’absolutisme », thème qui précède l’étude de la période révolutionnaire dans le programme, et la Révolution de 1789, elles sont appréhendées comme « une conjonction de mécontentements qui s’expriment dans la réunion des états généraux et débouchent sur une révolution ». De ces mécontentements, de leur nature et des forces sociales qui en sont porteuses, rien n’est spécifié. Les développements qui portent sur la période révolutionnaire elle-même ne visent qu’à proposer une périodisation de l’événement à caractère éminemment politique et qui écarte l’analyse des acteurs sociaux. Pas plus qu’en 1985, mais dans un contexte général qui retreint encore la possibilité même d’envisager une place des pauvres dans l’analyse historique, les termes de « pauvres » et de « pauvreté » ne sont du reste prononcés. Et la volonté d’établir un « bilan (qui) permet de montrer la mise n place d’une nouvelle organisation politique et sociale » ne corrige pas cette réalité.

Le dernier thème d’étude du programme, consacré au XIXe siècle jusqu’en 1914 et lui aussi conservé dans sa structure d’ensemble, introduit la seule différence notable de ce point de vue. Non pas dans l’énoncé du programme, où l’on retrouve la même approche de la question sociale que celle que nous avons cherchée à mettre en évidence pour l’époque moderne et la Révolution. La question sociale y est à nouveau annexée aux luttes politiques qui constituent désormais le cœur de l’étude de la France de 1815 à 1914 qui clôt toujours le programme. Cette période de l’histoire nationale est placée sous le signe de « la recherche, au travers de nombreuses luttes politiques et sociales et de multiples expériences politiques, d’un régime stable capable de satisfaire les aspirations d’une société française majoritairement attachée à l’héritage révolutionnaire (41) ». Les luttes sociales ainsi présentées ne peuvent préluder à une analyse qui sans nécessairement faire appel à la « lutte des classes », ne les réduiraient pas à une forme des luttes politiques. L’expression globalisante de « société française majoritairement attachée à l’héritage révolutionnaire » concourre à cette impossibilité d’une approche sociale de la société française du XIXe siècle.

Dans le chapitre consacré à « l’âge industriel », expression qui se substitue désormais à celle de révolution industrielle, l’approche sociale se glisse incidemment dans la description des « idées et mouvements qui analysent (le phénomène industriel) et en déduisent des conséquences sociales et politiques ». Là encore, l’histoire politique, histoire des idées politiques ou histoire culturelle du politique comme l’on voudra, prend le pas sur l’analyse de ces conséquences sociales en elles-mêmes, et relègue même le mouvement ouvrier au second plan. En revanche, l’accompagnement du programme réintroduit sur ce chapitre une histoire sociale qui semblait étrangement subordonnée à l’histoire politique, même s’il s’agit d’une histoire politique dont l’horizon s’est singulièrement élargi. Ressurgit alors la possibilité d’une approche en termes de structures sociales, voire de luttes des classes. On met cependant en garde contre tout schématisme « car le monde paysan est très inégalement bouleversé, et la croissance du monde ouvrier ne fait pas disparaître l’artisanat traditionnel ». Et c’est dans l’évocation de ce monde ouvrier que surgit pour la première fois de manière explicite la question de la pauvreté, sous forme d’une mise en garde adressée à l’enseignant. « Il faut se défier d’un excès de misérabilisme : certes les ouvriers subissent la précarité et des conditions de vie très difficiles ; le salariat est encore vécu, dans une société qui considère que la propriété est un signe de notabilité, comme une malédiction ; la très grande inégalité des richesses perdure (42) ». Cette mise en garde se comprend dans une perspective qui privilégie, comme pour l’étude du XVIIIe siècle, l’idée d’un progrès social placé comme horizon de l’histoire des sociétés humaines enseignée aux élèves et porteuse de l’espoir d’une société pacifiée. « Cependant, la croissance économique permet un mieux être général et les luttes sociales contribuent à améliorer la condition ouvrière. »

Ce faisant, les programmes de 1995 conservent sur un point au moins l’esprit de ceux de 1985. Et c’est le oint à partir duquel il devient possible d’élucider les conditions qui interdisent de fait, et durablement puisque c’est une situation qui traverse l’évolution générale des programmes entre 1985 et 1995, que les pauvres et la pauvreté ne s’autonomisent comme objet d’étude dans l’enseignement secondaire, contrairement à ce qu’il en est de la production universitaire.

Où les finalités de l’enseignement font écran à une histoire scolaire des pauvres et de la pauvreté

Plusieurs questions concourent à écarter la pauvreté comme thème dans les programmes d’histoire. Certaines ressortissent à des aspects que nous qualifierons par commodité de « pédagogiques », d’autres sont liées aux positions historiographiques sur lesquelles s’articulent les programmes, d’autres enfin relèvent du poids des finalités de l’enseignement de l’histoire telles qu’elles sont régulièrement réaffirmées, avec des pondération différentes cependant, de 1985 à 1995.

Les questions d’ordre « pédagogique » comportent trois aspects : l’un touche aux formes du travail avec les élèves, le deuxième aux caractéristiques de l’objet historique comme objet pédagogique ; le troisième confine en fait aux questions que nous avons qualifiées « d’historiographiques » et touche à la place du récit et de l’événement. La valorisation de la mise en activité des élèves par le biais de l’étude de documents constitue de fait un premier obstacle à l’identification de la pauvreté comme objet didactique. Cette valorisation est elle-même liée aux fondements, à la fois historiques et épistémologiques, de l’histoire. L’affirmation qu’il n’y a pas d’histoire sans document traverse la pensée historienne, depuis l’élaboration de la méthode critique, étape décisive de la constitution d’une profession historienne (43), jusqu’à son réinvestissement dans le champ didactique (44). La forme prise, depuis plusieurs années, par les manuels scolaires, dont certains sont allés parfois très loin dans le renversement de l’équilibre classique entre discours de l’auteur et présentation des documents, témoigne de cette position de principe indiscutée au sein de la profession (45). Or il semble bien, à l’examen, des types de documents présents dans ces manuels, que tout ne puisse pas également être source pour l’histoire scolaire, en même temps que la notion de document prend une acception extensive pour englober, parfois de manière importante, le discours de l’historien.

D’une manière générale, les sources privilégiées dans l’enseignement de l’histoire sont de l’ordre soit de celles qui disent immédiatement quelque chose, témoignage plus ou moins direct et suffisamment explicite pour permettre à l’enseignant d’en faire tirer rapidement à l’élève les informations relatives aux notions qu’il veut aborder, soit qui, transcription de données complexes issue du travail de l’historien, permettent de pallier le vide des premières tout en offrant un support à des apprentissages méthodologiques. L’inventaire des sources possibles d’une histoire des pauvres, réalisé par Jean-Pierre Gutton en 1974, indique assez bien ce qui les rends délicates au regard de ces critères : contrats de mariage, inventaires après décès, inventaire qui accompagne une saisie, archives hospitalières, listes d’aumônes et de distributions (46). Sans doute n’y a-t-il là rien de rédhibitoire, même si l’on constate que ces sources sont de fait absente des manuels et faut-il simplement y lire l’effet de l’absence des pauvres et de la pauvreté dans les programmes que les manuels s’efforcent plus ou moins de suivre, même si l’on sait qu’ils répondent à leur propre logique et ne suivent pas mécaniquement l’évolution de la lettre des programmes.

C’est surtout de la combinaison de cette situation quant aux sources avec l’objet social auquel elles s’appliquent que se révèle la difficulté d’une histoire scolaire des pauvres. En effet, l’histoire sociale, et l’histoire politique également du reste, mobilise en priorité des individus collectifs. Certes, au-delà des comptages et dénombrements de l’histoire sociale « classique », elle peut, lorsqu’elle se fait histoire sociale des mentalités ou histoire des représentations sociales, recourir à l’individu « typique », et les exemples ne manquent pas de Louis-François Pinagot à Théodore Désorgues (47). L’histoire enseignée n’ignore pas cette dimension et réserve ainsi une place aux individus représentatifs des forces sociales qui s’affrontent lors de la Révolution française. Ainsi a-t-on pu préconiser « le recours raisonnable à de courtes biographies qui ne se borneront pas au traditionnel portrait physique mais parqueront les origines sociales, la formation reçue, l’appartenance à une génération(48) ». Mais cet exemple montre précisément que la valeur pédagogique de tels portraits réside en la possibilité d’une identification stable des caractéristiques de tel ou tel groupe social ainsi que dans leur inscription dans un ensemble de relations dont la mise à jour dégage une compréhension globale. Sur ce point, la situation des pauvres et de la pauvreté est bien mal assurée. D’individu typique, point, hormis le pauvre comme type littéraire, et si les derniers programmes du collège insistent à plusieurs reprises sur les liens entre les disciplines, ce n’est pas sur un tel sujet que le français côtoie l’histoire (49). Et pour le collectif, l’enseignement semble bien avoir besoin de groupes stables, insérés dans un tissu social dont les rapports de domination ne sont certes pas absents, mais apparaissent liés à des statuts juridiques, ordres, corps ou corporations, ou à des « rapports sociaux de production », corporations à nouveau, classes (50). Le pauvre échappe rapidement à ces classifications. Sans doute existe-t-il des pauvres « enracinés », mais l’extension fluctuante de cette pauvreté au gré de la conjoncture économique la fait s’effacer derrière l’analyse de critères d’appartenance plus durables. Quant à l’errant, il échappe entièrement aux caractéristiques que nous avons énoncées comme support « nécessaire » d’une approche didactique de la pauvreté comme phénomène social, et cède bientôt le pas au délinquant qui n’est pas davantage propre à un travail pédagogique, du moins pas dans une perspective historique.

Il est pourtant bien présent à l’horizon de la troisième des questions que nous réunissons sous l’appellation, qui n’est pas que de commodité, de « raison pédagogique », celle de la place de l’événement dans l’enseignement de l’histoire. Au-delà d’un retour de l’événement qui n’est pas nouveau et dont l’analyse et la réalité n’est pas notre intérêt ici, il faut souligner qu’il n’a jamais quitté vraiment le domaine de l’enseignement, non plus que le récit, réhabilité récemment à la fois par la réflexion historique et la réflexion sur les apprentissages (51). On sait la place de la Grande peur, sinon dans les programmes où elle n’est guère évoquée pour elle-même, du moins dans les manuels qui perpétuent de génération en génération son souvenir par la fameuse carte de sa diffusion à partir de six foyers provinciaux (52). Mais c’est davantage l’exercice de cartographie historique exemplaire qui retient l’attention, tandis que l’événement est plus propice à l’irruption de la figure asociale du pauvre par le rappel de la peur du brigand qu’à une réflexion sur leur place dans les mouvements de panique qui touchent des communautés villageoises dont ils sont pourtant partie intégrante. La cartographie des grandes révoltes paysannes du XVIIe siècle a pour sa part disparue des manuels avec le resserrement des programmes sur la monarchie absolue, qui ne laissent guère le loisir de s’étendre sur cet aspect de la société d’Ancien régime.

À ces motifs « pédagogiques » de l’impensabilité des pauvres comme objet didactique, s’ajoutent des raisons liées aux fondements historiographiques des programmes, et dont le relation à l’événement constitue le premier élément. Nous entendons par-là non plus le rapport entre l’état de la recherche et élaboration des programmes sur la question précise de l’étude des pauvres et de la pauvreté, objet des deux premières parties de notre propos, mais un certain nombre d’options de fond qui président à la structuration de ces mêmes programmes.

La première touche à une évolution générale qui s’inscrit entre les programmes de 1985 et ceux de 1985 et qui conduit à la contestation du primat de l’histoire sociale pour redonner au politique, qui n’a cependant jamais véritablement cessé d’en définir le cadre d’ensemble, chronologie oblige, valeur explicative à caractère globalisant. Une évolution qui implique également la redéfinition du lien entre histoire et éducation civique dans un projet scolaire global, affirmé entre 1985 et 1989, et qui relève des finalités dont nous traiterons pour finir. Le retour de l’explication politique au premier plan de l’exposé historique d’un événement tel que la Révolution française, le passage en quelque sorte d’une lecture « soboulienne » à une lecture « furétienne » de la Révolution (53), en fournit quelques éléments de compréhension. Sauf à admettre la logique d’une « politique du peuple », et à supposer que cette approche fasse une place spécifique à la question de la pauvreté, une telle réévaluation de l’événement redouble au contraire l’éloignement de la question des pauvres dans la société de la sphère des apprentissages historiques scolaires.

De plus, et c’est cette fois l’analyse des manuels qui y invite, ce retour du politique, malgré la résistance de cadres d’exposition des savoirs construits de longue date qui conserve à la Révolution française sa consistance propre et sa dimension d’histoire globalisante alors que les programmes tendent plutôt à une déconstruction de l’objet, s’accompagne d’un recul de l’analyse spécifique des acteurs sociaux de la Révolution. Le peuple lui-même, figure complexe et qui peut laisser une place au pauvre, au « petit peuple », au « quatrième état » dont les cahiers de doléances se sont parfois fait l’écho (54), s’efface dans le récit scolaire de l’événement, du moins dans sa relecture par les derniers programmes. C’est peut-être que la figure du peuple charrie avec elle l’angoissante question de la légitimité de la violence populaire et de la violence politique. Ce qui nous ramène à nouveau à la question en définitive la plus décisive, celle des finalités de l’enseignement de l’histoire.

Mais avant d’y venir, il nous faut évoquer un autre aspect de la question du poids des options historiographiques de fond dans la mise à l’écart de la figure du pauvre. Le glissement de l’histoire économique et sociale à l’histoire politique, nous l’avons dit, n’a pas marqué de ce point de vue une rupture aussi sensible que dans l’approche d’ensemble de la société moderne, de l’Ancien régime à la monarchie absolue, et de la Révolution française. Nous avons même souligné une continuité inattendue dans le traitement réservé à la pauvreté dans les programmes de 1985 et 1995. Cette continuité nous semble pouvoir être rapportée au maintien d’une idée donnée comme centrale en 1985, exprimée plus discrètement en 1995 mais conservée cependant, et fondée dans la lecture historique évolutionniste imposée en partie par la Révolution elle-même : l’idée de progrès (55). Une idée qui, en termes pédagogiques, s’accommode assez mal de longs développements sur la pauvreté, surtout dans la perspective du passage à la société industrielle, porteuse d’un mouvement contradictoire pour les pauvres. Contrairement à la préoccupation fondamentale de Jean-Pierre Gutton concernant la production de la pauvreté dans les sociétés de l’Europe moderne (56), c’est ici le mouvement vers l’extinction du paupérisme qui peut être plus sûrement valorisé. Nettement placée au rang des lignes de forces de l’organisation du programme de 4e de 1985, dont elle constitue l’un des éléments de cohérence affiché entre XVIIIe et XIXe siècle par le biais du « progrès scientifique et technique » d’une part, par la conjonction établie entre la montée de la bourgeoisie et l’idée de progrès de l’autre (57), cette idée ne disparaît pas de l’horizon du programme de 1995. Elle s’y fait simplement plus discrète, mais permet en revanche explicitement d’écarter la pauvreté comme objet d’étude en affirmant la prééminence du progrès social, au prix certes de luttes importantes mais dans lesquelles s’illustre un monde du travail organisé qui éloigne aussi le spectre de la pauvreté, ou celui de l’agitation sociale et politique des pauvres(58).

Dans ce souci de valoriser le progrès plutôt que les conditions de sa réalisation se retrouve une fois de plus l’effet des finalités de l’enseignement de l’histoire auquel nous avons fait à plusieurs reprise allusion et sur lequel nous allons nous arrêter pour clore notre parcours à la recherche de la place du pauvre dans l’enseignement de l’histoire moderne, en rassemblant des éléments que nous avons esquissés au fil de notre propos. Ces finalités sont nettement réaffirmées en introduction des programmes du collège de 1995. Elles sont au nombre de quatre : intellectuelles, civiques, patrimoniales et culturelles. Deux d’entre-elles nous semblent particulièrement enclines à écarter la pauvreté et les pauvres comme sujet d’étude pour les élèves de collège notamment : les finalités civiques et patrimoniales. Et ceci parce que l’une comme l’autre elles posent au premier chef la question du lien social, de sa construction et de sa pérennité.

« Enseigner l’histoire et la géographie, c’est enfin chercher à donner aux élèves une vision du monde (…) et une mémoire (…) ». Double fonction qui se comprend comme la constitution d’un patrimoine, « conçu comme le legs des civilisations de l’humanité à l’homme d’aujourd’hui », et destiné à « permettre à chacun de trouver une identité (59) ». Les termes, pétris de culture humaniste et d’héritage des Lumières, dans lesquels elle est précisée sont sans équivoque sur la dimension à la fois nationale et européenne de cette identité, qui ne saurait se confondre avec une quelconque identité communautaire non plus qu’elle ne peut s’interpréter comme une conscience sociale. « Cette identité du citoyen éclairé repose sur l’appropriation d’une culture ». Le lien ainsi établi entre patrimoine, culture et identité du citoyen, interdit d’envisager la place d’une « culture du pauvre (60) » et contribue ainsi à rendre problématique une histoire des pauvres et de la pauvreté dans l’enseignement secondaire. Faire de l’élève un citoyen capable « d’agir sur (le monde) en personne libre et responsable » est un autre objectif de l’enseignement, affiché lui dès l’école primaire (61). Dans cette perspective, introduire une histoire des pauvres présente à nouveau quelques difficultés. Il s’agit des questions soulevées par les formes politiques de la présence des pauvres, en bref par la question de la violence populaire.

L’exercice d’un « jugement critique et raisonnable », donné comme explicitation des finalités intellectuelles de l’enseignement de l’histoire (62) vient à l’appui de ce rejet de la violence politique. Il intervient comme contrôle des affects, souci originel d’une éducation républicaine désireuse de fonder la politique moderne sur l’examen rationnel et la modération, sur l’acceptation de la médiation du système représentatif jugé dès la période directoriale comme le seul applicable dans un état étendu et capable de juguler les débordements de la pratique démocratique (63). Tel s’affiche, dès l’origine, le projet de l’école publique voulue et pensée par Jules Ferry et ses amis. Tel il demeure aujourd’hui, dans l’espoir toujours renouvelé de l’accomplissement d’un « procès de civilisation » dont Norbert Elias nous a de longue date invité à prendre la mesure dans l’évolution des sociétés de l’Europe moderne (64).

N.B. Cette étude a fait l’objet d’une communication dans le cadre de la journée d’études proposée par le SNES et les Cahiers d’histoire, le 13 octobre 2006 sous le titre ; « PEUT-ON ENCORE ETUDIER ET ENSEIGNER AUJOURD’HUI L’HISTOIRE DES PAUVRES ? Chantiers de recherche et programmes de l’enseignement secondaire en Europe et aux Etats-Unis » et qui sera publié dans le cadre d’une co-édition Nouveaux regards –Editions Syllepse. Nous remercions Jean-François Wagniart de nous avoir autorisé la publication préalable de ce texte sur le Web.

Notes

(1) Nous nous sommes déjà livrés à ce type d’exercice ici même pour explorer la place de l’histoire sociale dans les programmes.

(2) Voir DELEPLACE Marc , « Nouveau programme, nouvelle lecture de “L’ère des révolutions” ? », Histoire et Sociétés. Revue européenne d’histoire sociale, Hors-série n° 1, juin, 2004.

(3) GUTTON Jean-Pierre, La Société et les pauvres en Europe XVIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1974. L’ouvrage comprend deux sections dont l’une présente le pauvre « tel qu’en lui-même » et sa présence inéluctable au sein des sociétés européennes du monde moderne, tandis que l’autre invite à « s’interroger sur l’image et sur l’idée que l’ensemble de la société a de ses franges les plus humbles », ajoutant pour en compléter le propos : « pour bien dire comment une société a produit des pauvres, il faut aussi dire comment elle les a jugés et comment elle s’en est accommodée ».

(4) DUPUY Roger, La Politique du peuple XVIIIe-XXe siècle. Racines, permanences et ambiguïtés du populisme, Paris, Albin Michel, 2002. Si la figure du peuple est ici convoquée, elle ne fait pas l’économie de sa relation à la place problématique du pauvre dans l’irruption du peuple sur la scène politique et dans les formes de la violence populaire. Questions abordées, sous d’autres formes dans une économie générale de la réflexion différente par Jean-Clément MARTIN, Violence et Révolution. Essai sur la naissance d’un mythe national, Paris Seuil, 2006.

(5) GUTTON Jean-Pierre, op. cit., p. 5.

(6) GUTTON Jean-Pierre, op. cit., p. 7-8. Alan Forrest identifie de même, à partir des sources qu’il mobilise, ces deux regards portés par les contemporains sur la pauvreté

(7) GUTTON Jean-Pierre, op. cit., p. 8. l’auteur y reprend des citations extraites d’un article antérieur de François FURET, « Pour une définition des classes inférieures à l’époque moderne », Annales ESC, 1963, p. 439 à 474.

(8) COBBAN Alfred, Le Sens de la Révolution française, préf. D’Emmanuel Le Roy Ladurie, trad. fçe, Paris, Julliard, 1984 (1re éd ;, Cambridge, 1964) p. 151.

(9) Jean-François WAGNIART explique ainsi dans le panorama préliminaire à son étude sur Le Vagabond à la fin du XIXe siècle, que « pour beaucoup la pauvreté devient synonyme de dégradation menant naturellement à une vie morale désordonnée ». Évolution depuis la pauvreté évangélique qu’il rapporte à la valorisation du monde du travail régit par l’idéologie libérale et dans laquelle « la perception du vagabond est souvent modifiée : il est désormais associé aux figures les plus sombres de la marginalité et de la délinquance ». Nous nous sommes expliqués sur la fonctionnalité politique de cette criminalisation dans Marc DELEPLACE : « L’anarchiste comme discrédit de la figure du pauvre dans le discours révolutionnaire », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, à paraître.

(10) GUTTON Jean-Pierre, La Société et les pauvres en Europe XVIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1974, p. 9.

(11) Nous faisons ainsi un libre usage du titre bien connu d’Arlette FARGE, La Vie fragile, Paris, hachette, 1986.

(12) FORREST Alan, La Révolution française et les pauvres, trad. fçe, Paris, Librairie académique Perrin, 1986 (1re éd. Ang. 1981), p. 25.

(13) FOUCAULT Michel, Histoire de la Folie à l’âge classique, Paris, Plon, 1961.

(14) GUTTON Jean-Pierre, La Société et les pauvres en Europe XVIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1974, p. 158.

(15) GUTTON Jean-Pierre, Ibidem, p. 163-164.

(16) GUTTON Jean-Pierre, Ibidem., p. 163.

(17) FORREST Alan, La Révolution française et les pauvres, trad. fçe, Paris, Librairie académique Perrin, 1986 (1re éd. Ang. 1981), p. 24.

(18) FORREST Alan, op. cit., p. 19

(19) GUTTON Jean-Pierre, La Société et les pauvres en Europe XVIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1974, p. 13.

(20) DUPUY Roger, La Politique du peuple XVIIIe-XXe siècle. Racines, permanences et ambiguïtés du populisme, Paris, Albin Michel, 2002.

(21) Alan FORREST, reprenant les estimations de différentes études monographiques urbaines, celle O. Hufton pour Bayeux, la sienne pour Bordeaux, admet volontiers que la pauvreté touche un cinquième de la population en crise cyclique. Op. cit., p. 26.

(22) Ministère de l’éducation nationale de la jeunesse et des sports, Direction des lycées et collèges, Histoire, géographie, initiation économique, classes des collèges, 6e,5e, 4e, 3e, Paris, Centre national de la documentation pédagogique, 1989, p. 43. Cette publication correspond aux programmes mis en œuvre à partir de 1985 et sera désormais notée CNDP, 1989.

(23) Ibidem.

(24) On sait le caractère aléatoire, au-delà de tout débat sur l’importance de la rupture révolutionnaire, que nous ne sommes pas enclins pour notre part à minimiser, du classement de cette période entre histoire moderne et contemporaine. Il nous a paru en l’occurrence plus pertinent, compte tenu de la structure chronologique générale et persistante des programmes de l’enseignement secondaire et de l’objet de notre propos, d’opter pour une rupture post-révolutionnaire.

(25) CNDP, 1989, p. 44-45.

(26) CNDP, 1989, p. 45

(27) Ibidem.

(28) Voir GUTTON Jean-Pierre, La Société et les pauvres en Europe XVIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1974

(29) Michelet appelait de ses vœux dans son introduction de 1869, une histoire de la France à la fois plus matérielle et plus spirituelle que celle de ses contemporains.

(30) En conclusion de La Société et les pauvres en Europe XVIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1974, ce dernier veut retenir que « l’histoire des pauvres (aux siècles modernes) a fait parfois partie de la civilisation vécue par nos pères », p. 199.

(31) Voir par exemple LEPETIT Bernard, Les Villes dans la France moderne 1740-1840, Paris, A. Michel, L'Évolution de l'humanité, 1988.

(32) CNDP, 1989, p. 45.

(33) Idibem, p. 46.

(34) Titre de la synthèse récente de Jean Nicolas, La Rébellion française. Mouvements populaires et conscience sociale 1661-1789, Paris, Seuil, 2002, qui corrige quelque peu l’image classique d’un XVIIIe siècle « assagi ».

(35) CNDP, 1989, p. 48.

(36) Ibidem.

(37) CNDP, 1989, p. 50. Souligné par nous.

(38) Ibidem, p. 51.

(39) Ministère de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, Enseigner au collège. Histoire, géographie, éducation civique. Programmes et accompagnement, Centre national de la documentation pédagogique, 1998, p. 74. Publication des programmes arrêtés en 1995 et désormais notée CNDP, 1998.

(40) CNDP, 1998, p. 75.

(41) CNDP, 1998, p. 76

(42) CNDP, 1998, p. 85

(43) Langlois et Seignobos, 1898.

(44) MONIOT Henri, Didactique de l’histoire, Paris, Nathan, « Pédagogie », 1993, p. 49.

(45) La forme que l’on pourrait qualifier de classique est celle qui s’impose avec le Mallet-Isaac. Pour le renversement entre texte et résumé, voir Magnard.

(46) GUTTON Jean-Pierre, op. cit., p. 52.

(47) CORBIN Alain, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot 1798-1876 : sur les traces d'un inconnu, Paris, Le Livre du Mois, 1998. VOVELLE Michel, Théodore Desorgues ou la désorganisation Aix-Paris 1763-1808, Paris, Le Seuil, L'univers historique, 1985.

(48) CNDP, 1985, p. 48.

(49) C’est en 6e et 5e que l’étude conjointe de textes littéraires est préconisée, et dans une perspective « patrimoniale ».

(50) MONIOT Henri, Didactique de l’histoire, Paris, Nathan, 1993, p. 58-59.

(51) LAUTIER Nicole, Enseigner l’histoire au lycée, Paris, A. Colin, 1997, p.

(52) LEFEBVRE Georges, La Grande peur de 1789, Paris,

(53) DELEPLACE Marc, « On n’enseigne plus la Révolution française à nos enfants ! », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 93, 2003. Aussi sur le présent site

(54) COBBAN Alfred, Le Sens de la Révolution française, préf. d'Emmanuel Le Roy Ladurie, trad. fçe, Paris, Julliard, 1984 (1re éd., Cambridge, 1964). Repris dans DELEPLACE Marc, "L'Anarchiste comme discrédit de la figure du pauvre dans le discours politique révolutionnaire", in Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique, à paraître.

(55) NOIRIEL Gérard, Qu’est-ce que l’histoire contemporaine ?, Paris, Hachette, « Carré histoire », 1998, p

(56) GUTTON Jean-Pierre, La Société et les pauvres en Europe XVIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1974.

(57) CNDP, 1989, p. 44-45.

(58) CNDP, 1998, p. 85.

(59) CNDP, 1998, p. 14

(60) HOGGART Richard, La culture du pauvre : étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, trad. Fçe, Paris, Éditions de Minuit, 1970 (1re éd. ang. 1957).

(61) CNDP, 1998, p. 14. Citation reprise de l’introduction des programmes de l’école primaire.

(62) CNDP, 1998, p. 14.

(63) DELEPLACE Marc, L’Anarchie de Mably à Proudhon 1750-1850.Histoire d’une appropriation polémique, Lyon, ENS-éditions, 2001

(64) ELIAS Norbert, La Civilisation des moeurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973 (1re éd. allemande 1939) ; La Dynamique de l’Occident, Paris, Calmann-Lévy, 1975 (1re éd. allemande 1939).



Marc Deleplace, "Pauvres et pauvreté. Figures impossibles de l'enseignement secondaire français", Révolution Française.net, Enseignement, mis en ligne le 17 février 2007 http://revolution-francaise.net/2007/02/17/109-pauvres-pauvrete-figures-impossibles-enseignement-secondaire-francais