Par Yannick Bosc, GRHis - Université de Rouen Normandie

Ce texte a été publié dans la première livraison de la revue EnCommuns.

Jean-Marc Borello, à la tête du Groupe SOS où il organise la marchandisation du monde associatif, a donné comme titre à l’un de ses ouvrages : Pour un capitalisme d’intérêt général. S’il s’inscrit, sans surprise, dans les politiques libérales qui depuis des décennies favorisent la captation du service public (au sens large d’une activité d’intérêt général) par le marché, cet énoncé n’en reste pas moins paradoxal puisqu’il comporte, apparemment, une contradiction : le capitalisme ne renvoie pas à l’intérêt général mais à l’intérêt particulier, alors que l’intérêt général est du ressort du service public et donc de l’État, comme nous sommes habitués à le penser. Or, cela n’a pas toujours été le cas.
L’association de l’intérêt général, de la propriété privée et du profit a été conçue au XVIIIe siècle et s’est développée au sein d’une tradition républicaine dont Condorcet est l’une des figures emblématiques. Condorcet écrit ainsi dans sa Vie de Turgot que « l’intérêt particulier de chacun tend naturellement à se confondre avec l’intérêt commun ; et tandis que la justice rigoureuse oblige de laisser jouir chaque individu de l’exercice le plus libre de sa propriété, le bien général de tous est d’accord avec ce principe de justice ». Face à lui, un autre républicain emblématique, Robespierre, dénonce au contraire le fait que « les riches, les hommes puissants (…) ont restreint à certains objets l’idée générale de propriété (…) ; ils ont nommé leur intérêt particulier l’intérêt général et pour assurer le succès de cette prétention, ils se sont emparés de toute la puissance sociale ». Il existe à cette époque plusieurs manières de penser la république et de comprendre l’intérêt général.

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