Marxiste, Paul Lafargue, dans son essai sur La méthode historique de Karl Marx caractérise la Révolution française comme le moment de la prise de pouvoir par la bourgeoisie. C’est alors que « les bourgeois de 1793 » réifient l’idée de Progrès au profit de l’instauration d’une « dictature sociale ». Dans cette perspective, Jules Guesde et Paul Lafargue se proposèrent alors d'écrire un Essai sur la révolution de 1789. Ils n’en rédigèrent et publièrent en 1903 que l’introduction sur le thème de la lutte des classes avec en conséquence une orientation très critique vis-à-vis de l’historiographie de la Révolution française. Cependant linguiste à sa manière, Paul Lafargue avait déjà publié en 1894 un Essai sur La langue française avant et après la Révolution.

Dans cet essai, il montre à quel point « la Révolution fut réellement créatrice dans la langue » par le fait que « la classe nouvelle à la vie politique », appelée de toute la France par la Révolution et bien que d’origine bourgeoise pour l’essentiel, abandonna « la langue polie », qualifiée aussi de langue aristocratique. Ainsi des hommes en charge des affaires publiques « se servirent sans nul gêne des mots et locutions familières dont un usage quotidien leur avait appris la force et l’utilité ». Qui plus est, « la naissance de la langue bourgeoise » se fait, selon Lafargue, sous l’égide de « la rénovation linguistique » qui puise, à chaque époque, dans « le grands fond commun d’où les lettrés de toutes les époques tirent les mots, les tournures et les locutions », en l’occurrence « la langue populaire ». Cependant la bourgeoisie en usa encore plus largement par souci de l’imposer comme langue officielle, nationale. Mais de cette « langue bourgeoise », Lafargue n’en décrit, page après page, qu’une nomenclature à travers une liste de néologismes et de dits barbarismes. Ce texte de Lafargue a été republié et commenté par Louis-Jean Calvet dans son recueil de textes intitulé Marxisme et linguistique, Paris, Payot, 1977.

Paul Lafargue se trouve aussi à l’origine du courant linguistique affirmant l’idée du caractère de classe de la langue qui joua, dès la fin des années 1920, un rôle crucial dans l’orientation sociologique des sciences du langage en URSS. Voir l’article de Mika Lähteenmäki dans la version électronique des Cahiers de l’ISL, n°20, 2005, p.161-175.