par Josiane Boulad-Ayoub, professeur titulaire de philosophie à l'UQUAM

La célèbre devise de la Révolution qui s’imposera partout, des premières lignes de la Déclaration des droits aux bannières de la république naissante, en passant par les projets de décors ou de costumes de David, les cartes à jouer ou les estampes populaires, a d’abord été découpée dans le Contrat social, dans l’Émile ou dans les articles de l’Encyclopédie par les Marat, les Robespierre, et les Desmoulins. Les composantes maîtresses du discours philosophique ont formé la base doctrinaire de leurs harangues révolutionnaires qui, jour après jour, répétaient au peuple l’évangile théorique contenu dans des livres bien trop savants ou bien trop chers pour lui. C’est par ces interprètes, journalistes, médecins ou avocats que les paroles de Voltaire, de Rousseau, de Diderot et de d’Holbach ont été révélées aux simples soldats de la Révolution. Ainsi explicitée, adaptée, transformée, la Philosophie a pu servir de garant aux idées et aux valeurs que la Démocratie française propageait sur toute l’Europe, et qui, au nom des lois de la République une et indivisible, au nom de la liberté, de l’égalité, et de la fraternité, faisait trembler les tyrans sur les champs de bataille ou, chez elle, guillotinait le roi.

Extrait de l’introduction de l’ouvrage de Josiane Boulad-Ayoub, Contre nous de la tyrannie…Des relations idéologiques entre Lumières et Révolution publié en 1989, désormais disponible sur le Web par les soins de Jean-Marie Tremblay. Nous trouvons aussi sur le Web le numéro spécial des Etudes françaises, volume 25, 2-3 (1989) que Josiane Boulad-Ayoub a dirigé sur L’esprit de la Révolution.