I. Le récit scolaire de la Révolution

Je me permettrai d’entamer ce parcours par une métaphore rugbystique, bien que nous ne soyons pas ici en terre d’élection pour ce sport. Il s’agit de la référence à l’organisation du jeu par le règlement. Cette organisation peut se concevoir comme structurée par deux niveaux de règlements : d’une part un ensemble de règles fondamentales, immuables, constituant le « noyau central du règlement », et qui dessine les contours de la spécificité du jeu, parmi d’autres jeux de ballon ; d’autre part une partie évolutive, enregistrant les adaptations du jeu au fur et à mesure de ses transformations sous l’effet d’innovations introduites à la marge du « noyau central » par les joueurs eux-mêmes dans le cours de l’action (2).

En effet, il est opératoire pour l’analyse didactique, voir épistémologique, de considérer que toute activité relevant d’une discipline constituée s’organise de même autour d’un premier ensemble de données stables qui définissent fondamentalement l’objet, prises dans un deuxième ensemble de données évoluant cette fois au rythme de l’historiographie, des pratiques de classes, des programmes, dans une relation qui n’est pas mécanique mais dialectique.

Or si l’on cherche à déterminer, dans l’enseignement de la Révolution, un « noyau central », je dirai qu’on le rencontrera dans le primat du récit historique. Cela peut se mesurer à la fois dans les programmes (et leurs accompagnements, lorsqu’ils existent) et dans les manuels, qui entérinent, sous des formes variées, cette nécessité du récit de la Révolution dans la compréhension de l’objet.

1.Grandes phases et grands acteurs : une constante ?

L’approche chronologique de l’objet historique Révolution française comme sujet d’étude dans l’enseignement secondaire semble bien, au-delà d’évolutions sensibles, demeurer incontournable. C’est que le récit de l’événement Révolution répond au premier chef aux impératifs du récit historique, tel qu’il se constitue dès la seconde moitié du XIXe siècle, et s’impose avec la première école historique française, dite « méthodique », comme élément d’identité de la discipline histoire, tant dans la production universitaire que dans l’écriture scolaire (3) . La collection des manuels du Cours d’histoire Malet-Isaac, parallèlement à la collection Peuples et civilisations pour l’enseignement supérieur, en porte un témoignage particulièrement exemplaire (4) . Le discours historique substitue alors au récit de l’événement le récit de son sens (5).

De fait, s’ils rompent explicitement en 1995 avec l’idée d’une continuité du récit des événements révolutionnaires, les programmes de 4e et de Seconde maintiennent tous deux, sous des formes différentes, la nécessité de celui-ci comme cadre de référence, introduisant à la compréhension de l’événement Révolution.

a. Les grandes phases : une constante dans les programmes

Bien que relevant d’options historiographiques différentes, et mettant l’accent sur des finalités qui ne coïncident que partiellement, les programmes de 4e de 1985 et 1995 avaient en partage l’idée que l’étude de « la Révolution française et l’Empire » (1985), ou de « la période révolutionnaire 1789-1815 » (1995) supposait en premier lieu l’exposé des faits dans leur continuité chronologique. Ces deux programmes, et leurs accompagnements, insistaient donc sur la nécessité de poser, en préalable à l’étude de la Révolution, celle des grandes phases et des principaux acteurs(6) . Le programme de 1985, plus laconique que son successeur, énonçait, en explicitation du sujet d’étude correspondant, qu’il s’agissait d’étudier les « Grandes phases et principaux acteurs (7)». Sous un libellé quelque peu différent, celui de 1995 expliquait à son tour qu’ « Un récit synthétique permet de présenter les épisodes majeurs et les principaux acteurs de la période révolutionnaire et impériale en insistant sur la signification politique et sociale de chacune des phases retenues (8) ».

L’un et l’autre programme éprouvaient le besoin de préciser, dans les accompagnements, ce que ce récit devait être. Et c’est à ce point que se dessinent les éléments de disjonction entre deux inscriptions historiographiques divergentes : perspective d’histoire totale, à dominante d’histoire économique et sociale dans le premier cas ; lecture plus strictement politique, dans le second, reculant devant les implications épistémologiques d’une réflexion sur la causalité en histoire, à laquelle pouvait pourtant initier l’étude de la Révolution française. Explicitant ce qu’il faut entendre par grandes phases et principaux acteurs, le programme de 1985 développe :

« Le libellé indique clairement la place qu'il convient de donner au récit des grands événements de la période révolutionnaire et à l'évocation des principaux personnages. L'étude de la Révolution dans notre enseignement ne saurait se réduire ni à une épure théorique ni à un simple bilan : les événements ont leur logique propre (cf. Saint-Just La force des choses nous conduit peut-être à des résultats auxquels nous n'avons point pensé”) et, dans des temps troublés, les fortes individualités jouent un rôle déterminant. Il ne s'agit pas, bien entendu, de substituer à la réflexion le récit discursif et le portrait mais toujours de donner une “leçon d'histoire”. Une révolution est un drame dans lequel des enchaînements déterministes introduisent une fausse logique et qui fait place au jeu du hasard et des volontés (9). »

À la suite de quoi se place cette interrogation, qui donne au propos toute son ampleur et son ambition : « Pourquoi la Révolution ? Chacun organisera comme il l'entend, en choisissant parmi les causes proches ou plus lointaines celles qui lui paraîtront les plus significatives, son système d'explication. L'essentiel est que les élèves prennent conscience de la pluralité des causes dans les sciences humaines ».

Le programme de 1995 réduit singulièrement l’angle d’observation, ouvrant la possibilité d’étudier la Révolution comme un « événement sans cause (10) » : « L’état de la France à la veille de la Révolution se lit dans les événements de 1789 et non dans un tableau préalable ».

En revanche, les deux programmes insistent également sur le caractère spécifique d’un récit qui ne saurait se désincarner, au risque de perdre toute signification, ce qui introduit à la question de la place des acteurs dans l’événement : « L'étude de la Révolution dans notre enseignement ne saurait se réduire ni à une épure théorique ni à un simple bilan » (1985)

« Plusieurs solutions sont possibles, étant entendu que le “récit synthétique” ne peut se réduire ni à une chronique linéaire, ni à une épure théorique de la Révolution. » (1995)

b. La place des acteurs comme introduction à l’événement

Le lien entre le récit des événements et le rôle des acteurs est clairement affirmé en 1985 : « dans des temps troublés, les fortes individualités jouent un rôle déterminant ». Mais si ces acteurs sont toujours bien présents en 1995, la logique de cette présence semble bien différente. Cela se porte sur deux points, inégalement lisibles dans les accompagnements des programmes. En premier lieu, leur place dans la dynamique des événements est moins nette en 1995 qu’en 1985. Dans ce dernier programme, ils sont donnés à voir pour la part de contingence qu’ils introduisent dans l’enchaînement des événements révolutionnaires : « Une révolution est un drame dans lequel des enchaînements déterministes introduisent une fausse logique et qui fait place au jeu du hasard et des volontés ». Cette question n’est pas abordée en 1995. Sans doute peut-on y voir un effet du recul des acteurs collectifs au profit des acteurs individuels.

Cela s’exprime de deux manières.

D’une part, si les acteurs collectifs ne sont pas totalement absents du programme de 1995, les sans-culotte étant cités une fois (mais à l’occasion de l’étude du 10-Août), ne jouent-ils pas le rôle déterminant que leur donnait de fait le programme de 1985. Rappelons que celui-ci, très conceptuel dans l’analyse qu’en proposaient les accompagnements, plus rarement dans ses libellés propres, englobait l’ensemble du programme sous l’énoncé initial suivant : « Les élèves étudient les grands traits de l'histoire du XVIIe au XIXe siècle. Ils ont une attention particulière pour la prépondérance de l'Europe, le rôle de la France, la montée de la bourgeoisie. » Ajoutons à cela la déclinaison de la dernière idée contenu dans cet énoncé premier au cours des accompagnements. Ainsi, à la question « La Révolution a-t-elle transformé en profondeur la société française ? » est-il répondu que l’ « On soulignera ici l'importance des transferts de propriété (suppression des redevances personnelles, vente des biens nationaux), le rôle joué par les changements politiques et les guerres qui accélèrent la relève des générations et les carrières. Mais ce renouvellement des classes dirigeantes profite davantage aux hommes de loi, avocats et titulaires de petits offices, qu'aux hommes d'affaires et aux entrepreneurs ».

D’autre part, lorsque sont évoqués les acteurs individuels, c’est pour les rapporter à un contexte bien différent. En 1985, ceux-ci sont étudiés dans le réseau des relations sociopolitiques et culturelles qui les enserrent et leurs donnent en dernière instance toute leur consistance. Aussi la lecture du récit révolutionnaire comme un « drame » implique-t-elle « le recours raisonnable à de courtes biographies qui ne se borneront pas au traditionnel portrait physique mais marqueront les origines sociales, la formation reçue, l'appartenance à une génération » démarche redoublée par l’attention portée à « l'évocation de la vie quotidienne » : « Les mémoires et les journaux du temps révèlent au-delà des discours, des scènes historiques et des grands sentiments l'importance des actes de la vie quotidienne, des réactions instinctives et des manifestations de psychologie collective ». Rien de tel dans le programme de 1995 dont les accompagnements érigent les grandes figures en autant de héros éponymes des phases distinguées dans le cours des événements révolutionnaires : « Il importe avant tout que les élèves soient capables d'identifier et de caractériser trois moments essentiels : 1789, 1793 et la dictature impériale » ; « il est indispensable de proposer les portraits de quelques uns des principaux acteurs de la Révolution qui caractérisent ou symbolisent un des moments de la période étudiée (Lafayette, Danton, Robespierre, Bonaparte)(11). »

c. Évolutions et permanences : le programme de 2008

Où nous mènent, sous ce rapport, les programmes de 2008 ? Il convient ici de distinguer les situations. En effet, la Révolution est aujourd’hui présente dans trois grands types de programmes de l’enseignement secondaire : le programme de collège, toujours en classe de 4e ; les programmes du lycée, en classe de Seconde générale et technologique ; le programme de la Seconde professionnelle en lycée professionnel, ce qui est une innovation inscrite dans la refonte des programmes consécutive à la réforme du cursus de la voie professionnelle en trois ans.

Dans ce dernier cas, il est difficile d’évoquer la question du récit des événements puisque l’étude la Révolution se réduit de facto à celle de la nuit du 4-Août, bien que l’on indique dans les orientations que l’« on insiste sur le rôle de la Révolution française qui, en proclamant les droits de l’Homme et en les mettant en œuvre, a contribué à rendre ces principes universels (12). »

Le programme de 4e, en revenant à l’intitulé de 1985, la Révolution et l’Empire, réintroduit une relation plus nette aux objets historiques classiques, là où le programme de 1995 conduisait vers une lecture plus englobante qui posait la question de la place de l’objet dans une démarche réflexive décentrée de fait par rapport à la Révolution (ce que le programme de Seconde de 2001 effectuait également, au risque de voir se diluer l’objet historique (13)). Cela se traduit notamment dans la succession des sujets qui fait précéder l’étude de la Révolution de celle des difficultés du règne de Louis XVI, réintroduisant potentiellement la possibilité d’une analyse causale de l’événement.

Le programme de Seconde pousse au contraire à son terme l’évolution entamée en 2001. Ce dernier programme, tout en établissant la révolution comme point de départ, s’éloignait très rapidement de l’objet devenu prétexte à une réflexion plus générale sur la constitution du monde politique contemporain. Ce propos, sous-jacent en 2001, est désormais porté au premier plan sans aucune ambiguïté. Le thème est ainsi redéfini sous la libellé « La Révolution française : l’affirmation d’un nouvel univers politique ». Et le commentaire de mise en œuvre ne fait que renforcer le propos initial : « La question traite de la montée des idées de liberté avant la révolution française, de son déclenchement et des expériences politiques qui l’ont marquées jusqu’au début de l’Empire. »

Dans ces conditions, et quel que soit le programme envisagé, notre question initiale relative à l’événementiel de la Révolution n’est-elle pas en définitive obsolète ? C’est la possibilité que nous allons explorer avant de faire retour malgré tout sur cette question.

2. Rupture de la continuité événementielle

a. Le récit révolutionnaire fondateur du récit historique (19e siècle)

Le récit de la Révolution française est doublement fondateur dans l’historiographie contemporaine. D’une part, il est l’un des lieux privilégié de l’élaboration de ce récit historique, à la fois récit et discours, narration et explication, dont, après d’autres, Antoine Prost a montré combien il était consubstantielle à la discipline historique telle qu’elle se forme dans le dernier tiers du XIXe siècle (14) . D’autre part, en ce qu’il touche à la fondation républicaine, il est l’un des éléments clés du grand récit national porté alors par l’enseignement de l’histoire, tant dans l’enseignement républicain primaire que secondaire (15) .

Ce récit initial, celui des manuels républicains d’avant 1914, qui ont fixé pour longtemps le canevas des événements dans le récit scolaire de la Révolution, se distingue par une remarquable densité événementiel, que ne démentent pas les ajustements liés au découpage du lycée en deux cycles d’enseignement, rendu définitif en 1938. On en jugera par la comparaison du manuel de 1re du cours Malet-Isaac en 1928 avec le manuel de 3e paru en 1938 dans la même collection.

« Le peuple de Paris sauva l'Assemblée menacée, et, son intervention assura le triomphe de la Révolution. Dans ce peuple surexcité, la nouvelle du renvoi de Necker, connue dans la matinée du dimanche 12 juillet, causa une agitation violente qui tourna bientôt à l'émeute. Les banquiers, les rentiers, croyant la banqueroute imminente, ne furent pas les moins, acharnés. Le centre de l'agitation était aux jardins du Palais-royal, transformés en un vaste club où des orateurs improvisés, parmi lesquels un jeune écrivain, Camille Desmoulins, dénonçaient le péril d'une « Saint-Barthélemy des Patriotes » et appelaient leurs auditeurs à la défense de la liberté. On promena en triomphe les bustes de Necker et du duc d'Orléans. Chargés par un régiment de cavalerie étrangère, Royal-Allemand, les manifestants furieux se dispersèrent en criant au meurtre et en appelant aux armes. Les gardes-françaises se précipitèrent hors de leurs casernes pour se joindre aux émeutiers.

Le lendemain 13 juillet, il se produisit deux faits d'importance : la formation d'une municipalité révolutionnaire et la levée d'une milice bourgeoise. Tandis que le tocsin sonnait à toutes les églises, tandis que des bandes armées d'épées, de piques, de broches et de marteaux, parcouraient les rues, réclamant des fusils, les Electeurs du Tiers aux États Généraux, réunis à l'Hôtel de Ville, constituaient, avec le Bureau de Ville, un Comité permanent. Ce Comité, assumant les pouvoirs municipaux, décidait aussitôt d'organiser, pour la sécurité de Paris, une « milice civique ». En quelques heures, la milice comptait 12 000 hommes « des meilleurs citoyens de la ville », nobles, bourgeois, financiers, prêtres même : c'étaient les premiers éléments de la garde nationale. Leurs patrouilles, renforcées de gardes-françaises, circulèrent toute la nuit du 13 au 14 dans Paris illuminé par ordre du Comité (16). » (1re, 1928)

« Depuis plusieurs mois déjà la population parisienne était en effervescence : le peuple souffrait de la disette, les bourgeois voyaient le cours des rentes baisser et craignaient une banqueroute qui les eût ruinés. Dès qu'on connût le - renvoi de Necker, le dimanche 12 juillet, ce fut dans toute la ville une profonde indignation. On ferma les théâtres en signe de deuil, on porta en procession les bustes de Necker et du duc d'Orléans - cousin de Louis XVI, qui passait pour patriote-. Dans les jardins du Palais Royal des orateurs improvisés, tel le jeune journaliste Camille Desmoulins, poussaient le peuple à se soulever. Le lendemain 13 fut marqué par deux graves innovations : la formation d'une nouvelle municipalité et de la Garde Nationale. Les 400 citoyens qui avaient élu les représentants du Tiers de Paris aux États Généraux s'adjoignirent d'office au Prévôt des marchands et aux échevins qui formaient la municipalité légale; puis, pour maintenir l'ordre dans la rue, ils créèrent une milice ou l'on vit s'enrôler des nobles et même des ecclésiastiques : cette milice prit, peu après, le nom de Garde Nationale (17) ». (3e, 1940)

b. Les phases de la Révolution : une réponse pédagogique ?

La nécessité concrète de réduire ce récit, consécutivement à l’évolution des volumes horaires et des programmes, répercutées en partie dans celle des manuels (18) , entraîne le recul du récit continu au profit d’une présentation en grandes phases, annoncé dès 1985 dans le programme de 4e. Mais dans ce programme, aucune solution pratique n’était avancée concernant la mise en œuvre de la présentation de ces phases. Il n’est pas hors de propos de suggérer que le terme « phase » renvoie alors essentiellement au rythme de l’évocation des événements, plutôt qu’à une véritable rupture de continuité du récit historique. Il en va différemment à partir de 1995, tant en 4e qu’en Seconde. Ainsi le programme de 4e invite-t-il, dans une première proposition, à présenter la matière du récit révolutionnaire selon une succession de phases définies comme suit : « On peut distinguer un premier temps (1789), celui de la révolution politique et juridique, un second moment (1790-1792), tentative d'une monarchie constitutionnelle qui échoue avec la chute de la monarchie et la proclamation de la République, un troisième temps (1793-1794) avec une République menacée à l'intérieur comme à l'extérieur, qui adopte des mesures d'exception et met en place la Terreur, puis (1794-1799), la recherche d'une stabilisation et les dérives de la guerre, et enfin (1799-1815) le Consulat et l'Empire qui jettent les bases de la France contemporaine dans le cadre d'un régime autoritaire. » Encore cette présentation semble-t-elle restituer en dernière instance la continuité de la trame des événements. Mais cette impression doit être corrigée par l’affirmation que quelle que soit la solution que l’on retiendra, trois grands moments doivent être mis en exergue : « Il importe avant tout que les élèves soient capables d'identifier et de caractériser trois moments essentiels : 1789, 1793 et la dictature impériale ».

Le programme de 2008 pousse plus loin le propos sur cette voie : « On renonce à un récit continu des événements de la Révolution et de l’Empire ; l’étude se concentre sur un petit nombre d’événements et de grandes figures à l’aide d’images au choix pour mettre en évidence les ruptures avec l’ordre ancien (19) ».

c. Le traitement thématique de la Révolution (2e 2001 et 4e 2008)

La rupture est plus nette encore, et plus ancienne, dans le programme de la classe de seconde, qui introduit dès 1995, puis davantage dans la relecture de 2001, à un traitement thématique de la question. Placer la Révolution comme propédeutique au déploiement des expériences politiques jusqu’en 1851 induisait en effet d’abandonner toute approche chronologique de l’événement. Mettre en œuvre le programme redéfini en 2001 aurait supposé, après la présentation de la rupture de 1789, privilégiée au détriment des développements ultérieurs de la Révolution comme véritable moment fondateur (qu’en est-il alors de la fondation républicaine, alors que ce régime est nommé au nombre de ceux qu’il convenait d’étudier ?), de tisser des relations thématiques et non chronologiques entre différents types de régimes (monarchie constitutionnelle, république, empire) ce qui n’était rien moins qu’évident comme le montre le peu d’écho de cette présentation dans les manuels de Seconde publiés en 2001 (seul l’un d’entre eux, parmi les neuf alors édités, tentait de répondre aux attentes du programmes par une approche purement thématique, les autres maintenant un cadre chronologique classique). Le programme de 2008 pousse à nouveau la logique initiée en 2001 à son terme en précisant : « On met l’accent sur quelques journées révolutionnaires significatives, le rôle d’acteurs, individuels et collectifs, les bouleversements politiques, économiques, sociaux et religieux essentiels. »

Le programme de 4e de 2008 entre du reste lui aussi dans une logique thématique lorsqu’il fait succéder aux « temps forts de la Révolution » l’étude des « fondations d’une France nouvelle pendant la Révolution et l’Empire », introduisant plusieurs études au choix entre : « l’invention de la vie politique ; le peuple dans la Révolution ; la Révolution et les femmes ; la Révolution, l’Empire et les religions ; la Révolution, l’Empire et la guerre ». Une logique déjà à l’œuvre dans la présentation des trois moments formant les temps forts de la Révolution, où l’on retrouve la continuité avec le programme de 1995 : « 1789-1791 : l’affirmation de la souveraineté populaire, de l’égalité juridique et des libertés individuelles ; 1792-1794 : la République, la guerre et la Terreur ; 1799-1804 : du Consulat à l’Empire (20) ».

3. Poids de l’investissement civique

La lecture très politique proposée par les programmes de 4e comme de Seconde depuis 1995, et accentuée, du moins pour la Seconde, par ceux de 2008, correspond à un retour marqué de l’investissement civique de l’enseignement de l’histoire en général, et de celui de la Révolution en particulier. C’est le dernier aspect qu’il nous faut interroger avant de revenir au sens de l’événement, dans la mesure où cet investissement civique influe fortement sur ce sens.

a. Le récit de la fondation républicaine (19e siècle)

Dans son origine, le récit de la Révolution française est fondamentalement celui de la naissance de la République. Certes, il serait très réducteur de s’en tenir à cette affirmation première, au regard des contenus des manuels scolaires de la IIIe République. Il n’en demeure pas moins d’une part que les vertus civiques de l’enseignement de l’histoire sont revendiquées dès ce moment pour en justifier la place dans l’enseignement secondaire (21), et d’autre part que la Révolution prend toute son importance du rôle charnière qui lui est attribué dans la naissance de la France contemporaine. Au point que la Révolution introduit dans l’historiographie française une rupture marquant la formation de l’histoire contemporaine comme période historique, formation qui accompagne la rupture que marque la Révolution dans la conscience historique française, voire européenne (22).

Dès ce moment fondateur, la Révolution trouve une double polarité civique en ce qu’elle annonce à la fois la démocratie et la République, deux notions qui ne peuvent être entièrement confondues dans le récit des origines, double polarité qui trouve dans les couples 14 juillet 1789/Déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’une part, 10 août 1792/création de la République de l’autre son expression historique. Cela se traduit par deux formules relatives à chacun des événements concernés, dans le cours Malet-Isaac (23) :

« Le peuple de Paris sauva l'Assemblée menacée, et son intervention assura le triomphe de la Révolution » (14 juillet)

« l’avènement d’un régime républicain et démocratique » (suites du 10 août 1792).

Et le lien entre ces deux événements est clairement énoncé : « La journée du 10 août 1792 était, après la journée du 14 juillet, une deuxième grande victoire du peuple, victoire non seulement parisienne mais nationale , puisqu’elle avait été l’œuvre des fédérés de province autant que des sectionnaires parisiens ». La dimension civique se lit bien dans l’affirmation de deux journées qui marquent l’émergence du peuple sur la scène politique en même temps que celle de la nation.

b. Principes et valeurs de la Démocratie

Dans sa version actualisée, cette dimension civique du récit des événements révolutionnaires se traduit dans le lien direct établi entre la Révolution et les principes et valeurs de la démocratie française moderne. Cette procédure emporte avec elle deux évolutions sensibles relativement au récit républicain des origines. La première est une minoration des journées révolutionnaires au profit des journées parlementaires. Nous entendons ainsi la valorisation des réalisations de l’Assemblée constituante, en particulier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, élevée à la dignité de document patrimonial par les programmes de 1995, au détriment de l’intervention du peuple dans la Révolution. Certes, le 14-Juillet et le 10-Août conservent une valeur de repères incontournables, mais, dans la logique que nous avons vue à l’œuvre relativement aux acteurs, comme simples jalons et non comme événements susceptibles de dire le sens de la Révolution. Où l’on devine le caractère complexe de cette évolution qui semble libérer l’événement du poids de l’investissement civique, qui n’oublie pas la figure du peuple (réintroduite en particulier dans le programme de 4e de 2008, tandis que le programme de Seconde insiste sur l’étude de « quelques journées révolutionnaires significatives »), mais tend cependant à désincarner la Révolution, l’intention civique surplombant l’approche historique.

c. La Révolution désincarnée

Telle est bien la question qui se pose en dernière instance concernant cette tension ancienne entre finalités intellectuelles et culturelles d’une part et civiques d’autre part.

Lorsque Charles Seignobos posait la question de l’histoire comme éducation politique (i.e. civique) en 1907, c’est bien en lien étroit avec le projet intellectuel de l’école méthodique qu’il établissait cette raison sociale de l’histoire : « Le monde qu’il s’agit de comprendre est complexe : il y faut plusieurs espèces d’enseignements. Les mathématiques introduisent l’élève dans le monde des formes et des mouvements. Les sciences physiques et biologiques lui font comprendre le monde de la nature matérielle. L’histoire lui montre le monde social. Ainsi l’enseignement historique est une partie de la culture générale parce qu’il fait comprendre à l’élève la société où il vivra et le rendra capable de prendre part à la vie sociale.

L’histoire étudie des événements humains, où sont engagés des hommes vivant en société. Comment l’étude des sociétés peut-elle être un instrument d’éducation politique ? Voilà une première question. – L’histoire étudie la succession des temps de façon à faire percevoir les états successifs des sociétés, et par conséquent leurs transformations. Comment l’étude des transformations des sociétés peut-elle servir à l’éducation politique ? C’est la deuxième question. – L’histoire étudie des faits passés qu’on n’a plus les moyens d’observer directement, elle les étudie par une méthode indirecte qui lui est propre, la méthode critique. Comment l’habitude de la méthode critique peut-elle être appliquée à l’éducation politique ? Voilà la troisième question. »

Au contraire, le réinvestissement de la dimension civique dans l’enseignement de l’histoire depuis 1995 se traduit par un écrasement de la dimension historique au profit d’une instrumentalisation civique oublieuse de cet enseignement initial. Le traitement réservé à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en est exemplaire. Son érection en document patrimonial en 4e (1995), parallèlement à sa valeur de document de référence pour l’éducation civique, en est un premier indice. Son approche par les programmes de Seconde de 2001 et 2008 en est un autre. Alors que le programme de 2001 maintenait une dimension historique effective à l’approche du vocabulaire politique contemporain par la connaissance de la Révolution, et malgré les premiers éléments de désarticulation de l’objet qu’ils contenaient, le programme de 2008, en mettant l’accent sur la question de la liberté accentue la disjonction entre l’émergence du monde politique contemporain et la question des forces sociales qui l’ont portée.

« Il faut mettre en valeur les principes qui fondent la Révolution française (droits de l’homme, égalité civile, liberté, nation…) en s’appuyant sur des textes fondamentaux de la période (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Constitutions, Code civil) et sur une chronologie montrant comment et par quelles forces sociales ces principes sont mis en œuvre. » (2001) « La question traite de la montée des idées de liberté avant la Révolution française, de son déclenchement et des expériences politiques qui l’ont marquées jusqu’au début de l’Empire. » (2008)

Le programme de Seconde professionnelle marque le point ultime de cette désincarnation de la Révolution : « « on insiste sur le rôle de la Révolution française qui, en proclamant les droits de l’Homme et en les mettant en œuvre, a contribué à rendre ces principes universels ». Car les deux expressions soulignées dans ce texte peuvent induire une confusion entre la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Se trouvent ainsi potentiellement oubliés, entre autres, deux aspects de la première qui lui donnent son épaisseur historique, mais la rendent plus opaque à la compréhension des élèves, si l’on veut faire l’économie d’une véritable contextualisation qui suppose de revenir sur la relation entre cette déclaration et l’horizon du droit naturel dans lequel elle s’inscrit : que la distinction homme/citoyen est celle entre l’état de nature et l’état social (ce qui fait que la dimension universelle est alors bien présente au travers de la notion de genre humain) ; que parmi les droits naturels cités à l’article 2, la propriété n’est pas celle des bien matériels, mais celle de soi-même, selon une lecture développée notamment par Mably (24).

II. Le sens de l’événement



La question du sens de l’événement Révolution française est d’autant plus complexe qu’elle relève à la fois de l’analyse politique et de l’intelligence scientifique. Sur ce dernier plan, la réflexion s’est trouvée accélérée par A. Cobban (1955) et F. Furet (1978) (25) .

Il ne s’agit pas pour nous de reprendre cette réflexion dans son ensemble, mais, dans le cadre restreint que nous avons choisi ici, de saisir le point où cette question rencontre celle de l’événementiel de la Révolution. Or cela n’est pas sans correspondre à une réalité du moment : en l’an III, les députés thermidoriens enfermaient la Révolution dans le 4 août, le 22 septembre, le 9 thermidor, oubliant ainsi volontairement la présence insurrectionnelle du peuple dans la Révolution (26).

''1. Révolution sociale, révolution politique : deux lectures de la Révolution ?''

Cette opposition inscrite dans le moment même de la Révolution, entre l’attitude des thermidoriens et la réponse qu’apporte Jourdan au conseil des Cinq cents, lors d’un autre thermidor, celui de l’an VII, marquant l’acmé de la poussée « néo-jacobine », en affirmant que le 14-Juillet et le 10-Août furent « des jours d’anarchie dans lesquels le peuple ressaisît ses droits », constitue un premier point possible de distorsion dans la présentation de l’événementiel de la Révolution. Schématiquement traduit, il préfigure le départ entre une lecture sociale et une lecture politique de la Révolution, sans que l’une soit nécessairement exclusive de l’autre à vrai dire.

a. Un débat ancien…

Dans l’historiographie du XIXe siècle, cette opposition se traduit notamment par la double référence à 1789 et 1793. Elle puise encore à la source de l’événement, puisque la rupture est sans doute bien, au sein de la Révolution, dans l’abandon de la référence au droit naturel lors des débats sur la constitution en l’an III (1795), quand Boissy-d’Anglas affirme sans ambages qu’une « république de propriétaires est dans l’ordre social », ce que traduit la Constitution directoriale en substituant les droits de l’homme en société aux droits naturels dans l’article deux de la Déclaration des droits et devoirs du citoyen qui la précède. Mais, ignorant l’héritage contradictoire de Thermidor et du Directoire, cette historiographie, lorsqu’elle est libérale ou républicaine tout au moins (il s’agit ici de Thiers, Michelet ou Quinet, dont nous ne prenons pas le temps de marquer les différences qui les séparent car tel n’est une fois encore pas notre propos), déplace l’opposition entre 1793 et 1795 vers une opposition entre 1789 et 1793, entre la Révolution des Droits de l’homme et celle de la Terreur, puisque c’est ainsi qu’elle se dessine rapidement. Une opposition durable puisque nous en retrouvons la trace dans la manière dont les programmes de 4e de 1995 et de 2008 présentent les temps forts de l’événement révolutionnaire. Une opposition qui tend à valoriser le moment de la Révolution politique et juridique incarnée dans 1789 au détriment d’une révolution sociale inscrite notamment dans la question du droit de subsistance incarnée par 1793, faisant du même coup moindre cas de la fondation républicaine de 1792.

b.… Mais toujours d’actualité ?

Le rythme des événements révolutionnaires s’en trouve affecté durablement. Selon le choix que l’on opère, la dynamique révolutionnaire prend une allure différente. Plus près de nous, la polémique entre Albert Soboul et François Furet, née de la publication par ce dernier, en collaboration avec Denis Richet, de La Révolution française en 1965, relève pour une part de cette même logique. À la lecture que Furet qualifie de « jacobine » de la Révolution, et qui voit dans 1793 un approfondissement de la dynamique révolutionnaire, avant la glaciation de thermidor an II (1794), annoncée par Saint-Just, s’oppose la thèse du « dérapage » qui voit au contraire dans la période 1791-1794, après « l’année heureuse » de 1790, une dérive de la Révolution avant qu’elle ne retrouve son cours naturel en 1795, qui renouerait ainsi avec 1789. On devine le caractère difficilement conciliable de ces deux grands découpages événementiels de la Révolution, dans la mesure où ils renvoient à des lectures inconciliables de la question centrale de la Terreur.

c. Un objet rendu à son opacité ?

Cette question ne cesse précisément d’être présente au cœur des programmes de l’enseignement secondaire, pérennisant depuis 1995 une dichotomie entre 1789 et 1793 qui trouve ainsi une nouvelle actualité, et soutenant à nouveau une lecture politique prédominante, sinon exclusive, de la Révolution. Cette dichotomie s’accompagne par ailleurs d’un recul, relevé dans l’historiographie même par Antoine de Bæcque à l’issue des célébrations du bicentenaire, et entérinée par les programmes de 1995, de la question des causes de la Révolution, objet rendu « à son opacité ».

2. Révolution française et histoire de France : quelle place pour l’événement ?

Il reste une dernière manière d’aborder la question de l’événement Révolution comme horizon nécessaire à une réflexion sur le découpage événementiel interne de l’événement, ce qui précisément pose problème semble-t-il (27) : celle de l’inscription de l’événement dans une chronologie et dans une synchronie plus larges. Cette question se décline selon trois modalités : le temps de la Révolution, celui de son achèvement, celui de son horizon géographique.

a. La Révolution entre temps court et temps long

L’opposition entre Albert Soboul et François Furet, cristallisée dans un premier temps autour de la question de la Terreur, se déplace progressivement vers une opposition entre une lecture courte et une lecture longue de l’événement, qui animera pour partie les débats entre ce dernier et Michel Vovelle, du bicentenaire de 1789 à celui, bien oublié des politiques, de 1792. Ce qui est en jeu ici est le potentiel d’innovation de la Révolution. À une conception qui, inscrivant la Révolution dans le temps court de la décennie révolutionnaire, privilégie l’idée de la rupture d’avec l’Ancien régime, de l’invention révolutionnaire, François Furet, par un retour à Alexis de Tocqueville, oppose une lecture longue de l’événement, étendu de Turgot à Jules Ferry (28).

Cette lecture longue conteste à la Révolution sa qualité de rupture. Elle invite, à la suite de Tocqueville, à considérer les permanences, politiques et sociales, de part et d’autre de la coupure révolutionnaire, atténuant ainsi l’impact de cette dernière. C’est une approche qui peut s’entendre de plusieurs manières : au plus près de Tocqueville se situe l’idée d’une continuité politique entre la volonté centralisatrice de la monarchie absolue et l’administration impériale, avec le Gouvernement révolutionnaire comme étape ; mais l’on peut aussi comprendre cette lecture longue comme un déplacement du moment révolutionnaire, la Révolution étant en fait accomplie dans les esprits avant 1789, les premiers mois de la Révolution inscrivant dans les faits cette révolution tout en ouvrant à une autre révolution (29) (ainsi se trouve reconstruit la continuité entre 1789 et 1793 mais sur un mode bien différent de celui de la référence au droit naturel).

b. La question de l’achèvement de la Révolution

Dans le même temps, cette lecture longue invite à une réflexion sur l’achèvement de la Révolution. Encore une question qui trouve son origine dans l’événement lui-même. Les Révolutionnaires non cessé de penser l’achèvement de la Révolution. Barnave reculait en 1791, après la fuite à Varennes et la manifestation du champ de Mars du 17 juillet, devant la déchéance du roi en expliquant que tout était accompli et qu’un pas de plus dans le chemin de la liberté et de l’égalité ne pourrait être que funeste. Les thermidoriens pensaient sortir non seulement de la Terreur (30) , mais de la Révolution elle-même par la République de l’an III. Napoléon affirmait à son tour son ambition de terminer la Révolution, après le 18-Brumaire. Le XIXe siècle n’oubliera pas cette obsession à chaque soubresaut ravivant la flamme révolutionnaire en France, de 1830 à 1871.

Dans ces conditions, l’idée que l’achèvement de la Révolution puisse se trouver dans la République, instaurée comme régime définitif (ou presque) de la France entre 1871 et 1875, n’attends pas la Révolution de Turgot à Jules Ferry pour s’imposer.

C’est bien dans cette perspective, à la fois déterministe et finaliste, que s’inscrit l’écriture du récit révolutionnaire dans les manuels républicains de la IIIe République, et sur ce point les manuels catholiques ne les contredisent pas au demeurant. Les programmes du collège les plus récents n’ignorent à leur tour rien de cette perspective. Dès 1985, l’étude de la France entre 1815 et 1914 se place sous le signe du Siècle de l’achèvement républicain (31). Mais c’est alors pour rappeler que d’autres réalités, plus fondamentales, sont à prendre en compte, dans une perspective encore dominante d’histoire sociale. L’inflexion est plus nette en 1995, l’étude de cette période étant laconiquement expliquée : « L'accent est mis sur la recherche, à travers de nombreuses luttes politiques et sociales et de multiples expériences politiques, d'un régime stable, capable de satisfaire les aspirations d'une société française majoritairement atta¬chée à l'héritage révolutionnaire ». Ce que le programme de 2008 ne remet pas en cause, renforçant sur ce point comme sur d’autres une lecture très strictement politique. Au chapitre des connaissances relatives à ce thème, on trouve : « La succession rapide de régimes politiques jusqu’en 1870 est engendrée par des ruptures (révolutions, coup d’État, guerre) », pour aboutir au constat que « La victoire des républicains vers 1880 enracine solidement la IIIe République qui résiste à de graves crises. » Quant au chapitre des démarches, il n’est pas sans faire écho à ce que nous remarquions précédemment pour la Révolution, qu’une lecture politique tendait à privilégier les journées parlementaires plutôt que les journées populaires. Ce que l’on retrouvera peut-être en lisant que « L’accent est mis sur l’adhésion à la République, son œuvre législative , le rôle central du Parlement : l’exemple de l’action d’un homme politique peut servir de fil conducteur ».

c. Une exception française (32) ?

Le dernier aspect du débat ouvert entre lecture longue ou courte de l’événement Révolution réside en l’identification de l’objet dans sa singularité ou son immersion dans une réalité qui le transcende. De ce dernier point de vue, les programmes semblent bien à nouveau pencher en faveur de la lecture longue, qui tend à envisager la Révolution comme modalité spécifique du développement de la démocratie libérale en France, dans un mouvement qui touche à l’ensemble des démocraties occidentales. Ce positionnement contribue à renforcer l’intérêt porté à 1789 au détriment de 1793, sans pour autant revaloriser 1795, qui, selon Claude Nicolet (33), constitue pourtant le moment libéral de la Révolution, et à ce titre, porte en germe et la monarchie de Juillet et la synthèse républicaine de 1875.

III. L’événementiel de la Révolution

Il est temps maintenant pour nous de revenir à l’origine de notre propos, c’est-à-dire à la question difficile en termes d’enseignement de la construction d’un événementiel de la Révolution porteur d’intelligibilité de l’événement pour les élèves. Sans que l’opérationalisation des réflexions que nous allons proposer ne relèvent directement de notre compétence, nous reviendrons en appendice sur les questions soulevées, lors des échanges qui ont accompagné cette présentation, notamment par le nouveau programme de Seconde (34) .

Mais auparavant, reprenons certains de nos propos liminaires pour en étendre l’explicitation.

1. Nécessité des grands repères ?

C’est une première constante des programmes de collège en particulier, puisque c’est à ce niveau d’enseignement qu’est dévolue la principale responsabilité dans ce domaine, le programme de troisième comportant un récapitulatif de ces repères pour l’ensemble du cycle, tant en histoire qu’en géographie.

a. L’événement élémentaire

Le premier constat sera pour nous que l’établissement de repères passe, en ce qui concerne la Révolution, par ce que nous qualifierons d’événements élémentaires, c’est-à-dire des événements dont la connaissance constitue en soi leur raison d’être, indépendamment des contextes qui les ont générés. La procédure consiste bien en fait à isoler le 14-Juillet ou le 10-Août pour en construire une image qui se suffise à elle-même, la légitimité de ces choix étant orientée par l’idée que ces événements trouvent en même temps hors d’eux leur justification comme repères (35). De ce point de vue, la disparition du 10-Août dans le programme de 2008 (alors qu’il figurait dans celui de 1995) est significative. Le 14-Juillet vaut, par la prise de la Bastille, comme symbole, sans nécessité de le référer à un contexte complexe. De fait, l’événementiel de la Révolution tend à devenir de plus en plus parcellaire, un vide s’ouvrant entre septembre 1792 (proclamation de la République) et… 1799-1815 (le Consulat et l’Empire, avec comme seul repère pour cette dernière période le sacre de 1804, « patrimonialisé » depuis 1995 par le biais du tableau de David). On relèvera ici la vacuité républicaine, que cette République soit girondine, montagnarde ou directoriale. Se trouve ainsi éludée la question du rapport de continuité ou d’opposition entre 1789 et 1793.

b. Historicité ou fonction civique

C’est en ces termes que se pose la question des repères en définitive. Là encore, le maintien du 14-Juillet alors que disparaît le 10-Août relève de l’appesantissement de la dimension civique. Ce dernier ne peut prétendre à la dignité du premier, identifié lestement, et implicitement, à la fête nationale. Or n’y a-t-il pas une distorsion dans l’appréhension de cette dimension civique, bien réelle, du 14-Juillet si l’on efface derrière la prise de la Bastille la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, réelle origine de la fête nationale ? L’histoire ne risque-t-elle pas de manquer ainsi son but en se privant de sa dimension historique précisément ?

c. Mémoire et événement

On le voit, c’est bien la place de l’événement dans la mémoire nationale qui se trouve ainsi posée. Car seule cette place peut expliquer, nous semble-t-il, la toute récente évolution des programmes qui « oublie » l’une des deux journées populaires traditionnellement inscrites en regard l’une de l’autre dans l’histoire scolaire de la Révolution, depuis la IIIe République. N’est-ce pas du reste le caractère « populaire » de ces journées, avec toute l’ambiguïté que recèle cet adjectif, qui peut ainsi s’effacer ?

2. La périodisation interne comme réponse à la solution de continuité ?

L’insistance sur les grandes phases de la Révolution de 1985 à 2008 pourrait apparaître comme une réponse à la solution de continuité introduite dans le récit des événements révolutionnaires, et venir corriger une partie de notre propos précédent.

a. Les grandes phases : un continuum historique ?

On peut en effet penser, au travers des programmes de 4e à nouveau, les programmes de lycée ne revenant pas sur l’explicitation des grandes phases pour les raisons que nous avons exposées plus haut, que le découpage de l’événement en grandes phases vise à restituer la continuité qui ne peut plus être portée par le récit du manuel ou celui du professeur. Cependant, deux limites peuvent être posées à ce constat.

D’une part, les grandes phases ainsi exposées ne rendent pas compte de la question de la dynamique révolutionnaire. Autrement dit, elles peuvent conduire à juxtaposer des moments, brièvement caractérisés, sans que soit dessiner une articulation entre eux. Ces phases deviendraient alors autant d’isolats événementiels, nous ramenant à nos considérations sur les événements élémentaires formés par les repères. En effet, ni en 1995 ni en 2008 n’est posée la question de l’articulation entre ces deux grands moments, énoncés comme tels, que demeurent 1789 et 1793. Dans le dernier programme, les deux premières phases sont présentées ainsi : « 1789-1791 : l’affirmation de la souveraineté populaire, de l’égalité juridique et des libertés individuelles ; 1792-1794 : la République, la guerre et la Terreur ». Il y a bien possible solution de continuité entre ces deux phases. La première d’entre elles est explicitée en des termes qui peuvent bien ne renvoyer qu’à la seule Déclaration des droits de 1789. Et sauf a établir le lien entre souveraineté populaire et République, ce qui n’est certes pas inconcevable, les termes qui définissent le deuxième moment renvoient à un tout autre registre de vocabulaire, celui de réalités matérielles ou institutionnelles et non celui des principes et valeurs.

D’autre part, ces phases présentent en réalité bien des discontinuités. Outre la discontinuité conceptuelle déjà relevée, on constate à nouveau la béance qui marque la place de la république directoriale, ainsi que celle de l’Empire, pourtant englobé dans le libellé du sujet. Nous ne prétendons pas ici restituer les intentions effectives des auteurs, bien entendu, mais constater que la lettre des programmes n’offre guère de réponse à la question qui a motivé notre intervention présente.

b. Les figures de l’événement, le contournement de l’événement : 1789/1793



La présentation des grandes phases de la Révolution, aussi bien dans le programme de 1995 que dans celui de 2008, loin de tendre à une reconstruction logique de la dynamique de l’événement, contribue au contraire à dissoudre le sens de celui-ci. Il apparaît en effet difficile, et ce quelle que soit la réponse que l’on y apportera, de rendre compte de la Révolution sans affronter la question de l’articulation entre 1789 et 1793. Sinon, le récit de la Révolution se résorbe dans la juxtaposition de moments dont la caractérisation, assez réductrice parfois (la confusion, moins nette en 2008 il est vrai, entre République et Terreur, par exemple), ne permet pas de retisser la trame de l’événement Révolution française.

3. La « séquentiation » ou comment retrouver le sens de l’événement…

Les propositions que nous allons être amené à faire, en réponse à notre questionnement initial, doivent être comprises pour ce qu’elles sont : une participation à la réflexion sur la mise en œuvre des programmes, dans l’étroite limite de notre incompétence présente à pouvoir en mesurer le bien fondé au regard de la pratique. Nous laissons cette appréciation à nos auditeurs, plus à mêmes que nous d’évaluer la portée effective de ces quelques réflexions.

a. Construire des séquences événementielles

Notre réflexion prend ici pour point de départ les discussions que nous avons eues avec Sophie Wahnich, dans le moment de l’élaboration de son ouvrage consacré à la Longue patience du peuple dans la séquence de l’été 1792 (36).

Le problème auquel s’affronte cet ouvrage est celui de la possibilité de rendre à nouveau audible, dans l’historiographie contemporaine, les économies de la justification (37) des auteurs des massacres de Septembre 1792. Revenant sur les pas de Pierre Caron (38), en rupture avec la sidération produite dans la production scolaire notamment par l’évocation de ces massacres (les manuels républicains rejoignant sur ce point les manuels catholiques, à l’exception notable d’un manuel de l’École émancipée de 1923 (39)), l’auteur pense trouver dans la construction d’une séquence ouverte par le 20 juin 1792 et refermée par les massacres des 2 et 6 septembre (avec des effets d’écho et des prolongements dans le procès du roi), le moyen de concevoir l’impensable, et surtout un impensé de l’historiographie moderne : la compréhension de la violence alors exercée.

Sans revenir sur le détail de son argumentation, ce que nous voudrions ici retenir de la démarche est ce principe d’inscrire tel événement révolutionnaire dans ce que j’appellerai faute de mieux une ligne événementielle permettant d’organiser une séquence qui donne en dernière instance sens à ce qui pouvait en apparaître dépourvu, rendre explicable ce qui semble ne devoir relever que du registre de l’abjection, et donc incompatible avec les finalités, civique notamment, de l’enseignement de l’histoire.

b. Restituer la densité historique de l’événement

Il nous semble que le recours à une telle démarche, indépendamment de l’objet auquel elle s’applique ici et qui demeure éminemment problématique pour l’enseignement, permettrait, en termes pédagogiques, de combler l’écart entre les repères, événements élémentaires, et les grandes phases, cadres généraux menacés de vacuité historique.

Je n’en prendrai qu’un seul exemple, celui de l’été 1789. Il me semble concevable de considérer deux lignes événementielles, l’une relevant des journées révolutionnaires, l’autre des journées parlementaires (40). La première conduit du 12 juillet 1789 (brûlement des barrières de l’octroi) aux 5 et 6 octobre 1789, en passant par les 13 et 14 juillet, la révolution municipale et la Grande peur. La seconde s’ouvre avec le 17 juin 1789 (formation de l’Assemblée nationale) et se prolonge par les 20 et 23 juin, 9 juillet, 4 et 26 août, jusqu’au 11 septembre (vote sur le veto royal). Le point de croisement de ces deux lignes est au 14 juillet 1789, journée que Jules Isaac proclamait celle par laquelle « Le peuple de Paris sauva l'Assemblée menacée, et son intervention assura le triomphe de la Révolution (41)».

Au lieu d’isoler le 14-Juillet, au risque de le réifier (42) , cette double « séquentiation » nous semble au contraire de nature à restituer l’épaisseur historique de l’événement, et d’inscrire la Révolution des droits de l’homme (43) dans un horizon politique et social lui conservant sa polysémie.

Conclusion : Des Vertus pédagogiques de la Révolution

Pour conclure rapidement, je dirais que si la Révolution peut conserver des vertus pédagogiques, y compris dans une finalité civique, c’est d’abord, selon le vœu de Charles Seignobos, en demeurant véritablement historique dans son intelligibilité.

Appendice I : Réflexions sur le nouveau programme de 4e

Il ne s’agit nullement pour nous de proposer une programmation qui serait par nature bien arbitraire, puisqu’établie a priori par un enseignant n’exerçant plus en collège ou en lycée. Plus modestement, je souhaite suggérer comment les éléments de réflexion que j’ai avancés au cours de ma conférence me semblent pouvoir être réinvestis dans la réflexion préalable à l’établissement d’une telle programmation.

Mon point de départ est le suivant : d’une part, comment restituer une cohérence de lecture entre les différents moments proposés par le programme ; d’autre part comment combiner approche chronologique et approche thématique. Cela ne signifie pas adhésion sans réserve à la lettre de ces programmes, on s’en doute.

Le cadre que je retiendrais serait volontairement chronologique en première instance. Ayant conservé, malgré les années passées désormais dans l’enseignement supérieur, du moins ai-je la faiblesse de le croire, un certain sens pratique, je partirais de l’idée que sur la dizaine d’heures consacrée à la Révolution et à l’Empire, si l’on suit le cadrage du programme, huit peuvent être raisonnablement réservées au deux premiers thèmes, que nous mêleront ici (les temps forts et les fondations), le troisième thème pouvant être abordé en deux heures (que nous n’aborderons pas ici). La figure du peuple nous servira de point de départ, de fil conducteur, auquel nous raccrocherons également les femmes et l’invention de la vie politique. La logique que nous suivrions a priori serait alors la suivante : la Révolution marque l’irruption sur la scène politique de la figure du peuple, figure à la fois rhétorique, dans le discours révolutionnaire, et bel et bien présente dans l’action révolutionnaire, dans toute sa complexité (où l’on peut retrouver à la fois les femmes et les oppositions populaires à la Révolution, du partage des communaux à la Vendée). Nous sommes bien là également à la jonction avec l’invention de la vie politique, le peuple n’y étant à nouveau pas étranger (sections, sociétés populaires, comités révolutionnaires). Le découpage des séances pourrait alors se concevoir dans le cadre suivant, reprenant de manière privilégiée les deux premiers moments de la chronologie. On pourrait partir de l’affirmation de la souveraineté populaire, dans la double séquence événementielle que nous avons exposée en fin de notre conférence, de l’été 1789. Ce premier moment permettrait d’introduire l’égalité juridique et les libertés individuelles, et de poser leur traduction institutionnelle, à la fois dans la Déclaration des droits, dans la Constitution de 1791 et dans la constitution civile du clergé, si l’on veut ratisser large (et toucher à un autre thème d’étude). Le deuxième moment pourrait alors être introduit par une séquence conduisant du 20 avril 1792 (déclaration de guerre au roi de Bohème et de Hongrie) au 21 janvier 1793 (exécution du roi), permettant de combiner guerre et République, tout en assurant, par la souveraineté populaire, le lien avec le premier moment. Ensuite de quoi, la guerre et la Terreur, introduite par la séquence événementielle de mars à septembre 1793, peuvent faire rejouer la question de l’égalité et celle des libertés individuelles.

Je n’irai pas plus avant dans cette voie ; il serait imprudent de ma part de m’aventurer à suggérer un découpage chiffré qui aurait toutes les chances de paraître irréaliste.

Appendice II : Réflexions sur le nouveau programme de Seconde

Le temps imparti à la Révolution dans le programme de Seconde peut-être estimé également à environ 8h. Moins encore que pour le programme de 4e, il ne peut s’agir pour nous de faire des propositions de programmation. En revanche, il nous paraît possible de suggérer une réflexion sur l’articulation entre le particulier et le général, afin de pouvoir aborder la question donnée comme centrale, celle de la liberté. Nous voudrions proposer ici une démarche qui partirait d’une situation locale, propre à rendre compte d’une réalité souvent écartée de l’enseignement, que la France de la Révolution demeure essentiellement rurale. On pourrait alors partir de la situation de la communauté villageoise, telle qu’existante dans les grandes terres céréalières du bassin parisien et de ses marges par exemple. Il serait alors possible, nous semble-t-il, de mettre en perspective la constitution traditionnelle de la communauté, ses rapports au seigneur, les contradictions qui la traversent, avant de la voir à l’œuvre lors de la rédaction des cahiers, introduisant au lien avec la France urbaine, lien que l’on pourrait retrouver ensuite dans le rapport entre journées révolutionnaires urbaines et mouvements dans les campagnes, passant ainsi du particulier au général.

J’ai conscience d’être ici particulièrement elliptique. Mais je n’entendais que rendre compte d’une discussion amorcée lors de la journée du 13 avril avec des collègues enseignant en lycée.

Bibliographie indicative :

I- Synthèses

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BERTAUD Jean-Paul, Le Consulat et l’Empire : 1799-1815, Paris, A. Colin, 1989.

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FURET François, La Révolution, I : 1770-1814, II :1814-1880, 2 vol., Paris, Hachette Littératures, « Pluriel », 1988.

FURET François, RICHET Denis, La Révolution française, 2 vol., Paris, Hachette, 1965-1966, rééd. 1973.

GODECHOT Jacques, Les Révolutions (1770-1799), Paris, PUF, « Nouvelle Clio », t. 36, 1963.

JESSENNE Jean-Pierre, Histoire de la France : Révolution et Empire 1783-1815, Paris, Hachette Supérieur, « Carré histoire », 1993.

LEFEBVRE Georges, La Révolution française, 7e édition revue et augmentée, Paris, PUF, 1989 (1re éd. collection « Peuples et Civilisations », 1930).

MARTIN Jean-Clément, La Révolution française : étapes, bilans et conséquences, Paris, Seuil, « mémo-histoire », 1996.

SOBOUL Albert, La Révolution française, Paris, Gallimard, « TEL », 1984 (édition revue et augmentée du Précis d’histoire de la Révolution française, 1975).

VOVELLE Michel, L’Etat de la France pendant la Révolution (1789-1799), Paris, La Découverte, 1988.

VOVELLE Michel, La Révolution française(1789-1799),Paris, Armand Colin, « Cursus », 2003 (1re éd. 1992).

II- Ouvrages thématiques

1°- Réflexions critiques

FURET François, La Révolution française en débat, Gallimard/Débat, « Folio/histoire », 1999.

FURET François, Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, « Folio », 1992 (1re éd. 1978).

GERARD Alice, La Révolution française, mythes et interprétations 1789-1970, Paris, Flammarion, « Questions d’histoire », 1970.

SOLE Jacques, La Révolution en questions, Paris, Seuil, « Point Histoire », 1988.

SURATTEAU Jean-René, La Révolution française. Certitudes et controverses, Paris, PUF, « Dossier Clio », 1973.

2°- Sujets particuliers

BERTAUD Jean-Paul, 1799 : Bonaparte prend le pouvoir : le 18 brumaire, la République meurt-elle assassinée ?, Bruxelles, Complexe, 2000.

BERTAUD Jean-Paul, Les Causes de la Révolution française, Paris, A. Colin, 1992.

BRUNEL Françoise, Thermidor, la chute de Robespierre, Paris, Complexe, 1989.

CARON Pierre, Les Massacres de Septembre, Paris, 1935.

LEFEBVRE Georges, La Grande peur de 1789, A. Colin, 1932.

MARTIN Jean-Clément, Contre-Révolution, Révolution et Nation en France 1789-1799, Paris, Seuil, « Points histoire », 1998.

OZOUF Mona, Varennes, la mort de la royauté 21 juin 1791, Gallimard, « les journées qui ont fait la France », 2005.

REINHARD Marcel, 10 Août 1792. La chute de la royauté, Paris, Gallimard, 1969.

III- Recueils de textes (par ordre chronologique)

SOBOUL Albert, Saint-just. Discours et rapports, Paris, Éditions sociales, 1957.

VOILLIARD O., CABOURDIN G., DREYFUS F., MARX R., Documents d’histoire contemporaine, t. 1, 1776-1850, Paris, A. Colin, « U », 1964.

BACZKO Bronislaw, Une éducation pour la démocratie : textes et projets de l’époque révolutionnaire, Paris, Garnier-Frères, 1982.

CHAUSSINAND-NOGARET Guy, Mirabeau entre le roi et la Révolution, Paris, Hachette, « Pluriel », 1988.

JAUME Lucien, Les Déclarations des droits de l’homme, Paris, Garnier-Flammarion, 1989.

BOSC Yannick, WAHNICH Sophie, Les Voix de la Révolution : projets pour la démocratie, Paris, La Documentation française, 1990.

ROBESPIERRE, Pour le bonheur et la liberté. Discours, présentés par Yannick Bosc, Florence Gauthier et Sophie Wahnich, La Fabrique, 2000.

IV- Documentation pédagogique

AGULHON Maurice, OULMONT Philippe, Nation, Patrie, patriotisme, Paris, Documentation française, « Documentation photographique », dossier, 1993.

CREPIN Annie, BOULANGER Philippe, Le Soldat citoyen, Paris, Documentation française, « Documentation photographique », dossier, 2001.

DEMIER Francis, La France 1814-1851, Paris, Documentation française, « Documentation photographique », dossier, 1996.

GAUTHIER Florence, La Révolution des droits de l’homme et du citoyen, Paris, La Documentation française, «La Documentation photographique» n°6098, 1988.

PHAM Gisèle, La Révolution de 1789 et l’Empire, Lyon, CRDP, «Suggestions collège-lycée», 1989. Nicole Lautier, À La Rencontre de l’histoire, Villeneuve-d’Ascq, Presses du Septentrion, 1997.

Notes

Cette conférence a été présentée à Reims, le 13 avril 2012.

(1) Nicole Lautier, À La Rencontre de l’histoire, Villeneuve-d’Ascq, Presses du Septentrion, 1997.

(2) René Deleplace, Rugby de mouvement, rugby total, Paris, 1979.

(3) Marc Deleplace, « Le récit comme accès à la connaissance historique. Réflexions didactiques sur le récit historique », Pratiques, no 133-134, juin 2007, p. 33-53.

(4) Publié en réponse aux attentes nées de la réforme du 31 mai 1902, ce manuel s’inscrit explicitement, dès sa première édition, dans la continuité du projet méthodologique développé autour de la Revue historique depuis 1876.

(5) Jacques Rancière, Les Noms de l’histoire. Essai de poétique du savoir, Paris, 1992, qui en attribue la paternité à Jules Michelet.

(6) Apportant ainsi en quelque sorte une réponse lointaine aux interrogations de Charles Seignobos relativement à l’enseignement secondaire : « Quelle place doit-on faire aux noms propres et aux dates ? », « Dans l'exposition de chaque période doit-on suivre un ordre chronologique, géographique ou logique ? », dans l’appendice I de l’Introduction aux études historiques de 1898, texte peu connu et peu cité au contraire de l’ouvrage qui le contient, mais dont les questions n’ont pas toutes perdues de leur actualité au regard de la réflexion didactique contemporaine.

(7) Ministère de l’éducation nationale de la jeunesse et des sports, Direction des lycées et collèges, Histoire, géographie, initiation économique, classes des collèges, 6e, 5e, 4e, 3e, Paris, Centre national de la documentation pédagogique, 1989.

(8) Ministère de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, Enseigner au collège. Histoire, géographie, éducation civique. Programmes et accompagnement, Centre national de la documentation pédagogique, 1998.

(9) Op. cit., p. 46.

(10) Expression employée par Michel Vovelle au cours d’une conférence prononcée à la demande des auteurs du nouveau manuel de Seconde des éditions Hatier en 2001.

(11) Ministère de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, Enseigner au collège. Histoire, géographie, éducation civique. Programmes et accompagnement, Centre national de la documentation pédagogique, 1998, p. 85. Pour une analyse plus détaillée, voir Marc Deleplace, « On n’enseigne plus la Révolution française à vos enfants ! », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no 93, octobre-décembre 2004, p. 13-29 et sur notre site.

(12) Souligné dans le programme. Nous reviendrons plus loin à la fois sur la manière dont la question de l’événementiel de la Révolution peut malgré tout se poser dans ce cadre très contraint, et sur le sens de ce dernier énoncé.

(13) Marc Deleplace, « On n’enseigne plus la Révolution française à vos enfants ! », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, no 93, octobre-décembre 2004, p. 13-29, et sur notre site.

(14) Antoine Prost, Douze Leçons sur l’histoire, Paris, Seuil, 1996.

(15) Suzanne Citron , Le Mythe national. L’histoire de France en question, Paris, Éditions ouvrières, 1987.

(16) Cours Malet-Isaac, Histoire contemporaine, Paris, Hachette, 1928, Journées de juillet p. 65-66.

(17) André ALBA. Histoire classe de 3e. Paris : Librairie Hachette, « Histoire contemporaine », 1940.

(18) En partie seulement, car la réduction de la parole de l’historien, donc du texte de la leçon, au profit des documents, relève également, et préalablement à l’évolution des programmes du reste, d’évolutions pédagogiques dans l’enseignement de l’histoire, évolutions sur lesquelles les nouveaux programmes de collège notamment invitent à revenir par un rééquilibrage au profit de la parole du maître et du récit, en opposition au « tout document », supposé la référence des pratiques antérieures.

(19) Souligné dans le programme.

(20) Remarquons que cette présentation « oublie » deux moments, dont le premier négligé de longue date : le Directoire, et l’Empire… Elle poursuit ainsi la rupture de la continuité chronologique instaurée dès 1995.

(21) Charles Seignobos, « L’enseignement de l’histoire comme instrument d’éducation politique », dans Conférences du Musée pédagogique, 1907 : « Si, de l’histoire, on a fait une matière commune à tous les élèves de l’enseignement secondaire, c’est qu’on l’a crue capable d’améliorer un genre d’intelligence et d’activité utile non à une partie seulement des élèves mais à toute la nation ».

(22) Gérard Noiriel, Qu’est-ce que l’histoire contemporaine ?, Hachette, « Carré histoire », 1998.

(23) Op. cit., p. 65.

(24) Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en révolution, Paris, PUF, 1992.

(25) Alfred Cobban The Social Interpretation of the French Revolution, Cambridge, 1964 ; François Furet, Penser la Révolution, Paris, 1978.

(26) Marc Deleplace, L’Anarchie de Mably à Proudhon, Lyon, ENS-éditions, 2001.

(27) C’est ce qui ressort d’une enquête diligentée par la Société des études robespierriste et l’Association des professeurs d’histoire-géographie en 2010, en cours de publication dans la revue Historien & géographe, 2012.

(28) François Furet, La Révolution, de Turgot à Jules Ferrry 1770-1880, Paris, 1988.

(29) François Furet, Penser la Révolution, Paris, Seuil, 1978. L’idée que la révolution était accomplie dans les esprits en 1789 se retrouve sous la plume d’Albert Malet, dans la première version de son manuel d’histoire en 1908.

(30) B. Baczko, Sortir de la Terreur, Paris, Gallimard, 1989.

(31) François Furet et Mona Ozouf (dir.), Le Siècle de l’avènement de la République, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 1993.

(32) Michel Vovelle (dir.), Révolution et république, une exception française ?, Paris, Kimé, 1994.

(33) Claude Nicolet, L’idée républicaine en France 1789-1924, Paris, Gallimard,1982. Idée soutenue également par Pierre Serna, La République des girouettes, Paris, Champ Vallon, 2005.

(34) Signalons à ce propos que la publication dont nous avons parlé précédemment dans Historien & géographe comportera deux contributions consacrées à la mise en œuvre des programmes de 4e et Seconde.

(35) Lesquels sont ici, à nouveau, autant, sinon davantage, civiques qu’historiques.

(36) Sophie Wahnich, La Longue patience du peuple, Paris, Payot, 2008.

(37) Expression empruntée à L. Boltanski, L. Thévenot, De La Justification. Les économies de la grandeur. Paris : Gallimard, « NRF Essais », 1991.

(38) Pierre Caron, Les Massacres de Septembre, Paris, 1935.

(39) Nouvelle histoire de la France par un groupe d’instituteurs et de professeurs de la Fédération de l’enseignement, cours moyen, certificat d’études, Quimper, Éditions de « L’école émancipée », 1923.

(40) Notre réflexion est ici inspirée des analyses auxquelles nous a conduit l’enquête réalisée pour la SER et l’APHG.

(41) Op. cit., p. 65.

(42) Nous utilisons ce terme en référence à Daniel Milo, Trahir le temps, Paris, Les Belles Lettres, 1991.

(43) Titre de l’ouvrage de Marcel Gauchet paru en 1989.

Marc Deleplace, "Révolution française et événement", Révolution Française.net, Juin 2012, http://revolution-francaise.net/2012/06/15/488-revolution-francaise-et-evenement-marc-deleplace