Richesse et vertu chez Harrington Etudes
dimanche 2 octobre 2022Par Alberto Ribeiro G. de Barros, Université de São Paulo/CNPq.
John Pocock fait de James Harrington une figure fondamentale du républicanisme anglais et lui accorde une place centrale dans l’anglicisation de ce qu’il a dénommé le langage de la vertu. Utilisé par les humanistes de la Renaissance italienne et surtout par Machiavel, ce langage a rétabli au début de la modernité l’idée aristotélicienne selon laquelle l’être humain développe sa nature morale et politique lorsqu’il participe avec ses semblables à une action collective dans la construction d’un ordre politique capable de faire face aux forces instables de la contingence (1). D’après Pocock, ce même langage a été repris par Harrington dans son projet constitutionnel d’une république agraire de petits propriétaires fonciers, autonomes, armés et dotés d’esprit civique, prêt à se battre pour leur liberté (2). L’image produite par Pocock est ainsi celle d’un auteur qui a préféré adopter le modèle de la cité ancienne, au sein de laquelle régnait la vertu civique de libres tenanciers armés, en détriment des nations commerçantes modernes dont la multiplication des richesses représenterait un facteur corrupteur qui menacerait la stabilité et la longévité de la république (3).
Mon propos est de problématiser cette image, d’abord, en mettant en valeur quelques passages de l’œuvre d’Harrington (4), dans lesquels la base matérielle du gouvernement n’est pas la propriété foncière, mais les biens monétaires. L’intention est de rappeler que sa théorie sur les fondements socio-économiques du pouvoir est également adaptée aux nations commerçantes. Ensuite, je voudrais souligner qu’il y a chez lui une conception de la vertu liée aux ordonnances et dispositifs constitutionnels qui est capable de maintenir la stabilité et la longévité de la république autant ou plus que la vertu des citoyens, indépendamment du fait que la république soit agraire ou soit commerçante.
I.
Au début de la « Première Partie des Préliminaires » de The Commonwealth of Oceana (1656), Harrington classe les principes du gouvernement en deux genres : les biens de l’esprit, c’est-à-dire les vertus qui accordent l’autorité ; et les biens de la fortune, c’est-à-dire les richesses qui apportent la puissance ou l’empire (5). S’il est d’accord avec l’idée hobbesienne, selon laquelle la richesse est la puissance, il critique l’auteur du Leviathan pour avoir considéré que la prudence est aussi à l’origine de l’empire (6). Son argument est qu’un savant écrivain peut avoir de l’autorité, mais pas de la puissance, alors qu’un magistrat même insensé peut avoir de l’empire, sans avoir l’autorité (7).
Nous pouvons déjà remarquer que richesse et vertu ne s’opposent pas chez Harrington. Elles sont complémentaires dans la mesure où elles sont les deux principes – matériel et moral – du gouvernement civil. Il s’agit alors de comprendre comment la vertu engendre l’autorité et comment la richesse produit l’empire, sans que la vertu soit compromise par la richesse.
II.
D’après Harrington, l’empire à l’intérieur d’une nation se fonde sur le domaine, défini comme la propriété réelle ou personnelle, c’est-à-dire la propriété agraire ou monétaire. Encore que le domaine puisse s’exprimer de plusieurs manières – en terres, en marchandises ou en numéraires – la propriété foncière est prise pour exemplifier l’établissement de l’empire, peut-être parce qu’elle est un bien plus concret que d’autres biens.
Malgré l’importance de la propriété dans l’argumentation, il n’y a pas de commentaires sur son origine. Nous l’avons seulement trouvé d’une manière très concise au début de The Art of Lawgiving (1659). En évoquant le texte biblique selon lequel la terre aurait été donnée aux hommes, afin qu’ils puissent vivre à la sueur de leur front (8), Harrington soutient que le don divin est venu avec la condition de l’incorporation du travail humain (9). Ainsi, avant la théorie lockéenne de l’origine de la propriété (10), le travail était considéré comme une manière licite de s’approprier de la terre : il faut y ajouter l’activité industrieuse des hommes, qui se manifeste par les actions du corps ou de l’esprit, pour rendre la propriété légitime (11).
Lorsque l’empire se fonde sur la propriété foncière, le régime politique est déterminé, selon Harrington, par le rapport de force entre propriétaires, par la proportion de possession du territoire d’une nation, ce qu’il appelle la balance du domaine. À la suite de la typologie classique, trois possibilités sont énoncées : d’abord, si un seul homme possède la majorité du territoire, comme chez les Turcs, la balance du domaine est monarchique et l’empire est une monarchie absolue ; ensuite, si un petit nombre d’hommes la possède, en les partageant entre eux, comme en Espagne ou en Pologne, la balance du domaine est gothique et l’empire est une monarchie tempérée ou une aristocratie ; enfin, si le peuple la possède, comme dans l’Angleterre de son temps, la balance du domaine est populaire et l’empire est une république (12). Ainsi, la balance du domaine détermine le régime politique, de telle manière qu’une variation dans sa proportion provoque un changement inévitable de l’empire.
D’après Harrington, dans le cas du recours à la violence, l’empire n’est plus naturel et le résultat est la tyrannie, l’oligarchie ou l’anarchie, en fonction du nombre de personnes qui contrôle les armes : un, quelques-uns ou plusieurs. Comme le pouvoir politique ne se maintient que par la force des armes, toutes ces formes sont considérées comme instables, puisque l’empire n’est plus fixé par l’équilibre des propriétés (13).
La corruption politique n’est ainsi pas regardée comme le résultat des motifs généralement évoqués dans la tradition républicaine – dégradation morale, distance temporelle par rapport au moment de la fondation du corps politique, manifestation des éléments corruptibles du gouvernement, entre autres – mais comme l’interférence de la force qui s’oppose à la balance du domaine. La corruption ne provient pas de la détérioration des mœurs ou d’une faute intrinsèque au gouvernement, mais de l’exercice du pouvoir par les armes en opposition à l’équilibre de la propriété.
Hobbes est à nouveau critiqué pour avoir réduit toutes les formes de gouvernement à l’épée, soutenant sa nécessité pour contraindre les hommes à tenir leurs promesses, sans avoir rien dit sur celui qui la contrôle (14). L’argument de Harrington consiste à dire qu’il doit y avoir une main pour manier l’épée, sinon elle n’est que fer ; et que la main qui la tient, imposant la peur et l’obéissance, est l’armée d’une nation. Comme cette armée est une bête affamée qui doit être constamment nourrie, celui qui peut l’alimenter aura son contrôle et, par conséquent, le moyen coercitif d’assurer l’obéissance politique (15).
Le principe selon lequel l’empire se fonde sur la balance du domaine est alors renforcé, car celui qui a la propriété contrôle l’armée et, de cette façon, possède les conditions pour exercer son pouvoir. En cas d’un déséquilibre entre le contrôle de l’armée et la propriété, le résultat serait l’instabilité politique, comme à Rome, où le peuple contrôlait l’armée et les nobles détenaient la plus grande partie des terres. Cette asymétrie prédisposait au conflit, engendrant des dissensions permanentes entre le peuple et la noblesse qui ont causé la fin de la république.
D’après Harrington, afin de fixer la balance du domaine populaire établie en Angleterre et d’assurer la préservation de la république, il faut établir une loi agraire limitant le droit de l’héritage pour mieux maintenir la répartition équitable de la propriété. Elle aurait été introduite par Dieu lui-même lorsqu’il partagea les terres de Canaan pour son peuple, ce qui assura la stabilité du gouvernement d’Israël. Elle fut postérieurement instituée par Lycurgue et d’autres législateurs anciens, en vue de préserver l’équilibre de la répartition des terres entre les citoyens. L’établissement de la loi agraire ne visait pas un nivellement absolu qui aurait abouti à une égalisation de la propriété, mais une limitation de l’inégalité économique, par une répartition équitable telle qu’un homme, ou un petit nombre d’hommes, ne pourrait pas avoir plus de terres que le peuple. En raison de son importance, et vu qu’elle empêche la reconstitution des grands domaines territoriaux, elle est considérée comme la première loi fondamentale d’une république (16).
Le lien entre le régime de la propriété et l’empire est alors illustré dans la « Seconde Partie de Préliminaires » par l’histoire récente d’Oceana, le miroir fictionnel de l’Angleterre, retraçant l’origine du domaine gothique jusqu’à sa destruction. Selon Harrington, la monarchie anglaise s’est effondrée à cause d’une politique royale d’affaiblissement de la noblesse par l’aliénation de leurs terres et de leurs offices. En ambitionnant une monarchie absolue, les rois anglais ont ruiné le fondement de leur propre pouvoir, qui était la puissance militaire de la noblesse. Ils ont encore permis l’ascension militaire et politique du peuple par une redistribution plus égalitaire des terres. Ainsi, les rois anglais ont été les principaux responsables de la substitution de la balance gothique par la balance populaire et, conséquemment, de l’établissement de la république (17).
Pocock considère ce récit historique comme crucial pour la compréhension de la pensée politique de Harrington et lui donne une importance décisive dans le cadre de son interprétation. Il souligne encore que ce récit est novateur en ce qu’il explique le déclin politique de la noblesse et l’ascension militaire et politique du peuple à partir de l’idée que la possession d’armes est fondée sur la propriété foncière (18). Ainsi, la notion machiavélienne selon laquelle la citoyenneté se manifestait par la possession des armes est combinée avec une idée nouvelle : cette possession s’appuie sur la propriété des terres (19).
L’historien anglais reconnaît qu’Harrington avait connaissance de quelque chose qui était de l’ordre du commerce et qu’il savait très bien que Londres constituait un marché important pour les produits de la terre et pour l’achat et la vente des terres, mais ces phénomènes économiques n’avaient pas un rôle déterminant dans son explication du processus de dissolution de la balance gothique. Par conséquent, ils ne devaient pas être pertinents pour l’analyse (20).
Cependant, malgré la prédominance de la propriété foncière dans l’argumentation de Harrington (21), il faut rappeler qu’il mentionne d’autres façons d’établir l’empire, par exemple lorsque le territoire d’une nation est très petit, ou bien quand les terres ne représentent pas un facteur économique important, ou encore quand les richesses consistent davantage en marchandises et en numéraires qu’en terres. Dans ces cas-là, l’empire se fonde sur les biens monétaires, qui sont aussi une forme d’expression des biens de la fortune. Harrington se réfère explicitement à la Hollande et à Gênes, où la balance des biens monétaires est équivalente à celle des terres. L’unique différence soulignée est que la mobilité et la volatilité de biens monétaires rendent l’empire lui-même plus mobile, car il n’est fixé que sur les ailes du vent (22).
Dans The Prerrogatives of Popular Governement (1658), Harrington réaffirme que la balance des biens monétaires peut avoir autant d’importance que celle des terres pour l’établissement de l’empire. Il cite alors trois cas : là où n’existe aucune propriété des terres, comme dans la Grèce archaïque ; là où le territoire est trop divisé, comme chez les Israélites des temps bibliques ; et là où la terre est trop restreinte et insuffisante pour nourrir la population, comme dans les nations commerçantes de Gênes et de Hollande. Ensuite, il illustre la relation de dépendance dans les nations où l’empire se fonde sur les biens monétaires : par exemple, si 1000 livres par an suffisent pour qu’un homme ait un serviteur sous son commandement, celui qui a 100 fois cette valeur peut avoir 100 serviteurs ; si cette valeur est ensuite multipliée par mille, il peut avoir 100 000 serviteurs. De cette façon, il conclut que plus la propriété des biens monétaires est concentrée, plus le gouvernement se rapproche d’une monarchie absolue ; et qu’au contraire plus elle est dispersée entre les citoyens, plus il est proche d’une république (23).
L’idée centrale est toujours que la répartition de la richesse détermine la nature du gouvernement et que le pouvoir politique a son origine dans la relation de dépendance : ceux qui ne possèdent pas de propriétés — foncières ou monétaires — dépendent pour survivre de ceux qui les possèdent et, par conséquent, ils sont soumis à une volonté qui n’est pas la leur. De cette manière, pour établir et maintenir une république, il faut que les citoyens ne soient pas assujettis à la volonté arbitraire de quiconque. L’existence d’une république dépend de la répartition la plus égalitaire possible de la richesse entre les citoyens, de telle manière que la dépendance à l’égard d’autrui soit évitée et que l’indépendance puisse être assurée.
Dans la « Première Partie des Préliminaires », Harrington mentionne Aristote comme étant celui qui avait souligné les conséquences de la richesse immodérée dans une république dont la structure égalitaire ne comporte aucune prééminence des citoyens (24). Cependant, la citation paraphrasée n’est pas totalement fidèle au texte que nous détenons de la Politique. Aristote prévient contre un risque de changement de gouvernement lorsque les citoyens ont une prépondérance exagérée à l’égard d’autres citoyens, mais sans préciser que cette prééminence est économique. La préoccupation d’Aristote semble être plutôt l’injustice dans la répartition des fonctions, des honneurs ou des avantages accordés aux citoyens, ce qui peut entraîner des révoltes et des rébellions, que la distribution de la richesse (25).
Dans The Prerrogative of Popular Government, il cite d’autres passages de la Politique, toujours avec l’intention de montrer qu’Aristote avait déjà souligné le problème de l’excès des richesses dans une république. Le passage le plus développé est l’avis sur la Constitution de Falêas, qui prescrit l’égalité de propriété entre les citoyens afin d’éviter le conflit civil (26). Mais Harrington néglige la critique aristotélicienne à ceux qui croient que l’égalisation ou la limitation des propriétés résoudrait le problème de la discorde civile. Dans son commentaire à la Constitution de Falêas, Aristote soutient qu’il est nécessaire d’égaliser les désirs plutôt que les propriétés, puisque la discorde civile n’est pas tant causée par la répartition inégale des richesses que par les inégalités dans l’attribution des honneurs et des métiers. Il propose que les dissensions sur la propriété ne soient pas corrigées par la répartition égalitaire des richesses, mais par une procédure qui garantit que les meilleurs citoyens ne puissent être riches et que les pires ne puissent accumuler des richesses (27).
Harrington soutient que Machiavel a également reconnu le problème de la richesse excessive dans une république (28). En effet, Machiavel affirme qu’une république doit être instituée là où existe une grande égalité entre les citoyens, parce qu’il est nécessaire de créer des corps politiques avec quelque proportion pour qu’ils soient durables (29). Mais l’égalité à laquelle il se réfère ne semble pas être celle de la richesse. En soulignant que la différence sociale à Venise n’établit pas un droit aux privilèges, Machiavel semble indiquer que cette égalité est plutôt politique : tous les citoyens vénitiens peuvent occuper des magistratures indépendamment de leur condition sociale et économique (30).
Malgré l’interprétation problématique d’Aristote et de Machiavel de Harrington, le point crucial à retenir est le principe selon lequel la liberté est l’absence de toute soumission à l’égard d’autrui, assurée par la propriété. Il faut avoir les moyens matériels, manifestés par la propriété foncière ou monétaire, pour être libre et indépendant. Harrington lie ainsi la liberté, l’autonomie du citoyen dans la république à des conditions préalables d’ordre matériel. Dans une république, agraire ou commerçante, l’égalité dans la répartition des richesses s’impose comme condition à la liberté (31): « l’égalité des biens cause l’égalité du pouvoir, et l’égalité du pouvoir est la liberté, non seulement de la république, mais de chacun de ses membres » (32).
III.
Si la réflexion sur l’empire se concentre sur les fondements matériels du gouvernement, c’est-à-dire la balance de la propriété foncière ou monétaire, l’autorité est traitée dans une perspective morale à partir de l’image de l’âme humaine. Dans le langage commun à son temps, Harrington affirme que l’âme humaine est l’objet d’un combat permanent entre la raison et la passion. Sa domination par la passion a pour conséquences le vice et la servitude, ce qui engendre la honte et le mépris. Au contraire, lorsqu’elle est dirigée par la raison, le résultat est la vertu et la liberté, entraînant l’honneur et l’autorité. Ainsi, toute action accomplie sous l’empire de la passion manifeste le vice et la servitude ; au contraire, toute action accomplie sous celui de la raison manifeste la vertu.
Par analogie, en utilisant la traditionnelle métaphore du corps politique, Harrington compare le gouvernement à l’âme de la nation, également disputé entre la raison et la passion. Or, si le gouvernement est dirigé par la passion, le vice s’établit et la nation est à la merci de la tyrannie. Mais s’il est orienté par la raison, le résultat est la liberté :
Si la liberté d’un homme consiste dans l’empire de sa raison, l’absence de cette raison le précipitera dans l’esclavage de ses passions : donc la liberté d’une république consiste dans l’empire de ses lois, et leur absence la livrera à l’ambition des tyrans. Ce sont les principes sur lesquels je conçois qu’Aristote et Tite-Live … ont fondé cette assertion, qu’une république est un empire de lois et non d’hommes (33).
La liberté de la république dépend donc de l’empire de lois et l’autorité du gouvernement provient de sa vertu, acquise quand les lois établies expriment la raison. Harrington reconnaît que le problème consiste à savoir comment les lois peuvent devenir l’expression de la raison, en visant l’intérêt commun, si les législateurs ne sont que des hommes motivés par leurs intérêts particuliers.
D’abord, il réfute la conception hobbesienne selon laquelle il existe une opposition entre raison et intérêt dans les décisions publiques, et que les hommes choisissent toujours leurs intérêts (34), avec l’argument selon lequel la raison n’est rien d’autre que l’intérêt, puisqu’elle est le moyen qui permet aux hommes d’obtenir la satisfaction de leurs intérêts matériels et spirituels. Ainsi, l’intérêt n’est qu’un autre nom de la raison (35).
Il postule ensuite qu’il y a différents types de raisons et par conséquent une distinction entre différents types d’intérêt : la raison privée qui est l’intérêt particulier d’un individu ; la raison de l’État qui est l’intérêt de celui qui exerce le gouvernement ; et la droite raison qui est l’intérêt de l’humanité. Entre ces différents intérêts, il existe une hiérarchie. Afin de prouver que l’intérêt commun est meilleur que celui d’un particulier, il cite un long passage du juriste Richard Hooker, où se trouve l’idée selon laquelle, même parmi les agents naturels dépourvus de raison, il y a une loi qui les dirige vers le bien de l’ensemble dont ils font partie (36). La référence au réputé juriste britannique sert à soutenir à la fois la supériorité de l’intérêt commun et l’existence d’une loi qui prescrit cette prééminence sur les intérêts particuliers (37).
Ainsi, plus l’intérêt du gouvernement est proche de l’intérêt commun, plus il exprime la droite raison. Harrington avance que l’intérêt du gouvernement populaire est évidemment le plus proche de la droite raison, car le peuple vise toujours l’intérêt commun, tandis que le roi et la noblesse visent seulement leurs intérêts particuliers, principalement le maintien de leurs privilèges (38). Mais encore faut-il démontrer que les lois établies dans un gouvernement populaire peuvent exprimer la droite raison, quand les hommes ne regardent pas la raison selon qu’elle est bonne ou mauvaise en elle-même, mais selon qu’elle l’est pour ou contre eux. En effet, il est nécessaire de prouver que les ordonnances d’un gouvernement populaire sont capables de conduire les hommes à se détacher de leur inclination la plus particulière et à s’attacher à celle relative à l’intérêt commun.
À ce moment, Harrington laisse de côté la réflexion sur les principes du gouvernement, pour se concentrer sur les arrangements institutionnels que peut apporter l’intérêt commun. La question est alors de savoir comment concilier la diversité d’intérêts particuliers et parvenir à l’intérêt commun, qui ne peut pas être la simple somme d’intérêts individuels. En d’autres termes, il faut découvrir comment arriver à l’intérêt commun à partir d’intérêts particuliers divergents et souvent concurrentiels.
Si le républicanisme classique avait attribué un rôle primordial aux vertus des citoyens, Harrington place ses espoirs dans des institutions capables d’assurer l’empire des lois. Le modèle constitutionnel proposé n’a pas l’intention de transformer les hommes et de leur imposer une vertu qui ne leur est pas naturelle. Il vise plutôt à instaurer un équilibre entre les parties du corps politique en empêchant l’apparition de factions qui en viendraient à remettre en cause la stabilité de la république (39).
Le moyen constitutionnel d’assurer l’intérêt commun dans un gouvernement populaire est illustré par la parabole de deux petites filles qui ont un gâteau à partager entre elles. Ce qui est en jeu, c’est l’intérêt privé de chacune à avoir sa part du gâteau et l’intérêt commun à le partager au mieux entre elles. Selon Harrington, la solution est fournie par la sagesse innocente de l’une d’entre elles qui dit à l’autre : « divisez-le et je choisirai » ou « laissez-moi le diviser et vous choisirez ». Si la proposition est acceptée, l’intérêt privé sera satisfait, puisque chacune aura une part du gâteau, et l’intérêt commun sera également atteint, puisque chacune aura une part équivalente à celle de l’autre. En effet, comme la fille qui va partager sait que l’autre choisira avant elle, elle ne divisera pas de façon inégale puisque l’autre pourra choisir le plus gros morceau. Son intérêt particulier à avoir au moins la moitié du gâteau la poussera à diviser proportionnellement afin d’obtenir une part égale à celle de la fille qui choisira en premier. Tout en ayant conscience de leur intérêt particulier – qui est avoir leur partie du gâteau – les deux filles s’imposent à elles-mêmes une règle visant l’intérêt commun. Lorsqu’elles parviennent à se mettre d’accord sur cette règle et la respectent, elles ont réussis à trouver l’intérêt commun, en maximisant leur intérêt particulier.
Selon Harrington, dans la sagesse de ces deux petites filles se manifeste tout le mystère de l’élaboration des lois civiles dans un gouvernement populaire. En langage politique, diviser revient à distinguer et évaluer les différentes raisons par le débat ; puis choisir revient à sélectionner la meilleure raison par une décision. Si dans une monarchie ou une aristocratie, le roi et la noblesse divisent et choisissent, c’est-à-dire débattent et décident – ainsi, l’intérêt commun sera évalué et déterminé par l’intérêt particulier du roi et de la noblesse – dans un gouvernement populaire, le débat et la décision peuvent être séparés, de telle façon que les lois décrétées puissent exprimer l’intérêt commun (40).
Harrington reconnaît que, si la séparation des fonctions était indifférente entre les deux filles, puisque chacune pouvait diviser ou choisir indistinctement, dans un gouvernement populaire, il faut attribuer ces fonctions aux plus compétents pour chacune d’elles. À ses yeux, Dieu n’a laissé aucun doute sur cette attribution, en distribuant l’humanité en deux ordres (41) : une aristocratie naturelle avec la sagesse et la prudence d’évaluer les problèmes et de proposer des solutions ; et le restant des hommes avec leur capacité à décider de la meilleure proposition pour tous.
Dans son modèle constitutionnel, le débat est alors attribué à un petit conseil — le Sénat — formé par les plus riches et sages citoyens, élus par un processus qui assure la sélection des plus éclairés par nature. Ce Sénat ne peut pas délibérer, puisqu’il ne représente que l’intérêt d’une petite partie de la république. Il doit seulement conseiller et proposer les lois. La décision appartient à un autre conseil — l’Assemblée du Peuple — constitué par le restant des citoyens qui ont la tendance naturelle à choisir ce qui convient à l’intérêt commun, parce qu’il est capable de vouloir ce que toute la nation veut dans sa diversité. Mais comme il est difficile d’assembler tous les citoyens, l’Assemblée du Peuple est composée de représentants élus parmi les citoyens les plus expérimentés, de sorte qu’ils ne puissent céder à un autre intérêt qu’à celui qui manifeste l’intérêt commun.
Chacun des deux conseils élus par les citoyens est entièrement libre dans son domaine d’action et le bon fonctionnement des institutions ne réside pas en une limitation réciproque, mais en une reconnaissance mutuelle des fonctions. Grace à ce système bicaméral de la procédure législative — le Sénat et l’Assemblée du Peuple formant le Parlement où réside le pouvoir souverain de la république — l’intérêt commun peut être l’objet de la loi, lorsque la droite raison prévaut dans le débat et se trouve confirmée par la décision (42).
Harrington propose encore un troisième ordre, chargé d’appliquer la loi et dénommé simplement de magistrature, dont la forme et la composition s’adaptent aux différents types de républiques. Pour maintenir la vertu du système bicaméral, l’action de cette fonction exécutive du gouvernement doit être surveillée par le peuple, afin que la magistrature n’applique pas de manière arbitraire les lois établies par le Parlement :
C’est dans ces trois ordres habilement liés entre eux que consiste la république ; le Sénat propose, le peuple décide, et le magistrat exécute. Ainsi la république mélangée d’aristocratie, comme dans le Sénat ; de démocratie comme dans le peuple ; et de monarchie, comme dans le magistrat, est entièrement complète (43).
Donc, la république bien ordonnée est celle où « le sénat propose, le peuple décide et la magistrature exécute »(44). Cet arrangement institutionnel est alors associé au régime mixte, identifié par Harrington dans la constitution établie par la volonté divine pour la République d’Israël et postérieurement adoptée par plusieurs peuples, qui ont laissé les exemples d’Athènes, Sparte, Carthage et Rome, et aussi par quelques républiques contemporaines comme Venise, la Suisse et la Hollande (45).
Sans entrer dans le débat de savoir si ce modèle fait référence au régime mixte trouvé chez Aristote – un mélange de l’aristocratie du Sénat et de la démocratie de l’Assemblée du Peuple, puisque la magistrature n’exécute que les lois décrétées par le Parlement — ou chez Polybe — un mélange des éléments monarchique, aristocratique et démocratique (46) —, il faut souligner que la vertu de la structure constitutionnelle proposée dépend encore de la façon dont ces trois ordres sont établis et constitués :
Il s’ensuit de tout ce qui a été dit qu’une république égale est un gouvernement établi sur une balance égale dans la propriété, et divisé en trois ordres : le Sénat débattant et proposant, le peuple décidant, et le magistrat exécutant ; et tous ces différents ordres selon une rotation égale produit par les suffrages du peuple donnés au moyen de la ballote (47).
Si la première loi fondamentale d’une république est la loi agraire, qui fixe et conserve la balance du domaine favorable au peuple, la deuxième loi fondamentale est la loi électorale qui institue le système d’élection et de rotation pour tous les offices publics. De façon générale, le mode complexe d’élection suggéré combine, d’une part, la distinction de l’individu selon son mérite, et d’autre part, l’aléa du tirage au sort d’électeurs chargés de sélectionner les candidats dont les noms sont soumis aux votes des assemblées. Ce vote est toujours secret, afin d’éviter l’intimidation des électeurs les plus pauvres ou les plus vulnérables et d’assurer leur indépendance dans le moment de l’élection. Cette manière de procéder s’applique aux instances élues aux différents niveaux : les magistrats locaux, les membres du Sénat et de l’Assemblée du Peuple. Et quelques soient les distinctions sociales, tous les citoyens ont le droit de participer à tous les scrutins. L’égalité politique se traduit par l’accès universel au suffrage et à l’éligibilité, de sorte que tous les citoyens peuvent être appelés à une fonction publique.
À côté du système électoral, le modèle constitutionnel prévoit encore la rotation, c’est-à-dire le renouvellement régulier et périodique des représentants élus. D’une part, la rotation des représentants a pour but de garantir la participation de tous les citoyens dans l’exercice de leurs responsabilités civiques ; d’autre part, elle vise à empêcher que l’exercice des fonctions publiques soit une source de corruption pour les citoyens tentés par les facilités que donne le pouvoir. De cette façon, en permettant la participation de tous les citoyens et en évitant le monopole de l’exercice du pouvoir, la rotation complète la vertu du modèle constitutionnel.
IV.
Ainsi, en ce qui concerne la vertu, celle des institutions forgées par les ordonnances constitutionnelles semble être autant ou plus efficace que la vertu de citoyens autonomes, armés et dotés d’esprit civique pour assurer la stabilité et la longévité d’une république. Le plus important est donc l’équilibre social, atteint par la correcte mise en pratique des dispositifs constitutionnels. Après tout, ce sont les arrangements institutionnels qui permettent aux citoyens d’acquérir les vertus indispensables pour vivre ensemble, respecter l’intérêt commun et défendre la liberté politique.
En ce que concerne la richesse, le problème n’est pas son origine – la propriété des terres ou des biens monétaires – ni son augmentation par la croissance économique mais sa répartition disproportionnelle et sa concentration extrême. Ainsi, il faut que l’excessive inégalité économique soit évitée, de telle façon que les citoyens puissent vivre d’une manière autonome et indépendante. Seuls des citoyens libres et égaux peuvent partager effectivement le pouvoir et l’autorité politique, caractéristique d’un régime républicain (48).
L’image produite par Pocock est donc partielle et réductrice (49). La théorie politique de Harrington s’applique à la fois aux républiques agraires ou commerçantes. L’égalité relative dans la répartition des richesses étant la condition de la liberté, le problème est donc la richesse superflue ou concentrée et non la richesse elle-même. On ne doit pas oublier que l’inspiration du modèle constitutionnel pour Oceana a été la riche république commerçante de Venise. Dans ce point de vue, peut-être les républicains français du XVIIIe siècle ont compris la pensée politique de Harrington bien mieux que Pocock (50).
Notes
(1) Pocock, J.,The Machiavellian moment : Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 1975, Part II, c. IV-IX.
(2) Ibid., p.383-393 Voir aussi Pocock, J., “The Machiavellian Moment Revisited: A Study in History and Ideology”. Journal of Modern History, vol. 53, 1981, p. 49-72.
(3) Pocock, J., “L’histoire de l’idéologie : les idées de Harrington…”, dans L’oeuvre politique de Harrington, Paris, Belin, 1995, p. 190-219.
(4) Les textes de Harrington sont cités d’après l’édition de J. G. A. Pocock, The Political Works of James Harrington, Cambridge University Press, 1977. Nous donnons aussi les références aux traductions françaises : Harrington, J., Océana, Paris, Belin, 1995 ; L’Art de Légiférer et Un Système de Politique, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2009.
(5) Harrington reconnaît qu'il y a d'autres biens, tels que les biens du corps — la beauté, la santé, etc. — mais ils ne sont pas décisifs ni pour l'acquisition de l'autorité ni de l’empire. Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p. 10-11 (Océana, p. 232). La même division de biens on peut trouver chez Platon et Aristote. Voir Platon. Lois, 697 a-d; Aristóteles, Politique, VII, I, 1323 a 25- 1323 b 15.
(6) La référence d’Harrington doit être le chapitre X du livre I du Leviathan. Voir Hobbes, T., Leviathan, London, Penguin Books, 1985, L.I, c. X, p. 150-151.
(7) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p. 11 (Océana, p. 232).
(8) Psaumes 115,16.
(9) Harrington, J., The Art of Lawgiving, L. I, c. I, p. 442 (L’Art de Légiférer, p. 69).
(10) Locke, J., Two Treatises of Government, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, II, c. 5.
(11) Harrington, J., Prerogative of Popular Government, c. XL, p. 290.
(12) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p. 11-2 (Océana, p. 232-3) The Prerrogative of Popular Government, L. I, c. III, p. 288; The Art of Lawgiving, L. I, c. I, p. 442-443 (L’Art de Légifére, p. 70-1); A System of Politics, c. II, p. 270-271. (Un Système de Politique p. 215-7).
(13) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p. 12. (Océana, p. 233).
(14) Hobbes, T., Leviathan L.IV, c. XLVI, p. 669.
(15) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p.13 (Océana, p. 235).
(16) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p.12 (Océana, p. 234). The Art of Lawgiving, L. I, c. III, p. 448 (L’Art de Légiférer, p. 79).
(17) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p.53-56 (Océana, p. 280-84).
(18) Pocock, J., The Machiavellian Moment, p. 384-386.
(19) Pocock, J., « Océana : son argument et son caractère », dans L’œuvre politique de Harrington, p. 65-6 et 85-6.
(20) Idem, p. 83-4.
(21) Nous pouvons suggérer quelques raisons pour cette prédominance : son modèle constitutionnel concerne une nation agraire comme celle de l’Angleterre du XVIIe siècle ; sa croyance que la forme essentielle de la propriété est la propriété foncière ; ou encore sa perspective de l’exceptionnalité des nations commerçantes.
(22) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p. 12. (Océana, p.234-5).
(23) Harrington, J., Prerogative of Popular Government L. I, c. III, p. 287-289.
(24) Harrington, J., Prerogative of Popular Government, L. I, c. XI, p. 342.
(25) Aristote, Politique V, 1302 b 15-20.
(26) Harrington, J., Prerogative of Popular Government, L. I, c. XI, p. 338-9.
(27) Aristóteles. Politique II, 1266 a - 1267 b.
(28 Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p.15 (Océana, p. 236-7).
(29) Machiavel, Discorsi sopra la prima deca di Tito-Live, L.I, c. 55.
(30) Sasso, Gennaro, Niccolò Machiavelli: La storiografia, Bologna, Il Mulino, 1993, p. 205-207.
(31) Davies, J. C., “Equality in an equal commonwealth: James Harrington’s republicanism and the meaning of equality” dans Borot, Luc (dir.), James Harrington and the notion of commonwealth, Montpellier, 1998, p. 109-129.
(32) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p.17 (Océana, p. 242).
(33) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p.16 (Océana, p. 242).(34)
(34) La référence d’Harrington doit être les affirmations au début de la Lettre de Dédicace de The Elements of Law. Voir Hobbes, T., The Elements of Law Natural and Politic, Oxford, Oxford University Press, 1994, p. 20.
(35) Gunn, J. A. W., Politics and the Public Interest in the Seventeenth Century, London, Routledge & Kegan Paul, 1969, p.109-152.
(36) Hooker, Richard, The Law of Ecclesiastical Polity, I, III, 5.
(37) Harrington J., The Commonwealth of Oceana, p.18 (Océana, p. 243-4); Prerogative of Popular Government, p. 414-5.
(38) Harrington J., The Commonwealth of Oceana, p.15 (Océana, p. 236-7); A System of Politics, c. II, 7-14, (Un Système de Politique, p. 216-7).
(39) Harrington, J., The Art of Lawgiving, L. III, p. 494 (L’Art de Légiférer, p. 147).
(40) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p. 22 (Océana, p. 244-5).
(41) Deutéronome, I, 13.
(42) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p. 22-3 (Océana, p. 246-7).
(43) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p. 23 (Océana, p. 247).
(44) Harrington, J., The Art of Lawgiving, L. I, c. IV, p. 450 (L’Art de Légiférer, p. 82).
(45) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p. 25-9 (Océana, p. 236-7).
(46) Pour cette discussion, voir Toth, K., “Interpretation in Political Theory: The Case of Harrington”, Review of Politics, n. 37, 1975, p. 317-339; Goodale, Jesse R., “Pocock´s neo-Harringtonians: a reconsideration”, History of Political Thought, n. 1, 1980, p. 237-259.
(47) Harrington, J., The Commonwealth of Oceana, p. 33 (Océana, p. 257).
(48) La difficulté semble être l’institution dans une république commerçante d’une loi qui puisse maintenir la balance du domaine favorable au peuple, comme la loi agraire dans une république agraire. Mais, il est possible de réfléchir à la création dans une république commerçante d’une loi monétaire qui limite le niveau de richesse des citoyens, provenant de leurs activités commerciales, et qui maintient la proportion la plus égalitaire, de telle sorte que la balance du domaine reste populaire.
(49) L’image selon laquelle l’œuvre de Harrington a été la meilleure expression anglaise du républicanisme de Machiavel est aussi problématique. Si Harrington a effectivement emprunté des arguments du Discorsi sopra la prima deca di Tito-Live pour soutenir le Commonwealth, il n’a pas pris en compte les principes fondamentaux qui les soutiennent. Par exemple, il croit que la République de Rome a pu conquérir son vaste territoire sans les tumultes qui minaient systématiquement sa stabilité et avaient endommagé sa longévité. En dépit de son admiration pour sa discipline militaire, il la traite plus comme une pathologie politique que comme un modèle à suivre. Contrairement à Machiavel, il considère les conflits sociaux comme toujours préjudiciables à la république. D’après son point de vue, ils ont leur origine dans les imperfections constitutionnelles et, de cette façon, ils doivent être évités par des ordonnances qui visent l’instauration de l'harmonie et de la concorde entre les diverses parties du corps politique. Ainsi, l’idée la plus originale de Machiavel – les résultats positifs des conflits pour la liberté et la puissance de Rome – est complètement rejetée par Harrington. Voir Barros, Alberto R. G, Republicanismo Inglês: uma teoria da liberdade, São Paulo, Discurso/Fapesp, 2015, p. 429-446.
(50) Hammersley, Rachel, «The Commonwealth of Oceana de James Harrington : un modèle pour la France révolutionnaire ? », Annales historiques de la Révolution française, n. 342, 2005, p. 3-20.