Le roman est un récit particulièrement réussi d'histoire "par le bas" dans la lignée du 14 juillet d'Eric Vuillard paru en 2016. Le Bonnet rouge se place dans un temps plus long que le roman d'Eric Vuillard puisqu'il commence en 1782 pour s'achever en 1798 quand son héros tente l'aventure de la "Nouvelle Genève" en Irlande avant de s'embarquer pour l'Amérique afin de retrouver l'amour de jeunesse qui l'a poussé à fuir Genève et à s'engager dans le régiment de Châteauvieux. Ce récit à hauteur d'homme est aussi une tentative d'histoire comme "impossible réparation" pour les "invisibles" dont l'enthousiasme républicain est le véritable moteur de la Révolution. Ces Suisses "invisibles", Daniel de Roulet a utilisé leurs noms, trouvés dans l'archive, pour leur redonner la dignité et l'existence d'hommes pris dans les événements révolutionnaires. Il les dote non seulement d'une conscience sociale et politique mais aussi d'histoires personnelles, d'amours réels ou impossibles, de sensations liées aux montagnes de la Suisse mais aussi de l'étendue d'eau du lac Léman sur lequel Samuel a été pêcheur.

Dans le dernier chapitre, on apprend que l'exercice de "l'impossible réparation" est particulièrement pertinent puisque Daniel de Roulet est un descendant du Marquis Jullin de Châteauvieux… C'est donc par l'histoire que la réparation s'opère comme l'expliquent les derniers vers du livre :

Les puissants vous accablent

de leur succès

A leur esclaves, aux moins fortunés,

seule la littérature

rend la parole

Un très beau roman que tous ceux qui s'intéressent à la Révolution française apprécieront.