Nous retiendrons d'abord de cet ouvrage important les synthèses proposées par de grands historiens tels que Eric Hobsbawm, Charles Tilly et bien sûr François Furet. Quant au sociologue Immanuel Wallerstein, après avoir affirmé, dans ses interrogations généalogiques sur le concept de développement, que " de diverses manières, la Révolution française a cristallisé les questions autour de ce concept; idéologiquement, ce fut un point-tournant. En légitimant le concept des droits de l'homme, le processus révolutionnaire nous léguait la légitimité des changements sociaux, ce qu'aucune idéologie conservatrice n'a pu contrer", il insiste présentement sur le fait que la Révolution Française a inauguré le système-monde en normalisant l'idée de changement politique, en promouvant l'idéologie, et en inventant les sciences sociales. Ainsi, il convient de lui accorder une place significative dans le questionnement "post-1968" sur "l'achèvement" ou non du couple fondateur liberté/égalité.

A ce titre, l'analyse du sociologue ajoute un corrrectif important à une interrogation multiforme sur la légalité postmoderne à laquelle Theda Skocpol, Meyer Kestnbaum, Patrice Higonnet, Gary Kates, Miguel Abensour, Brian Singer, Steven B. Smith, Harvey Mitchell et bien sûr Ferenc Fehér apportent leur contribution propre au sein de cet ouvrage. Nous pouvons ainsi, d'un auteur à l'autre, évaluer la pertinence d'interrogations qualifiées de "posthistoriques" dans leur manière postmoderne de désigner la fin éventuel d'une époque révolutionnaire pour mieux en comprendre la signification. La question demeure aujourd'hui de savoir, à la lecture de cet ouvrage, si une approche herméneutique de facture postmoderne a vraiment introduit un "tournant interprétatif" au profit d'une approche culturelle de la Révolution française compte tenu de l'actualité toujours vivante de la tradition révolutionnaire par le seul fait de la légitimation permanente du changement au contact du mouvement social, du moins en France.